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Le hezbollah et les inconnues bien connues

abc_hezbollah_080619_mn[1]Article de Ramzy Baroud publié le 24 février 2008 par Maan News Agency .

Cette analyse montre comment l’assassinat de Imad Mugniyah le 12 février, général en chef du Hezbollah, par le Mossad, fait partie d’un plan de déstabilisation du Liban et de toute la région.

Le chaos dans lequel s’enfonce lentement le Liban est programmé par Israël et son allié américain pour qu’une guerre civile éclate dans ce pays.

L’objectif est, pour Israël, de réussir par d’autres moyens, ce qui a échoué en 2006 et ainsi provoquer une guerre éventuelle avec le Liban et la Syrie en espérant également l’implication de l’Iran.

Si le plan d’Israël est assez clair pour parler d’inconnues connues, le fait de savoir si une telle guerre tournera en faveur d’Israël reste du domaine des inconnues inconnues.


Nous savons tous très bien qui a tué le général en chef du Hezbollah, Imad Mugniyah, le 12 février dernier à Damas.

Pendant que dans les médias américains, seuls des journalistes comme Seymour Hersh ont le cran de pointer l’évidence, les médias israéliens ont reculé devant les preuves que les services de renseignements israéliens étaient impliqués dans cet assassinat bien préparé.

L’important quotidien israélien Maariv a présenté une version partagée par beaucoup d’autres journaux en concluant : « Officiellement, Israël a nié hier toute responsabilité dans cet assassinat. Mais les experts ont dit que l’excellente méthode utilisée pour cette attaque était caractéristique du Mossad.

Le Financial Times a aussi rapporté l’analyse lourde de sens d’un commentateur israélien. « L’assassinat de Mugniyah est peut-être le coup le plus fort porté au Hezbollah jusqu’à ce jour. Pas seulement pour ses compétences opérationnelles, ses liens étroits avec les Iraniens, et la série des attaques terroristes qu’il a conduite avec succès. Mais aussi parce qu’il était un symbole, une légende, un mythe ».

Donald Rumsfeld n’est peut-être plus au premier plan, mais sa philosophie est toujours bien vivante. « Nous savons aussi qu’il y a des inconnues bien connues » a t-il une fois déclaré à des journalistes perplexes. Précisément, l’inconnue connue est que le Mossad israélien a tué Mughiyah, et l’a tué pour des raisons spécifiques, à un moment et un lieu bien choisis, dans une parfaite logique pour les intérêts du gouvernement israélien.

Intéressons nous d’abord au moment :

Le second mandat du Président Bush se terminera dans un an. Pour ce Président qui a inconditionnellement approuvé sans discussion la politique israélienne, une année n’est pas suffisante pour fixer des objectifs à long terme, mais c’est assez pour initier le chaos.

« Si vous voulez le chaos, alors nous y sommes favorable. Si vous voulez la guerre, et bien vous l’aurez. Nous n’avons aucun problème avec les armes ou avec les roquettes que nous allons vous envoyer ». Ce sont les mots de Walid Jumblatt leader libanais de la coalition du 14 mars actuellement au pouvoir, mots dirigés à l’encontre de l’opposition conduite par le Hezbollah quelques jours avant le 3ème anniversaire de l’assassinat de Rafiq Hariri. En connaissant la force militaire du Hezbollah au Liban, il n’est pas difficile d’imaginer d’où les roquettes évoquées par Walid Jumblatt vont provenir.

Effectivement, les désaccords internes et l’hostilité ouverte, l’impasse politique qui plane sur le futur parlement du pays et le gouvernement, tout concourt à dire que le Liban est prêt à plonger dans le chaos. Ce sont de bonnes nouvelles pour Israël et pour l’administration Bush. Une guerre civile peut réussir là où la guerre illégale et pourrie menée en 2006 par Israël a échoué.

Cette guerre de 34 jours, célébrée par le Hezbollah comme une victoire, a représenté un recul massif des conceptions régionales israéliennes et de ceux qui souhaitaient supprimer le Hezbollah de l’équation politique du pays. En fait cette guerre a eu l’effet inverse : le Hezbollah en est sorti triomphant. Plus récemment, la propre enquête israélienne sur cette guerre a conclu, en quelque sorte, à la défaite d’Israël.

Le rapport de la commission Winograd a largement mis en cause l’armée et levé toutes responsabilités du Premier Ministre Ehud Olmert. Ce rapport a décrit l’échec de la guerre comme « une sérieuse occasion manquée ». Le rapport n’a pas condamné la guerre, mais a décrié son manque d’efficacité et sa piètre mise en œuvre.

Comment Olmert peut-il corriger les erreurs de cette guerre sans en conduire une autre ?

Et quel meilleur moment pour une guerre que celui où le Hezbollah et ses rivaux sont engagés dans leur propre conflit interne ?

Mais l’assassinat d’une personne de haut rang comme Mugniyah n’était pas simplement une occasion pour se vanter d’une opération classique du Mossad. C’était une composante majeure du plan, dont l’objectif est une guerre éventuelle avec le Liban et la Syrie en espérant également l’implication de l’Iran.

Israël n’a pas caché sa déception lorsque le rapport des Services Secrets Américains a conclu que l’Iran ne fabriquait plus d’armes nucléaires. Cela voulait simplement dire que les USA n’attaqueraient pas l’Iran cette fois-ci. Mais pour Israël, « l’absence de preuves n’est pas la preuve de l’absence » une autre remarque de Rumsfeld. En redoutant que l’Iran prenne le contrôle de la région, Israël, avec le feu vert de Bush, est maintenant prêt pour l’escalade.

Les officiels israéliens, les experts et leurs amis dans le gouvernement US, ainsi que les médias construisent un motif de confrontation avec l’Iran. Au cours d’un voyage récent en Allemagne, avec des entretiens avec le Chancelier Angela Merkel à Berlin, Olmert s’est déclaré « sûr » que l’Iran mettait au point des armes nucléaires. « Les Iraniens avancent dans leurs projets de développer leur arsenal d’armes non-conventionnelles » a-t-il déclaré à des journalistes.

Israël, n’est cependant, ni capable, ni ne souhaite faire face à l’Iran dans une guerre conventionnelle.

Pour que le plan d’Israël réussisse, le conflit interne au Liban doit aller en s’intensifiant et l’union nationale ne doit pas être atteinte, une mission remplie par les mystérieuses explosions à la bombe qu’on n’hésite pas à mettre sur le dos de la Syrie et de ses alliés libanais.

Par leur exultation malveillante, sans toutefois révéler beaucoup de choses sur l’assassinat de Mugniyah, les commentateurs israéliens pourraient avoir perdu de vue le grand pari de leur gouvernement. La réponse du Hezbollah, clamée par leur leader Hassan Nasrallah, était un vœu pour une guerre « ouverte ». Le groupe préfère éviter les altercations à la frontière et porter la guerre contre Israël sur la scène internationale, comme Israël l’a fait. Et comme Israël, il pourra exulter, mais officiellement dégager sa responsabilité des opérations qu’il effectuera.

Le cours des évènements futurs est maintenant plus prédictible, bien que le fait de savoir si une telle riposte tournera en faveur d’Israël reste au royaume des inconnues inconnues. Peut-être que Rumsfeld avait raison après tout.

Ramzy Baroud

Traduction : N. Ollat pour le Comité Action Palestine