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publié: Sat, 07-Nov-2009
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Il est des défis difficiles à relever mais qui, lorsque c’est le cas, mettent suffisamment de musique dans la tête pour faire chanter le monde. C’est une gageure de vouloir remplir une salle de concert dont l’entrée est payante, alors que tout autour des animations musicales gratuites attirent le chaland ; c’en est une également de vouloir remplir ladite salle autour d’un thème militant, le soutien à la résistance du peuple palestinien, alors que le contexte général ambiant fait plutôt l’apologie du consensus mou et du pacifisme béni oui-oui ; c’en est une enfin de réunir des gens de 7 à 77 ans -ce n’est pas une formule- et de leur faire ensemble lever le poing sur des rythmes de rap. Pourtant, largement aidé en cela par deux groupes locaux, Fils du béton et Khalifrat, et par les lillois du MAP (Ministère des Affaires Populaires), le Comité Action Palestine, au soir du 20 juin 2009, pouvait estimer que le pari était gagné. Voir se dresser un drapeau palestinien sur une des scènes majeures des spectacles bordelais est une chose rare, et ce fut une façon de conclure symboliquement et festivement une semaine de conférences-débats intitulée « Forum Palestine ».

S’il faut savoir se réjouir du fait que certains arrivent à dépasser leurs préjugés et leurs différences -de goûts musicaux en l’occurrence- pour en commun participer à un concert qui arrive à transcender leurs particularités, force est de constater que beaucoup d’autres se complaisent dans leur isolement idéologique et leur suffisance improductive. Si les bancs des différentes conférences étaient suffisamment garnis, on pouvait généralement noter l’absence des militants de gauche et d’extrême-gauche, ainsi que celle des associations de défense de la cause palestinienne. Une chose étrange que ces gens qui prônent le boycott des produits israéliens, mais qui boycottent surtout toute forme de soutien à la résistance palestinienne… Peut-être faudra-t-il inviter des Israéliens pour les voir un jour se déplacer. A moins qu’ils ne s’en chargent eux-mêmes. Les absents ont toujours tort, dit-on.

Était-ce avoir raison, en effet, que de ne pas entendre le journaliste-écrivain Michel Collon évoquer l’impérialisme au Moyen-Orient ? Les journalistes, militants et intellectuels locaux estimaient-ils en savoir autant que lui, et être capables d’analyser le contexte géopolitique mondial sous l’angle de la production de pétrole, d’une manière aussi pertinente ? Si c’est le cas, tant mieux, mais il y a fort à parier que le public attentif de cette première conférence est maintenant mieux informé que ceux qui sont censés parler à sa place. Un texte est souvent aussi intéressant pour ce qu’il dit que pour ce qu’il ne dit pas. De la même façon, le public d’une conférence est significatif par ses présents comme pour ses absents. Organiser une conférence sur un des problèmes majeurs de l’actualité dans un lieu -l’Université de Bordeaux II- où déambulent des professeurs d’ethnologie, de sociologie et autres sciences (in)humaines, et constater que lesdits pontes pontifiants ne daignent pas prêter le lobe d’une oreille à ce qui se dit à quelques mètres d’eux, en dit long précisément sur l’état de l’intellectualité en France.

Est-ce trop demander à des militants de la cause palestinienne de venir écouter des Palestiniennes lorsque l’occasion leur en est donnée ? Lorsque Raghida Ousseiran raconte la résistance palestinienne, ou que Fida Abu Ata évoque la nature de la société coloniale israélienne, qu’est-ce qui fait peur à ces militants ? Les mots employés ? Sont-ils trop crus, trop peu consensuels ? Si les signes vous fâchent, ô combien vous fâcheront les choses signifiées, écrivait Rabelais. Heureusement que la Palestine est loin de chez eux… On défend prétendument la cause palestinienne, mais on s’en détourne délibérément lorsque ce sont des Palestiniennes qui causent. Et où sont ces féministes qui considèrent que les femmes sont bafouées en terre d’Islam, et qu’elles ne peuvent s’exprimer ? A croire que pour être digne d’intérêt, le discours féminin doit se contenter de dénoncer le voile et la burqâ.

Qu’est-ce que le colonialisme ? Le colonialisme ? Mais tout le monde sait de quoi il s’agit. Quelque chose de pas très bien, mais qui peut comporter des aspects positifs, bien sûr cela fait débat, mais n’en débattons pas pour autant, demain j’ai piscine… Les militants anti-colonialisme n’auront pas entendu les interventions du chercheur-philosophe Mohamed Tahar Bensaada et de la marxiste belge Nadine Rosa Rosso. Tant pis pour eux. Et tant mieux pour le large public présent qui aura écouté autre chose que ce que diffuse la propagande médiatique habituelle.

S’il est des mots qui font peur, il en est de même pour certaines personnes. Quand des gens que l’on ne comprend pas nous font peur, on ne se bat pas pour eux, et encore moins avec eux. On ne se déplace donc pas pour écouter Saïd Bouamama parler des minorités issues de la colonisation (Vous savez, les jeunes des quartiers !), et de leur soutien à la cause palestinienne. Et pourtant, l’analyse limpide et clairvoyante du sociologue n’était pas de celle dont on nous abreuve dans les débats et journaux télévisés. Les présents pourront maintenant en témoigner.

Certes, il fallait se lever un peu tôt pour assister un samedi matin à un petit-déjeuner, en présence du même saïd Bouamama et de Sadri Khiari, autour du thème des effets de la colonisation sur la société française. Et beaucoup se levèrent tôt pour entendre des paroles percutantes, des réactions indignées et parfois choquantes (dont un classique « s’ils ne sont pas contents, qu’ils retournent chez eux… »), des interventions vivantes, contradictoires et contrastées, bref, tout ce qui fait que des individus, malgré leurs désaccords, se rencontrent malgré tout. Ce fut une semaine riche en paroles nouvelles, en idées non reçues, en débats passionnés. S’il est à regretter -ou peut-être pas- l’absence de ceux que l’on aurait pu s’attendre à y voir, force est de constater que lorsqu’on se donne la peine de proposer au public des débats exigeants et inhabituels, beaucoup fournissent l’effort de se déplacer. Tous ne sont donc pas complètement perdus dans notre société mollassonne et idéologiquement contrôlée. Une fois de plus, cette semaine de débats a montré combien il était important pour les forces propalestiniennes de mener un combat idéologique permanent dans une France dont les dirigeants sont entièrement acquis aux intérêts sionistes. De ce point de vue-là, le « Forum Palestine » fut une réussite indéniable.

Comité Action Palestine

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