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La purification ethnique continue et Israël veut vous la faire accepter

Interview d’Ilan Pappé réalisée par Emanuela Irace et publiée dans Il Manifesto, le 23 décembre 2007.

Après 60 ans, de plus en plus de voix s’élèvent pour affirmer que les fondements de l’Etat d’Israël reposent sur un processus d’épuration ethnique des Palestiniens. Ces déclarations sont fondées sur des faits scientifiquement établis.

Ilan Pappé, historien juif, né en Israël, est l’une de ces voix. Il déclare notamment : « Israël est un projet colonial qui pratiqua l’épuration ethnique, en affrontant de façon anticipée le problème démographique » et « l’épuration ethnique continue aujourd’hui avec des systèmes plus propres et plus présentables ».

Bien que le Comité Action Palestine ne partage pas la perspective de l’auteur de cet article « d’un Etat pour deux peuples », puisque la question est d’abord celle de la libération de cette terre du joug colonial, et de l’autodétermination du peuple autochtone, il nous semble important, en cette année du soixantième anniversaire de la Nakba, de rapporter les propos de ceux qui disent clairement les faits.


Professeur Pappé, vous décrivez l’épuration ethnique comme moment constitutif, en 1948, de l’Etat d’Israël. Vous brisez de cette façon le topos de l’exode volontaire des Palestiniens.

En 47-48, les Palestiniens ont été expulsés, même si l’historiographie officielle parle de pressions des leaders arabes qui les auraient persuadés de s’enfuir. L’idée de trouver un refuge pour la communauté juive, persécutée en Europe et anéantie par le nazisme, se heurta à une population autochtone qui était en phase de redéfinition. Projet colonial qui pratiqua l’épuration ethnique, en affrontant de façon anticipée le problème démographique : l’existence de 600.000 juifs contre un million de Palestiniens. Avant que les arabes ne décident en février 1948 de s’y opposer militairement, les Israéliens avaient déjà chassé plus de 300.000 autochtones.

Comment se réalisa la purification ethnique et pourquoi tout le monde s’est-il tu ?

Cela eut lieu en l’espace de huit mois, et ce n’est qu’en octobre 48 que les Palestiniens commencèrent vraiment à se défendre. La riposte des sionistes fut les massacres dans la province de Galilée, la confiscation des maisons, des comptes bancaires, de la terre. Les Israéliens effacèrent un peuple et sa culture. Personne ne dénonça ce qui se passait parce que la Guerre était finie depuis peu. Les Nations Unies ne pouvaient pas admettre qu’une de leurs résolutions (la 181, sur la partition de la Palestine, NDR) se conclut avec une épuration ethnique. La Croix-Rouge avait déjà été accusée de n’avoir pas rapporté avec objectivité ce qui se passait dans les camps de concentration nazis, et les principaux médias ne voulaient pas avoir d’affrontement avec les juifs.

Un sentiment de culpabilité et une « diplomatie », dans l’action des gouvernements, avec quelles conséquences ?

Pendant l’Holocauste, les pays qui aujourd’hui condamnent Israël, ou étaient connivents, ou sont restés silencieux. C’est pour ces motifs que la communauté internationale a abdiqué devant son droit de nous juger. On lui fait endosser une faute à laquelle elle ne peut plus remédier. En perdant ainsi, aujourd’hui encore, le droit de critiquer le gouvernement d’Israël. La conséquence est que quand naquit l’Etat, personne ne lui reprocha l’épuration ethnique sur laquelle il s’était fondé, un crime contre l’humanité commis par ceux qui la planifièrent et la réalisèrent. Dès ce moment-là, l’épuration ethnique devint une idéologie, un ornement infrastructurel de l’Etat. Discours toujours valide aujourd’hui, parce que le premier objectif reste démographique : obtenir la plus grande quantité de terre avec le plus petit nombre d’arabes.

Sous quelles formes et par quels moyens l’épuration ethnique continue-t-elle ?

Avec des systèmes plus « propres et présentables ». Depuis un mois le Ministre de la Justice essaie de légitimer les implantations illégales des colons en laissant intacts les avant-postes. Nous savons que la Haute Cour de Justice est en train de décider si elle doit autoriser le gouvernement à réduire les stocks de carburant, en supprimant l’énergie électrique à Gaza, où vivent un million de Palestiniens qui se retrouveraient sans possibilité de boire de l’eau, parce que la nappe phréatique est polluée par les égouts, et que seul un système de dépuration électrique peut la rendre potable. Mais de ces exemples pour anéantir les Palestiniens il y en a des dizaines, à commencer par le mur, qui est accepté par les Usa et l’Union Européenne.

Qu’est-ce qu’Israël demande à ses alliés ?

Que son modèle soit accepté tel quel. Pendant la guerre de 1967, 300 000 Palestiniens ont été expulsés de Cisjordanie ; pendant ces sept dernières années, la purification ethnique est devenue « construction du mur », qui repousse les Palestiniens vers le désert, hors de la zone assignée du Grand Jérusalem. Le problème est que les dirigeant israéliens conçoivent leur Etat en termes ethniques, raciaux, et sont donc des racistes à tous points de vue. Et cela est perçu par les Palestiniens ; et c’est le plus grand obstacle sur la voie d’une paix entre la Palestine et Israël. Ce qui est appelé « processus de paix » se réduit à : quelle part de la Palestine faut-il de nouveau annexer à Israël et quelle part, très petite, peut-on, éventuellement, donner au peuple palestinien.

Que peut-on faire pour inverser ce processus ?

Avant tout changer notre langage. Il ne s’agit pas d’un affrontement entre juifs et Palestiniens. C’est du colonialisme. Et c’est incroyable qu’au 21ème siècle on puisse encore accepter une politique coloniale. Il faut imposer à Israël les mêmes mesures qu’on avait employées contre le gouvernement raciste de l’Afrique du Sud, dans les années 60-70. Il existe aujourd’hui des mouvements d’opinion de jeunes juifs, en Europe et aux Usa, qui dénoncent la politique colonialiste et critiquent Israël en tant qu’état colonialiste et raciste, pas en tant qu’état fondé par des juifs.

La législation française (et d’autres pays européens) met des restrictions au droit d’exprimer des opinions « révisionnistes » à l’égard d’Israël, mais ne prend pas position pour l’application systématique des résolutions de l’Onu.

J’ai eu une expérience de ce genre il y a deux ans environ. Ma conférence fut interrompue par un groupe d’extrémistes, juifs comme moi, qui m’empêchèrent de continuer. La police arriva, pour me protéger d’eux, pas pour m’accuser. Quant au silence, il est beaucoup plus commode pour les gens de penser de façon conventionnelle. Il faut avoir beaucoup d’énergie et d’originalité pour agir autrement. La Résolution 194, par exemple, établit que les réfugiés palestiniens ont le droit de retourner sur leurs terres. Mais c’est plus facile de ne rien faire et de continuer à penser avec les mêmes formules.

Est-ce que ce sont pour les mêmes raisons que la gauche italienne continue à proposer le modèle « deux peuples deux états » ?

Il est certain que la gauche italienne n’est pas courageuse. Mais elle devra changer, par force, parce que la situation sur le terrain devient catastrophique. Si Israël envahit Gaza, comme c’est dans l’ordre actuel des choses, ils tueront énormément de Palestiniens et pourtant ils ne changeront pas la réalité. Gaza est une grande prison, et il arrivera ce qui se passe dans les révoltes des prisons : l’armée rétablira « ordre et propreté », avec des coups et des tueries. Ce sera un massacre mais, quand ils repartiront, la situation sera toujours la même.

Quels résultats pourraient par contre donner la solution des deux peuples à l’intérieur d’un état unique ?

Il est nécessaire que les populations s’acceptent, que les juifs reconnaissent leurs frères et voisins arabes et vice versa. Après avoir reconnu l’histoire pour ce qu’elle est et après avoir assumé chacun ses propres responsabilités. Reconnaissance, responsabilité et acceptation. En suivant cette voie on pourra arriver à un état unique, où compte le principe « un homme une voix » et où les citoyens, même s’ils ne s’aiment pas, pourront cohabiter. C’est un projet qu’on peut atteindre si on continue à critiquer et à empêcher les crimes qui continuent à être commis par Israël, et si l’on poursuit la campagne de désinvestissement (BDS : Boycott, Désinvestissement, Sanctions, NdT), comme ça a été le cas en Afrique du Sud.

Ilan Pappé

Interview réalisée par Emanuela Irace.
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio et publié sur info-palestine.net

PS: Ilan Pappé est arrivé en Italie sans tambours ni trompettes. Hôte de l’Iesmavo (Master Enrico Mattei per il Medio Oriente , NdT), au siège de l’Isiao de Rome (Institut italien pour l’Afrique et l’Orient http://www.isiao.it/, NdT) pour une conférence sur « Israël-Palestine, une terre deux peuples ». Après avoir dénoncé ces derniers mois l’impossibilité de travailler sereinement dans une atmosphère hostile, celle de son université de Haïfa, Pappé est parti en Grande-Bretagne, où il enseigne maintenant à l’université d’Exeter. Historien du non consensus, « révisionniste », il est né en Israël en 1954, de parents juifs qui avaient fui l’Allemagne des années 30 ; il a publié une demi-douzaine de livres. Parmi les plus récents, « The ethnic cleansing of Palestine », non encore traduit en italien. Au centre de l’analyse du grand historien, la politique sioniste de déportations et d’expulsions de palestiniens réalisées pendant et après la guerre de 1948, quand environ 400 villages furent vidés, effacés et détruits au cours des cinq années qui suivirent.




Conférence-débat avec François Burgat – Compte-rendu

Le Comité Action Palestine a organisé le 4 octobre 2007 une conférence débat avec François Burgat sur le thème : « La Palestine et les Médias ou l’Islamophobie au Service de l’Occupation Israélienne « . Voir la présentation de la soirée .

Nous tenons à remercier François Burgat tout d’abord mais aussi tous ceux qui ont assisté à cet évènement ainsi que le radio la « La clé des Ondes » qui a enregistré l’évènement et qui met cet enregistrement à notre disposition (voir plus bas pour télécharger l’intervention).

Pour ceux qui n’étaient pas là et pour vous donner envie d’en savoir plus voici un bref résumé de cette conférence.

François Burgat est politologue et directeur de recherche au CNRS (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, CNRS). Il est l’auteur de plusieurs essais dont L’Islamisme en face (La Découverte, 1995 2002 et réédition augmentée sous presse) et L’islamisme à l’heure d’Al-Qaïda (2005, Editions La Découverte).

Lors de cette conférence consacrée à l’attitude des médias français vis-à-vis de la question palestinienne, F.Burgat s’est employé à démonter le processus par lequel une information française particulièrement israléo centrée réussit à parer la répression du Hamas (et avec lui celle de tout le peuple palestinien) des vertus d’une lutte pour l’émancipation de la société ou de la femme palestiniennes ou d’une quelconque défense des « valeurs de la modernité ». Le processus n’est pas sans rappeler la rhétorique des autorités coloniales qui présentaient dans les années cinquante le maintien de la présence française en Algérie comme une garantie de protection des libertés féminines. C’est en ce sens que l’on peut dire que les grands médias audio visuels français et européens parviennent en quelque sorte à faire prendre au grand public « des vessies dominatrices pour des lumières émancipatrices « .

Les pratiques de la domination israélienne, masquées sous une communication « de paix » qui est aux antipodes de la réalité des avancées constantes de l’occupation militaire prennent appui pour légitimer leur intransigeance sur la criminalisation indistincte de toute la génération politique « islamiste »‘. Le choix massif des Palestiniens lors des législatives de 2006 a pourtant montré que, en politique, cette sémantique « islamique » – à Gaza comme dans bon nombre d’autres pays de la région – a une portée identitaire bien plus large que celle d’une affirmation strictement religieuse. Tout en prétendant défendre la femme palestinienne contre le machisme de ses pères, fils et époux, la machine de guerre israélienne n’en déploit pas moins contre la société toute entière (femmes incluses !) une violence économique, politique et militaire sans limite.

Si ce tour de passe passe mortifère s’opère avec tant de facilité, c’est que les médias surfent sur l’incapacité de la classe intellectuelle et politique française de produire ou d’accepter une vision rationnelle de la la génération islamiste. Ce décrochage intellectuel n’est pas l’apanage des médias, il est inhérent à toute la société occidentale, recroquevillée sur son identité et donc dans l’incapacité d’admettre les aspects universels d’une culture autre que la sienne.

La conférence a été suivie d’un débat avec le politologue qui a répondu à des questions qui ont porté sur la place de la politique étrangère lors de la campagne électorale, l’importance du lobby sioniste dans les medias, l’inféodation des gouvernements arabes à l’occident et à Israël, la question du voile islamique, etc.

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Téléchargez l’intervention (cliquez à droite puis sur « enregistrez la cible sous » pour l’enregistrer sur votre ordinateur – attention, le fichier fait 76 Mo – son téléchargement peut prendre du temps)

L’intervention est enregistrée et pré-montée par Gilbert Hanna « la Clé Des Ondes « , 90.1.




La révolution « jaune » de Mahmoud Abbas et Mohammad Dahlan

le 19/11/2007 8:47:00 (741 lectures)

Article de Tony Sayegh publié le 12 novembre 2007 sur le blog Palestinian Pundit.

L’auteur y dénonce la trahison et la collaboration du « régime de Ramallah« . Il appelle les palestiniens à ne pas tomber dans le piège tendu par ceux qui se sont alliés à l’occupant israélien.


Il y a juste quelques jours, plusieurs camions ont fait leur chemin vers la bande de Gaza avec l’aide d’Israël. À bord  devaient se trouver des denrées alimentaires destinées à la population affamée. Mais lors de l’inspection la cargaison s’est avérée être 45 000 drapeaux jaunes du Fatah et un nombre égal de casquettes de base-ball avec le logo du Fatah et des kafiyyahs pour compléter l’ensemble.

Le Hamas aurait pu confisquer ces stocks, puisqu’il a compris ce à quoi ils étaient destinés. Mais il a décidé de laissé le Fatah recevoir les objets prévus pour un rassemblement de masse coloré en jaune contre le Hamas. Le prétexte invoqué était le troisième anniversaire de la mort d’Arafat.

Deux observations doivent être faites. Ces deux dernières années, alors que le Fatah contrôlait la bande de Gaza, rien de comparable n’a été organisé pour la mémoire d’Arafat. La seconde remarque est que ce rassemblement était prévu comme devant être beaucoup plus important que tous les rassemblements organisés en Cisjordanie qu’Abbas et ses milices continuent de contrôler.

Il faut mettre au crédit du Hamas d’avoir autorisé le rassemblement, alors qu’il est totalement interdit au Hamas de tenir même un rassemblement de vingt personnes en Cisjordanie. Au moment où les partisans du Hamas ont voulu organiser une petite protestation à l’université d’Al-Najah dans Naplouse, ils ont été tabassés par les sbires d’Abbas, certains ont été emprisonnés et beaucoup d’entre eux ont été expulsés de l’université.

Le rassemblement de Gaza s’était presque terminé paisiblement comme cela avait été convenu avec la police. Mais ce n’était pas ce qui avait été planifié. Le plan était de provoquer le Hamas et d’inciter à la violence, et c’est ce qui s’est produit. Quelques partisans des anciens seigneurs de la guerre du Fatah dans Gaza ont ouvert le feu en direction de civils et des services de sécurité du Hamas. L’idée était de provoquer la chaos et de faire porter la responsabilité du massacre sur la police de Hamas ; c’est une tactique classique US-israélienne. Plusieurs policiers du Hamas ont été blessés et six ou sept civils ont été tués.

En cet instant, il est important de prendre de la distance et d’adopter une plus large vue au lieu de blâmer de façon partisane. Dans cette plus grande perspective nous découvrons un niveau de collaboration sans précédent dans l’histoire palestinienne entre Abbas et son régime et les occupants israéliens.

Nous voyons un régime qui a déclaré comme illégale n’importe quelle résistance palestinienne à l’occupation et qui considère celle-ci comme étant du terrorisme. Nous voyons un régime dont le représentant à l’ONU avait préparé une résolution de l’ONU qui aurait eu pour effet de déclarer la plupart des Palestiniens comme terroristes et de fournir une couverture légale aux massacres quotidiens perpétrés par Israël dans Gaza comme à une invasion totale de ce territoire.

Le mensonge de ce régime dans Ramallah est qu’il exploite la mémoire d’Arafat pour faire avancer ses propres conceptions bien qu’Arafat n’ait jamais été d’accord pour une connivence de son régime avec les occupants israéliens et avec l’abandon des droits palestiniens tel que le régime de Ramallah y est préparé à l’occasion de la réunion d’Annapolis. C’est une exploitation cynique de la mémoire d’Arafat comme d’un écran de fumée pour dissimuler la trahison d’Abbas et de sa bande.

Ce qui est bien plus méprisable est que l’équipe d’Abbas, dont fait partie Mohammad Dahlan, a été impliquée dans l’empoisonnement d’Arafat. Ceux qui aujourd’hui versent des larmes, érigent des monuments et organisent des rassemblements à la mémoire d’Arafat sont ceux-là même qui ont agi pour retirer Arafat de la scène lorsque il était devenu un obstacle aux plans américano-israéliens de liquidation de la cause palestinienne.

Ce n’est personne d’autre que Dahlan qui a écrit une lettre à Shaul Mofaz (alors ministre israélien de la défense) lui indiquant, « laissez-nous le soin de nous débarasser d’Arafat de notre propre façon. » Dahlan a reçu une formation spéciale en Grande-Bretagne pour apprendre à manipuler un poison faiblement radioactif (plausiblement du polonium) et savoir comment le présenter dans la nourriture d’Arafat. Ce poison est à action très lente et est très difficile de détecter.

Abbas, Dahlan et le reste du gang ont jusqu’à ce jour réussi à empêcher que le rapport médical au sujet de la mort d’Arafat ne soit rendu public.

Si nous prenons toujours cette plus large perspective, nous constatons que George W. Bush a personnellement exigé que Dahlan soit dans la délégation palestinienne à Annapolis. Il jouera alors un rôle primordial dans des « négociations » qui suivront sur les questions centrales. En d’autres termes il est celui à qui Bush et Israël font le plus confiance pour sacrifier tous les principaux droits palestiniens, de Jérusalem au droit au retour en passant par la fin de l’occupation.

Le moment n’est pas forcément loin où en accord avec la tradition américaine Abbas devra quitter la scène (avec du polonium ?) pour que soit installé Dahlan à sa place en tant que dictateur-en-chef palestinien.

Ce qui est en jeu pour les Palestiniens est énorme, et ce n’est rien moins que la liquidation de leurs droits pour lesquels ils ont combattu pendant 90 années. Le niveau de collaboration et de trahison de la part du régime de Ramallah est sans précédent dans l’histoire palestinienne, et le pire est à venir.

Adopter une plus large vue et voir les vrais buts cachés derrière ce qui est monté de toutes pièces devrait être le centre de l’attention de la plupart des Palestiniens. Ne soyons pas distraits et ne soyons pas aveuglés par une campagne de code de couleurs, de chaos organisé, de massacre et de revanche.

Montrons que nous sommes trop instruits, intelligents et clairvoyants pour donner dans ce panneau. Si nous tombons dans ce piège, il n’y aura aucune seconde chance et les générations futures ne nous pardonneront pas une telle stupidité et un tel manque de perspicacité.

Tony Sayegh

Traduction : APR – Info-Palestine.net 

dessin L’Etat palestinien vu par Carlos Latuff (ISM)




Interview de Ramadan Shallah, secrétaire général du Jihad islamique

le 16/11/2007 19:25:08 (1118 lectures)

 

 Ramadan ShallahDans une interview sur la chaîne al-Jazeera, diffusée le 12 novembredernier, le secrétaire général du Jihad islamique définit les traits de la période présente en montrant la vanité des espoirs de ceux qui accourent vers les propositions américano-sionistes.

« Aucun règlement n’est en vue. Il y a course entre ceux qui veulent la guerre et ceux qui la refusent ».

« Le sommet d’Annapolis a pour but de masquer l’échec américain et de préparer le camp de la modération pour une future guerre ».


(Exraits)

Ghassan B.Jeddo (al-Jazeera) : Il y a quelques jours, nous avons commémoré le 90ème anniversaire de la déclaration Balfour, et aujourd’hui, nous continuons à vivre plus dramatiquement encore ses conséquences désastreuses : une situation étrange en Palestine, avec la division des Palestiniens, la division des élites et des régimes arabes à propos des choix et des stratégies, le retour à la formation de camps antagoniques, la poursuite de la guerre israélienne contre une partie des Arabes.
Notre présent indique des complications de la situation libanaise, semblables à la grotte d’Ali Baba et les 40 voleurs, notre présent parle d’une alerte syrienne, de champs minés irakiens, d’une mobilisation iranienne, d’une inquiétude arabe, d’un rôle saoudien, de la crainte des pays du Golfe, d’une crispation américaine, d’un entêtement arabe et islamique passionné par la résistance et le refus. Et parmi les symboles de cette résistance, qui ont réussi effectivement à consolider ses positions, à affermir sa vision, à maintenir son mouvement et proposer des choix à son courant islamique général et spécifiquement palestinien, l’un de ceux qui sont les plus poursuivis par le Mossad israélien, un Palestinien jusqu’à l’os, qui est né et a grandi à Ghaza, qui a étudié dans les universités anglaises et américaines, un nationaliste par la formation politique, un islamiste par l’identité et le choix, un radical par sa position et modéré par sa culture, comme il l’affirme, un parcours général en direction de la lutte et du refus de la logique du règlement, aimé et admiré par les uns, contesté par les adversaires, des élites et des décideurs. Nous parlons du docteur Ramadan Abdallah Shallah, secrétaire général du mouvement du Jihad islamique en Palestine.
Dr. Ramadan, tu avais déclaré que dans la région, les questions sont entremêlées et complexes, et qu’il y a course entre le règlement et l’affrontement dans la région. Que voit ton regard palestinien ?

Dr. Ramadan Shallah : Tu as parfaitement décrit la terrifiante situation que nous vivons, mais permets moi de préciser que la course ne se déroule pas entre le règlement et l’affrontement, et je commence par affirmer qu’il n’y a pas de règlement, mais la course se déroule entre la guerre dont on sent les préparatifs dans la région et entre ceux qui veulent empêcher cette guerre. La course se déroule entre ceux qui, à l’extérieur, veulent la guerre et ceux qui veulent l’empêcher, les populations de la région, quelles que soient leurs positions et leurs orientations. La région est encore soumise à une vaste attaque supposée engendrer le nouveau Moyen-Orient, une attaque américaine qui a commencé en Irak, qui a touché la Palestine, qui menace la Syrie, le Liban et l’Iran, ce nouveau Moyen-Orient et cette nouvelle carte qu’ils espèrent instaurer par les canons, dans la région, les populations de la région continuent à les refuser et à leur résister.
Il n’y a donc pas une course entre le règlement et l’affrontement, mais une course entre la guerre et ceux qui veulent l’empêcher.

Al-Jazeera : la guerre contre qui ?

Dr. Shallah : Ceux qui veulent la guerre, ce sont Israël et le front américano-israélien, qui dessinent le parcours de cette guerre prochaine, si jamais elle a lieu. Pourquoi ? Je ne décrirai pas en détail la situation dans la région, mais j’indiquerai comment l’ennemi voit la région, puis je dirai comment nous, nous la voyons. Je vais reprendre la description faite récemment par un des orientalistes israéliens connus, un américain-israélien, Martin Kramer, qui se trouve actuellement à Harvard, un élève de Bernard Lewis. Concernant la relation d’Israël avec la région, le conflit avec Israël, il a défini trois étapes, la première, l’étape arabo-israélienne, lorsque la région a résisté et refusé la présence d’Israël, mais les Arabes ont subi des défaites, et cette étape s’est achevée, d’après lui, en 1979 lorsque l’Egypte s’est désengagée du conflit arabo-israélien. Puis il parle d’une seconde étape, celle du conflit palestino-israélien qui, selon Kramer, s’achève avec la mort de Arafat. La troisième étape qui commence est celle du conflit islamo-israélien, que les Etats-Unis considèrent comme un conflit islamo-occidental, et dans lequel ils se sont engagés dans le monde entier sous le slogan de lutte contre le terrorisme islamique.
Pour Kramer, la guerre israélienne contre le Liban en 2006 n’est pas une sixième guerre israélienne, mais une guerre israélo-islamique, ce qui veut dire que pour Israël et les Etats-Unis, qui veulent la guerre, Israël fait face à un danger qui menace son existence, danger représenté par l’alliance islamique, qui englobe les mouvements de la résistance, soutenue par la Syrie ainsi que par de nombreux mouvements et groupes nationalistes et islamiques arabes, ce qui s’appelle le front de la résistance et du refus.
Au congrès de Herzelia, qui s’est tenu au début de cette année, les six études stratégiques présentées évoquent le danger qui menace l’existence d’Israël. Israël affirme aujourd’hui qu’il est menacé d’éradication de la carte de la région, et c’est pourquoi il veut éradiquer tous ceux qui refusent Israël dans la région. C’est la profonde nature des événements dans la région.

Al-Jazeera : que penses-tu de la déclaration de Mofaz affirmant que toutes les alternatives sont possibles pour stopper le programme nucléaire de l’Iran, y compris l’alternative militaire. Penses-tu qu’il est sérieux ?

R. Shallah : Bien évidemment, l’incitation à la guerre dans la région au sujet du dossier nucléaire iranien est une incitation israélienne. Depuis des années, il essaie de convaincre l’administration américaine de frapper l’Iran, et si la décision était laissée à Israël, cette décision serait déjà prise. Aucune voix ne s’y oppose en Israël, mais ils admettent aujourd’hui qu’ils doivent laisser cette question à ce qui s’appelle la communauté internationale, qui doit exercer des sanctions contre l’Iran, mais l’alternative de la guerre est toujours là. La menace de Mofaz intervient dans une course contre la montre, l’administration américaine est toujours hésitante, ainsi que le ministre de la défense et la ministre des affaires étrangères, mais Dick Cheney et les nouveaux conservateurs souhaitent la guerre car pour eux, l’Iran est la base du projet islamique qui menace Israël. Lorsque la guerre contre le Liban a duré, ils ne voyaient que l’Iran dont ils voulaient casser le bras, pour l’isoler. Les attaques contre Barad’î font partie de cette course contre la montre, ils veulent réunir les preuves et les vendre à Bush, comme ils l’ont fait pour l’Irak, mais Barad’î ne veut pas jouer ce rôle, c’est pourquoi il est devenu la cible des Israéliens.

Al-Jazeera : Si Israël a déjà pris la décision, est-ce qu’il est prêt à frapper l’Iran ?
R. Shallah : Je parle du souhait israélien, mais non de la capacité israélienne. Si les choses étaient laissées à Israël, il aurait déjà pris la décision. Mais est-ce qu’Israël peut frapper l’Iran et réaliser ses objectifs ? C’est une autre question, plus complexe. Même les Etats-Unis étudient encore la question, et ce qui retarde la décision américaine, à mon avis, c’est qu’ils ne savent pas quelle sera la réaction de l’Iran, les Etats-Unis n’ont pas encore envisagé la nature des dommages qui pourraient en résulter.

Al-Jazeera : Certains disent que la frappe sera plutôt contre la Syrie, considérant qu’elle est l’anneau le plus faible ?
R. Shallah : Si nous revenons à l’analyse de Kramer, il considère que le danger vient de l’alliance islamique, dont la principale base est l’Iran et le Hizbullah, qu’ils qualifient de Shi’ites, pour ouvrir le conflit et la guerre interne entre Sunnites et Shi’ites. C’est ainsi que les Israéliens et les Américains préparent une stratégie délimitant l’Iran pour cible, ils ne veulent pas se lancer dans une attaque contre les Arabes, c’est-à-dire la Syrie, car frapper l’Iran est plus facile, à cause de ce qu’ils nomment l’hostilité arabo-sunnite contre les shi’ites ou les Safavides, comme ils le disent, donc ils essaient de séparer la Syrie de l’Iran. Ils essaient donc la politique du bâton et de la carotte envers la Syrie, mais cette dernière n’est pas nouvelle en politique, elle a compris le jeu. D’ailleurs, la guerre contre la Syrie n’est pas une promenade.
Si nous voulons comprendre comment pensent les Israéliens à propos de la guerre dans la région, il nous faut revenir en arrière, lors du désengagement de l’Egypte. Ils avaient dit à l’époque qu’il n’y a plus de guerre dans la région sans l’Egypte, mais la guerre de juillet 2006 a brisé cette règle. Ils considèrent que si un groupe comme le Hizbullah peut mener une guerre presque classique, avec une forme de guerilla et une capacité de lancement de fusées jusqu’au cœur d’Israël provoquant le déplacement de plus de 750.000 Israéliens, si le Hizbullah a réussi à faire cela, que pourra faire la Syrie ? Cet ennemi considère qu’il est menacé, il n’est pas à l’abri, il ne peut frapper sans subir les conséquences, car la Syrie possède une véritable capacité à se défendre. Avec la guerre de juillet, Israël a compris la leçon qu’elle n’a pas apprise de l’Irak : c’est que son aviation ne peut remporter la bataille. C’est pourquoi Israël et les Etats-Unis manoeuvrent en direction de la Syrie, pour la séparer de son alliance avec l’Iran.

Al-Jazeera : Si telle est la situation, donc une menace très sérieuse de guerre, où vous situez-vous ? Vous, le mouvement du Jihad islamique, qui est présent à l’intérieur de la Palestine ?
R. Shallah : D’abord, je dois te rassurer, je ne reconnais pas les frontières de Sykes-Picot. Je suis Palestinien, par le passeport ou l’identité, je suis un réfugié palestinien, je vis dans un pays qui s’appelle la Syrie, qui nous a accueillis et reçus lorsque le monde entier a fermé ses portes. Dans tout pays arabe où nous nous trouvons, que ce soit la Syrie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, si ces pays sont menacés par une invasion étrangère, je suis légalement investi à défendre ce pays, si les autorités de ce pays me le demandent. Mon engagement légal, national, nationaliste, islamique, moral et humain me demandent de repousser toute agression contre un pays arabo-musulman.

Al-Jazeera : Plus précisément, vous êtes dans l’intérieur palestinien. Est-ce que vous participerez, en tant que mouvement du Jihad islamique, à l’intérieur et à l’extérieur des terres palestiniennes ?

R. Shallah : D’abord, à l’intérieur de la Palestine, notre guerre contre l’ennemi israélien se poursuit sans relâche, nous menons une guerre défensive et de consolidation.
Pour répondre plus exactement, revenons à la guerre de juillet 2006. Nous sommes au Liban, et c’est à la direction de la résistance, le Hizbullah, de décider si elle souhaite ou non notre participation. C’est pourquoi je ne peux dire à l’avance ce qu’il en sera. Chaque terrain a ses dirigeants, mais nous, nous sommes prêts à défendre toute parcelle de la terre arabo-islamique, et comme nous nous battons en Palestine, nous nous battrons pour défendre la terre arabo-musulmane.

Al-Jazeera : Tu as considéré la guerre de juillet 2006 comme une victoire. Et lors d’un discours télévisé dans le camp de Shaja’iya, à Gaza, tu avais déclaré en octobre 2006 qu’Israël est en voie de disparition, que nous devons pas penser aux négociations, ni au règlement, qui ne servent à rien, que la libération de la Palestine se fera par les armes car c’est par les armes et la force qu’elle a été conquise. Ne penses-tu pas que cette façon de penser est une contrainte envers toi-même, envers le mouvement, envers le peuple et l’opinion arabe ? Se détourner de toutes négociations ? Pourquoi ne pas les laisser essayer ?

R. Shallah : Il n’y a aucune contrainte, ni envers moi-même, ni envers le Jihad islamique. Je suis entièrement convaincu, ainsi que le mouvement du Jihad islamique, qu’Israël doit disparaître, car sinon, je mets en doute ma croyance en Dieu le Très-Haut. C’est une question de foi, la Palestine est pour moi un verset du saint Coran, elle est sacrée. Quant aux autres, je ne les contraint pas, mais les conseille, je leur demande de cesser de courir après cet égarement. Au Liban, il y a un adage : « celui qui essaie ce qui a déjà été essayé, a l’esprit dérangé ». Jusqu’à quand allons-nous poursuivre cet essai ?
Pour un règlement, la solution doit être soit palestinienne, soit israélienne, soit arabo-musulmane, soit internationale. Mais après la victoire des Etats-Unis dans sa guerre froide, et après la guerre du Golfe et l’effondrement de l’Union soviétique, on nous propose la solution israélienne, avec un soutien international. Une solution israélienne pour la question israélienne, la question juive. L’Occident s’est opposé à Hitler et aux massacres nazis, mais il ne s’est pas opposé au projet sioniste et à la déclaration Balfour qui ont créé la question israélienne sur les ruines de tout le peuple palestinien. 5 millions de réfugiés. Qu’ils se rendent à Annapolis ou ailleurs et qu’ils nous proposent une solution !
Depuis la déclaration Balfour jusqu’à 1979, en passant par la Nakba de 48, ce fut le rejet total d’Israël, nous ne les voulons pas, ils sont étrangers à la région, ils sont venus implanter, par le feu et le sang, une entité à la place d’un autre peuple. Quelle est cet humanisme, cette humanité, cette démocratie qui permettent cette oppression et cette sauvagerie ? Ils veulent actuellement nous obliger à accepter Israël, par la force. Dans l’imaginaire israélien, cette troisième étape est celle de l’admission volontaire et absolue d’Israël, Israël veut être notre être bien-aimé, notre voisin, il nous veut le bien, mais nos ennemis sont la Syrie, l’Iran, le Hizbullah, le Hamas et le Jihad. Nous inventons des ennemis illusoires de notre propre peau et notre propre corps.
Deux visions s’affrontent actuellement. Eux disent, votre crime c’est le Hizbullah, le Hamas, le Jihad, la résistance, vous voulez entraîner la région vers un conflit arabo-israélien, ou plutôt israélo-islamique, avec la présence des Indonésiens, des Iraniens, des Turcs, comme si l’arabité était opposée à l’islam ! Actuellement les peuples réclament que le conflit revienne à ses débuts, ils refusent la présence d’un corps étranger, ils résistent et remportent des victoires. Le Hizbullah a résisté et a remporté une victoire, mais les autres, Israël et les Etats-Unis veulent obliger la région à admettre Israël. Que signifie admettre Israël dans l’absolu ? C’est accepter qu’il soit une partie de Sykes-Picot. Quand Saddam a envahi le Koweit, les Arabes, les Américains et le monde entier se sont soulevés, et si un Palestinien, arabe et musulman veut « envahir » Israël, il est brisé par la communauté internationale pour préserver, protéger et libérer « la terre d’Israël » qui se trouve au cœur même de cette région. Il en sera ainsi lorsque le droit à l’existence de cette entité sera reconnu comme une partie indissociable de la région.
Avec une participation arabe, bien évidemment. Je le rappelle, lorsque la phrase « aventure irrefléchie » a été prononcée (lors de la guerre de juillet 2006, à l’encontre du Hizbullah, ndlt), certaines explications ont avancé que les Arabes avaient l’intention d’accepter volontairement Israël alors que ce dernier n’avait rien offert, ce qui a signifié que ce dossier a été clos et il est retourné en arrière. Pourquoi Israël refuse l’initiative arabe ? Car il sait que tous ceux qui ont proposé cette initiative ont promis de normaliser leur relation mais Sharon a considéré qu’ils vendaient une carte qu’ils ne possédaient pas, qui est entre les mains de leurs peuples. Avec qui allait-il signer ? Avec ceux qui les combattent, combattent les Etats-Unis au Liban, en Palestine et en Irak ou avec ceux qui les soutiennent déjà ? Il n’y a pas de règlement, pas de solution définitive, Israël ne veut pas admettre qu’il doit se retirer pour fonder un Etat palestinien.

Al-Jazeera : Ceux qui t’entendent, les Israéliens, les Américains, et même les Arabes, parler de cette sorte, dire que vous êtes prêts à participer et riposter à la guerre, par investiture légale ou considérations politiques, que vous êtes toujours attachés à la disparition de l’Etat d’Israël, se posent la question : est-ce que vous êtes toujours attachés à la résistance armée ? y compris par les fusées, à l’intérieur de la scène palestinienne ?

R. Shallah : Si nous abandonnons notre droit à la résistance, par tous les moyens dont nous disposons, il n’y a plus de justification pour notre existence.
Nous sommes attachés au choix de la résistance dans tous les cas, mais la forme de la résistance, son moment, sa gestion, l’utilisation de certains de ses outils, dépendent des conditions et des considérations sur le terrain, de la situation de notre peuple, de nos relations internes qui régissent la manière de mener le combat.

Al-Jazeera : Ne donnez-vous pas le prétexte à Israël pour qu’il occupe Ghaza à nouveau ?

R. Shallah : Israël n’a pas besoin de prétextes, lorsqu’il a occupé la Palestine et nous a jetés dans l’exil. Israël ne veut pas de prétextes. L’Europe n’a pu régler la question juive, et Israël essaie de la régler en massacrant le peuple palestinien, par petites doses, cela devient une scène courante, normale. Même pour le président de l’Autorité palestinienne. Au moment où nous entendons qu’il y a cinq martyrs, ou dix martyrs en quelques jours, il ne peut s’empêcher de visiter Olmert ou de prendre soin de sa santé. Mais ceux qui sont écrasés par les bulldozers d’Olmert, personne ne s’en soucie.

Al-Jazeera : Nous sommes à la veille d’un sommet, celui d’Annapolis. Comment le définir ? Pourquoi vous refusez cette réunion ? Est-ce parce qu’il propose un règlement ou parce qu’il est considéré comme une étape cruciale contraire à votre stratégie ?

R. Shallah : D’abord, nous ne sommes pas gênés par ce congrès car nous considérons qu’il représente une étape pour un nouvel échec américain, Bush essaie d’en faire un succès pour masquer son échec en Irak, et nous sommes contre ce congrès parce qu’il ne vient pas d’une initiative palestinienne, arabe ou islamique, où l’on perçoit, nous les Palestiniens, les Arabes ou les musulmans, un intérêt car c’est un congrès avant tout israélien et américain.
Bush souhaite, par ce congrès, mobiliser et renforcer le camp de la modération. Le camp de la modération arabe pour masquer ses préparatifs de guerre l’Iran. Il veut masquer son échec en Irak, consolider la position d’Olmert et masquer l’échec de ce dernier au Liban. Il veut consolider la position d’Abu Mazen, relever son moral après les événements de Ghaza. Bush veut montrer au peuple américain qu’il est toujours maître des initiatives, qu’il est toujours le maître du monde, que les horizons de la paix sont entre ses mains. Il veut refroidir la scène palestinienne pour entamer une nouvelle phase. Bush prétend se conformer à l’idée de deux Etats, il propose d’en discuter mais il sait très bien que toutes les données sur le terrain ne le permettent pas. En réalité, il veut consolider le front de la modération.

Les Israéliens, quant à eux, veulent creuser la division en adoptant Abu Mazen qu’ils considèrent comme leur allié. L’alliance avec Abu Mazen et l’approfondissement de la division entre Palestiniens signifient que le conflit n’est plus israélo-palestinien mais palestinien-palestinien, ils veulent de nouvelles concessions, graves, de la part d’Abu Mazen, relatives au programme de l’OLP et de l’Etat sur les frontières de 67, et si tu veux qu’on parle des détails, ils sont très graves.
Ils veulent que l’Autorité revienne à la mission qu’ils lui ont inventée à Oslo, celle de préserver la sécurité d’Israël, de poursuivre les résistants en Cisjordanie, de fournir les renseignements et de collaborer avec les forces sécuritaires de l’occupation. Tout est dans leur intérêt, mais nos « amis » se dirigent vers ce sommet, croyant pourvoir fonder des négociations qui rapporteraient l’Etat de l’après-Hamas, consolider leur position en Cisjordanie, la légitimité d’Abu Mazen et de l’Autorité palestinienne à Ramallah, isoler Hamas. La question est donc interne, c’est ce qui la rend dangereuse. Si ce sommet aboutir à des négociations, leurs détails sont posés par Israël, et non par la partie palestinienne.

Al-Jazeera : Pourtant, l’Autorité lutte pour avoir des acquis, toutes les déclarations vont dans ce sens.

R. Shallah : D’abord, la situation n’est pas propice à des négociations, et je n’ai pas confiance dans cette voie pour récupérer nos droits. Malgré toutes les difficultés internes d’Olmert, il ne fera pas de concessions à Abu Mazen. Les Israéliens disent : si Olmert est un canard boiteux, Abu Mazen est un canard dont la patte est cassée. Abu Mazen réclame un Etat dans les frontières de 67, mais il n’y aura pas d’Etat dans ces frontières. Cela fait des mois qu’ils discutent et négocient, tout ce à quoi cela aboutira, c’est un échange de terrains, ils prennent des terres de la Cisjordanie et nous donnent en échange des terrains situés dans le Naqab, à l’Est de Ghaza, quelques mètres tout au plus. Ils parlent de démantèlement des colonies, mais regardez ce qui s’est passé dans la Palestine historique, où il y a trois regroupements de population, à Tel Aviv, dans al-Quds et à Haïfa. Un demi-million de colons, un second Israël, se trouve dans la ville d’al-Quds et en Cisjordanie, ils seront rassemblés dans trois regroupements, les colonies continueront à démanteler la Cisjordanie, qui sera divisée en cantons. Concernant les réfugiés, pour eux, il n’y a pas de retour des réfugiés. Il y a un mensonge grossier officiel, arabe et palestinien. Cent mille Palestiniens seront autorisés à retourner, dans un laps de plusieurs années, Israël définira leur âge, leur appartenance, leur poids, leur hauteur, ce qu’ils doivent manger et ce qu’ils doivent boire. Ils ont dédouané Israël de la question des réfugiés, qui ne se sentira plus obligé, moralement, de considérer ce qui se passe hors des frontières de ce qui s’appelle Israël. Que reste-t-il donc ? Al-Quds ? La knesset israélienne a l’intention de prendre une décision relative à l’indivisibilité d’al-Quds, qui sera la capitale de l’Etat d’Israël. Al-Quds consiste actuellement en quelques ruelles et quartiers.. Vous voulez discuter des questions religieuses ? L’accord de Wadi Araba a rattaché al-Quds à la Jordanie, au niveau des questions religieuses. Dans tous les cas, la Jordanie a un rôle à jouer, je ne suis pas entré dans les détails, mais quand j’ai évoqué l’analyse de Kramer concernant le conflit israélo-palestinien qui s’est achevé avec le décès de Arafat, l’intérêt palestinien était présent, mais actuellement, nous sommes occupés par les détails et sommes devenus des négociateurs.

Al-Jazeera : où se situe le danger ?
R. Shallah : Le danger ? Il faut lire l’article de Dani Rubenstein, qui affirme que le mouvement national palestinien est fini, soit le mouvement conduit par l’OLP. Qui va à présent combler ce vide ? Les mouvements islamiques, l’Egypte, la Jordanie. Oui, la Jordanie, qui va partager le rôle sécuritaire avec le reste de l’Autorité palestinienne de Ramallah, l’autorité de Abu Mazen et de Salam Fayyad. La situation est extrêmement grave !

Al-Jazeera : Cela est grave ! Donc, les négociations ne concernent pas les frontières de 67 ?
R. Shallah : Ils doivent cesser leurs mensonges ! Les négociations ne concernent pas les frontières de 67. Israël n’autorisera pas autre que le Jourdain comme frontière. Les Arabes assumeront leur responsabilité s’ils acceptent cela.

Al-Jazeera : Ceux qui vont à Annapolis vont-ils l’accepter ?
R. Shallah : A Annapolis, les lignes seront tracées pour parvenir à cette formule, mais espérons que nous n’y arriverons pas, le peuple palestinien ne peut l’accepter, Fateh ne doit pas l’accepter. Et je l’affirme, la solution des deux Etats est finie, la solution des deux Etats est actuellement une proposition israélienne. Shimon Pérès a déclaré que si nous voulons vivre dans un Etat démographiquement juif, il faut à nos côtés un Etat palestinien qui protège Israël, en tant qu’Etat juif.

Al-Jazeera : Par la même occasion, un rapport récemment émis par Fox, à la demande des Israéliens, consiste à préparer la réunion d’Annapolis. Les six points devant être définis sont : deux Etats d’après les frontières modifiées de 67, une solution juste pour les réfugiés, deux capitales dans al-Quds, où Israël domine les parties juives et les Palestiniens dominent les parties arabes, avec des arrangements pour les lieux sacrés qui seront ouverts à toutes les religions, et des arrangements sécuritaires, dont un Etat palestinien désarmé.

R. Shallah : Evidemment, j’ai consulté le rapport en entier. Ils reconnaissent la modification des frontières, ils reconnaissent qu’il n’y aura plus une question de réfugiés, ils ont inventé une capitale à Abu Dis, soit une capitale sur deux mètres carrés. Il n’y aura pas de solution. Concernant la Jordanie, et j’indique un point important, les républicains ne veulent pas d’un Etat palestinien, ils considèrent que la solution est une confédération avec la Jordanie. Ce sommet est une étape, mais il n’apportera pas de solution. Israël considère que la guerre se prépare dans la région, il veut jouer un rôle, il ne veut pas régler le conflit, mais que nous payions le prix.

Al-Jazeera : Pour finir, rapidement, comment envisagez-vous de gérer la situation à Ghaza ?
R. Shallah : Il est important de sortir de la situation conflictuelle interne et de retrouver l’unité et la collaboration entre nous. Nous voulons réduire les pertes. Personne, pour l’instant, ne peut réaliser des acquis, nous sommes dans la période de réduction des pertes et non celle de la réalisation des acquis. C’est pourquoi il faut un rôle arabe qui soutienne l’unité des rangs palestiniens, au lieu de réunir Abu Mazen avec les Israéliens et de superviser des accords de ce genre. Il faut que les Arabes jouent un rôle de rapprochement entre Fateh et Hamas, de rassemblement des rangs palestiniens. Il faut nous mettre d’accord pour contrôler la situation palestinienne et ne plus revenir aux combats inter-palestiniens. Si les combats de ce genre se poursuivent, la Palestine sera perdue, et nous supporterons la responsabilité, cette fois-ci, plus que notre ennemi.

Traduction et diffusion : Centre d’Information sur la Résistance en Palestine (CIREPAL)

 




Obtenir l’amour de vos victimes

le 12/11/2007 0:40:00 (867 lectures)

téléchargement (17)Article de Azmi Bishara paru dans Al-Ahram Weekly en octobre 2008 dans lequel il dénonce l’entreprise sioniste qui, via un décret du ministère de l’Education Nationale, tente d’imposer aux enfants palestiniens la reconnaissance et la légitimité de leur propre négation.

Le décret ministériel en question exige de tous les écoliers d’Israël, et des élèves palestiniens en particulier, qu’ils signent la « déclaration d’indépendance » fondée sur la spoliation et l’épuration ethnique des Palestiniens.

Ce chauvinisme d’inspiration religieuse propre au sionisme fait des victimes réelles, les Palestiniens, des « citoyens » d’un Etat colonial qui gomme par décret, et donc virtuellement, une situation de discrimination et de négation du peuple palestinien prévalant depuis 1948.

Derrière cette demande faite à chaque élève palestinien de signer un texte proclamant, de manière formelle, l’ « égalité de tous les citoyens », il y a une violence psychologique extrême : approuver son propre reniement comme un bienfait.


Si vous voulez comprendre l’ampleur de la tragédie palestinienne et la profondeur de leur dilemme, jetez un oeil sur le récent décret publié par le Ministère israélien de l’Education qui, en substance, demande aux écoliers juifs et arabes de signer la déclaration d’indépendance d’Israel dans le cadre des célébrations marquant le 60ème anniversaire de l’État d’Israël.

Dans une déclaration distribuée aux écoles, le Ministère de la Jeunesse a fixé les objectifs suivants pour le jubilé : « Pour commémorer le passage des 60 ans de la création de l’Etat d’Israël dans le système d’éducation arabe et juif ; pour renforcer le sentiment d’appartenance, de fierté et d’amour pour les 60 ans de l’Etat parmi tous ceux qui fréquentent les établissements d’enseignement; pour aider toutes les communautés juives, musulmanes, chrétiennes, druzes et d’autres jeunes à se former une vision claire d’Israël en tant qu’État juif et démocratique ; pour inspirer un sentiment de responsabilité et d’engagement social chez les jeunes et pour les encourager à devenir des participants actifs dans les affaires de la société. « 

Un coup d’oeil à ce texte suffit à comprendre qu’il n’ya pas d’Arabes palestiniens en Israël ; Il y a les Israéliens d’abord, et les « Musulmans, les Chrétiens, les Druzes et les autres » ensuite.
Les étudiants arabes, selon cet objectif éducatif inspiré, doivent aimer Israël, et se sentir fiers d’être Israéliens — ni plus, ni moins. Autant il serait louable de distribuer un tel mémorandum (avec le changement de nationalité approprié) aux citoyens élevés au Liban, en Iraq et ailleurs, autant en Israël, il serait difficile de suggérer un document plus grotesque.

Il entre en jeu ici une attitude colonialiste très persistante. Il n’était pas suffisant pour cette direction coloniale de saisir la terre d’un peuple, de jeter dehors ses habitants, d’en amener d’autres à leur place et de détruire le tissu de toute une société, puis de justifier cela sous le prétexte d’une promesse divine, alors qu’elle se considérait, en même temps et avec le même degré de sincérité, comme un mouvement laïque de libération nationale.

Non, elle insiste sur le fait que sa victime doit l’admirer et reconnaître non seulement son existence mais sa légitimité historique.

Elle est déterminée à s’imprimer sous la peau de ses victimes par une signature rituelle d’une déclaration d’indépendance en même temps que la fête de leur propre défaite.

L’entreprise coloniale sioniste est unique dans sa perpétuelle obsession de l’identité, son insistance à jouer le rôle de victime, et la persévérance inébranlable avec laquelle elle cherche à se légitimer en inspirant l’admiration de ses victimes, comme si elle leur avait fait une grande faveur en les libérant de leur territoire et de leur identité nationale et en prenant ces « fardeaux » sur ses propres épaules.

En contrepartie de ces magnanimes sacrifices, elle attend de ses victimes qu’elles montrent leur gratitude en se tenant à ses côtés dans ses luttes et en partageant son angoisse d’avoir été contraints d’infliger de telles catastrophes aux autres.

Toute démonstration d’ingratitude de la part de ces victimes — lorsque, par exemple, elles essaient de rassembler leur sentiment national en lambeaux – elle les pointe du doigt et leur reproche de revenir à une démagogie nationaliste, au chauvinisme et autres attitudes démodées à l’ère de la mondialisation

Seul Israël a le droit d’être nationaliste de façon chauvine, en monopolisant pour lui-même le privilège de souffrir des tribulations qui en découlent : en attendant, ses victimes doivent exprimer leur satisfaction ou, au moins, apprendre à vivre avec.

Les manifestations de chauvinisme et l’engouement pour les symboles nationalistes sont omniprésents : dans les hymnes nationaux, les marches patriotiques, les clubs de scouts quasi militaires, les drapeaux sur chaque école et chaque plaque d’immatriculation, dans les lois qui sont promulguées avec une régularité saisonnière sur la façon de traiter les drapeaux et les symboles sionistes.
Cela indique avec certitude un chauvinisme national et un degré de fanatisme rare dans le monde d’aujourd’hui.

Faire signer à des écoliers, même aux enfants des écoles juives, la déclaration d’indépendance nationale porte le nationalisme au rang de rituel religieux, avec les écoliers, crayon en main, incarnant de façon mystique les vénérables pères fondateurs de la nation. Si les Arabes ne font rien de vaguement semblable, Israël ne sera pas en mesure de contenir ses sarcasmes.

Officiellement, Israël repose sur une idéologie ultranationaliste qui est continuellement reproduite à travers toutes les niveaux du spectre politique. Mais il s’est surpassé avec ce décret du Ministère de l’Éducation demandant aux étudiants arabes de signer la déclaration d’indépendance. La pensée et l’action colonialistes ont revêtus le costume de l’égalité et du politiquement correct .

images (15)Il ne devrait y avoir aucune discrimination entre un écolier et un autre, cela semble-t’il dire, alors qu’en fait, c’est le summum de la discrimination raciale : les élèves juifs sont invités à affirmer leur autonomie ethnique (ou formulée d’une façon plus critique : nier leur individualité et assimiler l’identité du projet national) ;
Les élèves arabes sont invités à nier leur appartenance ethnique et à déformer leur identité à travers une identification au projet colonialiste qui a exilé son peuple et nié leur existence .

L’actuel Ministre de l’Education et la Culture, à qui l’on doit cette réflexion éclairée, représente l’aile libérale de l’establishment sioniste.

La Gauche sioniste, représentée historiquement par les Travaillistes sionistes, et ses ramifications, était le fondateur pratique du projet de l’État israélien : elle a pris les armes et combattu les Arabes, forgé des relations avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, démoli le projet national palestinien et construit son propre Etat sur les ruines.

Elle est l’auteur de ces notions comme la coexistence israélo-arabe basée sur la fraternité arabo-juive, ou la haine partagée entre Israël et les Arabes pauvres pour les pays réactionnaires arabes et les classes supérieures (les représentants contemporains de ceux avec qui Israël cherche à conclure des traités de paix et des alliances contre les arabes pauvres et contre les nationalistes arabes et l' »extrémisme »islamiste et panarabe).

Cette Gauche sioniste était à l’origine opposée aux libéraux qui s’allièrent à la Droite sioniste. Toutefois, la Gauche sioniste s’est maintenant alliée avec les libéraux dans la société israélienne, et de ces rangs est apparue l’idée perverse que les écoliers arabes devraient signer le document d’indépendance nationale sioniste.

Je ne vais pas, bien sûr, attribuer à l’Etat sioniste tout le mal concevable, et encore moins le pouvoir de magie diabolique, comme peuvent le faire certains moins familiers avec la nature de son projet.

Je ne compliquerai pas non plus mon analyse du décret du Ministère de l’Education avec les justifications invoquées par leurs auteurs. Les Sionistes libéraux ont évidemment une interprétation autre que la mienne du décret.

Ils considèrent la déclaration d’indépendance qui, dans un paragraphe appelle à l’égalité de tous les citoyens sans distinction de religion, de race ou de sexe, comme un document relativement progressiste, certainement lorsqu’on le compare à la culture politique raciste qui prévaut et qui a infecté les écoles et les jeunes.

En tant que tel, signer ce document devient un acte d’illumination, une renaissance des « valeurs universelles » sur lesquelles Israël a été fondé. Dans le même temps, les libéraux, qui ont proposé l’idée, ne seront pas ouverts à une attaque les qualifiant de « mous » ou de « traîtres », parce que tout ce qu’ils ont à faire pour prouver leur loyauté et leur patriotisme est d’invoquer le plus important texte sioniste.

Quelle qu’en soit la valeur, cette justification ne va pas plus loin qu’une bataille pour déterminer la nature de la culture juive auprès d’un public israélien. Elle ne fait pas de remous dans la société israélo-arabe.
Pour les Arabes, la discrimination n’est pas un phénomène de lignée récente qui a pris un brusque virage dangereux avec la propagation d’une culture raciste parmi les écoliers juifs.

Elle existait bien avant l’occupation de 1967 , indépendamment des termes à caractère sacré contenus dans la déclaration d’indépendance d’Israël.

Les Libéraux israéliens pensent qu’en appelant à un retrait des territoires arabes occupés en 1967, ils demandent à Israël de revenir sur sa nature originelle, comme si avant 1967, Israël avait été un modèle de démocratie, de respect des droits de l’homme et d’égalité . Ils pensent qu’en s’opposant à l’occupation, ils affirment une meilleure citoyenneté d’avant. Mais le fait est que la citoyenneté n’a jamais rien eu à voir avec l’égalité pour les Arabes.

Au moment même où l’indépendance de l’Etat sioniste était proclamée sur la terre de Palestine, la Haganah se préparait à prendre en charge la totalité de la Palestine et à expulser tous ses habitants arabes.

Puis, après la création officielle de l’Etat et quand la déclaration d’indépendance appelant à l’égalité de tous les citoyens est entrée en vigueur, la loi martiale a été imposée aux Arabes et des lois ont été adoptées pour confisquer leurs terres. Ils ont systématiquement fait l’objet de discrimination dans tous les aspects de leurs vies.

Permettez-moi pour un moment d’assumer le rôle de l’avocat du diable :

Jusqu’à présent, Azmi, vous avez seulement parlé des pratiques sionistes, alors que le document discuté est bien. Pourquoi jeter le bébé avec l’eau du bain, simplement parce que la pratique est éloignée du texte?

Tout d’abord, la déclaration d’indépendance d’Israël n’est pas une théorie abstraite. Elle était censée prendre effet à sa proclamation et orienter le processus de construction de la nation sur la base de ses dispositions, notamment la définition du sionisme en tant que mouvement national pour la création d’un État sur la base d’un droit historique et religieux auto-proclamé exclusif basé sur les écritures bibliques et la continuité « ininterrompue » de la présence juive en Palestine.


Mais que dire de ce paragraphe sur « l’égalité »?

Le document a également pour but de camoufler la nature de l’entreprise colonialiste sioniste et il a exécuté sa fonction. images (16)L’attachement au principe de l’égalité est l’une des conditions de l’acceptation d’Israël à l’ONU.
La déclaration d’indépendance n’est pas une théorie qui est allée de travers dans son application. C’était la proclamation officielle d’une vision idéologique qui devait, en fait, être appliquée dans la pratique.

Ce n’était pas seulement une vision d’un projet colonialiste qui devait se construire sur les ruines de la société palestinienne, mais la vision d’un Etat dans lequel l’affiliation nationale est définie par une appartenance religieuse.

Il est clair que, dans ce contexte, un rite nationaliste de transsubstantiation qui implique de mettre un stylo sur ce morceau de papier signifie une chose lorsqu’il est effectué par un élève juif et une tout autre chose quand cela est effectué par un Arabe.
Dans le premier cas, il s’agit d’une affirmation de l’identité religieuse et d’unité nationale de l’élève, dans le second il s’agit d’une mutilation psychologique, morale et culturelle.

Juste pour rafraîchir la mémoire, nous allons jeter un coup d’oeil sur certains paragraphes du document que l’étudiant israélo-arabe doit signer :

« Eretz Israel est le lieu où naquit le peuple juif. C’est là que se forma son caractère spirituel, religieux et national. C’est là qu’il réalisa son indépendance, créa une culture d’une portée à la fois nationale et universelle et fit don de la Bible au monde entier.

Exilé de Terre Sainte, le Peuple Juif demeura fidèle tout au long de sa dispersion et il n’a jamais cessé de prier pour son retour, espérant toujours la restauration de sa liberté politique.

Mus par ce lien historique et traditionnel, les Juifs s’efforcèrent au long des siècles de revenir dans le pays de leurs ancêtres. Au cours de ces dernières décennies, ils rentrèrent en masse dans leur pays. Pionniers, immigrants clandestins, combattants, ils ont défriché le désert, ressuscité la langue hébraïque, construit des villes et des villages et créé une communauté en pleine expansion, contrôlant sa vie économique et culturelle, recherchant la paix mais sachant aussi se défendre, apportant à tous les habitants du pays les bienfaits du progrès et aspirant à l’indépendance nationale…

En 1897, inspiré par la vision de l’État juif qu’avait eue Théodore Herzl, le premier congrès sioniste proclama le droit du peuple juif à la renaissance nationale dans son propre pays. Ce droit fut reconnu par la Déclaration Balfour du 2 novembre 1917 et réaffirmé par le mandat de la Société des Nations qui accordait une reconnaissance internationale formelle des liens du peuple juif avec la terre d’Israël, ainsi que de son droit d’y reconstituer son foyer national….. « Lire le texte complet de la Déclaration d’Indépendance

Les étudiants arabes en Israël sont invités aujourd’hui à contresigner cette reniement de leur propre existence.

En outre, quand ils arrivent au fameux paragraphe sur l’égalité, ils constatent qu’il est repris de la vision des prophètes d’Israël et apparaît presque comme un ajout après coup au droit au retour des Juifs :

« L’ETAT D’ISRAEL sera ouvert à l’immigration des juifs de tous les pays où ils sont dispersés ; il développera le pays au bénéfice de tous ses habitants ; il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d’Israël ; il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture ; il assurera la sauvegarde et l’inviolabilité des Lieux Saints et des sanctuaires de toutes les religions et respectera les principes de la Charte des Nations unies « .

Azmi Bishara

Traduction : MG pour l’ISM




Hamas, la démocratie islamiste et la libération nationale

le 6/11/2007 14:30:00 (978 lectures)

Femmes du HamasNous, en Occident, devons accepter que la laïcité ne soit pas un principe idéologique majeur au Moyen Orient, en grande partie car elle a été introduite dans la région par les colonialistes déclare Sukant Chandan dans cet article publié sur le site PalestineChronicle.com le 19 octobre 2007 .

Les peuples du monde entier développent leur propre identité politique à partir de leurs propres racines culturelles et politiques. Le Hamas en est un exemple.

Mais il faut reconnaître que les préjugés euro-centristes et l’oppression occidentale du Tiers-Monde dénient à ce mouvement de libération la capacité à faire valoir les principes universels de justice, de démocratie et de liberté dont l’Occident se prétend seul représentant légitime.

Photo : PalestineChronicle.com


Nous, en Occident, devons accepter que la laïcité ne soit pas un principe idéologique majeur au Moyen Orient, en grande partie car elle a été introduite dans la région par les colonialistes.

La victoire du Hamas aux élections de janvier 2006 a conduit à un intérêt croissant pour le Mouvement de la Résistance Islamique. Jusqu’à présent, peu de choses ont été comprises sur l’Histoire du Hamas, sa stratégie politique et sociale et sa tactique. Ce sont plutôt des rumeurs et des préjugés bon marché contre le Hamas qui ont été colportés au travers de tout le spectre politique occidental. D’une manière regrettable, les progressistes occidentaux ont largement évité de relever les challenges de l’internationalisme et de l’anti-racisme dans le contexte de la campagne néocolonialiste et raciste contre les Musulmans et l’Islam, dont fait partie la diabolisation et la criminalisation du Hamas.

Les personnes de conviction démocratique et progressiste, opposés à la criminalisation du Hamas, doivent se confronter à l’idéologie eurocentrique qui légitime seulement ceux que les Occidentaux considèrent comme démocratiques, plutôt que ceux qui sont choisis par leur peuple. Cet article a comme objectif de démontrer que l’idéologie du Hamas se réclame autant des valeurs et des pratiques de la démocratie et des droits de l’homme que ces mouvements politiques occidentaux. La différence réside dans le fait que ces valeurs sont inspirées et enracinées dans leur propre contexte religieux, culturel et social.

Le processus de paix d’Oslo n’a pas réussi à mettre en place une paix juste et durable pour les Palestiniens qui souffrent et se battent depuis longtemps. Cet échec a créé les conditions pour que le Hamas vienne au devant de la scène de la lutte nationale palestinienne. Depuis le début du processus d’Oslo, au début des années 90, les Palestiniens ont pu voir que certains éléments de la direction du Fatah disposaient d’un train de vie très élevé et étaient impliqués dans toutes sortes de corruption financière et morale, et ne se privaient pas d’arrêter et de torturer des Islamistes. Dans un contraste austère, le Hamas se révélait de plus en plus populaire en raison de ses résultats en matière d’aide à la population, grâce à ses organisations civiles, à l’absence de corruption financière, au mode de vie simple de sa direction, à leur morale rigoureuse en accord avec les principes islamiques. Les attaques suicide meurtrières conduites en Israël par la branche armée du Hamas, les Brigades Al-Qassem, à un moment où les négociations se révélaient sans perspectives pour repousser l’agression israélienne, ont fait grandir le prestige du Hamas, comme défenseurs du peuple palestinien. Ce dévouement au peuple et à la lutte s’est traduit en soutien électoral. Le Hamas a gagné la moitié des voix aux élections municipales au début de l’Intifada Al-Aqsa en 2000. A cette date, le Hamas n’a pas participé aux élections présidentielles et législatives en raison de son opposition à Oslo, et parce qu’il considérait ces élections comme parties intégrantes du processus d’anéantissement de la Révolution nationale palestinienne. Puis, fait historique, ils ont décidé de participer aux élections de 2006. Leur victoire retentissante issue des urnes a constitué un fait encore plus important.

Les personnes intéressées par une analyse plus approfondie de la campagne électorale du Hamas doivent lire l’étude de Khaled Hroub : « Un nouveau Hamas : au travers de ses nouveaux documents ». Hroub établit que des documents publiés au moment de la campagne électorale en 2006 révèlent que le Hamas a fait preuve d’un grand attachement à l’union nationale de tous les mouvements palestiniens, d’une volonté de favoriser un gouvernement national et a fait des efforts pour diminuer la rhétorique islamique. En aucun cas, cela ne doit être interprété comme un abandon par le Hamas de ses objectifs d’un Etat islamique considéré comme la meilleure solution pour la société palestinienne et sa libération, mais plutôt comme une reconnaissance qu’il devait agir dans un esprit de tolérance démocratique et de respect des autres partis laïques et de l’électorat palestinien. Hroub argue également que ces évolutions et ces documents ont été largement ignorés en Occident. Cette étude est particulièrement pertinente à un moment de désaccord national entre le Hamas et le Fatah, alors que beaucoup qualifient le Hamas de putschiste. L’étude de Hroub montre, au contraire, que le Hamas a, pendant un certain temps, appelé à une stratégie d’union au sein des rangs patriotiques palestiniens. Le Hamas a ses propres objectifs stratégiques islamiques, mais il les met en avant par des moyens démocratiques et civils. Il a toujours affirmé que le peuple palestinien doit être celui qui aura le dernier mot sur ces questions par le moyen d’élections démocratiques. Dr Salah Bardawil, un responsable du Hamas dans le Sud de la Bande de Gaza, a déclaré dans l’édition en langue arabe de Asharsrq al-Awsat du 31 janvier 2006 : « le Hamas n’a absolument jamais pensé et ne pense absolument pas à la promulgation de lois qui imposeraient les enseignements islamiques à la société. Les enseignements religieux sont suivis lorsqu’ils sont acceptés par le peuple, et non lorsqu’ils sont imposés par la terreur ». Il a expliqué que « le peuple palestinien connaît l’approche tolérante du Hamas qui l’a conduit à gagner plus de voix chrétiennes que certains autres partis laïques » et il a considéré « les accusations consistant à déclarer que le Hamas planifiait la mise en œuvre de contraintes religieuses faisaient partie d’une grande campagne menée par les partis nationaux, internationaux et israéliens pour salir l’image du mouvement Hamas ».

L’attachement à la démocratie n’a rien de neuf pour ce parti. Même depuis sa création, le Hamas a exprimé son attachement aux volontés démocratiques du peuple, quelle que soit sa décision. Le leader du Hamas, Sheikh Yassin, tué par un bombardement israélien en mars 2004, a déclaré en 1989, dans l’édition en langue arabe du quotidien Al-Nahar : « Je veux un Etat démocratique pluripartite, et je veux que quiconque gagne les élections assume le pouvoir ». Quand le journaliste lui a demandé si ce serait toujours le cas si le Parti Communiste gagnait les élections, le Sheikh Yassin a répondu : « Je respecterai le souhait du peuple palestinien même si le Parti communiste gagne ».

Des tensions existent entre le Hamas et les autres partis, et il ne faut pas dissimuler ou oublier la nature politique et culturelle des tensions internes qui ont toujours existé au sein du camp nationaliste palestinien. Il y a eu plusieurs cas d’affrontements violents entre le Hamas, le Fatah et les autres partis palestiniens comme les Fronts Populaire et Démocratique (de Libération de la Palestine, FPLP, FDLP ndlt). Ces tensions ne sont pas seulement le fait de quelques jeunes islamistes zélés attaquant ceux dont le seul crime est d’être laïques, ainsi que l’exemple suivant le montre. Un responsable politique palestinien d’un parti marxiste était souvent aperçu ivre dans les rues de Gaza pendant le Première Intifada. Il a été brutalement attaqué par des jeunes du Hamas, gravement blessé et hospitalisé dans une situation critique pendant plusieurs semaines. Il a déclaré cependant qu’il n’avait aucune rancune envers le Hamas et soutenait même leurs actions car il avait le sentiment que son comportement était inacceptable au moment où l’ensemble de la communauté faisait des sacrifices immenses. Ceci rappelle une scène du film « La Bataille d’Alger » quand un groupe d’environ une vingtaine d’enfants de la Casbah attaque un ivrogne local et l’expulse de la communauté. Au cœur d’une lutte de masse, spécialement dans une société qui désapprouve un tel comportement en temps normal, les mouvements de libération prennent souvent des décisions sévères, mais populaires, pour assurer la cohésion sociale et l’unité au sein de la communauté.

Depuis l’établissement de l’Autorité Palestinienne, que les Occidentaux et Israël ont mise en place en espérant qu’elle fasse leur boulot pour réprimer les révolutionnaires palestiniens, les membres du Hamas ont été emprisonnés, torturés et parfois même assassinés par l’AP. Pourtant ce mouvement n’a jamais eu recours à la vengeance contre ces attaques. La direction a toujours tenu à l’écart toute demande occasionnelle de châtiment envers l’AP et le Fatah. Le Hamas a toujours fait preuve d’une grande patience le long de ses années d’existence, spécialement alors qu’il a été traité par l’Autorité Palestinienne sous contrôle du Fatah comme un véritable ennemi interne, Les militants et les combattants du Hamas, avec ceux des autres partis, ont été régulièrement emprisonnés et torturés par l’AP, bien que, du fait de leur force et de leur popularité auprès de la population, Arafat ait toujours fait référence à eux en tant que frères de combat et empêché une rupture totale. Actuellement en Cisjordanie, on se retrouve dans une situation identique en matière de répression et d’arrestations arbitraires conduites par le Fatah envers les militants du Hamas. Alors que le Fatah et les autres forces d’opposition sont généralement autorisés à organiser des manifestations et des rassemblements à Gaza  – sous contrôle du Hamas -, en Cisjordanie – sous contrôle du Fatah – le Fatah a arrêté un grand nombre de militants du Hamas, le Hamas accusant le Fatah de torturer beaucoup de ces prisonniers.

En 2006 après leur victoire aux élections, le Hamas a demandé au Fatah et aux autres partis de les rejoindre pour former un gouvernement d’union. Le responsable du Hamas, Meshal a été cité sur le site internet « Palestinian Information Center » quand il s’est adressé au Fatah : « Soyez avec nous, et ne laissez pas tomber le partenariat politique. Nos cœurs vous sont ouverts, nos mains se tendent vers vous. Tournons une nouvelle page, et travaillons ensemble pour le meilleur de notre peuple sur la base du respect mutuel et de la coopération. Nous sommes un seul peuple, uni dans la résistance, et nous devons aussi nous unir sur la scène politique ». Le site en langue anglaise de Al-Jazeera a rapporté que le Premier Ministre Palestinien récemment élu, et responsable du Hamas à Gaza, Ismail Haniyeh insistait sur le désir d’unité au sein du camp patriotique palestinien, en soulignant encore les aspirations du Hamas pour l’unité avec les autres mouvements palestiniens importants. « Le Hamas a participé à la course sur la base de la pluralité politique. Nous ne traitons pas les questions politiques sur la base d’un parti arrivant au pouvoir après le départ d’un autre. Nous voulons venir et travailler avec les autres parce que les défis auxquels les Palestiniens doivent faire face sont très grands, et la guerre contre l’occupation doit encore être conduite». Même aujourd’hui alors qu’il contrôle Gaza, le Hamas continue à appeler le Fatah à le rejoindre pour bâtir un gouvernement palestinien et une direction politique unifiés. Loin de partager la même position, Abbas et ses proches ont décidé de s’allier plus étroitement avec Israël et les Occidentaux, pour tenter d’étrangler le Hamas et éloigner le peuple palestinien de ce parti. Pourtant il n’y aucun signe qui montre que ce stratagème porte ses fruits. Alors que Abbas est largement perçu comme participant à des rencontres conviviales inopportunes avec Olmert, et que Gaza est qualifié par Israël d’entité ennemie, de nombreux commentateurs notent que loin de gagner des soutiens auprès des Palestiniens, Abbas est considéré comme un judas pour la cause nationale. On peut seulement imaginer ce que Abbas pense pouvoir gagner en poursuivant cette stratégie.

Certains, qui pensaient que le Hamas établirait une société fondamentaliste basée sur des principes religieux stéréotypés et intolérants, ont été déçus par les évènements de Gaza. Le Hamas n’a pas imposé un régime de style taliban. Au contraire la direction a souvent déclaré que cela n’était pas dans leur ligne de pensée. Peut-être rendus perplexes par un autre préjugé contre le mouvement, certains ont pu être surpris d’apprendre que les femmes du Hamas ont développé leur leadership politique au sein du mouvement, en se battant pour les droits des femmes dans la lutte de libération, et ceci dans le cadre des principes islamistes. Au cours de la période électorale palestinienne en 2006, le site internet PIC, proche du Hamas a déclaré : « la femme palestinienne doit assumer son vrai rôle. Il est grand temps que la société apprécie à sa juste valeur l’étendue de son sacrifice et de son combat ». L’article expliquait comment le Hamas donnerait toute leur place aux femmes dans le futur Conseil Législatif, côte à côte avec les hommes dans la bataille contre l’occupation. Il poursuivait en expliquant : « Le Hamas a comme objectif de faire voter des lois pour protéger les femmes et leurs droits. Le Hamas résistera à toute tentative de marginaliser le rôle de la femme ». Après la victoire électorale du Hamas, le Guardian a publié en 2006 deux articles, l’un écrit par une députée du Hamas, Jameela al-Shanti, de Beit Hanoun à Gaza, et l’autre par Chris McGreal, dans le camp de réfugiés de Al Bureij, à Gaza également. Dans un article intitulé « Les femmes font serment de changer le visage du Hamas », Al-Shanti raconte passionnément comment des femmes désarmées, y compris elle-même, ont fait face à une attaque israélienne dans leur village, attaque qui a conduit à la mort d’un très grand nombre de Palestiniens, hommes, femmes et enfants, y compris sa belle sœur, mère de 8 enfants. Elle déclare, en défiant le lecteur, que lors de ce combat pour la liberté, le peuple palestinien ne va pas capituler pour une poignée de riz. Mc Greal parle, elle, de la bataille que les femmes palestiniennes mènent à l’intérieur du Hamas, dans l’objectif de changer le visage du Hamas. Elle rapporte que le mouvement comprend beaucoup de jeunes femmes, ayant des responsabilités, confiantes en elles, intelligentes et pleine d’énergie et qui contestent les discriminations sexistes à l’intérieur de la société palestinienne, discriminations qui ne sont pas un produit de l’Islam, disent-elles, mais de traditions démodées. L’auteur a rencontré une femme de Gaza, diplômée de l’Université Islamique où enseignent certains leaders du Hamas tels que Abdel Aziz Rantissi (assassiné par un missile lancé d’un hélicoptère Appache israélien, le 17 avril 2004) et Mahmoud al-Zahar. C’est une étudiante compétente et une organisatrice d’étudiants de confiance. Les étudiants du Hamas ont essayé de la faire adhérer à une organisation étudiante affiliée au Hamas, mais elle a refusé car elle ne partageait pas entièrement les positions du Hamas. Mais parce qu’ils reconnaissaient ses capacités, ils l’ont tout de même aidé à créer de sa propre initiative une nouvelle organisation indépendante. Ceci est seulement une anecdote qui illustre comment le Hamas est capable d’agir de manière démocratique en encourageant la contribution de la population à la lutte palestinienne et au développement de la société. Les positions du Hamas sur le rôle de la femme dans la société et dans la lutte distinguent également le mouvement des autres mouvements islamistes radicaux qui sont affiliés ou ouvertement sympathisants de Al-Qaeda. Ces mouvements n’envisagent aucun rôle social de la femme dans la société et dans la lutte pour l’indépendance, mais encouragent plutôt les femmes à se retirer de la vie publique. Dans certains cas, cela peut se comprendre comme le résultat de l’influence de la culture tribale en Afghanistan, et dans le contexte de guerres brutales, en Iraq par exemple, où les femmes sont souvent les premières victimes des calamités sociales apportées par l’occupation. Au contraire, les Palestiniens sont l’exemple d’un peuple qui endure depuis plusieurs dizaines d’années une occupation militaire et mène une lutte civile et armée, et dans lequel les femmes au sein du Mouvement de la Résistance Islamiste aussi bien qu’au sein du Jihad Islamique, jouent un rôle social dans la communauté, la société, et la bataille, encouragées en cela par les partis politiques islamistes.

L’idéologie et les pratiques du Hamas présentent beaucoup de points communs avec les idées démocratiques et progressives occidentales. Au lieu d’être inspiré par les traditions de la démocratie laïque, socialiste ou émanent de la bourgeoisie dans le contexte occidental, le Hamas est inspiré par des principes similaires dans le contexte culturel et les traditions de l’Histoire Arabe et Musulmane. Il faut garder en tête que les idéologies politiques qui sont à la base du combat pour l’indépendance et le progrès au Moyen-Orient, se sont développées dans le contexte de plus d’un siècle d’oppression coloniale et néo-coloniale. Au contraire les idées démocratiques de gauche occidentales se sont développées dans une atmosphère intellectuelle privilégiée au sein d’une société qui avait dérobé tout l’or des Amériques, exterminé des populations indigènes sur deux continents et transformé l’Afrique en terrain de chasse à peau noire. Nous, en Occident, devons accepter que la laïcité ne soit pas un principe idéologique majeure au Moyen Orient, notamment en raison du fait que cette idéologie a été introduite dans la région par les colonialistes. Les peuples Arabes et Musulmans, et beaucoup d’autres à travers le Monde ayant un désir d’indépendance vis-à-vis de l’hégémonie des USA, voient en Occident, beaucoup de conditions sociales et morales avec lesquelles ils ne souhaitent pas rivaliser, mais que les Occidentaux souvent considèrent comme des exemples de supériorité de leurs sociétés. Les peuples du monde entier développent leur propre identité politique à partir de leurs propres racines culturelles et politiques. Morales, Chaves, le Hezbollah libanais et le Hamas en représentent quelques exemples. Dans le processus de développement de ces mouvements indigènes, on note un éloignement progressif des formes politiques et culturelles uniformes issues des modèles marxistes et laïques occidentaux. Cependant il faut souligner que les principes universels partagés par ces idéologies de la libération et les idées occidentales de démocratie et de progrès, demeurent ; et qu’il existe des possibilités de développer un respect mutuel, une solidarité et une unité entre les deux. Ce dialogue et cette solidarité sont cependant mis en miettes par les problèmes conjoints et les défis des préjugés euro-centristes et de l’oppression occidentale sur le Tiers Monde.

Sukant Chandan

Traduit par N. Ollat pour le Comité Action Palestine

Sukant Chandan est un journaliste indépendant, chercheur et analyste politique. Il a contribué à plusieurs journaux tels que l’Hebdomadaire Al-Ahram, Counterpunch et le Réseau du Tiers Monde basé à Kuala Lumpur. Il est responsable de 2 sites : http://ouraim.blogspot.com  et http://sonsofmalcolm.blogspot.com  . Il peut être contacté à sukant.chandan@gmail.com .




Hamas, la démocratie islamiste et la libération nationale

le 6/11/2007 14:30:00 (980 lectures)

 

Femmes du HamasNous, en Occident, devons accepter que la laïcité ne soit pas un principe idéologique majeur au Moyen Orient, en grande partie car elle a été introduite dans la région par les colonialistes déclare Sukant Chandan dans cet article publié sur le site PalestineChronicle.com le 19 octobre 2007 .

Les peuples du monde entier développent leur propre identité politique à partir de leurs propres racines culturelles et politiques. Le Hamas en est un exemple.

Mais il faut reconnaître que les préjugés euro-centristes et l’oppression occidentale du Tiers-Monde dénient à ce mouvement de libération la capacité à faire valoir les principes universels de justice, de démocratie et de liberté dont l’Occident se prétend seul représentant légitime.

Photo : PalestineChronicle.com


Nous, en Occident, devons accepter que la laïcité ne soit pas un principe idéologique majeur au Moyen Orient, en grande partie car elle a été introduite dans la région par les colonialistes.

La victoire du Hamas aux élections de janvier 2006 a conduit à un intérêt croissant pour le Mouvement de la Résistance Islamique. Jusqu’à présent, peu de choses ont été comprises sur l’Histoire du Hamas, sa stratégie politique et sociale et sa tactique. Ce sont plutôt des rumeurs et des préjugés bon marché contre le Hamas qui ont été colportés au travers de tout le spectre politique occidental. D’une manière regrettable, les progressistes occidentaux ont largement évité de relever les challenges de l’internationalisme et de l’anti-racisme dans le contexte de la campagne néocolonialiste et raciste contre les Musulmans et l’Islam, dont fait partie la diabolisation et la criminalisation du Hamas.

Les personnes de conviction démocratique et progressiste, opposés à la criminalisation du Hamas, doivent se confronter à l’idéologie eurocentrique qui légitime seulement ceux que les Occidentaux considèrent comme démocratiques, plutôt que ceux qui sont choisis par leur peuple. Cet article a comme objectif de démontrer que l’idéologie du Hamas se réclame autant des valeurs et des pratiques de la démocratie et des droits de l’homme que ces mouvements politiques occidentaux. La différence réside dans le fait que ces valeurs sont inspirées et enracinées dans leur propre contexte religieux, culturel et social.

Le processus de paix d’Oslo n’a pas réussi à mettre en place une paix juste et durable pour les Palestiniens qui souffrent et se battent depuis longtemps. Cet échec a créé les conditions pour que le Hamas vienne au devant de la scène de la lutte nationale palestinienne. Depuis le début du processus d’Oslo, au début des années 90, les Palestiniens ont pu voir que certains éléments de la direction du Fatah disposaient d’un train de vie très élevé et étaient impliqués dans toutes sortes de corruption financière et morale, et ne se privaient pas d’arrêter et de torturer des Islamistes. Dans un contraste austère, le Hamas se révélait de plus en plus populaire en raison de ses résultats en matière d’aide à la population, grâce à ses organisations civiles, à l’absence de corruption financière, au mode de vie simple de sa direction, à leur morale rigoureuse en accord avec les principes islamiques. Les attaques suicide meurtrières conduites en Israël par la branche armée du Hamas, les Brigades Al-Qassem, à un moment où les négociations se révélaient sans perspectives pour repousser l’agression israélienne, ont fait grandir le prestige du Hamas, comme défenseurs du peuple palestinien. Ce dévouement au peuple et à la lutte s’est traduit en soutien électoral. Le Hamas a gagné la moitié des voix aux élections municipales au début de l’Intifada Al-Aqsa en 2000. A cette date, le Hamas n’a pas participé aux élections présidentielles et législatives en raison de son opposition à Oslo, et parce qu’il considérait ces élections comme parties intégrantes du processus d’anéantissement de la Révolution nationale palestinienne. Puis, fait historique, ils ont décidé de participer aux élections de 2006. Leur victoire retentissante issue des urnes a constitué un fait encore plus important.

Les personnes intéressées par une analyse plus approfondie de la campagne électorale du Hamas doivent lire l’étude de Khaled Hroub : « Un nouveau Hamas : au travers de ses nouveaux documents ». Hroub établit que des documents publiés au moment de la campagne électorale en 2006 révèlent que le Hamas a fait preuve d’un grand attachement à l’union nationale de tous les mouvements palestiniens, d’une volonté de favoriser un gouvernement national et a fait des efforts pour diminuer la rhétorique islamique. En aucun cas, cela ne doit être interprété comme un abandon par le Hamas de ses objectifs d’un Etat islamique considéré comme la meilleure solution pour la société palestinienne et sa libération, mais plutôt comme une reconnaissance qu’il devait agir dans un esprit de tolérance démocratique et de respect des autres partis laïques et de l’électorat palestinien. Hroub argue également que ces évolutions et ces documents ont été largement ignorés en Occident. Cette étude est particulièrement pertinente à un moment de désaccord national entre le Hamas et le Fatah, alors que beaucoup qualifient le Hamas de putschiste. L’étude de Hroub montre, au contraire, que le Hamas a, pendant un certain temps, appelé à une stratégie d’union au sein des rangs patriotiques palestiniens. Le Hamas a ses propres objectifs stratégiques islamiques, mais il les met en avant par des moyens démocratiques et civils. Il a toujours affirmé que le peuple palestinien doit être celui qui aura le dernier mot sur ces questions par le moyen d’élections démocratiques. Dr Salah Bardawil, un responsable du Hamas dans le Sud de la Bande de Gaza, a déclaré dans l’édition en langue arabe de Asharsrq al-Awsat du 31 janvier 2006 : « le Hamas n’a absolument jamais pensé et ne pense absolument pas à la promulgation de lois qui imposeraient les enseignements islamiques à la société. Les enseignements religieux sont suivis lorsqu’ils sont acceptés par le peuple, et non lorsqu’ils sont imposés par la terreur ». Il a expliqué que « le peuple palestinien connaît l’approche tolérante du Hamas qui l’a conduit à gagner plus de voix chrétiennes que certains autres partis laïques » et il a considéré « les accusations consistant à déclarer que le Hamas planifiait la mise en œuvre de contraintes religieuses faisaient partie d’une grande campagne menée par les partis nationaux, internationaux et israéliens pour salir l’image du mouvement Hamas ».

L’attachement à la démocratie n’a rien de neuf pour ce parti. Même depuis sa création, le Hamas a exprimé son attachement aux volontés démocratiques du peuple, quelle que soit sa décision. Le leader du Hamas, Sheikh Yassin, tué par un bombardement israélien en mars 2004, a déclaré en 1989, dans l’édition en langue arabe du quotidien Al-Nahar : « Je veux un Etat démocratique pluripartite, et je veux que quiconque gagne les élections assume le pouvoir ». Quand le journaliste lui a demandé si ce serait toujours le cas si le Parti Communiste gagnait les élections, le Sheikh Yassin a répondu : « Je respecterai le souhait du peuple palestinien même si le Parti communiste gagne ».

Des tensions existent entre le Hamas et les autres partis, et il ne faut pas dissimuler ou oublier la nature politique et culturelle des tensions internes qui ont toujours existé au sein du camp nationaliste palestinien. Il y a eu plusieurs cas d’affrontements violents entre le Hamas, le Fatah et les autres partis palestiniens comme les Fronts Populaire et Démocratique (de Libération de la Palestine, FPLP, FDLP ndlt). Ces tensions ne sont pas seulement le fait de quelques jeunes islamistes zélés attaquant ceux dont le seul crime est d’être laïques, ainsi que l’exemple suivant le montre. Un responsable politique palestinien d’un parti marxiste était souvent aperçu ivre dans les rues de Gaza pendant le Première Intifada. Il a été brutalement attaqué par des jeunes du Hamas, gravement blessé et hospitalisé dans une situation critique pendant plusieurs semaines. Il a déclaré cependant qu’il n’avait aucune rancune envers le Hamas et soutenait même leurs actions car il avait le sentiment que son comportement était inacceptable au moment où l’ensemble de la communauté faisait des sacrifices immenses. Ceci rappelle une scène du film « La Bataille d’Alger » quand un groupe d’environ une vingtaine d’enfants de la Casbah attaque un ivrogne local et l’expulse de la communauté. Au cœur d’une lutte de masse, spécialement dans une société qui désapprouve un tel comportement en temps normal, les mouvements de libération prennent souvent des décisions sévères, mais populaires, pour assurer la cohésion sociale et l’unité au sein de la communauté.

Depuis l’établissement de l’Autorité Palestinienne, que les Occidentaux et Israël ont mise en place en espérant qu’elle fasse leur boulot pour réprimer les révolutionnaires palestiniens, les membres du Hamas ont été emprisonnés, torturés et parfois même assassinés par l’AP. Pourtant ce mouvement n’a jamais eu recours à la vengeance contre ces attaques. La direction a toujours tenu à l’écart toute demande occasionnelle de châtiment envers l’AP et le Fatah. Le Hamas a toujours fait preuve d’une grande patience le long de ses années d’existence, spécialement alors qu’il a été traité par l’Autorité Palestinienne sous contrôle du Fatah comme un véritable ennemi interne, Les militants et les combattants du Hamas, avec ceux des autres partis, ont été régulièrement emprisonnés et torturés par l’AP, bien que, du fait de leur force et de leur popularité auprès de la population, Arafat ait toujours fait référence à eux en tant que frères de combat et empêché une rupture totale. Actuellement en Cisjordanie, on se retrouve dans une situation identique en matière de répression et d’arrestations arbitraires conduites par le Fatah envers les militants du Hamas. Alors que le Fatah et les autres forces d’opposition sont généralement autorisés à organiser des manifestations et des rassemblements à Gaza  – sous contrôle du Hamas -, en Cisjordanie – sous contrôle du Fatah – le Fatah a arrêté un grand nombre de militants du Hamas, le Hamas accusant le Fatah de torturer beaucoup de ces prisonniers.

En 2006 après leur victoire aux élections, le Hamas a demandé au Fatah et aux autres partis de les rejoindre pour former un gouvernement d’union. Le responsable du Hamas, Meshal a été cité sur le site internet « Palestinian Information Center » quand il s’est adressé au Fatah : « Soyez avec nous, et ne laissez pas tomber le partenariat politique. Nos cœurs vous sont ouverts, nos mains se tendent vers vous. Tournons une nouvelle page, et travaillons ensemble pour le meilleur de notre peuple sur la base du respect mutuel et de la coopération. Nous sommes un seul peuple, uni dans la résistance, et nous devons aussi nous unir sur la scène politique ». Le site en langue anglaise de Al-Jazeera a rapporté que le Premier Ministre Palestinien récemment élu, et responsable du Hamas à Gaza, Ismail Haniyeh insistait sur le désir d’unité au sein du camp patriotique palestinien, en soulignant encore les aspirations du Hamas pour l’unité avec les autres mouvements palestiniens importants. « Le Hamas a participé à la course sur la base de la pluralité politique. Nous ne traitons pas les questions politiques sur la base d’un parti arrivant au pouvoir après le départ d’un autre. Nous voulons venir et travailler avec les autres parce que les défis auxquels les Palestiniens doivent faire face sont très grands, et la guerre contre l’occupation doit encore être conduite». Même aujourd’hui alors qu’il contrôle Gaza, le Hamas continue à appeler le Fatah à le rejoindre pour bâtir un gouvernement palestinien et une direction politique unifiés. Loin de partager la même position, Abbas et ses proches ont décidé de s’allier plus étroitement avec Israël et les Occidentaux, pour tenter d’étrangler le Hamas et éloigner le peuple palestinien de ce parti. Pourtant il n’y aucun signe qui montre que ce stratagème porte ses fruits. Alors que Abbas est largement perçu comme participant à des rencontres conviviales inopportunes avec Olmert, et que Gaza est qualifié par Israël d’entité ennemie, de nombreux commentateurs notent que loin de gagner des soutiens auprès des Palestiniens, Abbas est considéré comme un judas pour la cause nationale. On peut seulement imaginer ce que Abbas pense pouvoir gagner en poursuivant cette stratégie.

Certains, qui pensaient que le Hamas établirait une société fondamentaliste basée sur des principes religieux stéréotypés et intolérants, ont été déçus par les évènements de Gaza. Le Hamas n’a pas imposé un régime de style taliban. Au contraire la direction a souvent déclaré que cela n’était pas dans leur ligne de pensée. Peut-être rendus perplexes par un autre préjugé contre le mouvement, certains ont pu être surpris d’apprendre que les femmes du Hamas ont développé leur leadership politique au sein du mouvement, en se battant pour les droits des femmes dans la lutte de libération, et ceci dans le cadre des principes islamistes. Au cours de la période électorale palestinienne en 2006, le site internet PIC, proche du Hamas a déclaré : « la femme palestinienne doit assumer son vrai rôle. Il est grand temps que la société apprécie à sa juste valeur l’étendue de son sacrifice et de son combat ». L’article expliquait comment le Hamas donnerait toute leur place aux femmes dans le futur Conseil Législatif, côte à côte avec les hommes dans la bataille contre l’occupation. Il poursuivait en expliquant : « Le Hamas a comme objectif de faire voter des lois pour protéger les femmes et leurs droits. Le Hamas résistera à toute tentative de marginaliser le rôle de la femme ». Après la victoire électorale du Hamas, le Guardian a publié en 2006 deux articles, l’un écrit par une députée du Hamas, Jameela al-Shanti, de Beit Hanoun à Gaza, et l’autre par Chris McGreal, dans le camp de réfugiés de Al Bureij, à Gaza également. Dans un article intitulé « Les femmes font serment de changer le visage du Hamas », Al-Shanti raconte passionnément comment des femmes désarmées, y compris elle-même, ont fait face à une attaque israélienne dans leur village, attaque qui a conduit à la mort d’un très grand nombre de Palestiniens, hommes, femmes et enfants, y compris sa belle sœur, mère de 8 enfants. Elle déclare, en défiant le lecteur, que lors de ce combat pour la liberté, le peuple palestinien ne va pas capituler pour une poignée de riz. Mc Greal parle, elle, de la bataille que les femmes palestiniennes mènent à l’intérieur du Hamas, dans l’objectif de changer le visage du Hamas. Elle rapporte que le mouvement comprend beaucoup de jeunes femmes, ayant des responsabilités, confiantes en elles, intelligentes et pleine d’énergie et qui contestent les discriminations sexistes à l’intérieur de la société palestinienne, discriminations qui ne sont pas un produit de l’Islam, disent-elles, mais de traditions démodées. L’auteur a rencontré une femme de Gaza, diplômée de l’Université Islamique où enseignent certains leaders du Hamas tels que Abdel Aziz Rantissi (assassiné par un missile lancé d’un hélicoptère Appache israélien, le 17 avril 2004) et Mahmoud al-Zahar. C’est une étudiante compétente et une organisatrice d’étudiants de confiance. Les étudiants du Hamas ont essayé de la faire adhérer à une organisation étudiante affiliée au Hamas, mais elle a refusé car elle ne partageait pas entièrement les positions du Hamas. Mais parce qu’ils reconnaissaient ses capacités, ils l’ont tout de même aidé à créer de sa propre initiative une nouvelle organisation indépendante. Ceci est seulement une anecdote qui illustre comment le Hamas est capable d’agir de manière démocratique en encourageant la contribution de la population à la lutte palestinienne et au développement de la société. Les positions du Hamas sur le rôle de la femme dans la société et dans la lutte distinguent également le mouvement des autres mouvements islamistes radicaux qui sont affiliés ou ouvertement sympathisants de Al-Qaeda. Ces mouvements n’envisagent aucun rôle social de la femme dans la société et dans la lutte pour l’indépendance, mais encouragent plutôt les femmes à se retirer de la vie publique. Dans certains cas, cela peut se comprendre comme le résultat de l’influence de la culture tribale en Afghanistan, et dans le contexte de guerres brutales, en Iraq par exemple, où les femmes sont souvent les premières victimes des calamités sociales apportées par l’occupation. Au contraire, les Palestiniens sont l’exemple d’un peuple qui endure depuis plusieurs dizaines d’années une occupation militaire et mène une lutte civile et armée, et dans lequel les femmes au sein du Mouvement de la Résistance Islamiste aussi bien qu’au sein du Jihad Islamique, jouent un rôle social dans la communauté, la société, et la bataille, encouragées en cela par les partis politiques islamistes.

L’idéologie et les pratiques du Hamas présentent beaucoup de points communs avec les idées démocratiques et progressives occidentales. Au lieu d’être inspiré par les traditions de la démocratie laïque, socialiste ou émanent de la bourgeoisie dans le contexte occidental, le Hamas est inspiré par des principes similaires dans le contexte culturel et les traditions de l’Histoire Arabe et Musulmane. Il faut garder en tête que les idéologies politiques qui sont à la base du combat pour l’indépendance et le progrès au Moyen-Orient, se sont développées dans le contexte de plus d’un siècle d’oppression coloniale et néo-coloniale. Au contraire les idées démocratiques de gauche occidentales se sont développées dans une atmosphère intellectuelle privilégiée au sein d’une société qui avait dérobé tout l’or des Amériques, exterminé des populations indigènes sur deux continents et transformé l’Afrique en terrain de chasse à peau noire. Nous, en Occident, devons accepter que la laïcité ne soit pas un principe idéologique majeure au Moyen Orient, notamment en raison du fait que cette idéologie a été introduite dans la région par les colonialistes. Les peuples Arabes et Musulmans, et beaucoup d’autres à travers le Monde ayant un désir d’indépendance vis-à-vis de l’hégémonie des USA, voient en Occident, beaucoup de conditions sociales et morales avec lesquelles ils ne souhaitent pas rivaliser, mais que les Occidentaux souvent considèrent comme des exemples de supériorité de leurs sociétés. Les peuples du monde entier développent leur propre identité politique à partir de leurs propres racines culturelles et politiques. Morales, Chaves, le Hezbollah libanais et le Hamas en représentent quelques exemples. Dans le processus de développement de ces mouvements indigènes, on note un éloignement progressif des formes politiques et culturelles uniformes issues des modèles marxistes et laïques occidentaux. Cependant il faut souligner que les principes universels partagés par ces idéologies de la libération et les idées occidentales de démocratie et de progrès, demeurent ; et qu’il existe des possibilités de développer un respect mutuel, une solidarité et une unité entre les deux. Ce dialogue et cette solidarité sont cependant mis en miettes par les problèmes conjoints et les défis des préjugés euro-centristes et de l’oppression occidentale sur le Tiers Monde.

Sukant Chandan

Traduit par N. Ollat pour le Comité Action Palestine

Sukant Chandan est un journaliste indépendant, chercheur et analyste politique. Il a contribué à plusieurs journaux tels que l’Hebdomadaire Al-Ahram, Counterpunch et le Réseau du Tiers Monde basé à Kuala Lumpur. Il est responsable de 2 sites : http://ouraim.blogspot.com  et http://sonsofmalcolm.blogspot.com  . Il peut être contacté à sukant.chandan@gmail.com .

 




Une OLP parallèle

le 12/11/2007 1:13:42 (729 lectures)

Article de Khaled Amayreh paru dans Al-Ahram Weekly le 2 novembre 2007.


L’Autorité Palestinienne de Ramallah a fait des efforts effrénés pour bloquer la « conférence nationale » que l’opposition, menée par le Hamas, envisage de tenir à Damas pour souligner son rejet de la conférence, parrainée par les Etats-Unis, qui doit se tenir à Annapolis, Maryland, en novembre ou début décembre. La conférence de Damas devait se réunir le 7 novembre mais elle serait reportée pour coïncider avec la Conférence d’Annapolis.

Le Président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas a demandé à la Syrie d’annuler cette réunion de deux jours, arguant qu’elle exacerberait les divisions palestiniennes internes et affaiblirait sérieusement la position palestinienne à Annapolis.

Au début de la semaine, il a envoyé trois émissaires dans la capitale syrienne pour essayer de convaincre le Président syrien Bashar Al-Assad d’interdire la rencontre. Les responsables syriens ont clairement dit que la Syrie ne participerait pas à la Conférence d’Annapolis à moins que l’occupation israélienne des Hauteurs du Golan soit à l’ordre du jour.

Avec le Hamas, plusieurs factions palestiniennes envisagent de participer à la Conférence de Damas, dont le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), la faction de l’OLP la plus importante après le Fatah.

La participation du FPLP est significative en cela qu’elle est le signe de la fin de l’ancienne unité de l’OLP contre le Hamas, qui a prévalu depuis sa prise de contrôle de la Bande de Gaza à la mi-juin dernier.

Abbas ne peut plus continuer à prétendre qu’il jouit du soutien total des factions de l’OLP dans sa confrontation prolongé avec le Hamas.

Il y aura également, parmi les participants, le FPLP-Commandement Général basé à Damas, dirigé par Ahmed Jibril, ainsi que le Jihad Islamique, dirigé par Ramadan Abdullah Shallah. Farouk Al-Qaddumi et Hani Al-Hassan, deux membres éminents du Fatah, ont indiqué qu’ils participeraient à la Conférence de Damas pour protester contre ce qu’ils appellent « la ligne d’Abbas  » et « sa soumission à l’Amérique et à Israël « .

En plus des factions organisées, pas moins de 700 intellectuels palestiniens et arabes pourraient se retrouver à Damas, crédibilisant encore davantage la réunion comme vecteur de l’expression des préoccupations nationales.

Selon les organisateurs, la conférence cherchera à réexaminer les constantes nationales palestiniennes et à réaffirmer l’opposition à « la tentative de liquidation de la cause palestinienne « , en particulier le droit au retour des cinq millions de réfugiés palestiniens.

« La conférence mettra des dirigeants palestiniens et arabes, des intellectuels et des hommes politiques, face à leur responsabilité historique et nationale de refuser une couverture politique aux projets USraéliens d’en terminer avec la cause palestinienne à Annapolis « , dit Mohammed Nazzal, membre du bureau politique du Hamas.

Elle a aussi pour but de mettre au premier plan l’unité nationale comme pierre d’angle de la lutte de libération, et c’est la raison pour laquelle le Fatah clame que la conférence approfondira les divisions et qu’elle devrait être annulée parce que « hypocrite » et « peu sincère ».

« Abbas et ses hommes craignent que la conférence de Damas n’offre une alternative à l’OLP, ce qui explique leurs ardeurs à faire avorter la réunion . »

Les organisateurs disent que les pressions américaines sur Abbas pour qu’il accepte un compromis sur des questions comme le statut de Jérusalem et le droit au retour ont fait de l’organisation de la conférence de Damas « une urgence nationale « .

La direction de l’OLP à Ramallah ne représente plus le peuple palestinien pour deux raisons :
• d’abord, elle est prisonnière de l’occupation israélienne et a perdu tout semblant d’indépendance et de liberté, si elle en a jamais eu,
• et ensuite, la direction de l’OLP « n’est pas élue, antidémocratique et anachronique, dont la prétendue légitimité se base sur des organes obsolètes et la plupart du temps nommés « , a déclaré Hassan Khreisha, membre du Conseil Législatif Palestinien, à Al-Ahram Weekly .

Khreisha a révélé le projet de faire suivre la conférence de Damas de deux réunions, une à Gaza et l’autre en Cisjordanie, pour souligner davantage ce qu’il décrit comme « cette parodie », c’est-à-dire les efforts des USA pour conclure un marché entre Israël et Abbas où le droit au retour des réfugiés palestiniens – parmi d’autres points – serait abandonné.

Le 28 octobre, le Jerusalem Post a cité Sari Nusseibeh, un protégé d’Abbas, comme disant que « nous échangerons le droit au retour avec le retrait israélien aux frontières de 1967 . »

La conférence de Damas, disent des sources proches des organisateurs, pourrait bien opter pour le choix d' »organes nationaux alternatifs et parallèles « , s’il devenait clair que l’actuelle OLP de Ramallah, soutenue par les Américains, pense continuer à mépriser « le consensus national palestinien « .

Les institutions parallèles pourraient inclure un nouveau Conseil National et un nouveau Comité Exécutif, offrant une alternative à l’actuel Comité Exécutif dirigé par Abbas à Ramallah.

Le quotidien israélien Yediot Aharonot cite une « personnalité palestinienne éminente « , qu’il ne nomme pas, qui a dit qu’il est maintenant vital que le nouveau président de l’OLP soit choisi. Abbas, commente-t-il, n’a jamais été élu après la mort de Yasser Arafat il y a trois ans, et la conférence pourrait donc choisir quelqu’un d’indépendant pour agir comme président parallèle de l’OLP.

Défendant sa direction devant les critiques croissantes, Abbas continue de prétendre que l’OLP a le droit de négocier avec Israël. Il nie avoir le projet de faire des concessions de grande portée à Israël à Annapolis, et que tout accord de paix qu’il atteindrait avec Israël devrait être ratifié par une majorité de Palestiniens.

« Tout agrément ne sera effectif qu’après avoir été ratifié, soit par référendum, grâce auquel chacun, y compris le Hamas, pourra exprimer son opinion, ou soit par l’approbation du Conseil National Palestinien, qui représente le peuple palestinien « , dit Abbas.

Kreisha, cependant, précise que dans sa forme actuelle, le Conseil National Palestinien est loin de représenter le peuple palestinien et qu’il « n’est pas qualifié  » pour décider des questions déterminantes pour son avenir. « C’est un conseil sénile qui a été nommé, pas élu, par Yasser Arafat. Il est amorphe et nous ne savons même pas exactement combien de membres il comporte. Le CNP n’est rien d’autre qu’une plaisanterie . »

Khaled Amayreh

Traduction : MR pour ISM




Conférence-débat avec François Burgat – Compte-rendu

Le Comité Action Palestine a organisé le 4 octobre 2007 une conférence débat avec François Burgat sur le thème : « La Palestine et les Médias ou l’Islamophobie au Service de l’Occupation Israélienne « . Voir la présentation de la soirée .

Nous tenons à remercier François Burgat tout d’abord mais aussi tous ceux qui ont assisté à cet évènement ainsi que le radio la « La clé des Ondes » qui a enregistré l’évènement et qui met cet enregistrement à notre disposition (voir plus bas pour télécharger l’intervention).

Pour ceux qui n’étaient pas là et pour vous donner envie d’en savoir plus voici un bref résumé de cette conférence.

François Burgat est politologue et directeur de recherche au CNRS (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, CNRS). Il est l’auteur de plusieurs essais dontL’Islamisme en face (La Découverte, 1995 2002 et réédition augmentée sous presse) etL’islamisme à l’heure d’Al-Qaïda (2005, Editions La Découverte).

Lors de cette conférence consacrée à l’attitude des medias français vis-à-vis de la question palestinienne, F.Burgat s’est employé à démonter le processus par lequel une information française particulièrement israléo centrée réussit à parer la répression du Hamas (et avec lui celle de tout le peuple palestinien) des vertus d’une lutte pour l’émancipation de la société ou de la femme palestiniennes ou d’une quelconque défense des « valeurs de la modernité ». Le processus n’est pas sans rappeler la rhétorique des autorités coloniales qui présentaient dans les années cinquante le maintien de la présence française en Algérie comme une garantie de protection des libertés féminines. C’est en ce sens que l’on peut dire que les grands médias audio visuels français et européens parviennent en quelque sorte à faire prendre au grand public « des vessies dominatrices pour des lumières émancipatrices « .

Les pratiques de la domination israélienne, masquées sous une communication « de paix » qui est aux antipodes de la réalité des avancées constantes de l’occupation militaire prennent appui pour légitimer leur intransigeance sur la criminalisation indistincte de toute la génération politique « islamiste »‘. Le choix massif des Palestiniens lors des législatives de 2006 a pourtant montré que, en politique, cette sémantique « islamique » – à Gaza comme dans bon nombre d’autres pays de la région – a une portée identitaire bien plus large que celle d’une affirmation strictement religieuse. Tout en prétendant défendre la femme palestinienne contre le machisme de ses pères, fils et époux, la machine de guerre israélienne n’en dépoloit pas moins contre la société toute entière (femmes incluses !) une violence économique, politique et militaire sans limite.

Si ce tour de passe passe mortifère s’opère avec tant de facilité, c’est que les médias surfent sur l’incapacité de la classe intellectuelle et politique française de produire ou d’accepter une vision rationnelle de la la génération islamiste. Ce décrochage intellectuel n’est pas l’apanage des medias, il est inhérent à toute la société occidentale, recroquevillée sur son identité et donc dans l’incapacité d’admettre les aspects universels d’une culture autre que la sienne.

La conférence a été suivie d’un débat avec le politologue qui a répondu à des questions qui ont porté sur la place de la politique étrangère lors de la campagne électorale, l’importance du lobby sioniste dans les medias, l’inféodation des gouvernements arabes à l’occident et à Israël, la question du voile islamique, etc.

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Téléchargez l’intervention (cliquez à droite puis sur « enregistrez la cible sous » pour l’enregistrer sur votre ordinateur – attention, le fichier fait 76 Mo – son téléchargement peut prendre du temps)

L’intervention est enregistrée et pré-montée par Gilbert Hanna « la Clé Des Ondes « , 90.1.




Conférence-débat avec François Burgat

« La Palestine et les Médias
ou
l’Islamophobie au Service de l’Occupation Israélienne »

Le COMITE ACTION PALESTINE
vous convie à une conférence-débat avec :

François BURGAT

Politologue,
Directeur de recherche à l’IREMAM
Institut de recherches et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman, CNRS

le jeudi 4 octobre 2007 à 20h30

à BORDEAUX 
Amphithéâtre de l’Athénée Municipal
Place St Christoly
Tram A ou B, arrêt Hôtel de Ville

François Burgat est l’auteur de plusieurs essais dont « L’islamisme à l’heure d’Al-Qaida » (2005, Editions La Découverte).

Il a publié en Août 2006 sur Oumma.com un article sur la « Telavivision » dont voici un extrait :

[….] « Aux rois des non-dits du 20 heures et des « plateaux » qui penchent sous le poids des « philosophes à gages » et autres « experts » auto-proclamés, aux princes des débats à sens inique, aux reines des enquêtes à œillères et des docus menteurs, aux montages qui trichent et qui truquent, aux mages du « 50-50 » (une minute pour les cratères et… une pour les canons) comment dire la rage ressentie devant de telles « informations » ? Comment vous dire : « Assez » ! L’arme des mots nous forge un nouveau nom : vous serez désormais la « TELAVIVISION! »

A la télévision, on creuse le vieux sillon du sens commun de la haine ordinaire : de Gaza à la banlieue sud de Beyrouth, on stigmatise indistinctement- et aussi aveuglément qu’en leur temps ses pères nationalistes – l’entière génération politique dite « islamiste » tout entière identifiée au « terrorisme ». […]

Informations supplémentaires au 06-74-60-02-36 ou par mail : actionpalestine@hotmail.fr