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L’Algérie fête ses 50 ans d’indépendance

Le 5 juillet 2012, l’Algérie a célébré le cinquantième anniversaire de son indépendance. Bien qu’en France des historiens, des politiques, des courants de pensée dans l’opinion publique aient cherché à galvauder le terme même d’indépendance, celui-ci conserve toujours une signification vivace pour le peuple algérien en raison de l’histoire et de l’actualité.

Le 5 juillet 1962, c’est la date symbolique qui clôt, après les Accords d’Evian du 19 mars 1962, 132 ans de colonisation, de spoliation, d’exploitation forcenée, de misère, de famine, d’injustice, d’humiliation, de racisme et de massacres. La signification de l’indépendance en tant qu’acte libérateur et tant que valeur politique de la conscience collective algérienne n’est compréhensible qu’au regard de la barbarie du système colonial. Economiquement, les Algériens furent dépossédés de leurs terres et réduits au plus haut point de misère et de servilité. Socialement, toutes les formes traditionnelles d’organisation communautaire furent déstructurées. Culturellement, l’assimilation était une politique de dislocation de l’identité arabe et musulmane de l’Algérie. Ce système d’oppression coloniale a fonctionné selon une logique d’apartheid c’est-à-dire sur le mode de la séparation du monde européen du monde musulman, de la discrimination institutionnalisée et de l’asservissement de la population colonisée. Mais à certaines périodes, en fonction des intérêts économiques du moment ou de la ténacité des résistances populaires, ce système colonial est entré dans une logique génocidaire. Un tiers de la population algérienne fut décimée pendant la colonisation. L’indépendance pour les Algériens en 1962 comme en 2012, n’est donc pas un vain mot : c’est le droit pour un peuple d’exister dans la justice, la liberté et la dignité.

Cette indépendance a acquis d’autant plus de valeur qu’elle a été chèrement acquise, au prix d’une des guerres de libération les plus impressionnantes et les plus violentes du 20ième siècle. Huit années d’un carnage sans nom, où toutes les techniques de guerre modernes et les armes les plus destructrices ont été employées contre l’insurrection populaire, ont laissé un macabre décompte : 1.5 millions d’Algériens tués. Mais ce sont 1.5 millions de valeureux martyrs et les sacrifices inimaginables de la résistance populaire qui ont rendu possible la réalisation de l’idéal du nationalisme algérien : l’indépendance, c’est-à-dire la capacité pour un peuple de fonder une nation et de choisir son destin.

50 ans plus tard, les principes de la révolution animent toujours la conscience populaire algérienne, et l’idéal d’indépendance est toujours une idée aussi neuve. A l’heure où l’impérialisme tente de remodeler le « Grand Moyen-Orient », de déstabiliser le monde arabe pour contrer les processus révolutionnaires en cours, de fomenter et de financer de pseudo-rébellions pour installer de nouveaux pouvoirs fantoches, la question de l’indépendance se repose avec acuité pour le peuple algérien. En effet, les guerres et les recompositions politiques en Libye et au Mali, impulsées par l’Occident, constituent une menace pour la stabilité et l’intégrité de l’Algérie. L’Occident en général et la France en particulier mènent une politique d’encerclement de l’Algérie en attendant l’occasion de pouvoir y réinstaurer un régime à leur solde, d’assoir dans ce vaste pays aux richesses multiples leur néocolonialisme. Si l’indépendance a été chèrement acquise contre le colonialisme, elle doit être préservée et défendue comme la chose la plus précieuse qui soit contre le néocolonialisme. Mais le peuple algérien, armé d’une expérience historique riche en enseignements et conscient des enjeux internationaux actuels, saura résister, comme par le passé, à toute tentative de nuire à son intégrité et à sa liberté.

Comité Action Palestine




Jean Bricmont : « Résister au sionisme : défendre la liberté d’expression »

Dans les pays occidentaux, et notamment en France qui collabore activement avec Israël toute critique et remise en question de l’entité sioniste sont systématiquement soumises à censure et à accusation d’antisémitisme. Quand il s’agit d’Israël, la liberté d’expression est bafouée, alors qu’elle est défendue en principe par toute l’intelligentsia et la classe politique dans d’autres circonstances. Le CRIF ne relâche pas ses efforts pour faire interdire des conférences et intenter des procès contre tous ceux qui osent résister au sionisme. Pourtant l’antisionisme n’est pas un crime. Il est une exigence de justice. La population française ne doit pas se laisser intimider par le fascisme rampant qui gagne du terrain. Il est plus que jamais nécessaire de se mobiliser pour dénoncer à la fois l’Etat sioniste et la classe politique française qui collabore avec lui.

A l’occasion du cycle de conférences concernant la résistance au sionisme, le Comité Action Palestine a convié le physicien belge Jean Bricmont à traiter de ces questions lors de sa conférence intitulée : « Résister au sionisme : défendre la liberté d’expression ».

Très attaché à la liberté d’expression, Jean Bricmont a donc été invité à se prononcer sur l’antisionisme, le chantage à l’antisémitisme, le rôle du CRIF et le lien entre les médias et le sionisme.

Dans la vidéo qui suit, vous trouverez les moments clés de l’intervention de Jean Bricmont.

http://www.comiteactionpalestine.org/word/?p=573




Israël : Un processus de colonisation de A à Z

Dans ce texte datant de 2010, l’avocat Gilles Devers expose en toute clarté les bases historiques et juridiques de la souveraineté du peuple palestinien sur la terre de Palestine. Il écrit « le colonialisme permet la possession des terres, mais la propriété reste au peuple colonisé, dont le droit est inaliénable« . Pour les puissances impérialistes, la non-application du droit des peuples à l’autodétermination  relève de la stratégie politique. Gilles Devers défend avec force que le droit fait partie des armes dont le peuple palestinien doit se saisir pour renverser le rapport de forces avec le colonisateur sioniste. Les faits accomplis sur le terrain n’y changent rien, la Palestine appartient de droit aux Palestiniens.


La Palestine existait avant Israël, et ce droit est inaliénable.

On en arrive presque à l’oublier, alors que c’est la base de tout raisonnement : la Palestine préexistait à Israël, même si c’était la Palestine colonisée, à une époque qui niait le principe d’autodétermination des peuples. C’est dire qu’Israël est juridiquement le fruit de la colonisation de A à Z.

Il faut donc revenir sur l’histoire, au début du XX° siècle.

Impossible de comprendre le droit sans ce rappel historique, car il fonde le droit des Palestiniens sur la Palestine. Les faits sont anciens ? Non, ils sont très récents pour la bonne raison que la réalité d’aujourd’hui est directement liée à ces évènements : du point de vue du droit, tout est resté figé depuis l’évènement originaire, à savoir l’éviction des Palestiniens de leurs terres.
1 – Le temps de la SDN
2 – Le temps de l’ONU
3 –Une situation renforcée par le droit
1. Le temps de la SDN
La SDN 
Peu de terres sont chargées d’histoire, et d’histoire ancienne, comme la Palestine. Factuellement, historiquement, la Palestine est une évidence, et sur le plan juridique, les textes du début du XX° siècle l’attestent. Le Pacte de la Société des Nations (SDN) de 1919 et le mandat donné au Royaume Uni en 1922 établissent de manière certaine l’existence de la Palestine au début du XX° siècle, identifiée comme une province de l’ancien Empire ottoman. Avec le traité de Sèvres en 1920, puis celui de Lausanne de 1923, la Turquie a renoncé à ces provinces arabes, dont, nommément visée, la Palestine. Dans l’avis rendu à propos du mur, la Cour Internationale de Justice identifie la Palestine, pour dire que « La Palestine avait fait partie de l’Empire ottoman » .
L’idée originaire de la SDN devait beaucoup au président Wilson, à savoir une organisation de la vie internationale, rompant avec la diplomatie secrète et incluant le droit à l’autodétermination, certain en son principe mais lourd d’ambigüités. La négociation du Traité de Versailles, dans ce contexte de l’impérialisme, qui était alors la donnée de base du droit international, s’est éloignée des préoccupations des Etats-Unis, et pour finir, le Sénat US a refusé de ratifier le Traité de Versailles instituant la SDN.
La défaite militaire des empires centraux rendait l’autonomie à des provinces, de toute évidence destinées à devenir des Etats. Un mouvement d’une force telle qu’il était impossible de l’interdire, et la SDN a cherché à l’encadrer, notamment par ce régime des mandats de gestion. Les territoires libérés sont confiés à l’administration d’une grande puissance, et à elle d’assurer la pérennité de son influence.
L’article 22 du Pacte et le régime des mandats
S’agissant de cette autodétermination, la référence est l’article 22 du Pacte de la SDN. Dans un langage très caractéristique de l’époque, il s’agissait de gérer le mouvement d’indépendance des nations, par le régime des mandats.
Les deux premiers aliénas définissent le cadre général, par référence à la notion de souveraineté.
« Les principes suivants s’appliquent aux colonies et territoires qui, à la suite de la guerre, ont cessé d’être sous la souveraineté des Etats qui les gouvernaient précédemment et qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation, et il convient d’incorporer dans le présent Pacte des garanties pour l’accomplissement de cette mission. »
« La meilleure méthode pour réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle de ces peuples aux nations développées qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux à même d’assumer cette responsabilité et qui consentent a l’accepter: elles exerceraient cette tutelle en qualité de Mandataires et au nom de la Société. »
L’article 22 se poursuit en décrivant les divers types de mandats, suivant le degré de développement, la situation géographique et économique du territoire. L’aliéna 4, décisif, traite de l’ancien Empire ottoman.
« Certaines communautés, qui appartenaient autrefois à l’Empire ottoman, ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme Nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l’aide d’un Mandataire guident leur administration jusqu’au moment où elles seront capables de se conduire seules. Les vœux de ces communautés doivent être pris d’abord en considération pour le choix du Mandataire ».
Comme l’a rappelé la Cour Internationale de Justice, ces mandats reposaient sur deux principes : la non-annexion et le développement des peuples .
Une quinzaine de mandats ont été adoptés dans le cadre de cet article 22, tous confiés aux puissances coloniales, vainqueurs de la Guerre. Trois concernaient l’ancien empire ottoman : l’Irak, la Syrie, et la Palestine. Celui-ci, signé le 24 juillet 1922, visait les territoires qui correspondent aujourd’hui à la Jordanie, à la Palestine occupée et àIsraël. L’Irak, la Syrie et le Liban sont parvenus, non sans mal, à l’indépendance. La Jordanie a été disjointe du mandat de Palestine, par un accord avec les autorités jordaniennes, ouvrant la voie à l’indépendance.
Une lecture attentive du mandat pour la Palestine est nécessaire, car elle définit ce qu’était alors la donne juridique et factuelle, mais il faut ici introduire la question du sionisme, qui sera mentionnée dans le mandat.
Le sionisme
L’acte fondateur du sionisme est la déclaration du Congrès de Bâle, le 29 août 1897 qui posait pour principe : « Le sionisme vise à établir pour le Peuple juif une patrie reconnue publiquement et légalement en Palestine », avant de définir quatre axes pour l’action :
– « La promotion de l’établissement en Palestine d’agriculteurs, artisans et marchands juifs ;
– La fédération de tous les juifs, en groupes locaux ou nationaux en fonction des lois de leurs différents pays ;
– Le renforcement du sentiment juif, et de la conscience juive ;
– Toute mesure préparatoire à l’obtention des accords gouvernementaux qui sont nécessaires à la réalisation de l’objectif sioniste. »
Ce n’est alors qu’un plan, conduit par un groupe réduit de pionniers, et les premières réalisations, difficiles, prennent ensuite corps en Palestine.
Une opportunité pour les Britanniques
« Etablir une patrie en Palestine ». L’enjeu va se préciser au cours de la première guerre mondiale, dans une configuration non prévue. L’Empire ottoman est allié aux puissances centrales, et dans les provinces arabes, ce sont les britanniques qui conduisent l’offensive. La perspective de la victoire militaire pose la question de l’accès à l’indépendance de ces peuples, qui ont souffert de l’autoritarisme ottoman, et le Royaume-Uni louvoie. Dans une lettre du 24 octobre 1915, le haut-commissaire britannique Mac Mahon a annoncé que le gouvernement britannique est prêt « à reconnaitre et soutenir l’indépendance des Arabes », mais les grandes tractations commencent aussitôt. Dire l’indépendance, nette et propre, c’est se priver de tout contrôle dans une région riche, et d’un emplacement stratégique : pas question. D’où cette conjonction d’intérêt : les britanniques vont soutenir le sionisme, qui permettra le maintien de l’influence occidentale dans une région destinée à redevenir arabe, perspective propre à rassurer les Etats-Unis.
Les tractions sont aussi longues que diffuses, rythmées par les évènements militaires. Le 31 octobre 1917, les troupes alliées ont remporté une importante victoire, qui ouvre la porte vers la défaite de l’empire ottoman. Et c’est dans ce contexte que Lord Arthur Balfour, le ministre britannique des Affaires étrangères, remet le 2 novembre 1917 à Lord Rothschild, représentant de la Fédération sioniste, une lettre, secrète dans un premier temps, par laquelle le gouvernement britannique se montre disposé à créer en Palestine un « foyer national juif » .
Cher Lord Rothschild,
J’ai le plaisir de vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration ci-dessous de sympathie à l’adresse des aspirations sionistes, déclaration soumise au cabinet et approuvée par lui.
Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestined’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.
Arthur James Balfour
C’est donc décidé : dans le grand jeu du contrôle des richesses, les puissances alliées garderont une place forte au Proche-Orient. Et les sionistes savent qu’ils peuvent compter sur des alliés puissants, car la réussite sera commune ou ne sera pas.
Le mandat britannique sur la Palestine
Le mandat de la SDN pour la Palestineaurait du être simple, comme ceux établis pour l’Irak ou la Syrie. Mais il marque sa spécificité, car il inclut dès l’origine la référence à ce « foyer national juif ». Mais même dans l’approche colonialiste de l’époque, et même avec la volonté britannique d’imposer ce « foyer juif », il était impossible de passer outre l’authenticité de la Palestine, une et unique. Les textes ont du se plier devant cette réalité. Le choix, aventureux, a été d’imposer les conditions d’un rapport de forces, mais la question de la souveraineté de la Palestine, qui ressortait du démantèlement de l’empire ottoman, n’a pas été remise en cause. Ce point résulte de la lecture des textes.
La première étape est de sortir la Palestine de l’Empire ottoman, et ce sera le fait de l’article 95 du Traité de Sèvres du 10 août 1920 . Cet article fait référence aux frontières de la Palestine, renvoyant à un plan, à un futur mandat d’administration, confié à l’une des grandes puissances, mais il mentionne aussi la déclaration du 2 novembre 1917, accompagnée de la préconisation de ne causer aucun préjudice aux population non-juives.
Ce traité ne sera pas ratifié par les instances de la nouvelle Turquie, et le traité de Lausanne, du 24 juillet 1923, lui succèdera . Mais entre temps, le 24 juillet 1922, la SDN a validé le mandat donné au Royaume Uni sur la Palestine.
La fameuse déclaration de Lord Balfour est expressément citée dans le préambule du mandat. Et le texte de ce mandat cherche à concilier ces deux objectifs inconciliables : foyer national et indépendance dans le respect des frontières d’origine. L’article 2 prévoit que le Royaume-Uni a « la responsabilité d’instituer dans le pays un état de choses politique, administratif et économique de nature à assurer l’établissement du foyer national pour le peuple juif », mais aussi « à assurer également le développement d’institutions de libre gouvernement, ainsi que la sauvegarde des droits civils et religieux de tous les habitants de la Palestine, à quelque race ou religion qu’ils appartiennent. » . Un foyer national ? La notion est à définir, mais le mandat se veut prudent, soulignant que ce projet « ne peut porter préjudice aux droits civils et religieux » des autres communautés.
L’article 5 et l’intégrité du territoire de la Palestine
Surtout, le mandat ne peut échapper au cadre de l’article 22 du Pacte, à savoir le respect de la souveraineté, et la garantie essentielle se trouve à l’article 5, qui protège l’intégrité du territoire : « Le mandataire sera responsable de veiller à ce qu’aucun territoire palestinien ne soit cédé ou abandonné, ni en aucune manière placé sous le gouvernement d’une quelconque puissance étrangère. » C’est dire que formellement, on en reste à la lecture rigoureuse du droit : la Palestine appartient aux Palestiniens. La colonisation n’a pu remettre en cause cette donnée historique. Le mandat n’est que d’administration, et ne pourra non plus, et en aucune manière, modifier la substance de la propriété. Déjà en 1922, c’est un droit inaliénable du peuple palestinien. Quant aux limites territoriales, elles sont fixées par divers instruments, et notamment pour ce concerne la frontière orientale, par un mémorandum britannique du 16 septembre . La Palestine, le droit sait ce que c’est.
L’article 4 du mandat prévoit qu’ « un organisme juif convenable sera officiellement reconnu et aura le droit de donner des avis à l’administration de la Palestine et de coopérer avec elle dans toutes questions économiques, sociales et autres, susceptibles d’affecter l’établissement du foyer national juif et les intérêts de la population juive en Palestine, et, toujours sous réserve du contrôle de l’administration, d’aider et de participer au développement du pays. » Cette agence a aussitôt été créée par l’Organisation Sioniste Mondiale. Ce projet sioniste, largement contesté, a été refusé par les Palestiniens, et les premières révoltes ont aussitôt éclatées. Les termes du mandat restent inchangés, dans le respect de l’article 5, mais le « foyer juif » prend consistance.
Les mandats, à l’exception de celui pour la Palestine, ont conduit à l’objectif assigné : l’indépendance des pays arabes, avec plus ou moins de difficulté : ce fut le cas pour l’Irak, la Syrie, le Liban et la Jordanie. Pour la Palestine, la deuxième guerre mondiale a conduit à la fin de la SDN, et le mandat a été transféré provisoirement à un comité de l’ONU. La suite, ce sera le plan de partage, et les résolutions de l’Assemblée générale. Nous y venons, mais il faut ici faire un point.
Synthèse juridique sur la période SDN
La donnée première est la nature du contrat du 24 juillet 1922. C’était un mandat, un simple mandat d’administration, qui écarte toute idée de propriété. La SDN pouvait s’autoriser à faire gérer, mais ne pouvait transférer les terres, car la propriété ne lui appartenait pas. Les territoires de la Palestine, qui étaient occupés par l’empire ottoman, ont ainsi été administrés par le Royaume Uni, dans une perspective d’indépendance qui ne pouvait modifier la structure territoriale. Le mandataire n’est pas devenu propriétaire non plus. Ces terres étaient parfaitement identifiées, et l’article 5 disposait que le mandataire avait pour responsabilité de veiller à ce qu’aucune partie du territoire palestinien ne soit cédée ou abandonnée, ou placée sous le contrôle du gouvernement d’une puissance étrangère.
La Palestine appartenait aux Palestiniens. Le mandat de 1922, malgré ses ambigüités, consacrait le droit inaliénable des Palestiniens sur leur terre. Les grandes puissances soutenaient le sionisme, pour s’assurer une permanence dans la région, et ne pas abandonner cette place stratégique aux nouveaux Etats arabes. Mais pour envisager la création d’un Etat sioniste, il aurait fallu que les Palestiniens abandonnent une partie de leurs terres, protégées par leur inaliénable souveraineté. C’était impensable. Le jeu a été d’imposer cette solution par la force, mais ce succès de la force laisse entière la question juridique : la possession n’est pas la propriété. La terre est palestinienne, comme le disaient le Pacte de la SDN et le mandat. Avec le Traité de Sèvres, la souveraineté ottomane tombait, et revenait aux peuples colonisés. L’application du mandat n’interférait en rien, ce d’autant plus que la Palestine, qui était l’objet de ces actes, n’en était pas partie.
2. Le temps de l’ONU
1947 : L’assemblée générale prépare l’après-mandat
Après la deuxième guerre mondiale, les mandats ont été placés sous le contrôle d’un conseil de tutelle, dépendant de l’ONU, comme cela résultait des accords de Yalta. En 1947, le Royaume-Uni fait connaître son intention de procéder à l’évacuation complète du territoire sous mandat pour le 1° août 1948, date qui, par la suite, vu la détérioration de la situation sur le terrain, fut avancée au 15 mai 1948. La fin du mandat aurait du conduire à l’indépendance de la Palestine, comme le prévoyait l’article 22 du Pacte, et comme cela avait été le cas pour la Syrie, le Liban, la Jordanie et l’Irak. Mais l’ONU est restée dans le sillon creusé par la SDN, et a proposé une solution à deux Etats. Il faut bien garder à l’esprit que l’ONU de 1945 était un club d’une cinquantaine d’Etats, qui tous pensaient la vie internationale en termes d’impérialisme et de partage du monde. Le Royaume-Uni veillait à ce plan depuis 30 ans, et n’allait pas laisser filer.
Le 28 avril 1947, l’Assemblée générale a créé la Commission spéciale des Nations Unies sur la Palestine chargée d’enquêter sur place et de recommander des solutions à destination de l’Assemblée. Cinq États arabes – l’Arabie Saoudite, l’Égypte, l’Iraq, le Liban et la Syrie – ont demandé la proclamation de l’indépendance de la Palestine, en vain. Les dirigeants palestiniens ont refusé de se soumettre à l’enquête sur les droits naturels des Arabes palestiniens, qu’ils estimaient évidents, et ont refusé qu’un lien soit fait avec le problème des réfugiés juifs d’Europe. Pour leur part, les dirigeants juifs ont soutenu que les questions liées à la création d’un État juif en Palestine et à une immigration sans restriction étaient liées de manière indissociables.
La Commission a rendu son rapport quelques mois plus tard, recommandant le partage de la Palestine en un État arabe et un État juif, avec pour Jérusalem un statut international spécial sous l’autorité administrative de l’Organisation des Nations Unies.
Une simple recommandation
Lors de sa deuxième session, l’Assemblée générale a adopté la résolution 181 (II) du 29 novembre 1947 recommandant un plan de partage, document détaillé en quatre parties et joint en annexe, prévoyant la fin du mandat, le retrait progressif des forces armées britanniques et la délimitation de frontières entre les deux États et Jérusalem. Selon le plan, la création des États arabe et juif devait intervenir le 1er octobre 1948 au plus tard. La Palestineétait divisée en une partie juive et une partie arabe, la ville de Jaffa étant une enclave arabe à l’intérieur du territoire juif et Jérusalem relevait d’un régime international, administré par le Conseil de tutelle des Nations Unies. 56% du territoire de la Palestine était destiné à la minorité juive.
Ici, il faut revenir au texte, pour dissiper un malentendu fondamental, entretenu avec constance, et qui vicie toute la compréhension de la question palestinienne. Par cette délibération, l’assemblée générale n’a pas attribué de terre, ni encore moins créé un Etat. Il s’agit seulement d’une recommandation faites aux Etats, soit un texte sans portée normative.
L’Assemblée générale, (…)
Recommande au Royaume-Uni en tant que puissance mandataire pour la Palestine, ainsi qu’à tous les autres membres de l’Organisation des Nations Unies, l’adoption et la mise à exécution, pour ce qui concerne le futur gouvernement de Palestine, du plan de Partage avec Union économique ci-dessous exposé.
L’Agence juive a accepté cette résolution, alors que les dirigeants palestiniens et les États arabes l’ont dénoncée, comme une violation des dispositions de la Charte des Nations Unies posant, même de manière prudente, le principe de l’autodétermination des peuples, aux article 1§2 et 55 .
Combien de fois a-t-on lu que l’ONU avait créé l’Etat d’Israël en lui donnant une terre… Reprenons ces quelques étapes. La Palestine, avec un territoire et une population identifiés, faisait partie de l’Empire Ottoman, qui n’a pas résisté à la 1° Guerre mondiale. Ce peuple n’étant pas en mesure de s’administrer, la Société des Nations a donné mandat au Royaume Uni de gérer, dans le but d’une indépendance. Juridiquement, la Société des Nations comme l’Organisation des Nations Unies n’avaient aucun droit de propriété. Ni l’un ni l’autre ne pouvaient « donner » ce qui ne leur appartenait pas. La recommandation prenait une responsabilité réelle en préconisant une partition en deux Etats, remettant en cause la solution de l’Etat multiconfessionnel, et l’article 5 du mandat de 1924 qui imposait le maintien territorial. Cette recommandation, adoptée dans le contexte des conflits très vifs qui existaient en Palestine du fait des projets sionistes, a été le signal attendu pour la proclamation de l’Etat d’Israël sur le territoire de la Palestine.
15 mai 1948 : Le coup d’Etat
De fait, les évènements se sont enchaînés. Le 14 mai 1948, le Royaume-Uni a mis fin à son mandat et l’Agence juive a aussitôt proclamé la création de l’État d’Israël sur le territoire qui lui avait été réservé par le plan de partage. Des violences armées éclatèrent immédiatement, et par cette opération militaire, Israël a contrôlé une partie du territoire qui était destinée à l’État arabe. Ce fut une phase d’une violence rare, avec des destructions, des morts et des réfugiés en masse. Un véritable nettoyage ethnique, avec l’expulsion de plus de 800 000 palestiniens, (15.000 morts ?) et la destruction de 532 villages palestiniens, soit 85% des habitants de la Palestine historique. La Nakba : le peuple Palestinien chassé de sa terre par la violence des armes.
Dans ce contexte, les Nations Unies ont nommé un médiateur, le Comte Folke Bernadotte. Dans un rapport, il écrit : « Ce serait offenser les principes élémentaires que d’empêcher ces innocentes victimes du conflit de retourner à leur foyer, alors que les immigrants juifs affluent en Palestine et, de plus, menacent, de façon permanente, de remplacer les réfugiés arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles… ». Le Comte Folke Bernadotte fut assassiné le 16 septembre 1948 par des terroristes israéliens, mais la veille, il avait transmis les principes devant conduire à l’établissement de la paix, affirmant : « Il est toutefois indéniable qu’aucun règlement ne serait juste et complet si l’on ne reconnaissait pas aux réfugiés arabes le droit de retourner dans les lieux que les hasards de la guerre et la stratégie des belligérants en Palestine les avaient contraints à quitter. (…) Il convient de proclamer et de rendre effectif le droit des populations innocentes, arrachées à leurs foyers par la terreur et les ravages de la guerre, de retourner chez elles ».
Le 11 décembre 1948, l’Assemblée générale a adopté la résolution 194 (III) reconnaissant le droit au retour des premiers réfugiés palestiniens. Il ne s’agissait pas là d’une recommandation, mais bien d’une décision :
L’Assemblée générale (…)
Décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé .
Ce droit fait partie des bases du droit international. 
L’Etat d’Israël nie cette réalité historique, par deux affirmations. La première est celle d’une terre sans peuple. La Palestine aurait connu une population résiduelle, volontiers nomade, alors, l’immensité du monde arabe l’attendait… La seconde est une interprétation grotesque d’ordres donnés par les autorités palestiniennes, encourageant les populations à s’éloigner du lieu des combats pour se protéger, ce qui a permis ensuite de construire le mythe d’un départ volontaire…
Des conventions d’armistice furent conclues en 1949 entre Israël et les Etats voisins, avec définition d’une ligne de démarcation, appelée par la suite « Ligne Verte», précisant que les forces militaires ne pourraient la franchir. Déjà l’acquisition des terres par la force armée…
Le 11 mai 1949, Israël est devenu Membre de l’Organisation des Nations Unies, après s’être engagé au respect des résolutions 181 (II) de 1947 et 194 (III) de 1948, reconnaissant le droit à l’autodétermination et le droit au retour des réfugiés. La question de la Palestine est demeurée en suspens, et s’est instaurée une paix précaire, mais rien ne fut fait pour un respect effectif des deux résolutions. La Palestine, propriétaire des terres, n’était pas un Etat, et Israël, non propriétaire des terres, était devenu un Etat.
Depuis 1967, l’occupation, et une nouvelle phase de colonisation
Le 5 juin 1967, les hostilités ont éclaté entre Israël, l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. Lorsque le cessez-le-feu intervint,Israël occupait la superficie de tout l’ancien territoire de la Palestine placé sous mandat britannique.
Le 22 novembre 1967, le Conseil de sécurité a adopté deux textes : la résolution 237 (1967) demandant à Israël le respect de la quatrième Convention de Genève de 1949, et la résolution 242 (1967) posant les principes d’un règlement pacifique avec le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés et la reconnaissance de la souveraineté de chaque État de la région .
En 1974, l’Assemblée générale de l’ONU a réaffirmé les droits inaliénables du peuple palestinien, y compris le droit à l’autodétermination, et a admis l’OLP à participer à ses travaux en qualité d’observateur.
Profitant de l’occupation, Israël a établi des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens occupés en 1967, en violation de la Convention de la Haye et des résolutions de l’Organisation des Nations Unies. Or, il s’agit là de violation caractérisée du droit international. C’est la plus grande menace contre la paix, car elle signifie qu’un Etat s’approprie des richesses qui ne sont pas les siennes par la force armée.
Le Conseil de sécurité a rappelé à plusieurs reprises que « le principe de l’acquisition d’un territoire par la conquête militaire est inadmissible » et a condamné ces mesures par la résolution 298 du 25 septembre 1971: « Toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, sont totalement nulles et non avenues et ne peuvent modifier le statut de la ville ». Une résolution rejetée en bloc par Israël. Dans sa résolution 446 du 22 mars 1979, le Conseil de sécurité a considéré que la politique et les pratiques israéliennes consistant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 n’avaient aucune validité en droit et faisaient gravement obstacle à l’instauration de la paix au Moyen-Orient.
A la suite de l’adoption par Israël le 30 juillet 1980 de la loi fondamentale faisant de Jérusalem la capitale « entière et réunifiée » d’Israël, le Conseil de sécurité, par la résolution 478 (1980) du 20 août 1980, a dit que l’adoption de cette loi constituait une violation du droit international. Une résolution là encore considérée comme nulle et non avenue en Israël, de telle sorte que la Cour Suprême dénie l’idée de colonisation à Jérusalem Est.
Synthèse juridique sur la période ONU
Lorsque la SDN passe le relais à l’ONU, la situation juridique est claire : nous sommes exactement dans la situation qui existait en 1922 : la Palestine doit accéder à l’indépendance sur son territoire originaire, comme le prévoyait l’article 22 du Pacte, et comme cela a été le cas pour l’Irak, la Syrie, le Liban et la Jordanie. Mais le mandat n’a conduit à rien, car le Royaume-Uni entendait assurer la pérennité de sa présence via le sionisme, pour ne pas abandonner cette région aux Arabes, devenus indépendants. S’ajoute la culpabilité des pays occidentaux à l’égard du massacre des Juifs, par les nazis. Mais les faits sont têtus, et ce projet a du faire abstraction d’une donnée juridique imparable : le territoire appartient aux Palestiniens, comme le disait le Pacte de la SDN et le mandat, préservant l’intégrité du territoire en son article 5.
L’ONU est alors le club des vainqueurs, et elle entend ouvrir la porte vers un Etat juif. Mais l’ONU n’a pas plus de droit que la SDN sur les terres, qui appartiennent de manière inaliénable aux Palestiniens. Aussi, quelles que soient ses volontés politiques, la Charte ne reconnaît à l’ONU aucune capacité pour partager la Palestine et créer deux Etats. Aucune ! Dès lors, incapable de décider, l’ONU ne peut faire que des préconisations. C’est ainsi le libellé de la fameuse résolution 181 (II) du 29 novembre 1947 : une simple recommandation.
Et lorsqu’Israël se proclame Etat en 1948, c’est sur le territoire de la Palestine. Un territoire colonisé, certes, qui est confisqué, certes, mais qui est sans conteste propriété des Palestiniens. Un insensé retournement : alors que la Palestine préexistait, Israël s’est déclaré sur des territoires palestiniens ! Mais, et l’analyse juridique est ici structurante, la création d’Israël est du pur colonialisme. Cette déclaration ne peut valoir attribution des terres qui sont la propriété inaliénable des Palestiniens. Seul le peuple palestinien, par ses organes souverains, pourrait par des actes explicites et circonstanciés en abandonner une part. Le peuple palestinien ne l’a jamais fait, malgré tous les coups de force et le sang versé, malgré l’amorce d’un processus, avec les accords d’Oslo. L’ONU n’a pas créé Israël. Elle a laissé faire, mais l’affaire reste inachevée. Le coup de force peut donner la possession des terres, mais pas le titre de propriété. Pour que l’Etat d’Israël soit sur ses terres, il faudra que l’Etat de Palestine signe.
Aujourd’hui, la pertinence des analyses juridiques conduit à distinguer les colonies, les territoires occupés, Israël depuis 1967 et Israël depuis 1948. Mais historiquement, il est acquis qu’Israël s’est créé sur les terres de la Palestine, qui préexistait à l’état latent, comme tous les peuples colonisés. C’est dire qu’Israël est le fruit de la colonisation de A à Z.
3. Une situation renforcée par le droit
Un droit bafoué pose la question de l’application de ce droit, mais n’en remet pas en cause la substance. La souveraineté palestinienne sur la terre de Palestine est écrite dans les actes de 1922 et 1947. Ce droit est donc acquis, intangible. Mais il se trouve que depuis, le droit international a renforcé le caractère inaliénable du droit à l’autodétermination, grâce au mouvement général de la décolonisation. Définitivement, la colonisation marque ses limites.
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
Le mouvement de libération des peuples est apparu en droit avec le XX° siècle. D’emblée, il avait une grande force. La très impérialiste Société des Nations a fait le choix de contrôler un mouvement qu’elle ne pouvait interrompre, d’où le système des mandats. La Charte des Nations Unies n’a pas évacué cet esprit colonial : affirmer un droit pour mieux le contrôler. La référence apparait à deux reprises dans la Charte des Nations Unies. L’article 1 §2 fixe comme but aux Nations Unies de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes », et l’article 55 pose le principe de « l’égalité des droits des peuples » et « de leur droit à disposer d’eux-mêmes ».
Il a fallu quinze ans, et combien de luttes, pour que ce droit, de proclamé, devienne effectif. Ce sera l’œuvre de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 14 décembre 1960, adoptant la résolution 1514 (XV) qui proclame que « tous les peuples ont un droit inaliénable à la pleine liberté, à l’exercice de leur souveraineté et à l’intégrité de leur territoire national ». Et de poursuivre : « Tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique social et culturel (…). Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies. » Ce qui signifie en clair l’interdiction de modifier avant leur accession à l’indépendance les territoires des peuples non encore émancipés.
Les deux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 rappellent « que tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. »
Dernière étape de cette construction juridique, avec la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, codifiant le « principe de l’égalité de droit des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes. » affirme : « Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale ».
Ce que dit la jurisprudence internationale
Encore quelques précisions juridiques. Le droit international résulte d’abord des traités. C’est le procédé le plus répandu : des Etats, souverains, acceptent de se créer des contraintes juridiques. Mais la vie internationale repose autant sur des règles coutumières, c’est-à-dire des règles de droit faisant l’objet d’un assentiment tellement général qu’on en vient à dire que ces règles s’appliquent d’elles-mêmes, et non pas en tant que dispositions spécifiques d’un texte. En pratique, la règle coutumière est opposable à un Etat qui n’aurait pas ratifié un traité incluant cette règle. De telle sorte, les règles coutumières sont souvent les plus solides et les plus importantes, car toute la communauté internationale s’y retrouve.
La Cour Internationale de Justice est ici au premier rang, mais elle n’est pas la seule. C’est qui s’est joué avec le droit des peuples à l’autodétermination.
En 1986 , la Cour Internationale de Justice a dit que les principes énoncés dans la Charte au sujet de l’usage de la force reflètent le droit international coutumier, ce qui souligne l’illicéité de toute acquisition de territoire résultant de la menace ou de l’emploi de la force. En 1971, la Cour Internationale de Justice, se prononçant sur le cadre général des mandats, avait estimé : « L’évolution actuelle du droit international à l’égard des territoires non autonomes, tel qu’il est consacré par la Charte des Nations Unies, a fait de l’autodétermination un principe applicable à tous ces territoires. (…)» Du fait de cette évolution, il n’y avait guère de doute que la « mission sacrée » visée au paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte de la Société des Nations avait pour objectif ultime l’autodétermination des peuples en cause . Dans l’affaire du mur, en 2004, elle a déclaré illicite « toutes les mesures que peut prendre une puissance occupante en vue d’organiser et de favoriser des transferts d’une partie de sa propre population dans le territoire occupé ». Depuis, ces données sont confirmées par le statut de la Cour Pénale Internationale. Selon les articles 8, 2, a, IV et Art. 8, par. 2, a b) VIII, la puissance occupante commet des crimes de guerre lorsqu’elle procède à des appropriations massives des propriétés privées et au transfert, direct ou indirect, d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe . Donc, la colonisation, dans tous ses aspects, est un crime de guerre.
Alors, pour la Palestine ? La souveraineté est acquise, par les textes de 1922 et 1947, et sort renforcée dans sa mise en œuvre par l’application de la norme désormais impérative qu’est le droit à l’autodétermination des peuples. C’est la prise en compte de ce que dit la Cour Internationale de Justice : application du droit conçu comme un régime global, selon l’interprétation qui prévaut au moment de cette application. Alors, tout reprendre à zéro ? Non, car la reconnaissance mutuelle a connu des étapes indéniables. Par la déclaration de principe des accords du 13 septembre 1993 à Washington, comme suite aux pourparlers d’Oslo, Israël et l’OLP ont reconnu leurs « droits légitimes et politiques mutuels », arrangement initial d’un processus qui devait permettre, au titre de l’article 1° de l’accord, la mise en œuvre des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité. Nous en sommes loin, mais même si l’esprit même du texte est bafoué, le droit international impose de prendre en compte les signes tangibles de cette reconnaissance, qui se retrouvent dans toute une série d’actes, et interdisent l’idée d’une page blanche. D’ailleurs, les responsables politiques ne sont pas du tout sur ce terrain là.
En revanche, entre dans la discussion ce point incontournable : un processus de colonisation reste juridiquement limité, car il ne peut atteindre la souveraineté du peuple colonisé, et son avenir dépend de la transmission juridique d’un titre, qui ne peut se faire que sous la signature du détenteur de la souveraineté. Le temps qui passe a compliqué l’application de la règle, mais ne l’a pas remis en cause, bien au contraire : on en revient définitivement au mandat de 1922.
* * *
Aussi, toute la question du droit en Palestine repose sur le caractère inaliénable de la souveraineté du peuple palestinien, identifiée par les actes passés au début du XX° siècle. A partir de cette donnée incontestable, s’est créé un double mouvement : d’un côté, la force armée et la puissance économique, pour la prise de possession des terres, la déclaration de l’Etat d’Israël et maints faits et actes destinés à assoir cette domination ; de l’autre, le droit, par le renforcement du droit à l’autodétermination des peuples, qui doit donner aux Palestiniens des moyens renforcés pour faire valoir leur indéniable souveraineté, malgré ce qu’a pu gagner la force.
Parce qu’Israël est juridiquement la résultante d’un processus de colonisation de A à Z, toutes les composantes de la question palestinienne sont étroitement liées : libération des colonies et des territoires occupés dont Jérusalem-Est, droit au retour des réfugiés, et fin de la citoyenneté de seconde zone au sein de l’Etat d’Israël. Cinquante ans d’histoire et d’actes internationaux ont été créateurs, et il faut évidement tenir compte de ce réel, et l’existence de l’Etat d’Israël, reconnu par les accords d’Oslo, est établie. La boucle aurait été bouclée si la processus d’Oslo était arrivé à son terme ; nous en sommes loin, et la seconde Intifada a donné une idée du chemin qui reste à parcourir. A ce jour, les principes constitutifs restent intacts : le colonialisme permet la possession des terres, mais la propriété reste au peuple colonisé, dont le droit est inaliénable. Il manque à Israël la souveraineté sur des terres, que seule la Palestine peut lui remettre.
Par Gilles Devers, avocat
gilles.devers@wanadoo.fr

 

 

 

 

 




Le 14 mai 1948 : la Grande Catastrophe pour le peuple palestinien

Commémoration du 64ème anniversaire de la Nakba

Le 14 mai 1948 :
 

la Grande Catastrophe pour le peuple palestinien.

Le 14 mai 1948 est le jour de la création de l’Etat israélien, mais cette date est commémorée par les Palestiniens comme la Nakba, la catastrophe. L’idée initiale selon laquelle la Palestine était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » a constitué l’un des plus grands mensonges de l’histoire et a servi de justification à la politique sioniste de colonisation.

Cette catastrophe prend d’abord la forme d’une prétendue légitimité internationale lorsque l’Onu adopte, le 29 novembre 1947, la Résolution 181, recommandant la partition de la Palestine, partition refusée par les Palestiniens. Non seulement ils étaient spoliés de leur terre, mais en outre 56 % du territoire palestinien étaient attribués aux Juifs, qui constituaient moins du tiers de la population et possédaient jusque – là à peine 7 % des terres. Cette catastrophe, c’est aussi la destruction, entre 1947 et 1949, de plus de 500 villages palestiniens, dont le plus connu est Deir Yassine, avec ses 250 habitants massacrés par les forces militaires juives.

Cette catastrophe enfin, c’est 800 000 Palestiniens expulsés de leurs terres sans que leur droit au retour ne soit encore reconnu dans les faits. Chassés de leurs terres et niés de tous, les réfugiés palestiniens, qui sont aujourd’hui 7,2 millions, attendent toujours de retourner chez eux.

Depuis son implantation en Palestine, le sionisme n’a jamais eu d’autres buts que le nettoyage ethnique. Terre conquise et non terre promise , telle est la réalité de cette colonisation de la pire espèce.

Face à ce colonialisme, les Palestiniens n’ont jamais eu d’autres options que la résistance : des révoltes menées dans la Palestine historique en 1936-1939 par Azzedine Al Kassam aux organisations de libération de la Palestine établies dans les camps de réfugiés de Jordanie, de Syrie ou du Liban ; des Intifadas de 1987 et de 2000 à la victoire de la résistance armée à Gaza en 2009, en passant par la libération de cette partie de la Palestine en 2005, les Palestiniens ont toujours fait preuve d’une détermination sans faille.. Leur combat rejoint celui de tous les peuples de la région. Car Israël est l’instrument du mouvement sioniste mondial et la base géographique de l’impérialisme, stratégiquement placé au cœur du monde arabe et musulman.

Ainsi, le combat pour l’émancipation des peuples arabes est directement lié à la libération de la Palestine. Parce que l’Occident, avec l’aide de son bastion sioniste, a voulu maintenir toute la région sous son emprise, il a soutenu les pires dictatures, du Maroc à l’Egypte jusqu’aux pétromonarchies du Golfe; il a partout veillé à emprisonner les peuples par des régimes sanglants aux ordres et à confisquer leurs ressources. L’impérialisme s’est toujours attaqué à toute volonté d’indépendance. L’Afghanistan et L’Irak furent envahis en 2001 et 2003 pour cette raison. L’Iran est la prochaine cible. Devenue une puissance régionale aspirant légitimement à se développer dans les domaines stratégiques, l’Iran conteste la domination de l’Occident et de son avant-poste israélien. La guerre contre la Libye et la tentative de déstabilisation de la Syrie obéissent à la même logique: interventionnisme des forces de l’Otan au nom de la démocratie et des droits de l’homme, et collaboration active de l’Arabie Saoudite et du Qatar. Deux régimes démocratiques où règne le respect des droits fondamentaux… L’hypocrisie n’a décidément pas de limites.

Mais en réalité, l’impérialisme est en grande difficulté. Face à la révolte des peuples contre les « Pinochets arabes » et leurs appareils répressifs comme en Tunisie et en Egypte, l’Occident et ses auxiliaires locaux jouent la carte du chaos et du soutien aux opportunistes. Car c’est l’existence même d’Israël qui est en jeu, et à travers elle, la perte pour l’Occident de sa principale base dans la région. L’aspiration à la démocratie réelle et à l’indépendance des peuples arabes, la jonction possible et le renforcement des pôles de résistances au Liban, en Syrie, en Iran et en Palestine annoncent la fin du système impérialiste dans le monde arabe et musulman.

C’est ce que nous rappelle la résistance en Palestine, à l’image de la grève de la faim que mènent actuellement des milliers de prisonniers palestiniens depuis le 17 avril 2012, afin de réclamer leur dignité en tant qu’êtres humains et la dignité de leur peuple, soumis à une occupation barbare et inhumaine. Comme le déclare le représentant du Mouvement du Jihad islamique au Liban, Hajj Abou Imad Rifa’i :

« Jour après jour, le choix de la résistance apparaît comme étant le seul qui préserve notre cause et nos droits légitimes, qui protège l’unité et les constantes de notre peuple, et en premier lieu le droit à la libération et au retour… La résistance connaît parfaitement la nature de cette entité spoliatrice, qui ne comprend que le langage de la force. (…) Seule la résistance a pu libérer des centaines de prisonniers, alors que toutes les phases des négociations n’en ont libéré aucun. »

Dans cette perspective, le combat pour le droit au retour des 7,2 millions de réfugiés palestiniens (75 % de la population palestinienne) se poursuit, et ce malgré les tentatives de liquidation de ce droit. Il signe l’illégitimité d’Israël et démontre, qu’après avoir surmonté de multiples attaques, le peuple palestinien, comme les peuples de la région, n’abdiquera pas. Le cours de l’histoire ne s’est pas arrêté aux portes d’Israël. Bien au contraire, les jours de l’entité sioniste sont comptés.

Le Comité Action Palestine œuvre pour la réalisation des droits nationaux du peuple palestinien, c’est-à-dire la libération de la terre arabe de Palestine. Il réaffirme les quatre principes suivants :

  • La condamnation du sionisme comme mouvement politique colonialiste et raciste.
  • Le soutien inconditionnel à la résistance du peuple palestinien et à son combat pour son auto-détermination et son indépendance nationale.
  • La reconnaissance du droit inaliénable au retour de tous les réfugiés chez eux.
  • La libération de tous les résistants emprisonnés.
Comité Action Palestine

 




Jean Bricmont : lettre à Dominique Vidal

img4fb8dd653114aLorsque Jean Bricmont (physicien belge, ardent défenseur de la liberté d’expression et de la cause palestinienne) a entrepris de rédiger la préface du livre de Gilad Atzmon, La parabole d’Esther (Ed. Demi-Lune, 2012), il ne s’attendait peut-être pas à ce que son texte, pas plus que ce qu’il préfaçait, suscite l’adhésion unanime de tous ses lecteurs. Le propos n’est pas ici de commenter ni le livre d’Atzmon, ni sa préface, mais de constater que tout ce qui concerne de près ou de loin le problème de la Palestine en particulier et celui de la question juive en général est soumis à un contrôle strict et à une sorte de censure morale exercée par les tenants du sionisme et, plus étonnant (ou pas?), par certains de ceux qui se disent soutenir la cause palestinienne.
Le livre de Gilad Atzmon, et au passage son préfacier, ont donc été cavalièrement critiqués par Dominique Vidal (écrivain, spécialiste du Proche-Orient et collaborateur du Monde diplomatique). Critique passablement cavalière et sournoise en effet, intitulée Les protocoles de Gilad Atzmon(on aura perçu l’allusion aux fameux Protocoles des Sages de Sion), qui se contente de relever un nombre assez impressionnant de formules extraites de l’oeuvre en question, et qui ont manifestement horrifié Dominique Vidal. L’auteur précise, au début et à la fin, que tout cela ne « mérite aucun commentaire ». Mais cette absence de commentaire en appelle un : outre qu’il est facile de s’en dispenser, ne pas commenter en dit long sur l’état dans lequel l’auteur suppose être la pensée concernant ces questions épineuses. Car s’il n’est pas besoin de commenter, c’est que les lecteurs sont suffisamment bien programmés pour trouver par eux-mêmes en quoi tout cela est répugnant. Le formatage idéologique a donc bien fait son œuvre et l’horreur d’un propos doit s’imposer d’elle-même.

 

Or, c’est précisément ce contre quoi s’insurge Jean Bricmont. Il a donc rédigé une longue réponse (argumentée, celle-là), à l’invective de Dominique Vidal.

Soucieux de montrer les différents points de vue dans cette polémique, et de rappeler combien il est difficile d’affronter le discours et la pensée sionistes dominants, le Comité Action Palestine publie ici dans leur intégralité la préface du livre de Gilad Atzmon, le « commentaire » de Dominique Vidal et la réponse de Jean Bricmont.

À chacun d’en juger par lui-même.


 

JEAN BRICMONT : LETTRE À DOMINIQUE VIDAL

Cher Dominique Vidal,

Je vois que le livre d’Atzmon, La parabole d’Esther, dont j’ai écrit la préface, n’a pas eu l’heur de vous plaire [http://la-feuille-de-chou.fr/archives/30516« >1] puisque vous estimez que j’ai apporté ma caution à une « prose digne du Völkischer Beobachter », journal officiel du parti national-socialiste [2]. Vous m’en voyez sincèrement désolé. Je ne cherche à blesser personne et, si vous me lisez bien, vous verrez que je ne n’attaque jamais nominalement des individus et encore moins des groupes (« juifs » « arabes », « français » etc.). Je n’utilise le mot « juif » ou « sioniste » que pour parler d’organisations qui, soit utilisent ce terme pour se désigner elles-mêmes (« juifs pour la paix », « juifs progressistes »), soit identifient leur cause à la défense d’Israël.

Je m’intéresse uniquement aux idées, pas aux individus, ni aux identités ou aux groupes. C’est pourquoi s’il y a un point commun entre vous et Atzmon, que je ne partage pas, c’est que vous êtes tous deux bien plus intéressés par l’identité juive que moi. Je vous avouerai que celle-ci me laisse complètement indifférent. J’ai un ami d’origine juive qui, quand on lui demande s’il est juif, répond : « mes grands-parents étaient juifs, mais moi je suis physicien ». N’ayant pas la même origine que lui, je ne peux pas faire cette réponse, mais elle exprime bien mon sentiment par rapport à toutes les questions « identitaires », sentiment qui est parfaitement libéral au sens classique du terme, ce qui, je crois, n’était pas l’idéologie du Völkischer Beobachter (mais il est vrai que je n’ai jamais lu ce journal dont la parution a été interrompue avant ma naissance). Chacun a le droit d’avoir l’identité qui lui plait et de cultiver la mémoire des événements qui lui semblent importants ou sacrés : l’holocauste, la crucifixion de Jésus, la guerre d’Algérie, la victoire sur le nazisme, la chute du mur de Berlin etc. Tout ce que je demande, c’est que, dans un esprit laïc, l’État et les institutions publiques soient strictement neutres par rapport à toutes ces identités, comme ils doivent l’être par rapport aux religions (les deux, identités et religions, n’étant d’ailleurs pas si différentes).

J’ai écrit cette préface, entre autres, afin qu’on ne doive « plus jamais » lire des choses dans le style méprisant et hautain que vous employez : « cette diarrhée nauséabonde condamne sans appel son auteur » ; « cette prose digne du Völkischer Beobachter » ou d’autres reductio ad hitlerum. Ou, à mon propos : « Il est tombé ainsi du côté où il penchait depuis longtemps. Bien bas. »

Un nombre croissant de gens en France, de toutes origines et de toutes opinions politiques, exigent le droit à la parole et n’acceptent plus qu’il y ait des mauvais gardiens du temple, les organisations sionistes qui utilisent l’accusation d’antisémitisme à tout bout de champ, et des bons gardiens du temple, les juifs progressistes et pro-palestiniens qui utilisent l’accusation d’antisémitisme uniquement quand c’est, selon eux, « justifié ». Nous ne voulons ni gardiens du temple, ni inquisition, ni comité central. C’est ainsi ; les temps changent…

Nous voulons les mêmes règles pour tous, des lois mémorielles pour tous ou pour personne, une histoire officielle universelle ou pas d’histoire officielle du tout ; nous voulons que, si les spectacles de Dieudonné doivent être interdits, ils le soient après un procès public en bonne et due forme (où on pourrait alors comparer son humour à d’autres formes d’humour) ou alors, que ses spectacles soient autorisés partout et non soumis aux caprices des maires ou des pressions exercées sur les propriétaires de salles de spectacle. Si Bernard-Henri Lévy peut lancer des appels à la guerre contre la Libye et la Syrie, et si Caroline Fourest peut attaquer les musulmans en prétendant les défendre, alors des gens aussi différents qu’Alain Soral, Tariq Ramadan ou Michel Collon doivent avoir accès à des salles de conférences sans avoir au préalable l’agrément d’organisations qui jouent à l’anti-fascisme près de 70 ans après la fin de la guerre.

Pensez-vous vraiment que tous les écrits anti-religieux, anti-fascistes, anti-colonialistes, anti-communistes soient des vérités pures, dénués de toute exagération, de toute simplification et de tout amalgame ? Ou mettez-vous, si c’est possible, à la place d’un catholique français un peu « tradi » et demandez-vous comment vous réagiriez au discours tenu sur votre « culture » ou «  identité » presque constamment dans les colonnes de Charlie Hebdo ou de Libération ou dans des spectacles ridiculisant le Christ et lourdement subventionnés par les pouvoirs publics.

La liberté d’expression, c’est aussi la liberté d’exagérer, de provoquer, de faire des raccourcis. Contrairement à vous, Atzmon a grandi en Israël et a servi dans son armée. Il a été révolté par ce qu’il y a vu -il me semble que c’est tout à son honneur. Il s’est exilé volontairement. Il a voulu analyser en profondeur l’idéologie nationaliste dans laquelle il a grandi et qui justifie les horreurs contre lesquelles il s’est révolté. N’est-ce pas son droit ? Cette idéologie, que vous le vouliez ou non, est judéo-centrique et, dans sa version « laïque », consiste, pour reprendre un mot de Woody Allen, à penser que« Dieu n’existe pas et nous sommes son peuple élu ». Il y a quantité de textes qui attestent de la croyance en la singularité juive et, au moins implicitement, en la supériorité juive. Cela ne me dérange pas et je ne trouve là rien de spécifiquement « juif », beaucoup de groupes humains ayant ce genre de sentiments. Mais, si on est véritablement universaliste, on peut aussi critiquer cette attitude et il me semble que c’est d’autant plus légitime quand c’est fait par quelqu’un qui attaque son propre « tribalisme » et, dans le cas d’Atzmon, d’autant plus pertinent que les folies israéliennes risquent de précipiter le monde dans une guerre généralisée.

Atzmon a une vue « idéaliste » de l’histoire, au sens marxiste du terme ; c’est-à-dire qu’il privilégie les explications en terme de culture plutôt qu’en termes socio-économiques ou de rapports de classes. Ce n’est pas mon cas, mais c’est son droit. Lorsque Weber attribue un grand rôle à l’éthique protestante dans la naissance du capitalisme, on peut ne pas être d’accord avec lui, mais personne ne l’accuse de racisme pro ou anti-protestant (selon que l’on aime ou pas le capitalisme). De même quand Bernard-Henry Lévy estime que l’idéologie française, c’est le fascisme, personne ne l’accuse de racisme anti-français, même si sa thèse est absurde. Il y a quantité de textes attribuant l’origine des massacres coloniaux ou de l’holocauste à des facteurs culturels, européen, chrétien, allemand, français, républicain, etc. Pourquoi ne pourrait-on pas s’interroger sur les facteurs culturels, nécessairement juifs, à l’origine de la politique israélienne contemporaine ?

Vous me direz sans doute que la prose d’Atzmon « ne sert pas la cause palestinienne ». Je vais être franc : je ne sais pas très bien ce qui pourrait desservir plus cette cause que la tactique employée actuellement par le plus gros du mouvement « de solidarité ». Ce mouvement est obsédé par la lutte contre l’antisémitisme, dont le moindre soupçon desservirait soi-disant la « cause », ce qui explique les réactions hystériques contre Atzmon. Je ne connais pas bien le Hamas ou le Hezbollah, mais je doute fort que, si un de leurs membres citait, par exemple, une phrase hostile aux juifs tirée du Coran, ses compagnons lui tomberaient dessus en criant « surtout pas d’antisémitisme, cela dessert notre cause ». Et si on compare leur efficacité dans la résistance à Israël par rapport à celle du mouvement de solidarité en France qui, non seulement n’a aucune influence au Moyen-Orient, mais n’en a également pratiquement aucune en France, où presque tous les hommes politiques se précipitent aux dîners du CRIF et autres cérémonies« républicaines », on peut commencer à se poser des questions sur l’efficacité (du point de vue palestinien) de la « lutte contre l’antisémitisme ». Ni Atzmon ni moi ne voulons encourager ou propager l’antisémitisme ; nous constatons simplement que l’accusation d’antisémitisme est l’arme préférée des sionistes et que la principale, sinon la seule raison du soutien occidental à Israël (qui ne sert en rien l’Occident sur le plan stratégique ou militaire), est l’intimidation que cette accusation, ainsi que l’intériorisation de la culpabilité inculquée à travers une myriade de films, de livres et de cours, font peser sur nos journalistes, intellectuels et hommes politiques. Ce sont l’intimidation et le sentiment de culpabilité qu’il faut faire cesser en premier lieu.

Voyez ce qui se passe avec Günter Grass (et notez qu’il n’y a pas d’équivalent de Günter Grass en France). Vous pensez qu’après tout ce qu’il encaisse, un seul homme politique va oser critiquer Israël ? Je suis sûr que vous défendez la liberté d’expression de Grass et c’est très bien. Mais Grass est très modéré, s’excuse encore pour ce qu’il a fait dans le passé (à l’âge de 17 ans !), distingue l’État d’Israël de son gouvernement etc., et même cela ne suffit pas à calmer la meute de ses détracteurs. Je ne désire nullement devoir me limiter à ce que dit Grass. Mais, surtout, comme je l’ai dit plus haut, ce que nous ne voulons plus, ce sont de « vrais » gardiens du temple qui décident ce qu’est le « véritable » antisémitisme. Laissez cela au libre débat et à l’appréciation de chacun. Bien sûr, vous avez le droit de critiquer Atzmon. Mais faire une liste de citations hors contexte (qu’Atzmon peut facilement expliquer) et renvoyer au Völkischer Beobachter, ce n’est pas de la critique, c’est de l’hystérie et du mépris.

Je n’aurais jamais écrit cette préface si Atzmon n’était sans cesse attaqué par une partie du « mouvement de solidarité » avec la Palestine. Pour moi, peu importent les motivations « identitaires » des juifs pro-palestiniens ; si des juifs s’opposent à Israël parce qu’ils pensent qu’à terme, c’est mauvais pour les juifs, ils ont sans doute raison et c’est très bien ainsi. Ce qui distingue un soutien véritable d’un soutien fictif à la cause palestinienne se joue dans l’attitude à l’égard de la liberté d’expression. Sommes-nous libres de dire ce que nous pensons d’Israël et des organisations juives ou devons-nous recevoir l’approbation de grandes consciences morales auto-proclamées ? Tout ce qu’on peut dire ici sur un État, deux États, tel ou tel processus de paix, les violations des droits de l’homme, ou du droit international, ou sur la possibilité d’un autre Israël ou même sur le droit au retour, n’auront aucun effet tant que la plupart des gens seront terrorisés par l’accusation d’antisémitisme. Mais, si nous arrivons à reprendre notre liberté de parole, alors, ne vous en faites pas, l’attitude par rapport à Israël changera rapidement. C’est en cela que réside le véritable enjeu du « soutien à la Palestine ».

Ce que vous semblez aussi ne pas comprendre, c’est qu’Atzmon en fait défend les juifs (au moins « objectivement » j’ignore si c’est là son but). Atzmon est un juif inquiet ; un juif optimiste pense qu’Israël va rester éternellement une « villa au milieu de la jungle », haïe au-delà de toute raison par des centaines de millions de personnes dans les pays voisins, mais demeurant une citadelle imprenable. De même, un juif optimiste pense que les États-Unis vont éternellement rester sous le contrôle du lobby pro-israélien. Mais Atzmon pense, comme toute personne ayant une certaine perspective historique, que les murs et les citadelles finissent toujours par tomber (songez à l’URSS). De plus, il se rend compte que, suite à l’extraordinaire travail de Mearsheimer et Walt (et de bien d’autres : Findley, Petras, Blankfort, Sniegoski [3]), les Américains (y compris la « classe dominante ») commencent à se réveiller : ils se rendent compte que le soutien à Israël leur coûte énormément et ne leur apporte que de l’hostilité. Que la guerre en Irak n’était absolument pas nécessaire, leur a coûté une fortune, et ne leur a presque rien rapporté ; que, de plus, celle-ci a été entièrement fomentée par les néo-conservateurs, qui sont tous des sionistes fanatiques, et qui veulent repasser les plats avec l’Iran. Allez sur les sites qui discutent de cela, même ceux qui sont « politiquement corrects » comme Mondoweiss (http://mondoweiss.net/), et vous verrez la fureur des Américains « ordinaires » qui voient la politique étrangère de leur pays (qu’eux voient souvent avec bienveillance, contrairement à moi, mais c’est une autre question), être kidnappée par le lobby pro-israélien. Atzmon pense sans doute qu’il vaut mieux, pour les juifs eux-mêmes, lâcher du lest, libérer la parole à propos d’Israël et des organisations juives, laisser sortir la vapeur de la casserole avant que tout ne saute. Ce n’est pas de l’antisémitisme, mais de la lucidité.

Ne pensez pas que la situation soit très différente en France : lors des spectacles de Dieudonné, la salle est pleine à craquer et, quand on interdit à Alain Soral l’accès à une salle de conférence, il arrive quand même à en remplir une autre. Vous me direz qu’ils sont d’extrême-droite et antisémites. Admettons, pour simplifier la discussion (même si la réalité est plus complexe). Mais leur succès est en partie dû au refus obstiné de l’immense majorité de la gauche et des « démocrates » d’aborder honnêtement la question de la liberté d’expression en France et de l’égalité de tous devant la loi. De plus, on ne nait pas antisémite, on le devient (dans la plupart des cas). Et on le devient aujourd’hui à cause de l’arrogance des politiques israéliennes et des efforts de censure souvent déployés avec succès par les organisations juives. Cela ne « justifie » pas l’antisémitisme me direz-vous. Non, bien sûr, mais les gens qui ignorent la psychologie humaine (y compris dans ses aspects pas très jolis) le font à leurs risques et périls. Et, comme je l’ai dit dans ma préface, ceux qui ne comprennent pas cela devraient réfléchir à l’histoire du socialisme réel, que vous avez bien connu, ou du catholicisme à l’époque de sa gloire, que moi j’ai bien connu. Atzmon comprend tout cela, vous apparemment non. C’est dommage, mais il n’est peut-être jamais trop tard pour comprendre.

Atzmon, comme moi-même, restons ouverts au débat.

Avec mes meilleures salutations,

Jean Bricmont / le 21 avril 2012.


LES PROTOCOLES DE GILAD ATZMON

Plusieurs « amis » sur Facebook, dont Brahim Senouci, m’ont demandé pourquoi je m’interrogeais sur la vigilance nécessaire à l’égard de tout dérapage antisémite ou islamophobe. Côté islamophobe, les exemples nemanquent pas. Mais il en existe aussi côté antisémite. Voici des extraits du dernier « livre » de Gilad Atzmon, qui n’appellent pas de commentaire – sauf que cet auteur a été défendu par le site Info-Palestine…

Les protocoles de Gilad Atzmon

Intellectuel israélien exilé à Londres, Gilad Atzmon est connu pour ses écrits « borderline ». Mais, avec La parabole d’Esther (1), il dépasse toutes les bornes. Sous titré Anatomie du peuple élu, réflexion sur la politique juive contemporaine, ce « livre » se présente comme un florilège de tous les poncifs de l’antijudaïsme le plus vulgaire, salué par le site de Silvia Cattori (2) et défendu par celui d’Info-Palestine (3).

Quelques citations, parmi tant d’autres, suffisent à s’en convaincre :

– « Si l’argumentaire colonial a été populaire durant un certain temps, c’est non seulement parce qu’il exonérait les juifs (en tant que peuple) des crimes perpétrés par Israël, mais aussi parce qu’il comportait une promesse : tôt ou tard, l’“État colon israélien” grandirait, sortirait de son cauchemar colonial, et la paix pourrait éventuellement l’emporter » (page 28);

– « Dès lors qu’Israël se définit comme l’“État juif”, nous sommes parfaitement en droit de nous interroger sur la signification réelle des notions de judaïsme, judéité, culture et idéologie juives » (page 29);

– « J’ai franchi certaines lignes jaunes en toute conscience. J’examine philosophiquement les aspects tribaux inhérents au discours juif séculier tant sioniste qu’antisioniste » (page 29);

– « Le nationalisme juif est un état d’esprit, et une mentalité n’a pas de frontières clairement tracées. En fait, personne ne sait où, exactement, finit la judéité et où commence le sionisme, et vice-versa » (page 30);

– « Manifestement, nous n’avons pas affaire seulement à Israël et aux Israéliens. En réalité, nous sommes en conflit avec une philosophie pragmatique extrêmement déterminée qui génère et promeut des conflits internationaux d’ampleur gigantesque » (page 30);

– « Il s’agit en réalité d’une guerre contre une mentalité regrettable qui a pris l’Occident en otage et l’a, tout au moins momentanément, détourné de ses inclinations humanistes et de ses aspirations athéniennes » (page 31);

– « J’ai compris qu’Israël et le sionisme n’étaient que des sous-parties constituantes d’un problème beaucoup plus vaste, le problème juif » (page 51);

– « Le sionisme n’est pas un mouvement colonialiste ayant des intérêts en Palestine, contrairement à ce que suggèrent certains spécialistes. Le sionisme, en réalité, est un mouvement mondial alimenté par une solidarité tribale sans équivalent » (page 56);

– « Tout au long des siècles, certains banquiers juifs ont acquis la réputation d’être des partisans et des financeurs de guerres, et même d’une révolution communiste » (page 66) ;

– « L’Holocauste a été une “victoire sioniste”, exactement de la même manière que tout viol est interprété par les idéologues féministes séparatistes comme une vérification de la validité de leurs théories » (page 85);

– « En raison de la nature raciste, expansionniste et judéo-centrique de l’État juif, le juif de la Diaspora se trouve intrinsèquement associé à une idéologie intégriste et ethnocentrique, ainsi qu’à une interminable liste de crimes contre l’Humanité » (page 92) ;

– « En juxtaposant des stéréotypes juifs (ceux que les juifs semblent abhorrer par opposition à ceux que les propagandistes ethniques juifs s’efforcent de promouvoir), on pourrait sans doute mettre en lumière, de manière cruciale, certaines problématiques relatives à l’identité juive » (page 95) ;

– « Les antisionistes d’origine juive (cette catégorie peut englober des gens haineux d’eux-mêmes et fiers de l’être, comme moi) sont là pour donner une image de pluralisme idéologique et de souci de l’éthique » (page 118) ;

– « Le socialisme juif, comme le socialisme, est une idéologie sans équivalent, ésotérique, avant tout préoccupée des intérêts juifs et de la judéité » (page 124);

– « Le socialisme et le militantisme progressiste juifs s’intègrent parfaitement dans le projet sioniste. En tant que parties constitutives du projet sioniste, ils ont pour rôle de rassembler les âmes perdues parmi les juifs humanistes et de les ramener à la maison pour Hanouka » (page 125);

– « Le débat entre les sionistes et les soi-disant “juifs antisionistes” n’a strictement aucun impact sur Israël ni sur la lutte contre la politique israélienne. Il a pour seule fin de maintenir le débat “au sein de la famille”, tout en semant davantage de confusion chez les Goyim. Cela permet aux militants juifs ethniques prétendument “progressistes” d’affirmer que “tous les juifs ne sont pas sionistes”. Cet argument de peu de poids a pourtant réussi à faire voler en éclats toute critique du lobbying juif ethnocentrique qui a pu être exprimée au cours des quatre décennies passées » (page 157);

– « Quand il s’agit de “passer à l’action” contre les soi-disant “ennemis du peuple juifs”, les sionistes et les “juifs antisionistes” se comportent comme un seul homme, comme un seul peuple, pour la bonne raison qu’ils sont effectivement un seul et même peuple » (page 157);

– « Le légendaire Matzpen progressiste et les néoconservateurs réactionnaires ont recours au même concept abstrait, non sans prétendre à l’universalité, pour justifier rationnellement le droit juif à l’autodétermination et à la destruction de tout pouvoir régional édifié par les Arabes et l’islam » (page 166);

– « Très souvent nous entendons dire à propos de juifs de gauche que leur affinité pour les problèmes humanitaires résulte de leur “héritage humaniste juif”. Plus d’une fois, j’ai moi-même expliqué que c’est là un mensonge absolu. Il n’existe pas d’héritage juif de cette nature. Déterminés qu’ils sont par des préceptes tribaux, tant le judaïsme que l’“idéologie juive” sont exempts de toute éthique universelle » (page 172);

– « Le vol interminable de la Palestine au nom du peuple juif fait partie d’un continuum spirituel, idéologique culturel et pratique entre la Bible, l’idéologie sioniste et l’État d’Israël sans oublier ses zélotes d’outremer. Israël et le sionisme (…) ont institué le pillage promis par le Dieu hébreu dans les écritures saintes ïques (page 182);

– « On dirait que l’armée israélienne, en rayant de la carte de lors de la bande de Gaza, en janvier 2009, mettait en application le verset du Deutéronome 20 :16 ; de fait, elle n’a “laissé la vie à rien de ce qui respire” » (Page 184);

– « Le vol et la haine imprègnent l’idéologie juive contemporaine, que celle-ci soit de gauche ou de droite » (page 185);

– « Alors que le contexte biblique judaïque est plein de références à des faits violents habituellement commis au nom de Dieu, dans le contexte national et politique juif contemporain les juifs tuent et volent en leur propre nom, au nom de l’autodétermination, de la “politique de la classe laborieuse”, de la “souffrance juive” et de leurs aspirations nationales » (page 185);

– « Si Shlomo Sand est dans le vrai (…), si les juifs ne sont pas une race et s’ils n’ont rien voir avec le sémitisme, alors l’“antisémitisme” est formellement un mot vide de sens. Autrement dit, la critique du nationalisme, du lobbying et du pouvoir juifs ne peut être considérée comme autre chose qu’une critique légitime d’un idéologie, d’une politique et d’une praxis » (page 212);

– « Il m’a fallu des années pour comprendre que l’Holocauste, cette croyance centrale de la foi juive contemporaine, n’était pas un récit historique, dès lors que les narrations historiques n’ont que faire de la protection de la loi et des politiciens » (page 215);

– « La religion de l’Holocauste est de toute évidence judéo-centrique jusqu’à la moëlle. Elle définit la raison d’être juive. Pour les juifs sionistes, elle signifie un épuisement total de la Diaspora et elle fait du Goy un assassin irrationnel en puissance. Cette nouvelle religion juive prêche la revanche. Il pourrait s’agir de la religion la plus sinistre de tous les temps car, au nom de la souffrance juive, elle délivre des permis de tuer, d’écraser, de nucléariser, d’annihiler, de piller, d’épurer ethniquement. Elle a fait de la vengeance une valeur acceptée en Occident » (page 216);

– « La religion de l’Holocauste est le stade final, conclusif, de la dialectique juive (…) Au lieu d’avoir besoin d’un Dieu abstrait pour désigner les juifs en tant que peuple élu, dans la religion de l’Holocauste, les juifs se passent de ce divin intermédiaire et ils s ‘élisent eux-mêmes » (page 217);

– « Ceux qui tentent de réviser l’Histoire de l’Holocauste sont victimes de mauvais traitements des grands prêtres de cette religion (…) Nous ne sommes pas autorisés à y toucher, pas plus qu’il ne nous est permis de l’examiner » (page 220);

– « La religion de l’Holocauste était déjà bien établie très longtemps avant la Solution finale (1942), bien avant la Nuit de Cristal (1938), les Lois de Nuremberg (1936) et même avant la naissance d’Hitler (1889). La religion de l’Holocauste est sans doute aussi ancienne que les juifs le sont eux-mêmes » (page 221);

– « La morale de cette histoire [celle d’Esther] est très claire : si les juifs veulent survivre, ils ont intérêt à infiltrer les arcanes du pouvoir. À la lumière du Livre d’Esther, e Mardochée et de Pourim, l’AIPAC et la notion de “pouvoir juif” semblent l’incarnation d’une idéologie profondément biblique et culturelle » (page 226);

– « L’authenticité historique du Livre d’Esther est très largement remise en cause par la plupart des biblistes contemporains (…) Autrement dit, toute considération morale mise de côté, la tentative de génocide décrite est fictive » (page 227);

– « Le Livre d’Esther esquisse une identité exilique. Il provoque le stress existentiel et constitue un prélude à la religion de l’Holocauste » (page 227);

– « Tant dans Exode que dans le Livre d’Esther, l’auteur du texte réussit à prédire le genre d’accusations qui allaient être jetées contre les juifs pour les siècles à venir, telle que la recherche du pouvoir, le tribalisme et la tricherie. De manière choquante, le texte d’Exode fait penser à une prophétie de l’Holocauste nazi (…) Pourtant, aussi bien dans Exode que dans le Livre d’Esther, au final, ce sont les juifs qui tuent » (page 228);

– « Il m’a fallu des années pour comprendre que mon arrière grand-mère n’avait pas été transformée en “savonnette” ou en “abat-jour” contrairement à ce qu’on m’enseignait en Israël. Ella a sans doute péri d’épuisement ou du typhus, ou peut-être a-t-elle été victime d’un mitraillage collectif (au cours de ce qu’on appelle la Shoah par balles). C’était assurément triste et tragique, mais cela n’est pas très différent du sort qu’ont connu des millions d’Ukrainiens qui ont eu à apprendre le sens réel du mot communisme. Le sort de mon arrière grand-mère n’a pas été très différent de celui de centaines de milliers de civils allemands tués dans un bombardement aveugle cyniquement orchestré, pour l’unique raison qu’ils étaient allemands » (page 248);

– « Soixante-six ans après ans après la libération du camp d’Auschwitz, nous devrions pouvoir poser la question du “pourquoi”. Pourquoi les juifs étaient-ils haïs ? Pourquoi les peuples européens se sont-ils levés pour faire la guerre à leurs voisins ? Pourquoi les juifs sont-ils haïs au Moyen-Orient, où ils avaient sûrement une chance d’ouvrir une nouvelle page de leur histoire ? S’ils avaient envisagé de le faire, comme le clamaient les pionniers du sionisme, pourquoi ont-ils échoué ? Pourquoi l’Amérique a-t-elle durci ses lois d’immigration au plus fort du danger pour les juifs européens ? Nous devons aussi nous demander à quoi servent, au juste, les lois sanctionnant le négationnisme de l’Holocauste ? Qu’entend cacher la religion de l’Holocauste ? Tant que nous ne nous poserons pas de questions, nous serons assujettis aux sionistes et à leurs complots. Nous continuerons à tuer au nom de la souffrance juive » (page 249);

– Et les dernières lignes de l’épilogue du « livre » sont les suivantes : « Je ne saurais laisser passer l’opportunité qui m’est ici offerte de remercier du fond du cœur ma demi-douzaine de détracteurs juifs marxistes qui m’ont harcelé, moi et ma carrière musicale, nuit et jour, des années durant, et sans lesquels je n’aurais jamais pris toute la mesure e la profondeur de la férocité tribale. Ce sont ces activistes juifs soi-disant “antisionistes” qui m’ont appris infiniment plus de choses que n’importe quel sioniste enragé au sujet de la véritable signification pratique – ô combien dévastatrice – de la politique identitaire juive » (page 268).

Fermez le ban ! Une telle prose ne mérite aucun commentaire : cette diarrhée nauséabonde condamne sans appel son auteur. Et son préfacier : car le Belge Jean Bricmont a cru bon d’apporter sa caution à cette prose digne du Völkischer Beobachter. Il est tombé ainsi du côté où il penchait depuis longtemps. Bien bas…

Dominique Vidal.

NOTES:
(1) Editions Demi-Lune, Plogastel Saint-Germain, 2012.
(2) www.silviacattori.net/
(3) www.info-palestine.net/


Préface de M. Jean Bricmont

Lire Gilad Atzmon

«Un des fondateurs de l’International Solidarity Movement m’a dit qu’il préférait de beaucoup se battre contre un soldat israélien à un barrage routier que de se battre contre nos détracteurs juifs `anti’-sionistes. Je n’aurais pas pu être plus d’accord. »  Gilad Atzmon, interview avec Silvia Cattori.(1)

Des amis pro-palestiniens m’avaient plusieurs fois mis en garde : Gilad Atzmon est antisémite, il dessert la cause palestinienne, peut-être même travaille-t-il pour Israël. Sans doute ai-je un mauvais esprit, mais cela ne m’a pas empêché de lire régulièrement son blog (au contraire), avec un mélange de fascination et d’amusement. Il me semblait qu’un juif israélien vivant en Angleterre, exilé volontaire, qui est accusé d’antisémitisme, entre autres par des juifs pro-palestiniens, et contre lequel manifestent des organisations « antiracistes » lorsqu’il donne des conférences, était au minimum une curiosité digne d’intérêt. De plus, m’étant moi-même «échappé» de la religion dans laquelle on m’a forcé à grandir (le catholicisme), j’ai une sympathie instinctive pour tous ceux qui rompent, souvent brutalement, avec les mythes et les contraintes de leur enfance. Les thèmes abordés par Atzmon, la politique de l’identité et de la mémoire, sont au coeur des débats de société contemporains. Il devrait être possible d’écouter un point de vue vraiment politiquement incorrect sur ces questions, celui de quelqu’un qui se définit comme un «juif haineux de lui-même et fier de l’être».

Mais un tel intérêt, venant d’un non-juif comme moi, n’est-il pas lui-même suspect, voire carrément, nauséabond? Ne nous renvoie-t-il pas « aux-heures-les-plus-sombres-de-­notre-Histoire » ? Lorsque l’éditeur d’Atzmon m’a proposé d’écrire cette préface, je me suis dit que ce serait l’occasion de répondre à cette question et surtout d’expliquer pourquoi Atzmon doit pouvoir être lu, ainsi que les différences entre son point de vue et le mien.

Il est très facile de « démontrer » le prétendu antisémitisme d’Atzmon : celui-ci distingue fréquemment, y compris au début de son livre, trois sens du mot «juif» : les gens d’origine juive, avec lesquelles il n’a aucune querelle, les personnes de religion juive, avec lesquelles il n’a également aucune querelle et ceux qu’il appelle de la troisième catégorie, c’est-à-dire ceux qui, sans être particulièrement religieux, mettent constamment en avant fleur « identité » juive et la font passer avant et au-dessus de leur simple appartenance au genre humain. Il suffit alors d’interpréter selon la première définition (les gens d’origine juive) le mot «juif» chez Atzmon, lorsqu’il est utilisé dans le troisième sens, dans un discours dont le style est souvent extrêmement polémique, pour « faire ainsi la preuve » de son antisémitisme.

Néanmoins, lorsqu’un essayiste français utilise toute son influence, qui est immense, pour pousser son pays dans une guerre contre la Libye et qu’il déclare ensuite avoir agi là « en tant que juif» et en portant en étendard la «fidélité » à son nom (et à la cause sioniste) — ce qui n’est pas exactement un argument rationnel, mais les guerres sont-elles faites au nom d’arguments rationnels ? — il devrait au moins être permis aux personnes qui ne sont pas d’origine juive de s’interroger sur cette identité juive au nom
(2)  de laquelle ils sont entraînés dans un conflit qui, quoi qu’on en pense, n’était sûrement pas une guerre de défense de la France.

Est-il légitime de critiquer les juifs au sens de la troisième catégorie d’Atzmon ? Tout d’abord, il est évident que chaque individu a parfaitement le droit de se « sentir » appartenir à un groupe dont il est fier, ou dont il pense qu’il apporte quelque chose d’important à l’idée qu’il se fait de lui-même, qu’il s’agisse de juifs, de Bretons, de Français, de catholiques, de Noirs, de musulmans etc. Comme toutes ces identités sont liées aux hasards de la naissance, ces sentiments de fierté sont irrationnels, mais qui pourrait forcer les êtres humains à être rationnels ?

Le problème se pose quand ces identités bénéficient d’un statut politique privilégié, exactement comme lorsque les religions acquièrent un tel statut. Quand une communauté, groupée autour de son « identité», revendique certains droits — ou compensations, ou privilèges — il doit être permis à d’autres, ne partageant pas l’identité en question, de critiquer le bien-fondé de ces revendications (étant Belge, je suis malheureusement habitué à ce genre de débats). Exactement comme lorsqu’une religion cherche à imposer sa morale au reste de la société. Une politique de l’identité existe chez les Noirs, les musulmans, les homosexuels, les femmes, etc. On pourrait d’ailleurs penser que la politique actuelle est de plus en plus réduite au conflit des identités, les questions socio-économiques étant désormais confiées à la (sage ?) gestion d’experts non élus. Mais il existe aussi une politique identitaire juive, dont les enjeux dépassent de loin le conflit israélo­palestinien et qui affecte, entre autres, la liberté d’expression ou les rapports avec les musulmans.

Mais alors que les revendications identitaires, surtout musulmanes, sont régulièrement attaquées dans l’espace public, le grand mérite d’Atzmon est de reconnaître l’existence d’une politique identitaire juive et de la critiquer, ce que pratiquement personne d’autre n’ose faire.

La façon d’en finir avec la politique de l’identité réside sans doute dans une extension du concept de laïcité à la séparation entre identité et État, ainsi qu’entre tout sacré ou toute mémoire et l’État, ou même la politique. Chaque individu devrait pouvoir définir le groupe auquel il pense appartenir, les événements qu’il considère importants ou sacrés dans l’Histoire et dont il estime qu’il faudrait se souvenir. Mais l’État et toutes les institutions publiques, comme les écoles et les universités, devraient être strictement neutres par rapport à ces choix. Dans une démocratie laïque, la politique devrait porter sur la gestion collective de la cité, sur les lois et les règlements, ou les mesures sociales et économiques, mais pas sur ce que doivent penser les citoyens (à moins de tendre vers ce que tout le monde prétend réprouver, le totalitarisme). À une époque où on multiplie les lois mémorielles, où des gens sont traînés devant les tribunaux pour insultes ou offenses envers un groupe donné, ou pour négation de certains faits historiques, et où chaque parole maladroite entraîne un déluge de protestations suivies le plus souvent d’excuses publiques (en d’autres temps et lieux, on disait « confession » ou «autocritique »), le moins que l’on puisse dire, c’est que la modeste proposition ci-dessus risque de passer pour aussi révolutionnaire qu’utopique.

Mais si chacun devrait pouvoir se réclamer de son identité préférée, il devrait également être permis à des personnes ayant grandi dans une certaine identité ou religion de rompre avec elle, de se révolter contre elle, et d’en faire la critique d’une certaine façon «de l’intérieur». Il ne manque pas de gens d’origine catholique, musulmane, française, allemande, etc. qui deviennent hypercritiques à l’égard de leur culture d’origine ; en général, on les considère comme des libres-penseurs. Mais pas quand ils sont juifs comme Atzmon. Celui-ci est certes obsédé par l’identité juive et par la critique de celle-ci; il est souvent excessif, provocateur, irritant même. Mais au nom de quoi un juif ne pourrait-il pas être hypercritique de sa culture d’origine, et ne pourrait-il pas être excessif, provocateur, irritant ? Je sais, par expérience personnelle, qu’Atzmon est loin d’être le seul dans son genre, même s’il est un des rares à l’être publiquement. N’est-ce pas une forme subtile d’antisémitisme que de refuser à. un juif le droit d’être un révolté par rapport à ses origines, alors que ce type de révolte est admis et même respecté lorsqu’il s’agit d’autres racines ? Un juif n’a-t-il pas droit aux excès de langage que l’on admire chez Sade ou Nietzsche ?

Une des questions les plus importantes soulevée par les écrits d’Atzmon est de savoir si ce qu’il dit est bon ou mauvais pour les Palestiniens (ce qui est indépendant de savoir si ce qu’il dit est vrai ou faux). La majeure partie du mouvement de solidarité avec les Palestiniens semble penser que c’est mauvais et cherche à se distancier autant que possible de ce «sulfureux personnage». C’est à mon avis, une gigantesque erreur, qui en reflète une autre plus fondamentale : ce mouvement donne souvent l’impression que la « solidarité » avec la Palestine se déroule avant tout là-bas et nécessite plus de missions, de voyages, de dialogues, d’information, et même parfois de «processus de paix ». Mais, la réalité est que les Israéliens ne veulent pas faire les concessions qui seraient nécessaires pour vivre en paix et qu’une des raisons de cette attitude est qu’ils croient pouvoir bénéficier ad vitam aeternam du soutien occidental.

C’est par conséquent ce soutien que le mouvement de solidarité devrait attaquer en priorité. Une autre erreur fréquente consiste à penser que ce soutien est dû à des considérations économiques ou stratégiques. Mais, aujourd’hui en tout cas, Israël ne sert en rien les intérêts occidentaux : il nous aliène le monde musulman, ne rapporte pas une goutte de pétrole, et pousse les États-Unis à déclencher une guerre avec l’Iran dont ceux-ci ne veulent manifestement pas (3).  Les raisons du soutien sont en fait assez évidentes : les pressions constantes que les organisations sionistes font peser sur les intellectuels, les journalistes et les hommes politiques en manipulant sans arrêt l’accusation d’antisémitisme et le climat de culpabilité ou de repentance (par rapport à l’Holocauste) entretenu de façon artificielle, souvent par ces mêmes organisations. Par conséquent, la principale tâche du mouvement de solidarité avec la Palestine devrait être de permettre de parler librement de la Palestine, mais aussi de dénoncer les pressions et les manoeuvres d’intimidation des différents lobbies, ce à quoi se consacre justement Atzmon. Loin de le rejeter, le mouvement de solidarité devrait en priorité défendre la possibilité de le lire et de l’écouter, même si on n’est pas entièrement d’accord avec lui.

En fait, le rôle essentiel que joue Atzmon dans la solidarité avec la Palestine, en attaquant en force le «tribalisme» juif, est d’aider les non-juifs à se rendre compte que ce ne sont pas toujours eux qui sont coupables dans les conflits avec les organisations juives. Le jour où les non-juifs se libéreront du mélange de peur et d’intériorisation de la culpabilité qui les paralysent actuellement, le soutien à Israël s’effondrera.

Mon principal point de désaccord avec Atzmon concerne la religion; il exprime souvent une sympathie pour les religions et en particulier pour l’islam, sympathie que je ne partage pas, et qui va au-delà de la simple défense des droits démocratiques des musulmans ou des droits politiques des Palestiniens. Atzmon ne prétend être ni politiquement de gauche ni athée, ce qui est parfaitement son droit, mais étant les deux, je ne peux m’empêcher de considérer que la lutte pour maintenir la religion en dehors de la sphère publique est essentielle et n’est jamais vraiment terminée (aujourd’hui, elle devrait inclure la lutte contre la politique de l’identité). Atzmon ne semble même pas être particulièrement critique par rapport à la religion juive. Mais si, comme l’indiquent certains sondages, 70 % des Israéliens croient en un dieu qui a « élu » le peuple juif
(4)  — croyance dont on ne sait pas s’il faut plus en dénoncer le racisme implicite ou la naïveté théologique ­comment considérer que cela n’a pas d’influence sur l’attitude israélienne face au reste du monde, et cette influence n’est-elle pas bien plus nocive que celle des juifs antisionistes auxquels Atzmon réserve ses flèches les plus acérées ?

Par ailleurs, s’il est normal et même noble, pour Atzmon, de s’attaquer en priorité à l’identité dont il est issu, il semble surestimer les particularités de celle-ci : des sentiments de suprématie et des volontés de domination existent dans tous les peuples, tous les groupes, et toutes les époques. Comme le faisait remarquer le pacifiste américain A.J. Muste, le problème dans toutes les guerres réside chez le vainqueur: la victoire lui a appris que la violence paie. On trouve en général plus d’humanité chez les vaincus, les Allemands et les Japonais après 1945, ou les Français après la fin de leur empire colonial. Mais la supériorité militaire d’Israël, ainsi que l’impunité

dont certains représentants de la communauté juive pensent pouvoir bénéficier lorsqu’ils diffament qui bon leur semble, ne font que renforcer les attitudes que dénonce Atzmon, mais qui n’ont rien de spécifiquement «juif»; ce sont malheureusement des propriétés humaines et universelles de gens qui se sentent en position de force. Le meilleur service que les non-juifs pourraient d’ailleurs rendre à la communauté juive serait en fait de résister aux pressions et à l’intimidation, au lieu d’y céder comme c’est le plus souvent le cas.

Finalement, quid du véritable antisémitisme ? Les propos d’Atzmon (ou les miens) ne l’encouragent-ils pas et n’est-il pas nécessaire de lutter contre ce fléau? Avant de répondre, voyons ce que cette « lutte » signifie en pratique. Il existe en France une loi interdisant de contester l’existence de faits liés aux persécutions contre les juifs pendant la seconde guerre mondiale.(5) Des gens sont poursuivis pour avoir prôné le boycott d’Israël (mais pas d’autres pays). Les spectacles ou les écrits qui heurtent la sensibilité des uns ou des autres sont multiples, et il est banal d’insulter ce qui est sacré aux yeux des musulmans ou des chrétiens, mais seuls les spectacles de Dieudonné sont régulièrement interdits. Il est risqué de discuter publiquement du lobby pro-israélien. Lors d’une émission de Daniel Mermet consacrée au lobby pro-israélien, John Mearsheimer a déclaré que Tony Judt (historien américain des idées, spécialiste de la France et cible lui-même du lobby pro-israélien aux États-Unis, bien que d’origine juive) lui avait dit que la France serait le pays où il lui serait le plus difficile de se faire entendre, ce qu’au départ Mearsheimer ne croyait pas, mais qu’il a pu vérifier par la suite.

11 me semble que si l’on est « démocrate», comme tout le monde prétend l’être, la première chose à faire est d’exiger l’égalité, au moins en principe, entre tous les êtres humains, en tout cas en ce qui concerne l’accès à la parole. Or, pour tout ce qui concerne Israël et les communautés juives orga­nisées, ce n’est pas le cas. Il est par ailleurs impossible de combattre le communautarisme si on ne met pas d’abord tout le monde sur un pied d’égalité en ce qui concerne le droit à l’expression d’idées.

En particulier, en ce qui concerne l’accusation d’antisémitisme, une attitude démocratique devrait revendiquer le respect de trois principes :

– Que le terme antisémitisme soit bien défini et de façon telle qu’il soit critiquable : si, par exemple, on considère comme antisémite le fait de «défendre la liberté d’expression pour les négationnistes », ou de «contester la légitimité d’Israël», comme c’est souvent le cas, alors il faut simplement rejeter l’accusation et faire porter le débat sur la liberté d’expression ou sur le droit international.

– Que les accusations soient fondées sur des écrits et non sur des rumeurs ou des « interprétations ».

– Que les accusés puissent se défendre, ce qui est particulièrement difficile lorsqu’on fait face au tribunal de l’opinion publique, sauf si on arrive à entretenir dans cette opinion un sain scepticisme à l’égard de ce genre d’accusations, scepticisme que les écrits d’Atzmon encouragent.

Ceci dit, il est probable que le véritable antisémitisme (entendu comme hostilité généralisée à l’encontre des personnes d’origine juive) augmente, et cela de façon inquiétante. Mais cette montée est due avant tout à l’incroyable arrogance de la politique israélienne, à celle de ses soutiens en France, à leur volonté suicidaire d’imposer au peuple français à la fois une politique dont celui-ci ne veut pas et une censure de fait qui le musèle lorsqu’il cherche à protester. La «lutte contre l’antisémitisme» telle qu’elle est menée actuellement — peut-être avec les meilleures intentions du monde — ne fait que développer l’irritation que provoque toute censure et, dans ce cas d’espèce, ne fait que renforcer l’antisémitisme. Lutter réellement contre l’antisémitisme nécessite d’en finir avec la «lutte contre l’antisémitisme » fondée sur l’intimidation et la censure. Les gens qui ne comprennent pas cela devraient réfléchir un peu plus à l’histoire du socialisme réel ou du catholicisme à l’heure de sa gloire.

Jean Bricmont, février 2012.

…………………………………………

 

(1) Lire l’interview à cette adresse :www.silviacattori.net/artic1e2077.html 
(2) Voir : 
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/11/20/97001-20111120FILWWW00182-libye-bhl-s-est-engage-en-tant-que-juif.php

 

(3)Pour une discussion plus approfondie, voir John Mearsheimer et Stephen Walt, Le Lobby Israélien, www.ism-france.org/analyses/Le-Lobby-Israelien-article-4470

ou Jean Bricmont, La désionisation de la mentalité américaine : www.ism-france.org/analyses/La-desionisation-de-la-mentalite­americaine-article-6152

(4) Gideon Levy, «God Rules All in 2012 Israel, Even the State », Ha’aretz, 29 janvier 2012,www.haaretz.com/print-edition/opinion/god-rules-all-in-2012-israel­even-the-state-1.409739

(5) Il est vrai que l’on a ajouté à cette loi une nouvelle législation réprimant la négation du génocide arménien. On notera néanmoins que le chef de l’État s’est inquiété du fait que, si cette loi était jugée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, il n’y ait «ensuite un recours contre la pénali­sation de la Shoah »,

www.lemonde.fr/politique/article/2012/01/31/genocide-armenien-des-senateurs-saisissent-le-conseil-constitutionnel-contre-le-texte_1636740_823448.html

Sur l’exploitation politique de la mémoire, voir le récent film de Béatrice Pignède, Main basse sur la mémoire. Les pièges de la loi Gayssot:

http://www.clap36.net/index.php?option —com_ content&view=article&id=89:main-basse-sur-la-memoire-les-pieges-de-la­loi-gayssot&catid=12:projets&Itemid=34




Gilles Devers : la souveraineté palestinienne s’exerce sur la totalité de la Palestine

A l’occasion de la conférence organisée le 16 mai à 20 heures 30 à l’Athénée municipal de Bordeaux, en commémoration de la Nakba, le Comité Action Palestine a posé quelques questions à l’avocat lyonnais Gilles Devers. Nous l’avons invité à s’exprimer sur la place de l’arme juridique dans la lutte de libération du peuple palestinien, et sur l’attitude à adopter ici en France face à la criminalisation du mouvement pro-palestinien. Ses réponses, que nous publions ici, introduisent l’analyse qu’il présentera pendant cette conférence. Nous vous invitons à y assister et à contribuer au débat sur la dimension juridique du conflit entre les Palestiniens et l’entité sioniste, et sur le rôle du droit international.

Gilles Devers est avocat inscrit au Barreau de Lyon, il enseigne le droit à l’Université de Lyon. Il a initié  en 2009 un collectif d’avocats qui a déposé une requête en justice auprès la Cour Pénale Internationale Internationale pour crimes de guerre lors de la guerre de Gaza en 2008-2009. La requête est en cours de traitement par le procureur responsable d’y donner suite. Il a été l’avocat de plusieurs militants français dans le cadre des opérations de boycott d’Israël. Il intervient aussi sur de nombreuses questions liées à l’islamophobie et a défendu plusieurs femmes voilées lors de leur procès. Ancien infirmier hospitalier, il est spécialiste du droit relatif aux pratiques de soin.


1 : Dans votre article intitulé « Israël, un processus de colonisation de A à Z », vous écrivez : « le colonialisme permet la possession de la terre, mais la propriété reste au peuple colonisé, dont le droit est inaliénable. Il manque à Israël la souveraineté sur des terres, que seule la Palestine peut lui remettre ». Pouvez-vous préciser votre pensée ?

Il est impossible de comprendre la Palestine sans revenir à l’histoire qui est celle du démantèlement de l’Empire Ottoman et de la décolonisation. En 1922, à la fin de l’Empire Ottoman, la Palestine a été considérée comme un Etat, mais cet Etat était placé sous mandat, ce comme une quinzaine d’autres à travers le monde. La Palestine était exactement dans la même situation que l’Irak ou la Syrie.

Le but du mandat était d’accompagner ces territoires reconnus comme souverains vers l’indépendance, ce dans le respect des frontières. Ainsi, il n’existait qu’une Palestine en 1922. La Palestine regroupait plusieurs populations de plusieurs religions, et des systèmes d’organisation interne pouvaient être envisagés. Mais le projet occidental et sioniste a été de créer un Etat, l’Etat d’Israël, ce qui supposait de scinder la Palestine. Or, il existe une souveraineté palestinienne sur la totalité du territoire de la Palestine. L’ONU n’a pas créé l’Etat car elle ne pouvait pas donner quelque chose qui ne lui appartenait pas, et elle a seulement proposé un plan de partage.

Lorsque le mandataire britannique s’est retiré, les forces sionistes se sont organisées pour imposer l’Etat d’Israël, d’abord par les armes puis par les relations diplomatiques au sein de l’ONU. Mais ni la force des armes, ni une déclaration de l’ONU ne peut faire disparaître la souveraineté du peuple palestinien sur toute la Palestine. Les Etats existent dans des formes imparfaites, ce qui est le cas pour Israël et pour la Palestine. Dans le contexte de la décolonisation, on dispose de maints exemples sur les conditions de l’autodétermination des peuples, et cela repose sur l’organisation d’un referendum incontestable. Ce referendum n’a jamais été organisé et juridiquement la situation reste donc en l’état.

2: Dans quelle mesure le droit international peut-il être considéré comme une arme dans une situation de résistance anticoloniale ?

Le colonialisme est une violation grave des droits fondamentaux, contraire à l’article 1er de la Charte des Nations-Unies, et l’Assemblée générale de l’ONU a proclamé des principes définitifs sur l’autodétermination des peuples dans le cadre du respect des frontières, et en faisant un lien indissociable avec le respect des ressources naturelles et de l’exploitation des sols. Tout transfert de population est un crime selon le droit international. Ainsi, les règles de droit sont parfaitement connues et elles sont entièrement au service de la décolonisation.

La difficulté ne résulte pas de l’énoncé des règles mais de leur application compte tenu du double standard politique qu’imposent les Etats-Unis à travers le Conseil de sécurité.

Mais depuis une dizaine d’années, et c’est un des effets de la mondialisation, les lieux d’affirmation du droit international se sont démultipliés, et il existe maintenant de très nombreuses possibilités de faire sanctionner des violations du droit sans en remettre au Conseil de sécurité, entièrement dévoué à la pérennité de l’impérialisme US. Les groupes politiques doivent donc chercher à utiliser toutes les procédures permettant de faire reconnaître l’application du droit : Cour Internationale de Justice, Cour Pénale Internationale, Cour Européenne mais aussi les juridictions nationales. L’un des moyens privilégiés est de s’intéresser aux entreprises qui profitent de la colonisation.

3: Face à la stratégie du CRIF de criminaliser toute dénonciation du sionisme et critique de l’Etat d’Israël, quelle attitude doit adopter, à votre avis, le mouvement pro-palestinien?

Au service de la cause palestinienne, les militants politiques doivent apprendre à mieux utiliser la réalité juridique, mais ils doivent d’abord se déterminer sur un plan politique. S’ils déterminent des principes sains d’action, notamment en identifiant quels sont les mécanismes du colonialisme, ils trouveront alors des relais pertinents avec l’action juridique.

S’agissant des procédures de BDS, les militants viennent de gagner des procès successivement à Paris, Mulhouse et Bobigny. L’argumentation se fait de manière méthodique en utilisant les notions les plus actuelles du droit, et en défendant la liberté d’opinion au service d’une cause minoritaire. Sans entrer dans trop de détails, qui deviennent vite techniques, on peut dire qu’il est assez logique que les militants de la cause palestinienne gagnent les procédures, dès lors que le cœur de l’action est la défense du droit remise en cause par le rapport de forces qu’imposent l’impérialisme et le sionisme.

Comité Action Palestine

 

 




La Résistance ne s’emprisonne pas : la grève de la dignité

Depuis le 17 avril, plus de la moitié des prisonniers palestiniens ont entamé une nouvelle grève de la faim illimitée pour dénoncer les pratiques barbares de l’occupant sioniste, et notamment la détention administrative, ainsi que toutes les mesures carcérales visant à briser la détermination et la résistance des prisonniers : réclusion solitaire, fouilles et rafles nocturnes, lourdes amendes et restrictions.

Initié en début d’année par Khader Adnan, du Jihad islamique, récemment libéré de détention administrative suite à 66 jours de grève de la faim (la plus longue jamais menée par un prisonnier palestinien), puis par la prisonnière Hana al-Shalabi (23 ans) qui a jeûné pendant 44 jours avant d’être déportée à Gaza, le mouvement prend une ampleur inégalée. Tous les prisonniers emblématiques de toutes les factions palestiniennes se joignent à cette grève de la faim. Plusieurs d’entre eux sont dans une situation médicale critique.
Les autorités carcérales qui connaissent la force de la résistance des prisonniers et les importantes victoires qu’ils ont remportées suite à leurs grèves de la faim, redoublent de violence pour réprimer le mouvement : transferts collectifs de prisonniers afin de briser la grève, confiscation des objets personnels, y compris vêtements et couvertures, coupure de l’eau chaude dans les cellules et suppression de tous les équipements.
Mais les prisonniers ne cèdent pas au chantage et aux pressions. Plus que tous, ils incarnent la Résistance du peuple palestinien et sont déterminés à se battre jusqu’à la victoire et à la libération.
Comme le déclarait récemment Khader Adnan, « aucune force dans le monde ne peut briser la volonté d’un humain ou d’un peuple, lorsqu’il décide d’aller jusqu’au bout, c’est la victoire ou le martyre, qui est également une victoire encore plus immense ». Telle est la signification profonde du combat mené par tous les prisonniers dans les geôles sionistes et par l’ensemble du peuple palestinien.
Il y a actuellement 4700 prisonniers palestiniens et arabes dans les geôles sionistes. Leur résistance fait partie intégrale du mouvement de libération de la Palestine *.
Le Comité Action Palestine apporte tout son soutien à la Résistance des prisonniers palestiniens et arabes, ainsi qu’à leur libération inconditionnelle, revendication centrale de la cause palestinienne. Il dénonce également la supercherie du discours des puissances occidentales qui disent vouloir protéger les peuples en intervenant en Libye, et fort probablement bientôt en Syrie, et qui soutiennent et collaborent à la politique criminelle d’Israël envers le peuple palestinien, qualifiant même l’entité sioniste de « grande démocratie et d’Etat de droit ».
* La résistance ne s’emprisonne pas. Calendrier Palestine Libre 2011 du Comité Action Palestine.www.comiteactionpalestine.org



Palestine : un peuple dépossédé, mais toujours souverain

A l’occasion du 64ème anniversaire de la Nakba

Le Comité Action Palestine

vous invite à une soirée-débat sur le thème:

« Palestine : un peuple dépossédé, mais toujours souverain »

 

avec Gilles Devers ,

 Mercredi 16 mai 20h30
Athénée Municipal, Place St Christoly, Bordeaux
Tram A et B, arrêt Hôtel de ville

 

Gilles Devers est avocat au barreau de Lyon, initiateur d’un collectif d’avocats ayant déposé une requête en justice auprès la CPI pour crimes de guerre lors de la guerre de Gaza de 2008-2009 . Au cours de la conférence, il reviendra sur les bases juridiques de l’histoire de la Palestine pour démontrer que, même selon le droit international, l’Etat sioniste est le fruit d’une colonisation de A à Z et que les Palestiniens détiennent toujours la souveraineté sur l’ensemble des terres de Palestine.

Il déclare :

« La Palestine existait avant Israël, et ce droit est inaliénable. On en arrive presque à l’oublier, alors que c’est la base de tout raisonnement : la Palestine préexistait à Israël, même si c’était la Palestine colonisée, à une époque qui niait le principe d’autodétermination des peuples. C’est dire qu’Israël est juridiquement le fruit de la colonisation de A à Z. Il faut donc revenir sur l’histoire, au début du XX° siècle. Impossible de comprendre le droit sans ce rappel historique, car il fonde le droit des Palestiniens sur la Palestine. Les faits sont anciens ? Non, ils sont très récents pour la bonne raison que la réalité d’aujourd’hui est directement liée à ces évènements : du point de vue du droit, tout est resté figé depuis l’évènement originaire, à savoir l’éviction des Palestiniens de leurs terres. »

Le 14 mai 1948 est le jour de la création de l’Etat israélien, mais cette date est commémorée par les Palestiniens comme la Nakba, la catastrophe. L’idée initiale selon laquelle la Palestine était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » a constitué l’un des plus grands mensonges de l’histoire et a servi de justification à la politique sioniste de colonisation.   Cette catastrophe prend d’abord la forme d’une prétendue légitimité internationale lorsque l’Onu adopte, le 29 novembre 1947, la Résolution 181, recommandant la partition de la Palestine, partition refusée par les Palestiniens. Non seulement ils étaient spoliés de leur terre, mais en outre 56 % du territoire palestinien étaient attribués aux Juifs, qui constituaient moins du tiers de la population et possédaient jusque là à peine 7 % des terres. Cette catastrophe, c’est aussi la destruction, entre 1947 et 1949, de plus de 500 villages palestiniens, dont le plus connu est Deir Yassine, avec ses 250 habitants massacrés par les forces militaires juives.

Cette catastrophe enfin, c’est 800 000 Palestiniens expulsés de leurs terres sans que leur droit au retour ne soit encore reconnu dans les faits. Chassés de leurs terres et niés de tous, les 6 millions de réfugiés attendent toujours de retourner chez eux.

Retrouver l’interview de Gilles Devers par le Comité Action Palestine : http://www.comiteactionpalestine.org/word/?p=1334




L’islamophobie : programme de campagne

Depuis quelques semaines, la campagne électorale française surfe sur une vague islamophobe sans précédent. Il semble que la troublante « affaire Merah » ait servi de prétexte pour passer à la vitesse supérieure en matière de stigmatisation d’une partie de la société française à des fins électoralistes. Tous les moyens sont bons, car l’enjeu est de taille pour certains politiques : passer sous silence la crise économique pour laquelle ils n’ont pas de réponse ! Pour cela tout est permis, même l’assassinat extra-judiciaire d’un présumé assassin dans des circonstances pour le moins controversées ! Les français « d’apparence musulmane », comme les appelle Nicolas Sarkozy, sont désignés à la vindicte populaire. Depuis, des dizaines de citoyens français ont été raflés par la police et inculpés. Tout français  » d’apparence musulmane » qui va à l’étranger est suspect, comme ces deux habitants de Pau arrêtés et maintenus 37 heures en garde à vue après un voyage de 4 mois dans le Sud Est-Asiatique [1] .

En écho à cette répression raciste de l’Etat, on constate une multiplication des actes islamophobes et des discriminations à l’encontre des musulmans. Entre autres, des femmes voilées sont agressées en pleine rue ou interdites de rentrer dans un restaurant, des jeunes filles sont menacées d’expulsion dans des lycées car portant une tenue vestimentaire considérée comme ostentatoire (bien que non voilées).

Cette situation est la conséquence d’une volonté de fabriquer le bouc-émissaire parfait pour dissimuler la faillite économique et civilisationnelle. Depuis une dizaine d’années, la classe politique française est obsédée par les français de confession musulmane : mars 2004, loi sur les signes ostensibles, interdisant le port du foulard à l’école publique ; septembre 2010, loi anti-burqa ; avril 2011 : offensive contre les mères voilées accompagnatrices de sorties scolaires , renforcée en novembre de la même année par une décision du Tribunal de Montreuil; « débat sur la laïcité » et « 26 propositions » de l’UMP légalisant notamment la discrimination à l’embauche contre les femmes portant le foulard, y compris dans le secteur privé… Janvier 2012 : loi « anti-nounous » (interdisant le voile dans les crèches et les garderies), adoptée en première lecture par un sénat socialiste… [2]

La classe politique française, laïque et républicaine, use de tous les instants et de tous les stratagèmes pour implanter la haine anti-musulmane dans ce pays car elle y voit deux objectifs majeurs. La première fonction de ce racisme islamophobe est à usage interne [3] , [4]   . Elle marginalise une population économiquement précaire et donc susceptible d’être politiquement contestataire : il crée donc une scission « blancs-immigrés » profitable au maintien de l’ordre républicain-bourgeois. La deuxième fonction, à usage externe, de ce racisme, est de délégitimer tout mouvement de solidarité en France avec les peuples musulmans dans leur résistance contre les agressions coloniales et impérialistes. Il s’agit en particulier d’éviter, pour un Etat républicain pro-sioniste, que le mouvement pro-palestinien ne trouve un écho au sein de la population française.

Le Comité Action Palestine dénonce avec force l’islamophobie entretenue par les discours médiatiques des hommes politiques de cette Nation, par leurs pratiques anti-immigrés et les lois discriminatoires qu’ils font voter. Il dénonce également tous les actes islamophobes qui en découlent. Il en appelle à la mobilisation de tous pour ne pas se laisser intimider par cette violence néo-coloniale et pour rejeter en bloc les usages politiques et sociaux de cette politique raciste et discriminatoire.

Comité Action Palestine

 


[1] Sud Ouest 08/04/2012 : « Interpellations dans les milieux islamistes: je n’ai vu ça que dans « faites entrer l’accusé »

[2] Du hijab à la burqa et des collégiennes aux nounous : les dessous d’une obsession française, 2012. P. Tévanian, www.lmsi.net

[3] L’islamophobie et ses usages politiques, 2009. Comité Action Palestine,www.comiteactionpalestine.org

[4] Islamophobie : les fonctions sociales d’un racisme respectable, 2011. Comité Action Palestine, www.comiteactionpalestine.org




Histoire du droit au retour, un droit non négociable

le 9/4/2012 15:36:41 (549 lectures)

L’instauration d’une législation internationale définissant le principe juridique du «  droit au retour » a pour origine le contexte de la deuxième guerre mondiale. Les génocides et les déplacements massifs de populations civiles ont conduit les Etats membres de la nouvelle ONU à donner une base juridique au retour des déplacés dans leur foyers.

Le « droit au retour des réfugiés », sur le plan du droit international, s’appuie sur l’article 15 de la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’assemblée générale de l’ONU le 10 décembre 1948. C’est un droit universel et inaliénable qui sera revendiqué d è s le 11 décembre 1948 à travers la résolution 194 relative « au droit au retour » dans leurs foyers des réfugiés palestiniens chassés de leur terre par le colonialisme israélien. Il sera confirmé ultérieurement par les résolutions 394 et 513. Aujourd’hui, les réfugiés palestiniens représentent la population de réfugiés la plus importante au monde. Leur nombre s’élève à plus 7,2 millions soit 75 % de la population palestinienne estimée à 9,7 millions dans le monde.

« Il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payé e s à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les gouvernements ou autorités responsables » (paragraphe 11 de la résolution 194 adoptée le 11 décembre 1948 par l’Assemblée Générale des Nations Unis)

La cause de la libération de la Palestine et les luttes anticoloniales sont étroitement associées à ce « droit au retour » défini par la législation internationale. Même si pour les Palestiniens, ce droit dépasse largement la stricte dimension juridique.

La mise en oeuvre du « droit au retour » reste cependant à géométrie variable. Lorsque les intérêts de l’impérialisme étasunien le réclament, celui-ci intervient pour son respect. Par exemple, afin de contrer l’influence de la Russie en Asie centrale, il soutient une résolution qui revendique le « droit au retour » des réfugiés ayant fui les hostilités dans les régions géorgiennes séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie en 1990 et 2008. Mais le « droit au retour » est enterré dès lors que l’hégémonie des occidentaux et des israéliens est en danger comme en Palestine et au Moyen-Orient. Rappelons enfin que l’admission de l’entité sioniste aux Nations Unies en 1949 était soi-disant conditionnée par sa reconnaissance sans réserve des résolutions relatives à la Palestine, y compris la 194.

Le « droit au retour » signifie clairement l’illégitimité de l’entité sioniste, un colonialisme de type ethnique et raciste ayant pour objectif depuis son origine à la fin du 19ème siècle l’expulsion totale des palestiniens arabes de leur terre et leur remplacement par une population juive étrangère dans un Etat réservé exclusivement au x juifs.

Pour les Palestiniens, « le droit au retour » est collectif et il n’est pas négociable. Il est revendiqué par l’ensemble des forces politiques et sociales palestiniennes. Il est constitutif de la libération de la Palestine arabe.

Comité Action Palestine