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Syrie : la contre-révolution et ses enjeux politico-économiques

img52416643ef01d[1]« Il y a deux Histoires : l’Histoire officielle, menteuse qu’on enseigne, l’Histoire  » ad usum delphini  » ; puis l’Histoire secrète, où sont les véritables causes des événements, une histoire honteuse. » Honoré de Balzac

Lorsqu’il y a deux ans environ, le monde arabe est entré en phase d’ébullition, de soulèvements à répétition, de turbulences socio-politiques, l’enthousiasme on ne peut plus légitime était général. Il s’agissait d’abattre des régimes dictatoriaux, historiquement dépassés et d’avancer dans le processus, entamé avec les guerres d’indépendance des années 50-60, d’émancipation vis-à-vis de la domination impérialiste de l’Occident. Avec le recul, il apparait désormais avec assez de netteté que les puissances occidentales ont profité de l’instabilité des pays arabes pour mettre en place le projet fomenté il y a une dizaine d’années de remodelage du grand Moyen-Orient. Comme l’Irak ou la Libye, la Syrie faisait partie de ce plan machiavélique qui consiste à détruire les infrastructures du pays, à générer le chaos social et la guerre civile, à installer au pouvoir des groupes de brigands totalement inféodés à l’Occident, voire à partitionner le pays.

Récemment, la France et les Etats-Unis ont voulu franchir un nouveau cap dans la guerre impérialiste contre la Syrie en essayant de mobiliser et de structurer une coalition internationale pour une intervention militaire directe. Au cours des deux années écoulées, les puissances occidentales se sont adonnées à la manigance la plus infâme en soutenant et en portant à bout de bras quelques représentants assez peu révolutionnaires de la diaspora syrienne pour instiller la division dans le pays et générer le chaos. A l’inverse de la Libye où l’intervention militaire directe fut presque immédiate en raison de la faiblesse du régime Kadhafi, la déstabilisation de la Syrie, Etat beaucoup plus stable, mieux armé et bénéficiant d’alliances internationales, fut mise en œuvre grâce à une collaboration étroite avec les pétromonarchies de la région et l’entité sioniste, l’Arabie Saoudite et le Qatar ayant financé les armes israéliennes et occidentales utilisés par les groupes de mercenaires-djihadistes étrangers. Les pires horreurs ont été commises par les groupes armés « rebelles », qui, non contents de semer la terreur parmi la population, ont réduit l’économie nationale à néant et déchiré le tissu social et confessionnel syrien multiséculaire.

Jusqu’à présent, la stratégie du bloc impérialiste, dans sa volonté de mettre à bas le régime syrien, s’est heurté à deux grands obstacles. D’une part, si au commencement le mouvement politique de contestation du régime Assad était puissant et très populaire, la guerre d’agression menée par l’Occident, Israël et les pétromonarchies via des groupes de djihadistes importés clé en main a redonné une certaine légitimité à un régime alors en perte de vitesse dans le cadre d’une dynamique nationaliste. Sans le soutien d’une partie de la société syrienne, il est presque certain que le régime n’aurait pas pu résister longtemps aux multiples tentatives de déstabilisation, aux coups répétés du des groupes wahhabo-salafistes. D’autre part, l’inscription dans un solide réseau d’alliances régional (Axe de résistance à Israël constitué de la Syrie, du Hezbollah et de l’Iran) et international (alliance avec la Russie et plus généralement avec le groupe des pays émergents) a permis de contrecarrer toutes les tentatives d’intervention directes des Occidentaux sur la base de procédés de désinformation et de propagande fallacieux et identiques à ceux utilisés en Irak et en Libye. Ces différents atouts ont permis au contraire au régime syrien de remporter des victoires importantes sur le terrain au point que la rébellion était en voie d’éradication et le territoire presque entièrement contrôlé. C’est cette victoire militaire du régime syrien qui a décidé la France et les Etats-Unis de recourir au prétexte de l’utilisation des armes chimiques pour justifier une intervention qui permettrait de rétablir l’équilibre des forces et de remettre en selle une rébellion qui commençait sérieusement à se déliter.

Un acharnement sans précédent est démontré par les puissances belligérantes dans le conflit syrien qui ne peut s’expliquer que par l’importance stratégique des enjeux et le caractère vital d’une victoire militaire sur le terrain. En effet, l’issue du conflit déterminera à bien des égards la poursuite de la domination économique et politique de la région moyen-orientale du bloc occidental ou à l’inverse un basculement des rapports de force en faveur des nations émergentes.

Sur le plan économique, comme ce fut le cas pour l’Irak dès la première guerre du Golfe, iI s’agit en premier lieu pour l’Occident d’abattre tout régime qui montrerait des velléités d’indépendance économique, et de détruire toute structure économique qui limiterait ou concurrencerait les débouchés des produits occidentaux. Et en second lieu, du point de vue économique sans doute le facteur le plus important, ce qui se joue en Syrie, c’est le contrôle de l’accès aux ressources en hydrocarbures. La concurrence pour l’approvisionnement en gaz de l’Europe de l’Ouest représente un enjeu majeur du conflit. Les USA et ses alliés dans la région, notamment le Qatar, l’Arabie saoudite et l’entité sioniste, ne veulent en aucun cas laisser la Russie et l’Iran être les principaux fournisseurs. Or, l’acheminement du gaz en provenance soit de l’Iran, soit du Qatar passe obligatoirement par la Syrie. Seule la mise en place d’un régime à la solde des puissances impérialistes sécuriserait l’origine qatarie aux dépens de l’origine iranienne. En effet dès 2011 Bachar al-Assad avait clairement choisi l’option iranienne en signant un accord avec l’Iran et l’Irak pour construire un gazoduc. Cet affrontement pour l’approvisionnement en hydrocarbures reflète finalement l’opposition à mort entre deux blocs économiques dont le champ de bataille serait actuellement le Moyen Orient : d’un côté les puissances occidentales ruinées et leurs Etats vassaux et de l’autre les puissances dites « émergentes » du groupe BRICS associées à l’Iran et la plupart des pays d’Amérique latine et d’Afrique. Déjà l’abandon du dollar dans de nombreuses transactions entre les partenaires de second bloc sont révélatrices de la perte d’influence économique de l’Empire. Les guerres d’agression lancées par le bloc des nations occidentales apparaissent comme le moyen le plus sûr de contrecarrer ce processus de déclin économique. Mais en réalité, l’effet de ces guerres, dans le cas d’une victoire à court terme, sera de retarder ce déclin, et en cas de défaite de le précipiter.

Sur le plan politique, l’enjeu de ce conflit est aussi et surtout de détruire l’axe de résistance Iran-Syrie-Hezbollah qui s’avère être une menace sérieuse pour l’existence de l’entité sioniste et la poursuite du colonialisme juif en Palestine et dans la région. Démontrant une solidarité exemplaire, l’Iran, le Hezbollah et la Syrie représentent une force de dissuasion indéniable face à la stratégie guerrière sioniste. Les intérêts d’Israël étant en jeu, les puissances occidentales se voient dans l’obligation d’intervenir pour protéger leur poste avancé dans la région, leur Etat-gendarme. En s’attaquant à la Syrie, le bloc impérialiste a pensé pouvoir briser l’axe anti-israélien en s’en prenant à son maillon faible et surtout préparer les conditions les plus favorables à de futures interventions armées contre le parti de résistance libanais et l’Iran. La libération de la Palestine et la lutte contre l’entité sioniste sont inscrits dans le projet révolutionnaire iranien et l’Iran s’est engagé à apporter son soutien à tous les résistantes populaires qui combattent le sionisme sur leur sol comme le Liban et la Syrie. Le Hezbollah a combattu victorieusement l’entité sioniste à plusieurs reprises et constitue aujourd’hui la force de résistance populaire la mieux équipée et organisée pour faire face à l’ennemi. Les attaques médiatiques ainsi que les attentats au Liban démontrent bien qu’il est aussi directement visé par cette guerre. L’axe de résistance et l’entité sioniste se livrent une guerre sans merci, une lutte à mort qui, si elle se soldait par la disparition d’Israël, aurait des conséquences des plus catastrophiques pour l’Occident à l’échelle régionale et mondiale. La guerre menée en Syrie par les Etats-Unis et l’Europe depuis deux ans l’a été pour les intérêts d’Israël, dans le but d’assurer sa survie et de renforcer cet Etat-cancer dans la région. De son côté, l’entité sioniste s’est impliquée directement en bombardant à plusieurs reprises des sites militaires et en apportant son soutien logistique aux mercenaires takfiristes venus combattre sur le sol syrien. Mais ce sont les régimes alliés du sionisme dans la région tels que le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et la Turquie qui ont été jusqu’à présent les principaux acteurs de ce conflit. Ces régimes redoutent plus que tout l’influence de l’Iran dans la région, que ce soit en matière économique ou en tant que modèle d’une révolution victorieuse pour leurs peuples respectifs.

C’est donc la stratégie du chaos et de la division que l’Occident a choisie pour affaiblir le monde arabe et musulman et ôter toute possibilité de développement d’un centre de contre-pouvoir dans cette région du Monde.

En Syrie, la France, ancienne puissance coloniale, fut dès le départ le fer de lance de la politique interventionniste occidentale. Qu’attendre d’autre d’un Etat et d’un gouvernement qui est à la solde du CRIF et dont les ministres affichent ouvertement leur indéfectible attachement à l’entité sioniste ? Lorsqu’une solution politique et diplomatique est proposée par la Russie, à savoir la mise sous contrôle international de l’arsenal chimique syrien, c’est encore la France, par la voix de son zélé ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, qui s’oppose le plus fermement à ce type d’initiative. Et c’est aussi en France que l’élite pseudo-intellectuelle- apporte un soutien sans faille à la pseudo-rébellion syrienne et à la politique interventionniste des Etats occidentaux. Tout le travail de ces idéologues du système consiste à produire la confusion intellectuelle la plus grande pour justifier in fine l’agression occidentale contre la Syrie. Ainsi, dans leur discours, la contre-révolution menée par l’alliance des groupes wahhabites-salafistes rebelles, des pétromonarchies et de l’Occident est présentée en révolution contre un régime dictatorial. Mais nous pouvons légitimement demander à ces spécialistes auto-proclamés du monde arabe : quel est le projet de société de cette soi-disant révolution ? Le califat ? Un régime de type saoudien ? Ou le chaos tribal qui règne en Lybie, chaos que ces mêmes idéologues avaient contribué à légitimer ? De même, contre les tueries du régime Assad, pour protéger les populations civiles, ces chantres de la démocratie n’ont de cesse d’appeler aux bombardements des avions de l’OTAN, c’est-à-dire à un massacre beaucoup plus grand encore. Pourraient-ils nous rappeler combien de morts a compté l’Irak suite aux interventions de la démocratie occidentale ? La crise syrienne a en tout cas montré de quel bois pourri était formée cette clique intellectuelle : paternalisme néocolonial, orientalisme réadapté au goût du jour, justification kouchnérienne du droit d’ingérence, appel aux massacres contre un pays indépendant. Les discours lénifiants de ces pseudo-intellectuels cachent de plus en plus mal leur rôle réel d’agents de l’Etat français spécialisés dans les questions moyen-orientales.

La souveraineté des peuples constitue le principe intangible de l’anticolonialisme. A ce titre, le Comité Action Palestine est au côté du peuple syrien et des membres de l’axe de résistance qui défendent l’indépendance nationale de la Syrie. Il dénonce les positions néo-coloniales des intellectuels médiatiques français et condamne fermement toute intervention occidentale en Syrie, qu’elle soit directe ou déguisée.

Comité Action Palestine