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Le Comité Action Palestine édite chaque année un calendrier rassemblant articles et photos sur un thème particulier ; il a été consacré en 2013 à « La Palestine arabe ». Nous publierons mois après mois les articles de ce calendrier. Le premier texte traite : » Du déni d’existence de la Palestine au projet d’épuration ethnique ».

« La grande victoire du sionisme, c’est d’avoir transformé le ‘problème juif’ en ‘question arabe’ » (Ben Gourion)

Né au XIXème siècle en Europe centrale, le sionisme a d’abord été la réaction nationaliste d’une petite-bourgeoisie juive en butte à l’antisémitisme engendré par un capitalisme en crise. Longtemps privé de moyens économiques conséquents et de structuration politique, il va gagner en puissance en s’inscrivant dans la logique coloniale. En 1897, sous l’impulsion de Herzl, est créée l’Organisation Sioniste Mondiale, qui vise à coordonner l’action politique sioniste au niveau mondial, et dont l’objectif prioritaire est la création d’un Etat « exclusivement juif » en Palestine, censé régler de façon efficace le « problème juif ». Les marchandages avec le sultan de l’Empire ottoman ayant échoué (1), l’OSM va chercher des soutiens auprès de l’impérialisme occidental. Cette démarche s’avère rapidement efficace. La Grande-Bretagne et la France s’intéressent en effet au sionisme dans lequel elles voient un instrument pour imposer leur propre domination au Proche-Orient. Les accords Sykes-Picot de 1916 par lesquels se trouve planifié dans le plus grand secret le dépeçage de l’Empire ottoman, puis la Déclaration Balfour de 1917 montrent clairement la convergence des intérêts, et Léon Blum peut déclarer en 1924 que « c’est à Sion que la France doit aujourd’hui d’avoir la Syrie. C’est par l’effort du sionisme que ce but a pu êtreatteint. » Et c’est avec la bénédiction de la France et du Royaume-Uni que la grande bourgeoisie juive commence à soutenir le sionisme en finançant la colonisation juive en Palestine. A cet effet est créé en 1901, lors du 4ème Congrès sioniste de Londres, le Fonds national juif. Les bases économiques du futur Etat sioniste sont désormais posées.

Ainsi, c’est par cette jonction de l’impérialisme et de la finance juive que peut s’opérer la métamorphose du « problème juif » en « question arabe ». Totalement absents des calculs d’épiciers de la Grande-Bretagne et de la France, inexistants dans l’emblématique ouvrage de Herzl qui ne les nomme jamais, les Arabes palestiniens vont apparaître dans la réalisation effective du plan comme l’obstacle à éliminer, les empêcheurs de coloniser en rond. Réactionnaire par essence, le sionisme exprime de façon spectaculaire l’arrogance propre au racisme occidental : les Arabes ne méritent pas qu’on se soucie d’eux, sauf quand il s’agit de savoir comment s’en débarrasser. A la suite du projet de partition proposé par la Commission Peel en 1937, l’Agence juive, organe exécutif de l’OSM, nomme un « comité de transfert de la population » destiné à organiser le nettoyage ethnique de la Palestine. Weitz, directeur du Fonds National Juif, qui travaille avec le comité de transfert, déclare en 1940 « Jusqu’ici l’entreprise sioniste a fait du bon travail en préparant la création de l’Etat hébreu. Jusqu’ici on pouvait se contenter d’acquérir des terres, mais ce n’est pas cela qui fondera l’Etat d’Israël. Cela doit se faire d’un seul coup, comme la Rédemption. Et il n’y a pas d’autre moyen que de transférer les Arabes d’ici vers les pays voisins. Nous n’atteindrons pas notre but s’il y a des Arabes dans ce petit pays. Il n’y a pas d’autre issue que de transférer les Palestiniens d’ici dans les pays avoisinants, de les transférer tous. Il ne doit pas rester un seul village, une seule tribu ». Il est clair que l’expulsion manu militari –gentiment appelée transfert- des Palestiniens doit permettre d’évacuer la terre cultivée par eux et la « libérer » pour la colonisation juive. Ce qui implique de faire venir des juifs des quatre coins du monde, non seulement pour peupler le futur Etat, mais pour constituer une réserve militaire capable de faire face à la « menace arabe ». Le critère de la pureté ethnique, mis en avant par les sionistes au nom de la « souffrance juive » sert en réalité à justifier une négation typiquement coloniale : celle de l’existence des Palestiniens en tant que peuple arabe vivant en Palestine. L’usage du terrorisme pour faire main basse sur la Palestine et qui conduira à la Naqba en 1948 s’accompagne ainsi de toute une mythologie présentant la création de l’Etat sioniste comme une création ex nihilo, sur une terre vide de civilisation, « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ».

Puissant instrument du mouvement sioniste en ce qu’il donne au vol continué de la terre palestinienne et au racisme anti-arabe une forme légale, expression exacerbée de l’impérialisme occidental, l’Etat d’Israël s’est ainsi construit sur une dépossession programmée. Mais son acharnement à effacer de l’histoire ses origines criminelles est un aveu d’échec implicite. L’entité sioniste n’a aucun avenir dans la région.

(1) Herzl avait proposé au sultan de racheter les dettes de l’empire ottoman en échange de la cession de la Palestine.

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