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Les prisonniers palestiniens sont le terreau de l’unité nationale !

Entretien avec Seifiddin Mawaid, le directeur de l’organisation palestinienne Muhjat al-Quds pour les prisonniers et martyrs. (Beyrouth septembre 2019)

Comité Action Palestine

Aujourd’hui, il y a 5000
prisonniers palestiniens dans les geôles sionistes, dont près de 200 mineurs et
43 femmes. Parmi eux, plus de 400 sont en détention administrative,
c’est-à-dire qu’ils sont retenus sans charges officielles, ni même perspective
de procès, pour des périodes de 6 mois renouvelables indéfiniment. Six d’entre
eux sont actuellement en grève de la faim pour dénoncer ce régime de détention.
Globalement tous les prisonniers sont des acteurs majeurs de la résistance
palestinienne et leur libération est au coeur des revendications nationales.
Très souvent soumis à torture lors des interrogatoires, leur lutte est
quotidienne pour que leurs droits de prisonniers politiques soient respectés.
Ces derniers mois, deux prisonniers palestiniens Nasser Taqatqa (31 ans) et
Bassem al-Sayeh (47 ans) sont morts en prison des suites de tortures infligées
ou de négligences médicales.

Alors que ce sont tous des
prisonniers de guerre et que beaucoup sont arrêtés sans motif, si ce n’est que
d’être membre d’une organisation politique, ils sont considérés par l’entité
coloniale comme des criminels. Ainsi leur droit à la résistance est bafoué.
Pourtant face à cette situation, les grandes organisations internationales des
Droits de l’Homme, telles que la Croix rouge internationale ou Human Right
Watch sont particulièrement silencieuses. A l’inverse lorsque la résistance
capture des soldats israéliens, le monde entier se mobilise et les sionistes
n’hésitent pas à déclencher la guerre pour les récupérer. Récemment le Comité
Action Palestine a pu s’entretenir à Beyrouth avec Seifiddin Mawaid, le
directeur de l’organisation palestinienne Muhjat al-Quds pour les prisonniers
et martyrs.

Muhjat al-Quds est l’une des plus
grandes organisations du mouvement national palestinien, en charge de la
question des prisonniers. Son rôle est de protéger les prisonniers et leur
famille en menant des actions juridiques et de communication, mais aussi en
venant en aide aux familles et aux prisonniers après leur libération afin de
faciliter leur réinsertion sociale.

Quelles sont les priorités
actuelles relatives aux prisonniers ?

La détention administrative reste
le problème n°1. Il s’agit d’arrestations arbitraires qui ne sont suivies
d’aucun jugement et sont classées sous le volet sécuritaire par la puissance
occupante. Aujourd’hui le seul moyen de s’en sortir reste la grève de la faim.
C’est pourquoi depuis quelques années, les prisonniers en détention
administrative mènent régulièrement  de
telles actions. Ils suivent l’exemple de Sheikh Khader Adnan, un cadre du Jihad
islamique de Jénine qui, arrêté à trois reprises depuis 2012 et placé en
détention administrative, a conduit  à
chaque fois une grève de la faim de plus de 60 jours pour obtenir sa libération.
Ces actions répétées sont extrêmement dommageables pour la santé des
prisonniers car les autorités carcérales israéliennes n’y prêtent aucune
attention avant 2 mois de jeune. Cela peut être considéré comme une forme de
torture et de violation grave des droits de 
l’Homme. Les prisonniers en grève de la faim ne reçoivent pas
d’assistance médicale sauf sous forme de menaces et de chantage. Certains sont
aussi placés à l’isolement et déplacés tous les 2 jours, ce qui représente une
torture supplémentaire. Il ne faut oublier de citer le nombre croissant
d’enfants et de femmes détenus. Plusieurs d’entre elles sont actuellement en
grève de la faim.

Les négligences médicales sont
également très graves. Depuis 1967, on compte près d’1 million de Palestiniens
ayant connu les geôles sionistes et aujourd’hui près de 1000 détenus sont
malades. Notamment de nombreux palestiniens détenus au Sud, près de la centrale
nucléaire de Dimona, sont atteints de cancer. L’absence de soins pour les
prisonniers malades est une politique délibérée de la part des autorités
carcérales et constitue également une forme de torture. Le décès, le 8
septembre dernier de Bassem Al Sayeh, attaché sur son lit et sans avoir été
autorisé à revoir sa famille, illustre parfaitement cette politique. C’est un
moyen de chantage majeur pour les sionistes. Sur 220 prisonniers morts en
prison depuis 1967, 67 ont été victimes de 
négligence médicale. A cela s’ajoute la politique sioniste de retenir
les corps des prisonniers martyrs et de ne pas les rendre à leur famille. Les
lieux de détention au-delà de la mort sont appelés  « cimetière des nombres ».

Par ailleurs depuis début 2019,
les autorités carcérales ont décidé de durcir les conditions de détention des
prisonniers palestiniens en démantelant les modes d’organisation dans les
prisons, en réduisant l’accès à l’eau et à la nourriture, ainsi que les
possibilités de contact avec les familles en supprimant les téléphones.  Afin d’empêcher l’utilisation de téléphones
mobiles, des appareils de brouillage des communications ont alors été installés
entrainant un fort mouvement de protestation des prisonniers.  Suite à un première vague de grève de la faim
en avril dernier, afin de dénoncer ce durcissement des conditions de détention
et les systèmes de brouillage comme susceptibles, selon des experts
britanniques, de causer des problèmes de cancers,  les forces sionistes avaient annoncé qu’elles
réinstalleraient des téléphones fixes et supprimeraient les appareils de
brouillage. Mais l’accord ne fut que partiellement respecté, entrainant un nouveau
mouvement de protestation en septembre suivi par plus de 100 détenus, et très
fortement réprimé.

Quels sont alors les moyens d’actions
de Muhjat al-Quds?

Il faut être conscient  qu’Israël ne libérera aucun prisonnier sans
conditions. Le seul moyen pour libérer les prisonniers palestiniens est la
résistance et le fait de capturer des soldats israéliens comme monnaie
d’échange, tel que ce fut le cas dans le passé. Cette stratégie est
actuellement difficile à mettre en œuvre car la situation politique n’est pas
favorable. On pourrait envisager, sans trop d’illusions, des pressions
internationales et arabes. Mais malheureusement c’est aujourd’hui la force, et
non le droit, qui triomphe. Il reste enfin à utiliser tous les espaces
juridiques encore possibles en Europe, par exemple  en portant plainte contre des criminels
israéliens. Ce type d’actions peut également avoir un impact médiatique qui
peut éventuellement nuire aux sionistes. Parler des prisonniers et relayer
leurs actions reste déterminant.

Quel rôle politique joue les
prisonniers palestiniens ?

Les prisonniers jouent un rôle politique majeur. Actuellement, et ce malgré la répression,  se préparent des élections internes pour nommer des représentants  au sein des conseils de prisonniers. En prison, l’appartenance politique disparait et les prisonniers sont tous des combattants de la nation palestinienne. Les prisonniers sont plus enclins à l’unité car ils vivent tous dans les mêmes conditions. Ainsi tous les prisonniers, quelle que soit leur faction, sont reconnus comme des résistants et reconnus comme tels. Beaucoup de  prisonniers ont un niveau de formation élevé et contribuent à l’éducation collective en échangeant et  transmettant leurs savoirs et leurs compétences. Enfin ces dernières années  de nombreux prisonniers ont réussi  à faire sortir du sperme des prisons, afin de perpétuer la résistance en perpétuant la vie.

Photo: prisonniers en détention administratifs, en grève de la faim
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