Les révolutions arabes nous donnent de la force

Ameer Makhoul est prisonnier politique palestinien.Ameer Makhoul Il présidait le comité populaire pour la défense des libertés politiques en Palestine occupée en 1948, lorsqu’il a été arrêté par les forces coloniales sionistes en mai 2010. Il a été condamné à 9 ans d’emprisonnement. Son arrestation fait partie de la stratégie de l’occupant pour empêcher toute structuration de la résistance en Palestine de 48.

Dans ce texte, A.M. produit une analyse particulièrement clairvoyante du changement actuel du rapport de forces dans le monde arabe. Il replace les révolutions arabes actuelles dans le cadre général des mouvements révolutionnaires, tout en soulignant leurs spécificités. En plus du caractère fédérateur au niveau des peuples de la région, ces révolutions permettent de réafficher avec plus de force la dimension arabe de la lutte de libération palestinienne.

Il montre comment ces révolutions marquent une inversion du rapport de forces dans la région, inversion sans laquelle aucune cause même la plus juste ne peut triompher. Cette force croissante des masses arabes contraste avec l’effondrement du projet sioniste qui ne cesse d’afficher son affaiblissement militaire et son absence de vision stratégique de l’avenir. Ce changement de rapport de forces, notamment avec la chute du régime égyptien représente un atout majeur pour la lutte du peuple palestinien pour la libération de sa terre.


Ameer Makhoul, prisonnier politique palestinien, le 17 juin 2011 :

 

Aucun régime au monde ne peut se soustraire à la possibilité de tomber quand certaines conditions sont réunies mais il n’est jamais arrivé qu’un régime politique tombe de lui-même, en l’absence d’une action qui vise à le renverser.

Lire l’histoire des révolutions est très riche en enseignements mais quand une révolution se déroule maintenant, elle apporte ses propres enseignements.

Ainsi en est-il des révolutions que mène actuellement notre peuple arabe. Elles apportent ce que doit apprendre toute révolution qui se déroule en cette ère de mondialisation et d’internet. Mues par de formidables masses humaines qui croissent et gagnent en force à un rythme inconnu auparavant, elles tirent leur force d’un mouvement social- celui des gens ordinaires- qui porte en lui toute la diversité des courants de pensée et d’action qui aspirent au changement. C’est, en pratique, l’écrasante majorité de la société. Les révolutions arabes se déroulent conformément à la loi qui préside à la naissance des révolutions : ce moment où les opprimés n’acceptent plus leur statut d’opprimés et où les oppresseurs deviennent incapables de se maintenir au pouvoir en usant des mêmes méthodes d’oppression. Nous vivons alors ce que l’on peut appeler « le dernier quart d’heure des dictatures ».

Ces révolutions nous donnent à voir comment des régimes arabes oppressifs et injustes, réputés invulnérables, se fissurent, se désagrègent avant de s’effondrer. Elles nous donnent aussi à voir comment les gens –tous les gens, le peuple- créent des situations où l’institution militaire est, comme cela s’est passé en Tunisie et en Egypte, placée devant un choix incontournable et excluant toute voie médiane : abandonner le sommet du régime ou affronter le peuple. Le peuple, dans cette situation nouvelle qu’il a créée, devient alors le seul détenteur de la légitimité qui se traduit par la conquête de places fortes au sein même du régime, dans l’armée aussi bien que dans des centres de décision économique, médiatique, judiciaire, religieux etc.

Dans de tels moments, quand la tyrannie s’exerce de façon plus féroce que jamais et que se multiplient sans frein les atteintes à la dignité humaine et nationale, la colère et le sentiment d’humiliation longtemps réprimés chez le peuple deviennent une force qui secoue les fondements du régime et l’amène à l’effondrement total ou partiel. Nous entrons alors dans une ère de transformation rapide.

Il est difficile de croire que les révolutions qui ont éclaté en Tunisie et en Egypte soient l’œuvre planifiée d’une seule force, quelle qu’elle soit. Tout en elles, en effet, indique qu’elles sont mouvement spontané et là, il faut souligner les façons dont Twitter , Facebook, Internet de façon générale ainsi que les chaînes satellitaires pour transmettre des images prises sur le vif, sont devenues, entre les mains de la jeunesse de Tunisie, d’Egypte et d’autres partie du monde arabe , de formidables instruments d’information, d’échange et de coordination de la parole et de l’action, non seulement à l’échelle d’un pays mais dans un espace qui embrasse le monde arabe dans son ensemble. L’usage des moyens de communication les plus avancés est la marque d’une jeunesse arabe qui monte et aspire à extirper le monde arabe de l’état de morcellement, d’archaïsme et d’écrasement des libertés qui pèse sur lui depuis si longtemps. Il porte en lui –au moins pour ce qu’il nous est donné de constater maintenant et en attendant que se dessine de façon plus nette le cours des choses – la volonté des peuples arabes d’édifier un ordre social et politique où règneront la dignité des citoyens, la démocratie et le pluralisme.

Pour le moment, nous ne pouvons pas faire beaucoup plus que de vivre intensément en esprit et en émotion ce qui se passe. Chacun de nous aspire à être dans ces lieux où se déroule l’action libératrice arabe, dans ces lieux baptisés « Place de la Libération » et précisément, au sein même du Caire. Mais en dépit de tout cela, nous sommes beaucoup plus que de simples spectateurs de ces révolutions, car ces révolutions ne nous sont pas étrangères, ce sont nos révolutions, une partie intégrante de notre combat pour la Libération. Notre désir d’y participer activement, cet élan qui nous porte spontanément vers elles précède souvent nos positions politiques officielles mais il porte en lui une chose que rien ne peut altérer : l’authenticité. Ce sont des révolutions qui apportent à notre combat un souffle nouveau, un souffle porté par une vision qu’on s’était empressé, ces dernières années, de croire moribonde mais qui renaît maintenant avec plus avec plus de force que jamais : c’est la dimension arabe.

Pour compléter le tableau des révolutions arabes, il y a cette image qu’il ne nous a pas été donné de voir depuis des décennies, celle, pitoyable, d’un Israël que rongent le désespoir et le sentiment de la défaite. Une telle chose n’est pas étonnante quand on sait qu’Israël est totalement privé de perspectives d’avenir et que d’ores et déjà s’accélère pour lui la perte irrémédiable de ce qui faisait sa force et son influence en tant qu’entité. Il faut dire que pour poser l’équation qui a fait prévaloir la force et l’arrogance d’Israël durant ces soixante dernières années, parler de sa puissance militaire et de la solidité de son front intérieur n’est pas suffisant , il y a dans la configuration stratégique en place un donnée essentielle : c’est la faiblesse chronique des Arabes, faiblesse qui s’est traduite et cristallisée dans les accords de Camp David avec l’Egypte et ceux d’Oslo avec l’OLP, ces derniers étant le rejeton des premiers, conclus à une époque où selon les termes de Shimon Pérès tentant de les justifier aux yeux de l’opinion israélienne, l’OLP était au « summum de sa faiblesse ». Aujourd’hui, à la suite du véto étasunien apposé au projet de résolution de l’Autorité Palestinienne déposé au Conseil de Sécurité et condamnant la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem, nous ne pouvons que constater l’érosion de la capacité de pression des Américains sur les Palestiniens, érosion qui n’a pas d’autre cause que la perte de l’allié principal des USA et d’Israël dans la région : Hosni Moubarak. Ce dernier eût-il été toujours en place, constatent amèrement les Américains au plus haut niveau, il eût étouffé l’idée même de ce projet. Les exemples de la soumission des régimes arabes dictatoriaux aux desseins stratégiques des Usa et d’Israël sont innombrables. Parmi ces exemples, les révélations de Wikileaks et, plus récemment, ce que la révolution égyptienne a révélé en levant le voile sur les liens multiples, économiques, énergétiques, militaires et stratégique du régime de Moubarak avec Israël, liens qui s’insèrent dans la stratégie américaine dans la région.

Une des grandes vérités touchant au combat contre le projet sioniste , projet colonialiste, raciste et belliqueux , est qu’il ne suffit pas que la cause du camp palestinien et arabe soit juste pour qu’elle triomphe, car une cause aussi juste soit-elle a besoin d’un état des forces en présence qui la protège et lui offre les conditions de sa réalisation.

La chute de régimes arabes importants aux niveaux régional et mondial inaugure, en rupture nette avec le passé, une ère de changements de grande ampleur car ces régimes et en particulier le régime égyptien, étaient des pièces essentielles dans le dispositif belliqueux et agressif de l’axe américano-israélien. Que ce dispositif se fissure maintenant montre qu’aucun régime fondé sur la falsification historique, la conquête militaire, la colonisation et la purification ethnique et raciale n’est capable d’affronter les peuples.

Un fait marquant dans les positions israéliennes aujourd’hui est qu’elles sont comme frappée d’abattement et d’absence totale de vision devant les tempêtes soulevées par les peuples arabes. Dans ce contexte, Il n’est pas étonnant d’entendre Netanyhahou lui-même exprimer ouvertement son inquiétude de constater qu’Israël non seulement perd des positions et de l’influence dans le monde mais reste exposé au danger de perdre jusqu’à sa légitimité internationale. Cet état de fait n’est pas le fruit du hasard mais le résultat de l’action menée par nous, les Palestiniens, les peuples arabes et toutes les personnes éprises de liberté dans le monde. Avec l’effondrement des régimes de Ben Ali et de Moubarak et les secousses subies par la plupart des régimes arabes s’effrite tout un discours trompeur qui désigne les mouvements de résistance, ces forces qui refusent l’hégémonie américano-israélienne dans la région, comme l’ennemi principal des peuples arabes. A la place de ce discours périmé, une vision juste des choses est en train de gagner en force, qui refuse que le fond du conflit à l’échelle de la région soit posé en termes ethniques, religieux ou sectaires et que l’Iran, entre autres tentatives de diversion, soit désigné comme la grande menace. Elle s’oppose à l’invasion américaine de l’Irak et aux projets de mainmise sur la région. Elle remet les choses à leur place, à savoir que le fond du conflit est constitué par la conquête sioniste de la Palestine, par les projets hégémoniques de l’axe américano-israélien sur la région et par l’asservissement de régimes négateurs de la volonté des peuples aux desseins de cet axe. Cette vision qui éclaire les vrais enjeux est portée par l’irruption des peuples arabes sur la scène politique mais ces peuples ne sont pas masses compactes mesurables seulement en quantité. Ce sont des sociétés qui s’affirment dans toute la diversité de leurs composantes sociales et intellectuelles, qui joignent côte à côte dans le combat pour la démocratie et le pluralisme, femmes et hommes, laïques comme religieux, libéraux comme forces de gauche et nationalistes arabes. Ces masses sont les peuples arabes qui ont décidé de prendre leur destin en main afin de le conduire vers un avenir de liberté, d’état de droit et de dignité du citoyen.

En tant que Palestiniens et pour ce qui a trait à notre lutte, nous observons que les grands équilibres dans la région ont changé et qu’ils sont appelés à changer encore plus profondément. Il va sans dire que nos droit fondamentaux en tant que Palestiniens restent les mêmes et que l’essence de notre combat reste la même, mais il est clair que nous nous dirigeons vers une situation dans la région où les antagonismes sont posés en termes nouveaux. Nous n’avons plus affaire à une confrontation entre armées mais à un combat opposant la volonté des peuples- ainsi que des pouvoirs nouveaux issus de cette volonté et investis de responsabilités nouvelles- à un régime militariste et belliqueux d’essence colonialiste et raciste.

Nous, Palestiniens, sommes un peuple engagé dans un combat incessant depuis la mise en place du projet sioniste dans la région en 1948. Nous avons connu des moments de flux et de reflux, mais nous n’avons jamais perdu de vue le but ultime de notre lutte, celui de notre libération, celui de la restauration du droit à notre terre, la terre de Palestine. Face à des ennemis implacables, aucun répit, aucun relâchement ne nous ont été permis et, conformément au droit et au devoir que nous dicte notre situation de peuple opprimé, nous avons usé de toutes les formes de lutte afin de restaurer l’ensemble de nos droits au premier plan desquels il y a le retour des réfugiés, la fin de l’occupation, la libération des prisonniers et le droit à l’autodétermination. C’est cette lutte que nous, masses palestiniennes de l’intérieur, menons en célébrant, chaque année le 30 mars et cela depuis 1976, la Journée de la Terre. Cette célébration qui gagne en ampleur chaque année, secouant toujours plus fort les chaînes de l’oppression, est un des hauts lieux de notre lutte et rappel que nulle force, nul régime ne sont capables d’affronter un peuple déterminé à recouvrer ses droits inaliénables.

Les révolutions arabes sont pour nous, peuple palestinien, source de plus de force, d’unité et de capacité à agir sur les évènements. Elles démontrent de façon plus nette que jamais qu’aucun équilibre fondé sur l’injustice ne peut prétendre à la pérennité.

Traduction : Najib Alaoui

Comité Action Palestine




Lutter contre l’islamophobie et pour la Palestine : un même combat politique

arton1186[1]D’une réflexion dense au style énergique, ce texte de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI) publié le 27 octobre  2009,démontre qu’il ne peut exister d’affirmation positive de soi de la communauté musulmane en France sans revendication du soutien à la résistance palestinienne, pas de combat authentique contre l’islamophobie et toutes les formes d’injustices vécues par l’immigration postcoloniale sans un militantisme en faveur de la cause palestinienne.

L’histoire du colonialisme et du post-colonialisme a définitivement lié les destins du peuple palestinien et des populations immigrées en France, et les injonctions de l’Etat ne doivent pas faire taire l’expression d’une solidarité bien ancrée dans la communauté musulmane, sauf à l’amputer d’une partie vitale de son identité politique.

L’alternative est à la fois cruciale et simple : renier la cause palestinienne et s’affaiblir immanquablement sur le terrain des luttes sociales et politiques ou soutenir sans concession cette cause qui nous renforce face à un pouvoir néocolonial et sioniste.


LUTTER CONTRE L’ISLAMOPHOBIE ET POUR LA PALESTINE : UNE MEME RESISTANCE ET UN MEME COMBAT POLITIQUE !

Lutter contre l’islamophobie ne consiste pas seulement en une dénonciation des actes racistes qui frappent de plus en plus et de plus en plus violemment les musulmans, aussi ferme, tranchée, intransigeante et subversive soit-elle. Certes, on doit dénoncer les institutions et les autorités publiques qui, tout en feignant de dénoncer ponctuellement ces actes agressifs alors même qu’elles en sont les principaux vecteurs, engendrent ce racisme et cette islamophobie structurels. Cette démarche suppose un engagement réel dans l’espace public et une implication politique totale et assumée, qui s’émancipe des fonctions qu’on veut nous voir tenir : expert fanfaron qui vient cautionner des mesures racistes à notre encontre, musulman de service chargé de contrôler la communauté ou autre oncle Tom musulman à la solde de l’ordre établi. Si nous voulons voir l’islamophobie reculer, nous n’avons d’autre alternative que celle qui conduit sur le terrain politique. Mais, au-delà d’un seul discours centré sur des revendications spécifiques liées à une problématique islamique, l’implication en politique doit être globale.

Il est certes nécessaire de porter le combat contre l’islamophobie mais se contenter de cette seule dimension est insuffisant. Lutter contre l’islamophobie, c’est imposer la présence des musulmans, une présence non pas seulement sociale, médiatique et économique, mais une présence politique, sans que cette dernière ne soit sujette à une quelconque compromission car, comme l’écrit Abdelmalek Sayad, « exister, c’est exister politiquement ». Les musulmans, comme n’importe quel autre citoyen ou résident soucieux de s’occuper des affaires publiques, doivent se saisir de toutes les questions sans se cantonner aux problèmes qu’on nous attribue d’office et en prenant en charge même celles qui sont dites sensibles et qu’on voudrait précisément nous voir abandonner. Et à ce titre, la question palestinienne est déterminante.

Alors que Gaza en janvier 2009 subissait l’atrocité des attaques et résistait dans la plus grande dignité, des foules immenses, constituées pour l’essentiel d’arabes et de musulmans, ont déferlé dans les rues des grandes villes. Ce soutien au peuple palestinien et à sa résistance n’est en aucun cas le reflet d’une solidarité confessionnelle : c’est une solidarité éminemment politique sur des critères historiques. La connaissance de notre histoire nous impose cette solidarité. On sait que les musulmans, issus de l’immigration post-coloniale, sont l’objet de regards et pratiques déterminés notamment mais de façon marquante par l’histoire coloniale de la France et c’est cette même expérience de résistance face au colonialisme et au post colonialisme que partagent musulmans en France et palestiniens. Evidemment, les effets ne se réalisent pas de la même manière ni dans les mêmes degrés, toutefois, la conscience de notre historicité et la compréhension de cette histoire commune de libération face à l’oppression coloniale explique cette solidarité avec la lutte palestinienne, consubstantielle à nos luttes intrinsèques. Cette histoire coloniale qui continue de s’écrire sous les noms d’assimilation, de discrimination, de stigmatisation : qu’il s’agisse de résister à la dépossession identitaire, et à son lot d’acculturation et de dépersonnalisation tragiques, ou à la dépossession territoriale, c’est un même combat.

Islamophobie, choc des civilisations et sionisme, dans un cas comme dans un autre, il s’agit d’un colonialisme polymorphe. L’hostilité générale qui a accueilli ces manifestations témoigne à la fois d’un consensus en faveur de l’entité sioniste mais aussi d’une islamophobie arrogante à l’égard de ces musulmans qui se font visibles et politiques pour soutenir des résistances et contester des injustices. Les commentaires douteux et méprisants stigmatisant cette foule en la qualifiant de communautaire et d’islamiste révèlent que c’est encore une fois ce processus de diabolisation de l’Islam et des musulmans qui est à l’œuvre pour disqualifier des luttes politiques. Ce même procédé qui est utilisé lorsqu’il s’agit d’écraser la résistance palestinienne : « … vous dites que, si les Palestiniens arabes s’opposent à l’installation et à l’occupation de leurs terres par les Israéliens, ce n’est rien d’autre que le « retour de l’islam » » (E. W. Said , L’Orientalisme). Tout se passe comme s’il suffisait d’attribuer la caractéristique d’ « islamique » ou pire d’ « islamiste » à un militant , un mouvement ou un événement politique pour qu’aussitôt il soit touché de suspicion, de défiance et de discrédit ; et l’exemple des bagagistes de Roissy est révélateur en ce sens. Ainsi, à la lumière de ce processus, les raisons pour lesquelles le Hamas et le Hezbollah sont la cible de toutes les attaques de la part des régimes occidentaux paraissent évidentes : ils résistent et luttent contre l’injustice, on les affuble alors de stigmates islamiques disqualifiant pour essayer de les neutraliser. On perçoit d’autant mieux l’utilisation de ce prisme déformant, et qui est d’une efficacité redoutable dans les médias et l’opinion publique, quand on compare le traitement réservé aux différents régimes du Moyen-Orient selon la règle de la géométrie variable : quand des musulmans choisissent de résister, ils sont diabolisés ; quand des musulmans font allégeance, ils deviennent alors fréquentables et courtisés, comme c’est le cas des régimes corrompus, soumis et serviles. La diabolisation, véritable carburant de l’islamophobie, frappe délibérément la catégorie de l’Islam et des musulmans qui résiste à l’oppression. Et les répercussions sur les musulmans en France sont immédiates.

L’instrumentalisation et la diabolisation de l’Islam visent à nous faire taire. On ne peut pas, sous prétexte d’être mieux entendu ou mieux accepté, faire l’économie de la dénonciation de la diabolisation de l’Islam à des fins coloniales, qu’elle soit à l’échelle nationale ou internationale, comme en Afghanistan ou en Palestine, qu’elle s’appelle islamophobie ou choc des civilisations. Le risque étant de devenir, ad vitam aeternam, des sous-citoyens ou des individus de seconde zone toujours en proie aux discriminations quotidiennes et autres humiliations. Il est impératif de s’affranchir de ce cadre discursif fondé sur une espèce de chantage tacite à la respectabilité et qui nous impose, comme condition de notre recevabilité, de nous détacher d’une part de notre identité, de nous désolidariser des mouvements de résistance et d’abandonner la Palestine. Et sans redouter d’être rabroué, disqualifié et renvoyé au statut illégitime qu’on voudrait nous voir porter en permanence.

La Palestine a toujours été un catalyseur de conscience politique et d’engagement militant dans l’immigration post-coloniale, et ce qu’elle nous dit aujourd’hui, c’est qu’oublier la Palestine, c’est se nier soi-même. Etre capable de revendiquer haut et fort, sans complexe et sans concession, la libération totale de la Palestine c’est, aussi, lutter contre l’islamophobie.

Septembre 2009, Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie




Cycle de conférences sur l’islamophobie : Les fonctions sociales et politiques d’un racisme respectable

islamophobie_01[1]La France a peur. Elle a peur du « voile islamique » et de la « bombe islamique », des minarets et du hallal dans les restaurants. Elle a peur de l’Islam et des musulmans. Elle a peur de l’« islamo-gauchisme » comme jadis elle avait peur du « judéo-bolchévisme ». Son identité semble vaciller : la laïcité et les racines chrétiennes seraient menacées !


Selon le philosophe Enzo Travenso, le « portrait de l’arabo-musulman brossé par la xénophobie contemporaine ne diffère pas beaucoup de celui du juif construit par l’antisémitisme au début du XX e siècle. Dans les deux cas, les pratiques religieuses, culturelles, vestimentaires et alimentaires d’une minorité ont été mobilisés afin de construire un stéréotype négatif d’un corps étranger inassimilable à la communauté nationale ». (Libération, 5 janvier 2011)

Comparaison n’est pas raison, mais il existe des homologies entre le racisme anti-juif des années 1930 et l’islamophobie à la française. Un contexte de crise économique et politique semble favoriser la fabrication d’un bouc émissaire. Comme dans les années 30, l’enjeu est-il à la fois de faire diversion (détourner l’attention des problèmes réels) et « diviser ceux qui sont unis et unir ceux qui sont divisés » (S. Bouamama)? A qui profite cette stratégie politique? Et surtout comment contrer cette stratégie dont l’objectif est de légitimer une certaine forme de domination sociale et politique en crise ?

Apparue au début des années 2000, cette nouvelle islamophobie (V. Geisser) est une arme raciste à double détente. A usage interne, l’islamophobie a pour fonction de neutraliser le potentiel contestataire des populations immigrées : En fabriquant l’image d’un musulman antirépublicain, sexiste et violent, en marge du code culturel dominant, l’objectif est bien de normaliser les discriminations et la répression contre les minorités issues des anciennes colonies.

A usage externe, cette islamophobie concourt à ôter toute légitimité aux mouvements islamiques de résistance contre l’impérialisme et le sionisme : sur ce front, l’objectif est de contrer et de délégitimer toute forme de soutien en France aux peuples arabo-musulmans luttant pour leur émancipation, notamment au peuple palestinien qui combat le sionisme depuis plus de 100 ans.

En bref, en interne, l’enjeu est de recoller les morceaux d’une domination politique qui se fissure ; en externe, de légitimer une domination occidentale radicalement contestée.

Mais comment peut-on expliquer cette virulence islamophobe à partir du début des années 2000 ? Quelles en sont les conditions sociales et politiques ? Le racisme est un fait social normal dans les sociétés occidentales (F. Fanon), mais il s’agit ici de comprendre et d’analyser les nouvelles formes qu’il revêt. Certes, le racisme et les discriminations relèvent de mécanismes structurels, mais il importe aussi d’interroger les formes variables qu’ils prennent : l’islamophobie ne serait-elle pas une forme de racisme anti-arabe non avouable ?

Cette islamophobie à double détente a mis en lumière un acteur central dans la production des normes racistes « respectables » : l’intellectuel médiatique sioniste. Chien de garde de la domination sioniste dans un monde arabe aujourd’hui en transformation, il alerte en permanence contre le danger « islamiste » qui menacerait l’ordre social et républicain français.

L’Etat d’Israël et la République française auraient un même ennemi : un islam conçu comme un « corps étranger non assimilable », incompatible avec la « modernité » et les « valeurs fondatrices » du monde occidental.

En agitant le danger de la décomposition du modèle républicain, en exigeant des lois d’exception pour les musulmans et davantage de répression dans les quartiers populaires, l’intellectuel médiatique sioniste n’est-il pas le produit de la mutation actuelle vers un ordre politique autoritaire ?

Sur la base de ce questionnement général, le Comité Action Palestine organise un cycle de conférences au cours de la deuxième quinzaine de juin.

  Comité Action Palestine




Libye : Offensive impérialiste

libyeAujourd’hui vendredi 18 mars 2011, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, dirigé par les puissances impérialistes, a adopté la résolution 1973 autorisant de fait, la violation de la souveraineté et du principe d’autodétermination du peuple libyen. Cet acte d’ingérence militaire, qui légitime le recours à la force même s’il n’est pour le moment que question d’interventions aériennes, ne doit tromper personne.

Comme toujours, l’impérialisme avance masqué. C’est sous le prétexte de venir en aide à la population libyenne que l’Occident justifie son intervention dont les buts sont en réalité tout autres.

La France, par l’action de son ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, maire de Bordeaux, a pris les devants dans l’agression qui se prépare contre la Libye. Une fois encore, sous couvert d’un mandat onusien, l’objectif est bel et bien de préparer, comme en Irak, le terrain à une occupation militaire.

En fait, on l’aura bien compris : le discours des puissants sur le respect des droits de l’homme et des peuples est pure hypocrisie.

Engagé dans un soutien sans faille aux dictatures serviles de la région jusqu’aux soulèvements populaires arabes de ce début d’année, l’Occident change de discours, mais continue la même politique : Soutien aux régimes combattus par le peuple en Egypte et en Tunisie. Feu vert donné à l’armée de l’allié saoudien pour envahir Bahreïn et mater la révolte populaire à l’œuvre contre la monarchie corrompue. Soutien à la monarchie marocaine quand elle réprime massivement un peuple écrasé par l’injustice et la pauvreté. Soutien sans conditions à l’entité coloniale sioniste qui génocide le peuple palestinien.

Les guerres menées en Irak et en Afghanistan prouvent que toute intervention occidentale débouche sur les massacres de masse de civils.

Après avoir officiellement fait en 2004 du régime de Kadhafi un allié dans sa stratégie sécuritaire contre le « terrorisme », et alors qu’une révolution populaire menace de renverser ce régime, l’impérialisme, après maints atermoiements, met en place une nouvelle stratégie. L’enjeu est clair : face à une révolution armée populaire risquant de donner le pouvoir réel au peuple, c’est-à-dire le contrôle de l’Etat, des ressources en hydrocarbures et des armes, face à un régime discrédité et condamné à moyen terme, l’objectif est d’intervenir afin d’imposer un « régime de transition » en apparence révolutionnaire, mais en réalité favorable aux intérêts économiques et géopolitiques occidentaux.

La reconnaissance précipitée par certains Etats impérialistes, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, d’un Conseil National libyen, téléguidé par cette même coalition occidentale, n’est qu’une ruse de plus pour justifier l’intervention militaire et saborder l’élan révolutionnaire du peuple libyen, voire le processus révolutionnaire en Tunisie et en Egypte.

Le mouvement révolutionnaire libyen est hétérogène et composé de comités de résistance populaire locaux sans véritables instances de coordination et de représentation politique. Néanmoins, les révolutionnaires libyens sont unanimes et opposés à une intervention étrangère quelle qu’en soit la forme. Et c’est au peuple libyen de conduire sa lutte et de choisir ses alliances. La contre-révolution née de cette résolution de l’ONU aura des conséquences désastreuses pour le peuple libyen, mais elles seront surtout à terme désastreuses pour l’Occident. Perdant peu à peu pied dans le monde arabe, l’Occident, divisé et affaibli, cherche par des tentatives désespérées à garder le contrôle en recourant à des actions armées. Mais il est déjà perdu, l’avenir appartient aux damnés de la terre.

Nous, militants du Comité Action Palestine, qui soutenons inconditionnellement l’autodétermination et la résistance du peuple palestinien contre la plus abjecte des oppressions qu’est le sionisme, exprimons notre totale solidarité avec les mouvements populaires du monde arabe qui réclament la liberté et l’égalité.

Comité Action Palestine




Le soulèvement en Tunisie, de l’alliance de classes à la lutte de classes

Cinquante ans après les guerres de décolonisation, le monde arabe est entré dans une nouvelle ère de révolutions. Du Maroc au Yémen, les pouvoirs politiques sont partout contestés par des grèves incessantes, des mobilisations violentes, des émeutes, des soulèvements populaires. C’est un véritable moment de rupture historique, moment crucial au cours duquel les peuples arabes veulent en finir avec des Etats post-coloniaux inféodés à l’impérialisme, oppressifs et impotents sur tous les plans. Les révolutions éclatent partout parce que les Etats ont institué des rapports sociaux qui font obstacle au développement économique, social et politique des peuples. Bien qu’ayant des spécificités nationales, les différents pays arabes présentent des caractéristiques similaires : en général, l’appareil d’Etat est contrôlé par une oligarchie qui s’en sert pour spolier les richesses et ressources du pays et créer une économie extravertie, complètement dépendante des Etats occidentaux et des multinationales. Du même coup, l’appropriation conjointe des richesses et du surplus économique par les clans au pouvoir et les capitalistes occidentaux se transforme en système générateur d’exclusion pour de larges secteurs de la société. La bourgeoisie locale est bloquée dans ses investissements, dans son accumulation du capital et dans ces conditions une économie nationale ne peut pas émerger. En conséquence, la main d’œuvre salariée ne trouve que très difficilement les possibilités de s’employer, et lorsqu’elle y parvient, c’est l’exploitation forcenée qui lui est réservée. En s’exacerbant, les contradictions entre les rapports socio-politiques institués et les forces vives de la société débouchent fatalement sur des explosions révolutionnaires. C’est cette hypothèse que nous avons voulu démontrer à travers l’étude du soulèvement tunisien.


Le spectre révolutionnaire a refait surface. Sorti des entrailles de la Tunisie, il s’est déployé sur l’ensemble du pays, propageant ses ondes tel un violent séisme, et plongeant dans le cauchemar les cliques dirigeantes arabes, les dictateurs de tout acabit ainsi que les pouvoirs impérialistes. L’effet de surprise fut total pour les ennemis du peuple, intérieurs et extérieurs. Rien ne laissait présager qu’au bout d’un mois de soulèvement populaire la dictature policière implacable de Ben Ali et des Trabelsi allait être renversée.

Il a suffi d’un geste désespéré d’un chômeur, vendeur à la sauvette de légumes dans une ville du Centre-sud de la Tunisie pour que le pays entier entre dans un processus révolutionnaire. La contestation populaire du régime est partie de la ville de Sidi Bouzid et a gagné ensuite l’Ouest de la Tunisie : Kasserine, Thala, Siliana, Gafsa et bien d’autres localités. Au bout de trois semaines c’est Tunis qui entre en lutte ainsi que toutes les autres villes du Nord et de l’Est. Une semaine de mobilisation populaire conjointe sous le slogan « Ben Ali dégage ! » a suffi pour chasser le clan politico-mafieux des Ben Ali-Trabelsi. Une fois le clan démantelé, il s’agissait de s’en prendre au système Ben Ali, à savoir l’emprise du parti RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique) sur toutes les institutions et entreprises. C’est encore le Sud et l’Ouest qui engagèrent la première offensive sous le slogan « RCD dégage ! » et le Nord et l’Est ont pris le relais. Le Sud et l’Ouest poussent et le Nord et l’Est convertissent la lutte en victoire politique. La révolution a éclaté à la périphérie du système, dans les régions les plus pauvres, laissées à l’abandon par le pouvoir politique. Lorsque la révolution a gagné les centres de pouvoir, c’est-à-dire les grandes villes du Nord-est, la domination oligarchique des Ben Ali-Trabelsi a été renversée.

Les caractéristiques du système économique imposé par le clan Ben Ali-Trabelsi et les quelques familles appartenant à ce clan par alliance sont simples : enrichissement via la mise en place de sociétés d’import bloquant toute possibilité d’industrialisation du pays, accaparement des entreprises locales prospères par des méthodes diverses d’intimidation, portes ouvertes à l’installation des multinationales. Comme on peut le constater, le clan parasite au pouvoir s’est enrichi sur la dépendance intégrale de l’économie tunisienne par rapport à l’Occident. Le pouvoir politique du clan a reposé essentiellement sur un parti, le RCD, infestant l’ensemble de la bureaucratie étatique, une police très puissante exerçant en toute impunité et le soutien indéfectible de l’Occident, plus précisément de la France. L’Etat tunisien constitue un cas typique de ce que les sociologues appellent « néo-patrimonialisme » ou l’utilisation des leviers du pouvoir pour faire main basse sur les richesses et ressources économiques du pays.

Violence économique et violence politique se sont donc conjuguées pour éradiquer toute forme d’opposition. Au niveau économique, il fallait empêcher la formation d’une bourgeoisie qui aurait pu concurrencer le pouvoir. Au niveau politique, le régime Ben Ali a poursuivi l’œuvre engagée sous le régime Bourguiba. Les partis politiques ont été démantelés, leurs militants emprisonnés, torturés ou sommairement exécutés. La violence policière s’est d’abord abattue sur le parti islamiste Ennahda dont 30000 membres sont jetés en prison dans les années 1990. L’intelligentsia et la plupart des organisations de gauche, effrayées par l’ascension fulgurante du FIS en Algérie, vont approuver la répression. Puis une fois la gauche instrumentalisée contre le parti de Rashed Ghannouchi, ce fut à son tour d’être décapitée.

Voilà donc, en résumé, le contexte dans lequel a éclaté la révolution tunisienne : au niveau structurel, une dictature sans fard appuyée par la France, l’Italie, les Etats-Unis et Israël, une bourgeoisie sans réelle puissance, des classes moyennes en manque de débouchés professionnels, des classes populaires victimes soit du chômage massif soit de l’exploitation forcenée dans les mines, le textile ou les multinationales du tourisme, des partis politiques sans force organisationnelle ni capacité d’action ou totalement inféodés au pouvoir ; et au niveau conjoncturel, les grèves de 2008 des ouvriers miniers de Gafsa (gouvernorat limitrophe de celui de Sidi Bouzid), qui ont duré six mois et qui ont été violemment réprimées (de nombreux morts, des centaines d’arrestations et de cas de torture) ont sans doute brisé le mur de la peur et rendu possible l’explosion révolutionnaire qui a commencé le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid.

C’est ce contexte spécifique qui va imprimer les formes particulières de l’intifada populaire en Tunisie. Ce soulèvement apparait en ses origines comme un modèle pur de révolution. En l’absence de forces politiques structurées, le peuple a pris son destin en main, s’est organisé et mobilisé pour défier l’oligarchie au pouvoir. Conscient politiquement, uni autour de revendications politiques claires, les franges déshéritées du sud et de l’ouest et les quartiers populaires des grandes villes ont porté des assauts successifs jusqu’au renversement de Ben Ali. Face au chaos généré par la police fidèle au régime après la chute du dictateur, le peuple s’est organisé en comités de défense pour ramener l’ordre et arrêter les fauteurs de trouble. Il est intervenu dans les administrations, les entreprises et les banques pour destituer les responsables affiliés au RCD. Le peuple, par la mobilisation de rue, continue, encore aujourd’hui, à faire pression pour faire tomber un « gouvernement de transition » autoproclamé dont l’unique but est de mettre un terme à la révolution, de maintenir le système Ben Ali sans Ben Ali.

Ces bureaucrates de l’ancien système œuvrent aujourd’hui pour consolider un pouvoir en alliance avec l’armée et des secteurs de la bourgeoisie locale. Si l’armée jouit d’une image positive parce qu’elle a adopté une attitude de neutralité, en ayant refusé d’ouvrir le feu sur le peuple et accepté de s’interposer entre le peuple et la police, son accession au pouvoir constituerait une usurpation de la révolution et la mise en place d’une nouvelle dictature. En tant que corps organisé issu du système Ben Ali, l’armée ne peut en aucune manière représenter le peuple. Elle défendra ses intérêts catégoriels et les intérêts des impérialistes qui la soutiennent. Pour y parvenir, elle brimera le peuple à l’image de ce qui s’est passé en Algérie : démocratisation politique après le soulèvement de 1988, floraison des partis, élections réellement libres qui ont au donné la victoire FIS puis coup d’Etat militaire en 1991, stratégie délibérée du chaos durant une décennie pour mater le peuple et spolier les richesses du pays.

En ses origines, le mouvement révolutionnaire tunisien est un mouvement interclassiste. Lorsqu’il fallut abattre la dictature mafieuse et policière de Ben Ali, il y eut une unité parfaite du peuple. Les masses populaires menèrent l’assaut et la petite-bourgeoisie ainsi que les secteurs lésés de la bourgeoisie s’y associèrent. Débarrassées des Ben Ali, Trabelsi et consorts, des franges de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie se contenteraient volontiers de ce nouveau pouvoir débarrassé de quelques têtes gênantes mais préservé dans ses fondements et ses institutions. Caractérisés par leur faiblesse, les capitalistes tunisiens s’imaginent aisément dans une alliance politique pour diriger le pays, alliance qui les unirait à l’armée, à d’anciens bureaucrates du RCD et bien sûr l’occident avec la France et les Etats-Unis en tête. Les ouvriers et les paysans, les précaires et les chômeurs voient les choses d’un tout autre œil. Ils perçoivent parfaitement que le deal proposé est une arnaque politique, une nouvelle dictature avec un semblant d’ouverture démocratique, quelques partis légalisés bien contrôlés ainsi que de futures élections surement truquées. Et quid des revendications économiques et sociales ? Oualou, rien! C’est pourquoi, le 22 janvier, une Caravane de la liberté est partie du cœur du pays, des gouvernorats ruraux de Kasserine et Sidi Bouzid pour aller réclamer à Tunis la démission d’un gouvernement provisoire composé des caciques du RCD, prêts à s’acoquiner avec toute nouvelle faction hégémonique pourvu que leur traitement de bureaucrate-parasite-corrompu soit maintenu. A l’appel des régions centre-ouest, les ouvriers de Sfax, les enseignants du primaire et du secondaire se sont soulevés ainsi que les quartiers populaires de Tunis et de toutes les villes. Les manifestants de la Caravane de la liberté ont été durement réprimés et chassés de la Casbah où ils campaient. Mais le 20 février, une manifestation regroupant 40 000 personnes a défilé à Tunis pour de nouveau réclamer le départ du gouvernement provisoire. Et le 25 février ce sont plus de 100 000 personnes qui défilent à nouveau contre le gouvernement honni. Le 27 février, le Premier Ministre Mohamed Ghannouchi, sous la pression populaire, annonce sa démission. Le gouvernement provisoire est tombé mais il semble probable qu’il soit remplacé par un nouveau gouvernement provisoire où la tendance bureaucratique des anciens du RCD soit réduite tandis que la tendance technocratique-bourgeoise formée à l’étranger soit plus forte. Ce combat pour la destitution du gouvernement provisoire constitue véritablement l’indicateur de la transformation du mouvement interclassiste en lutte de classes.

Les damnés de la terre, eux, ne veulent pas d’une pseudo-démocratie dans laquelle les élections à venir n’auraient pour seule fonction que de cautionner le pouvoir d’une bande de nantis. Ils réclament la justice sociale, l’égalité et une liberté politique réelle. Pour eux, « la révolution de jasmin » est une expression creuse. C’est une formule petite-bourgeoise, employée à l’origine par des « cyberdissidents » et relayée par les médias occidentaux pour ranger le soulèvement populaire tunisien dans la catégorie des « pseudo-révolutions » des pays de l’Est. En répétant cette formule comme une invocation, les médias occidentaux espèrent pouvoir dompter les spectres et démons de la violence révolutionnaire.

Le combat révolutionnaire est donc entré dans une deuxième phase. Après l’unité entre toutes les composantes de la société pour faire tomber la dictature de Ben Ali, c’est la guerre des classes qui se profile. Arrêter ou poursuivre la révolution, telle est la question !

Si la mobilisation venait à perdurer, si la lutte devait s’intensifier, le peuple tunisien aurait à trancher parmi les différentes options qui apparaissent déjà en filigrane, qui émergent de manière plus ou moins consciente dans les débats et les décisions prises. Les options retenues seront déterminantes pour la victoire du peuple ou la régression à un régime autoritaire. Le premier questionnement concerne l’organisation rapide d’élections ou la mise en place d’une assemblée constituante. La première option est celle des élites et de la petite-bourgeoisie affairiste qui voient dans les élections l’arrivée d’un personnel légèrement renouvelé dans le cadre des institutions existantes. Ceci permettrait de contenir la poussée populaire et de préserver les intérêts acquis. L’option opposée d’une assemblée populaire, définissant une nouvelle constitution, radicaliserait la révolution et engagerait le pays dans l’anéantissement des institutions existantes et l’édification d’une nouvelle société.

Le second concerne les moyens de défense de la révolution : faut-il oui ou non armer le peuple ? Les élites ne veulent pas en entendre parler car elles-mêmes s’apprêtent à remettre au peuple ses anciennes chaines. Il est évident que la révolution tunisienne est en sursis et qu’elle est gravement menacée par des ennemis tous plus dangereux les uns que les autres. Par les ennemis de l’intérieur d’abord : les tenants de l’ancien système, la police, la bureaucratie et les personnels qui dépendaient de l’État, par la bourgeoisie et la petite bourgeoisie, par l’armée, par l’opposition légale. Et surtout par les ennemis de l’extérieur : les États arabes effrayés par une propagation de la révolution ; Israël, le grand agent de la contre-révolution mondiale qui ne supporterait pas l’apparition d’un nouvel État ennemi ; et l’Occident qui œuvre sans discontinuer pour un « grand Moyen-Orient » vassalisé. Pendant que les États arabes agissent au plus pressé en essayant de contenir les poussées révolutionnaires qui fusent de partout, les États occidentaux préparent déjà la réaction.

Les Etats-Unis ont dès le départ misé sur l’armée tunisienne pour mettre un terme à la révolution et garantir l’ordre, et c’est une stratégie identique qu’ils ont appliqué quelques jours plus tard en Egypte. Historiquement, ils entretenaient de très bonnes relations avec l’institution militaire tunisienne d’autant plus que cette dernière avait été formée par les militaires US. Pendant le soulèvement, le chef d’état-major Rachid Ammar était en contact permanent avec des officiels américains et il est clair qu’il a reçu des consignes sur la conduite à adopter. Trois axes apparaissent dans la stratégie conjointe de l’état-major tunisien et des dirigeants américains. D’abord, adopter une position de neutralité pour éviter que l’armée n’implose. Ensuite, pousser Ben Ali à la fuite pour éviter que le mouvement de protestation ne se radicalise. Enfin, faire en sorte de préserver le système ancien. C’est pourquoi quelques jours après la chute de Ben Ali, le général Ammar a tenu un discours public adressé aux manifestants dans lequel il a affirmé que l’armée protègerait la révolution mais que la Tunisie devait rester dans le cadre constitutionnel. Pour l’armée (et les Américains) la révolution devait s’arrêter là et si le mouvement de contestation venait à se renforcer, il n’est pas sûr que l’armée reste cette fois-ci dans une position de neutralité.

La France, quant à elle, a opté jusqu’à la dernière minute pour le soutien au clan des Ben Ali-Trabelsi. L’attitude et les déclarations de la diplomatie française ont suscité la risée internationale. Plutôt discrètes pendant plus de trois semaines, les langues se sont déliées au moment où la chute de Ben Ali devenait probable pour laisser entendre une invraisemblable cacophonie. D’un côté on suggérait à l’allié de toujours Ben Ali, par la bouche de Mme Alliot-marie, que l’expertise française en terme de sécurité pouvait servir à maintenir l’ordre en Tunisie. Ces propos ont été tenus le 11 janvier 2011 devant une Assemblée nationale pour le moins acquise et convaincue de la justesse d’une telle offre. De l’autre, et ce dès le 14 janvier, jour de l’escapade de Ben Ali, celui qui avait fidèlement servi les intérêts français pendant plus de deux décennies et qui avait, aux dires de certains analystes fait rempart contre l’islamisme, des voix s’élevèrent pour honnir l’hideux dictateur qui avait martyrisé son peuple pendant 23 ans. La perfide complicité entre le pouvoir français et le clan Ben Ali-Trabelsi venait de s’éteindre. En coulisse, les dirigeants français envisageaient avec Ben Ali au début du soulèvement de perpétrer un attentat et de l’attribuer à Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Ben Ali aurait décliné l’offre selon les dires d’un de ses proches conseillers par peur de voir le tourisme fortement affecté.

Pour l’Occident, il n’y a que deux scenarii de contre-révolution possibles : réussir à placer leurs hommes de main à la tête de l’Etat tunisien et si cette stratégie venait à échouer, créer le chaos par la multiplication des attentats et briser l’élan révolutionnaire du peuple. Faisant partie des techniques modernes de contre-insurrection, la stratégie du chaos a déjà été appliquée avec succès en Irak et la Tunisie n’est pas à l’abri de ce type de stratagèmes impérialistes et sionistes. Les rumeurs sur les destructions de synagogues, l’assassinat d’un prêtre polonais ou les manifestations contre les prostituées à Tunis ne constituent-elles pas des manigances pour délégitimer le mouvement islamiste et tenter de créer la confusion à un moment où la contestation semble reprendre de l’ampleur ? La nomination de l’ambassadeur français Boris Boillon, ex-ambassadeur en Irak, n’est-elle pas un indicateur de la possible mise en œuvre de la stratégie du chaos ?

Pour l’instant donc les occidentaux semblent opter dans l’ensemble pour le premier scenario. Face à la pression populaire, le remaniement ministériel s’imposait. Les anciens du RCD ont été écartés mais l’ex-premier ministre de Ben Ali, Mohamed Ghanouchi, est resté à son poste. Etant donné que les institutions existantes sous l’ère Ben Ali ont été maintenues, il était peu probable que la nouvelle direction politique exprimât les aspirations populaires. Bien au contraire, c’est encore un gouvernement parachuté de très haut et qui exprime les intérêts français et américains. Universitaires ou chefs d’entreprise, les nouveaux ministres ont tous des liens plus ou moins explicites avec la France ou les Etats-Unis. En ce sens, la continuité avec le régime Ben Ali est totale : la Tunisie reste sous la dépendance intégrale des puissances impérialistes politiquement et économiquement. Le premier geste politique de ce gouvernement n’a-t-il pas été de se déplacer à Davos pour rassurer les membres du G 20, les investisseurs étrangers et les marchés financiers internationaux ? Après la désignation du nouveau gouvernement, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a appelé à la reprise du travail légitimant de cette manière le nouveau pouvoir. Il ne fallait sûrement pas s’attendre de la part d’une organisation qui avait fait bon ménage avec le régime Ben Ali qu’elle puisse porter les revendications populaires jusqu’à leur réalisation. La stratégie mesquine de ce syndicat officiel est aujourd’hui parfaitement lisible. Il n’a accompagné la contestation populaire que pour éviter de perdre sa base et toute crédibilité. De cette manière il pouvait aussi rappeler à l’ordre et à la fin du mouvement dès qu’un nouveau pouvoir, débarrassé des stigmates du benalisme, était mis en place. Stratégie efficace pour déposséder un peuple de sa révolution !

Si des éléments de la bourgeoisie locale trouvent leur compte dans un pouvoir politique caractérisé par une alliance avec d’anciens bureaucrates du RCD, l’armée et les Etats occidentaux, il est certain que ce ne peut être le cas de toute la bourgeoisie prise dans son ensemble puisque à nouveau elle devra subir la domination implacable des multinationales. Etant faible, n’ayant pas de base économique assez large, elle doit s’allier à d’autres puissances pour gouverner. Mais en nouant son destin à celui de l’étranger, elle se met directement en danger de mort puisque son marché se trouve happé par les firmes européennes, américaines, etc. De l’autre coté, les classes populaires, en particulier la classe ouvrière, sont elle aussi caractérisées par leur faible consistance étant donné l’aspect très fragmentaire du développement industriel ou l’absence de développement autocentré. En ce sens, les classes populaires ne peuvent pas elles aussi espérer prendre le pouvoir politique de manière autonome. Economiquement et socialement, elles ne sont pas assez puissantes pour gouverner seules. C’est pourquoi, dans les pays du Sud, les révolutions ont des chances d’aboutir lorsque s’échafaudent des alliances politiques entre la bourgeoisie locale dominée, la petite-bourgeoisie et les couches sociales déshéritées pour renverser des pouvoirs corrompus aux ordres de l’impérialisme. C’est le chemin qu’avait emprunté la révolution victorieuse en Iran en 1979. Dans les pays arabes aujourd’hui, le succès du combat révolutionnaire dépend de la formation de ce mouvement interclassiste orienté par le refus de toute forme d’ingérence occidentale, qu’elle soit économique ou politique.

Alliance interclassiste sur le plan interne et surtout solidarité entre les peuples en lutte sur le plan externe : telles sont les conditions sine qua non de la victoire et de la consolidation des acquis révolutionnaires. Un pays arabe aujourd’hui, s’il venait à connaitre une transformation révolutionnaire, ne pourrait pas seul faire face aux attaques et aux manipulations en tout genre des Etats impérialistes et de l’Etat sioniste. C’est pourquoi la révolution ne peut être victorieuse qu’à l’échelle d’un bloc de pays. C’est sans doute ce qu’ont compris intuitivement les peuples arabes en déclenchant ensemble les luttes pour leur émancipation. Les soulèvements actuels posent donc avec une grande acuité la question de l’unité du monde arabe. Cette union du monde arabe ne peut se réaliser que dans l’antagonisme avec Israël qui est l’agent régional de la division des Etats et des peuples. La question de l’union du monde arabe pose donc directement la question la libération de la terre arabe de Palestine. Plus la mobilisation des peuples arabes se radicalisera et plus l’espérance de vie de l’Etat d’ Israël se restreindra.

Comité Action Palestine




Communiqué de CRI et de Résistance Palestine, Lyon

islamophobie_01[1]La Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie et le collectif Résistance Palestine dénoncent avec la plus grande fermeté la décision du Maire de Lyon, Gérard Collomb, de nous interdire la Salle Rameau à Lyon, dans laquelle nous devions organiser ce 12 Février 2011 la conférence « Gaza, 2 ans après » avec Georges Galloway (ex député britannique, convoi Viva Palestina), Gilles Devers (avocat), René Naba (journaliste et écrivain) et Tahar Al Labadi (président des Etudiants Palestiniens en France). Etaient prévues aussi deux interventions téléphoniques d’un représentant du Hamas et un autre du Hezbollah, annulées suite à un échange téléphonique, et confirmées par écrit, hier auprès du cabinet de Gérard Collomb, dans un esprit de conciliation de notre part.

Rappelons que l’année dernière, nous avions fait la même conférence avec les mêmes intervenants, en plus d’une intervention d’un ministre du Hamas à Gaza Monsieur Ahmed El Kourd, et cela s’est déroulé sans aucun problème.
La liberté d’expression est la règle, et nous la revendiquons dans le cadre du débat démocratique, au service de la cause palestinienne. La mairie n’a aucun droit pour interdire une réunion, car c’est de la censure. Nous avions pris l’engagement d’assurer le service d’ordre et la bonne tenue des interventions. Nous sommes prêts à assumer toutes nos responsabilités, mais ne pouvons accepter cette censure néocolonialiste.
Cette annulation scandaleuse a eu lieu alors que nous avions réglé la totalité de la location, signé le contrat de location et obtenu toutes les autorisations pour cette soirée. Aucun document officiel ne nous est parvenu pour ce changement arbitraire de dernière minute : le Régisseur de la salle a reçu l’ordre de la Mairie le matin même de la conférence et il nous a affirmé n’avoir jamais vu cela durant sa vie professionnelle.
Non content d’avoir obtempéré aux injonctions du lobby sioniste qui fait la pluie et le beau temps chez nous, (qui fait interdire même les conférences de Stéphane Hessel et Leila Shahid, pourtant loin du Hamas et du Hezbollah) Gérard Collomb et les autorités préfectorales nous ont envoyé des dizaines de CRS qui nous ont agressés, gazés, matraqués avec sauvagerie : des femmes, des enfants et des vieillards pacifiques ont été frappés et mis à terre, puis deux d’entre eux ont été emmenés au poste de police. Une plainte va donc être déposée contre le Maire de la ville de Lyon et une diffusion massive des images aura lieu pour montrer le visage de la France (pays des Droits de l’Homme) et celle du socialiste et soi-disant progressiste, en fait ami des sionistes, à qui il a donné la même salle pour le gala pour le « bien être du soldat israélien », et offre gratuitement une salle pour la conférence du Patronat Juif en France.
Il faut rappeler que le Parti Travailliste d’occupation en Palestine est membre de l’Internationale Socialiste de Collomb qui affirme : « Je tiens à confirmer mon soutien fidèle et inconditionnel à la communauté juive ainsi qu’à l’état d’Israël , dans les épreuves douloureuses qui les touchent, comme je soutiens tous les défenseurs de la paix au Proche Orient ».
Au moment où les dictateurs tombent et les oppresseurs tremblent, la France et Gérard Collomb continuent à soutenir un régime raciste et d’apartheid qui massacre en Palestine depuis plus de 60 ans, en salissant l’image de notre pays à l’étranger et en donnant des arguments aux extrémistes qui exploitent ces atteintes aux libertés fondamentales et constitutionnelles (droit de manifester, et droit de s’exprimer).
Cette réaction montre la peur des sionistes devant des évènements qui leur échappent. L’avenir nous appartient car nous, nous défendons le droit, la liberté et la justice.
Nous appelons tous les amis du peuple palestinien ainsi que les démocrates à dénoncer ce choix politique désastreux et à en tenir compte lors de toutes les prochaines échéances électorales.

RESISTANCE PALESTINE

06 18 79 76 61 http://www.resistancepalestine.fr

Vous trouverez à ce lien un fichier ZIP avec les photos de l’agression subie par Résistance Palestine et ses sympathisants par les chiens de garde du maire « SOSIONISTE » (et non plus Socialiste) gérard CollON.
Photos prises par RP à diffuser sans modération.
Remarque : Le lien est un peu lent. Pour décompresser le fichier, utiliser un logiciel de décompression (winzip, winrare ou 7zip…etc). Très prochainement, les vidéos seront à votre disposition.

Résistance Palestine




Les soulèvements dans le monde arabe, une nouvelle phase dans la lutte contre l’impérialisme

drapeaux-monde-arabe[1]Le spectre révolutionnaire a refait surface. Sorti des entrailles de la Tunisie, il s’est déployé sur l’ensemble du pays, propageant ses ondes tel un violent séisme, et plongeant dans le cauchemar les cliques dirigeantes arabes, les dictateurs de tout acabit ainsi que les pouvoirs impérialistes.

Lorsque Mohamed Bouazizi s’immole par le feu à Sidi Bouzid, il déclenche le feu de la révolution dans toute la Tunisie. L’immolation est un acte politique . C’est un geste qui veut alerter la population sur les conditions de vie, d’oppression et d’humiliation car elle a toujours lieu devant une institution publique. C’est une dénonciation de l’Etat, de sa corruption et de l’injustice qu’il fait régner. L’immolation, c’est donc l’indicateur de l’enfer vécu et sans doute le signe annonciateur de l’embrasement à venir. Lorsque des Arabes s’immolent partout, en Algérie, en Mauritanie, au Maroc, en Egypte ou au Yémen, cela ne signifie-t-il pas que mourir par le feu est préférable à l’enfer au quotidien ? Cela n’annonce-t-il pas le grand incendie qui va emporter dans tout le monde arabe des institutions décadentes et périmées, des pouvoirs soutenus par l’impérialisme ?

En Tunisie, le soulèvement a éclaté dans un contexte où se conjuguent au plus haut point violence économique et violence politique : une dictature sans fard appuyée par la France, l’Italie, les Etats-Unis et Israël, une bourgeoisie sans réelle puissance, des classes moyennes en manque de débouchés professionnels, des classes populaires victimes soit du chômage massif soit de l’exploitation forcenée dans les mines, le textile ou les multinationales du tourisme, des partis politiques sans force organisationnelle, ni capacité d’action. Au bout d’un mois de luttes, le peuple a réussi à chasser le clan mafieux des Ben Ali-Trabelsi qui régnait depuis 23 ans. Fuites, arrestations et exécutions, tel est le sort de ceux qui ont régné par l’oppression et qui ont dépouillé le pays de ses richesses en compagnie des multinationales occidentales.

Aujourd’hui, le nouveau gouvernement provisoire est une émanation des puissances impérialistes, de la France et des Etats-Unis, en accord avec la bourgeoisie locale, l’armée et d’anciens cadres du système Ben Ali. La révolution populaire a été usurpée. Même si les choses devaient en rester là, la Tunisie ne sera jamais plus comme avant et le peuple tunisien aura fait un grand bond en avant : toute nouvelle classe politique, pour rendre le pays gouvernable, devra tôt ou tard faire des concessions au peuple, qu’elles soient politiques ou sociales. Et surtout, le peuple tunisien aura compris que tout pouvoir, même le plus impitoyable, peut être mis à terre. Une telle bataille est extrêmement formatrice et présage d’un avenir plus radieux. Chaque nouveau soulèvement, enrichi des expériences précédentes, produira, pour les damnés de la terre, des résultats plus grandioses encore en termes de justice sociale et d’émancipation.

Les peuples arabes ont suivi et suivent avec attention les événements en Tunisie. Parce que si le soulèvement tunisien n’a pas force de contagion, s’il n’est pas transposable dans les autres pays, en revanche il est riche d’enseignements en termes d’organisation politique pour toutes les mobilisations populaires à venir. Dans le monde arabe aujourd’hui plusieurs pays présentent des situations homologues, à savoir une économie sans vitalité, n’absorbant qu’une partie de la main d’œuvre disponible et fortement dépendante de l’étranger au niveau de l’import-export et des capitaux internationaux ; un système politique fortement répressif et bloquant toute possibilité de développement économique et social. Dans ce contexte, soit les peuples font sauter le verrou de systèmes politiques périmés pour entrer dans une phase de changements sociaux et politiques générateurs de progrès, soit ils se condamnent aux formes les plus extrêmes de la pauvreté et de la décadence.

Après les guerres de décolonisation, le monde arabe est entré dans une nouvelle ère de révolution .

En Algérie, la violente révolte des jeunes des milieux populaires de toutes les régions a forcé le gouvernement à multiplier les concessions . En s’attaquant violemment aux institutions étatiques, aux locaux des multinationales ou aux quartiers des nouveaux riches, cette contestation s’est inscrite d’emblée dans une logique de lutte des classes. Si le mouvement manque encore de structuration il porte cependant en lui les germes d’une profonde remise en cause des rapports économiques et politiques de domination.

Au Yémen et en Jordanie, les manifestations contre le pouvoir se succèdent jour après jour et les dictatures en place font proposition sur proposition pour calmer la colère populaire : subventions des biens de première nécessité, dissolution des gouvernements, promesses de céder le pouvoir à la fin du mandat, etc. Mais rien ne semble pouvoir apaiser la vindicte populaire.

En Egypte, un soulèvement d’une grande ampleur menace gravement le régime de Moubarak . Le pouvoir politique égyptien fragilisé, en perte totale de légitimité depuis des mois a cherché, par des subterfuges, à détourner la colère populaire vers d’autres horizons : guerre médiatique contre l’Algérie pour entretenir un nationalisme chauvin, attentat contre les coptes pour opposer les communautés. Mais les manipulations n’ont pas suffi à faire oublier les problèmes sociopolitiques internes. Et dans ce contexte de rejet généralisé du régime, le trucage des dernières élections législatives au mois de novembre 2010 a sans doute constitué le moment de rupture et de début de contestation violente du système Moubarak. C’est pourquoi aujourd’hui le peuple scande à l’unisson le slogan devenu célèbre : « Moubarak dégage ! ».

L’effet de surprise fut total pour les ennemis des peuples arabes, qu’ils soient internes ou externes. Tous réagissent autant dans la précipitation que dans la confusion. Surprise et stupeur pour les régimes arabes qui s’activent pour conjurer le spectre révolutionnaire dans leurs Etats respectifs. Du Maroc au Yémen en passant par la Jordanie, c’est le branle-bas de combat et la course aux concessions. Mais les demi-mesures ne résoudront pas les problèmes socio-économiques et surtout ne calmeront pas l’ardeur des masses. Surprise et grave embarras pour les Etats occidentaux qui hésitent entre le soutien aux dictateurs et l’accompagnement des mouvements populaires pour placer leurs hommes de main. La seule constante qui se dessine au milieu de ce fatras de discours diplomatiques creux et de gesticulations, c’est de maintenir intact l’appareil militaire, seul véritable socle des régimes répressifs arabes inféodés à l’occident. La réaction de la diplomatie française au soulèvement tunisien fut un fiasco. Son aveuglement à soutenir le système Ben Ali jusqu’à la dernière minute alors que les Américains préparaient déjà l’après Ben Ali a suscité la risée internationale.

Mais quelque soit la stratégie adoptée, le risque est grand que la situation finisse par totalement leur échapper. Et si des pouvoirs vraiment populaires venaient à voir le jour en Egypte et ailleurs, ce serait sans doute la mort programmée pour Israël et la fin de l’hégémonie occidentale dans la région.

Nous, Comité Action Palestine, qui soutenons inconditionnellement la résistance du peuple palestinien contre la plus abjecte des oppressions qu’est le sionisme, tenons à exprimer notre totale solidarité avec tous les peuples arabes qui réclament la liberté et l’égalité.




Le calendrier 2011 Palestine Libre est maintenant disponible

Les prisonniers, combattant de la liberté !

 

Tout Palestinien est potentiellement le prisonnier d’Israël, du seul fait qu’il soit Palestinien. Car l’institution carcérale est au service du plan sioniste de destruction de l’identité palestinienne.

La prison coloniale israélienne est un auxiliaire de l’agression guerrière. En procédant méthodiquement à l’anéantissement physique et psychologique du détenu, elle prend part à l’exercice de la violence par laquelle l’occupant cherche à imposer sa loi.

La prison coloniale israélienne est aussi un substitut de la peine de mort. Elle permet de criminaliser les combattants de la résistance tout en assurant au régime sioniste une façade « démocratique ».

Le système pénitentiaire sioniste enferme la société palestinienne dans une toile d’araignée dont les maillages n’épargnent personne, hormis les collaborateurs. Cette société, il cherche à la détruire en ciblant la structure familiale : il n’existe aucune famille palestinienne qui ne compte parmi ses membres un détenu ou un ex-détenu. Il s’attaque aux forces vives de la nation palestinienne en emprisonnant les enfants. Aujourd’hui, il devient improbable de croiser en Palestine occupée un Palestinien qui n’ait été raflé ou arrêté. Il en résulte qu’en Palestine, la proportion de prisonniers politiques par rapport à l’ensemble de la population est la plus élevée au monde. D’autres prisonniers arabes subissent le même sort que les Palestiniens. « Coupables » de résistance au plan de domination occidentale au Moyen-Orient, tous vivent l’enfer du cachot et de la torture dans les prisons de l’occupation et de la collaboration.

Mais l’acharnement à « punir » et à emprisonner dans des proportions industrielles révèle en réalité la peur du régime colonial sioniste d’échouer dans son projet, de se voir lui-même rayé sur le plan existentiel. Rien ne symbolise mieux que la prison coloniale la lutte à mort qui se joue entre colon et colonisé. Car si la prison est l’éventualité certaine du résistant, la résistance est aussi l’horizon du prisonnier. C’est ce qu’attestent les luttes menées au sein même des geôles sionistes. Et c’est ce que prouve la place essentielle des prisonniers dans le combat national palestinien. Les prisonniers sont les martyrs, mais non les victimes de la résistance. Ils en sont les acteurs. Lutter contre les conditions carcérales, c’est aussi lutter pour que la résistance continue. C’est donc lutter pour que la société continue d’exister. Parce que le combat des prisonniers est toujours un combat politique, le statut de prisonnier constitue, par conséquent, un repère fondamental de l’identité nationale palestinienne.

C’est pourquoi la libération inconditionnelle de tous les prisonniers, palestiniens et arabes, est une revendication centrale de la cause palestinienne.

Ce calendrier se veut l’écho de cette revendication. Il donne aussi un visage et un nom à quelques- uns de ces prisonniers combattants de la justice, oubliés du monde et noyés dans un anonymat collectif. En saluant leur courage et leur patience, il leur rend l’hommage dû à tous les résistants.

 Calendrier 2011 Palestine Libre couverture

Ce calendrier est entièrement bilingue arabe/français.

Il présente chaque mois de l’année sur 2 pages au format 21*29,7.
Chaque mois, un texte revient sur un grand moment de la résistance Palestinienne.

 Calendrier 2010 Palestine Libre Janvier

Le calendrier, réalisé par le CAP, est vendu au prix de 5 euros. L’argent collecté permet de soutenir les actions de l’association et notamment l’invitation de Palestiniens pour qu’ils présentent eux-mêmes en France leur lutte de libération.

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La campagne BDS en France : boycott d’Israël ou boycott de la résistance palestinienne ?

haine-disrael[1]En 2005, 172 organisations palestiniennes lancent, parallèlement aux autres modes de résistance, un appel à un boycott généralisé d’Israël pour dénoncer la politique coloniale et raciste de l’Etat sioniste.
Après maintes hésitations, et surtout après la victoire du Mouvement de la résistance islamique aux élections palestiniennes de 2006, plusieurs organisations françaises décident d’apporter leur soutien à cet appel. Elles en soulignent essentiellement son caractère pacifique, tout en soulignant la référence à l’Afrique du Sud et en posant constamment des limites et des conditions à leur soutien.
Dans ce texte, le Comité Action Palestine propose une analyse de ce soutien français au boycott d’Israël. Il dénonce son caractère néocolonial et hypocrite, et rappelle que « l’appel au boycott prend une dimension antisioniste si, et seulement si, il reconnaît le rôle premier de la volonté des colonisés, à savoir : détruire par tous les moyens le rapport colonial !


En 2005, 172 organisations palestiniennes lancent un appel à un boycott généralisé d’Israël en guise de protestation envers la politique coloniale et raciste de l’Etat sioniste. Ces organisations palestiniennes sollicitent le mouvement de solidarité international pour qu’il soutienne cet appel dans le cadre d’une campagne BDS (Boycott Désinvestissement Sanction).

Après maintes hésitations, la campagne BDS est reprise en France depuis 2 ou 3 ans par un collectif d’organisations qui déclare soutenir la cause du peuple palestinien. Cette mobilisation qui semble aujourd’hui prendre de l’ampleur se présente comme « la réponse à l’apartheid », « à l’occupation et à la colonisation israélienne » [1] . Les signataires de cette plate-forme de revendications avancent qu’elles ont été sollicitées par la société palestinienne, « la société palestinienne nous appelle à nous saisir d’un moyen non-violent à notre disposition, afin d’arrêter la course folle du terrorisme d’Etat qui la menace, et qui nous menace tous » [2] . Bien plus, les initiateurs de cette campagne en France affirment que le boycott d’Israël permettra, comme en Afrique du Sud, de venir à bout de l’apartheid en Palestine. Ce boycott, précisent-ils, devra être maintenu « tant que les droits humains et le droit international seront bafoués, tant que ne seront pas reconnus les droits légitimes d’un peuple qui a fait preuve depuis longtemps d’une résistance exemplaire, mais qui a besoin de nous pour obtenir un minimum de justice » [3] .

Si l’appel palestinien au boycott doit être considéré comme un moyen de résistance dont le choix revient au seul peuple colonisé, le Comité Action Palestine, qui défend le principe d’autodétermination du peuple palestinien, entend apporter quelques critiques non pas sur l’utilité d’une telle démarche, mais sur l’instrumentalisation de cette campagne de boycott par un ensemble de partis, de syndicats et d’associations dites pro-palestiniennes [4] . Ceux-ci, après avoir fermement soutenu les accords d’Oslo et condamné les actions militaires de la résistance palestinienne, ont défendu la politique de la négociation, et son corollaire, le droit à l’existence d’Israël. Ces organisations, qui ont omis ainsi la revendication historique et fondamentale du droit au retour des 6 millions de réfugiés palestiniens dans leur foyer, se sont également tues face à la politique criminelle de judaïsation pratiquée contre la population palestinienne vivant toujours dans les territoires palestiniens occupés en 1948.

Alors qu’il apparaît clairement que « le processus de paix » initié à Oslo en 1993 n’était qu’une manœuvre de diversion destinée à désamorcer l’Intifada du peuple palestinien menée contre l’occupant israélien depuis 1987 et à poursuivre la colonisation en s’appuyant sur une oligarchie palestinienne administrant un appareil sécuritaire supplétif, une autre réalité historique vint s’imposer : l’impossibilité d’une solution à deux Etats.

L’expansion coloniale d’Israël, la répression et l’épuration ethnique conduites par les forces coloniales juives et les collaborateurs de l’Autorité Palestinienne (AP), confirment actuellement, s’il en était besoin, l’impossibilité structurelle de cette solution à deux Etats. L’histoire montre une fois encore que, dans un contexte colonial, et contrairement aux positions défendues par ces organisations « pro-palestiniennes », il ne peut y avoir de « coexistence pacifique et juste » entre un système colonial et le peuple colonisé.

Le développement et la consolidation de la résistance anti-sioniste {victoire de la résistance libanaise en 2000 et 2006 ; la victoire de la résistance palestinienne aux législatives de 2006 ; la résistance victorieuse menée par le HAMAS à Gaza en 2009} devraient logiquement conduire ces organisations à une conclusion politique évidente : le rapport de force qui détermine la relation entre israéliens et palestiniens est de nature coloniale. Il est fondé, d’un côté, sur la négation raciste et l’expulsion forcée de l’autochtone palestinien par les forces coloniales juives, et, de l’autre, sur le développement de la lutte et de la résistance anticoloniale palestinienne.

Pourtant, ces organisations ont fait preuve d’une remarquable continuité dans leurs analyses, occultant ainsi deux principes fondamentaux du soutien à la lutte du peuple palestinien pour ses droits nationaux :

En réalité, deux représentations néocoloniales expliquent le type de soutien purement formel apporté par ces organisations au peuple palestinien.

La première subordonne la réalisation des droits nationaux du peuple palestinien à l’implication de la communauté internationale et aux pressions que cette dernière pourrait exercer sur Israël afin que cet Etat respecte le droit international et autorise la création d’un Etat palestinien.

La seconde considère que « le changement » politique vers la paix et le respect des droits palestiniens ne peut être porté que par les courants « pacifistes » et « progressistes » israéliens qui inverseraient la tendance politique interne en Israël et imposeraient la paix. Combien d’articles et conférences se sont faits sous l’égide de penseurs sionistes catalogués progressistes et censés incarner le bon Israël que sont Michel Warschawski [5] , Benny Ziffer [6] , Uri Davis [7] , Haim Bresheet [8]

Selon cette conception néocoloniale, le palestinien n’est jamais sujet et acteur de son histoire. Et la transformation historique se réduit à l’action de la communauté internationale et du colon, c’est-à-dire à l’action de l’Occident. Ces organisations qui prétendent ostentatoirement défendre les Palestiniens cherchent en fait à les déposséder de leur capacité et de leur légitimité à réaliser leur propre histoire et à définir leurs propres revendications. En somme, seul le maître est à même de libérer l’esclave…

Ce sont ces mêmes postures néocolonialistes qui expliquent leur investissement « militant » dans la campagne BDS, conçue comme la seule arme efficace pour lutter contre l’occupation. Aucun soutien n’est exprimé à la résistance ou au droit des réfugiés palestiniens à retourner dans leur foyer, pas plus que la dénonciation claire d’Israël en tant qu’Etat colonial et raciste.

Par ailleurs, elles fixent comme condition incontournable à la solidarité la reconnaissance de l’entité coloniale raciste israélienne. Comment interpréter, sinon dans ce sens, des positions qui légitiment Israël dans les « frontières de 1967 » ? Il est évident que ces limites territoriales représentent historiquement une étape dans le processus de colonisation et de destruction de la Palestine. Il faut donc le dire clairement: accepter 1967 c’est accepter 1948, la Nakba , et l’ensemble des crimes contre l’humanité commis par le colonisateur en dépit des revendications des Palestiniens. Admettre 1967, c’est reconnaitre l’occupation et lui conférer la légitimité du fait accompli et œuvrer pour la normalisation de l’usurpateur sioniste. C’est se substituer aux Palestiniens et être fidèle à une attitude coloniale qui consiste à maintenir l’indigène sous tutelle.

L’instrumentalisation de la campagne BDS ne fait aucun doute lorsque la référence est faite à l’histoire de la lutte des Noirs sud-africains contre l’apartheid blanc. Si la résistance non-violente et le boycott du régime ségrégationniste blanc d’Afrique du Sud fut un élément dans le soutien apporté aux mouvements de lutte sud-africains, il n’en était qu’ « un outil et non pas une vision, ni même une stratégie d’ensemble » [9] . Il est établi que la lutte des Sud-Africains contre l’apartheid blanc prenait plusieurs aspects : 1) politique et idéologique en développant l’unité des opprimés par leur action au sein des organisations politiques comme l’ANC ou l’INKHATA-Zoulous ; 2) social par le soutien et la mobilisation de l’ensemble des secteurs de la société colonisée noire afin de supporter l’engagement des organisations politiques et de leur militants ; 3) culturel afin de résister à la destruction de l’identité culturelle et historique des africains autochtones ; 4) la lutte armée.

La lutte armée, l’action clandestine, la guerre de guérillas sont des modes de résistance qui furent appliqués selon les contextes politiques et les stratégies choisies par les organisations de la résistance notamment en 1961 sous l’impulsion d’un réseau, Umkhonto we Sizwe (MK) prônant l’action armée et dirigé alors par Nelson Mandela [10] . Ce mouvement estimait après le massacre de Sharpeville, le 21 mars 1960 [11] , et l’intensification de l’oppression avec le rétablissement de l’Etat d’urgence, que le passage à la lutte armée était inéluctable. Tout comme en Palestine, en Afrique du Sud les mouvements de résistance optèrent pour diverses stratégies, dont l’action armée, en fonction des circonstances et de l’état du rapport de force avec le pouvoir colonial blanc. Ils se sont fortement inspirés de la révolution algérienne et de sa lutte anticoloniale. C’est une vérité historique sur la lutte du peuple noir sud-africain que les prêcheurs du pacifisme ignorent sciemment.

Face à l’Etat militaire génocidaire juif, le choix des armes appartient au mouvement de résistance. Comme il appartient aux associations de soutien à la cause palestinienne de défendre et de rappeler l’existence et la légitimité de la lutte du peuple palestinien et de sa résistance qu’elle que soit sa forme. Car les sionistes utilisent, surtout en France, toutes les ressources à leur disposition et leurs moyens de pressions pour mener leur guerre sur le terrain idéologique et psychologique : diabolisation de la résistance palestinienne, normalisation d’Israël, intimidation et volonté de criminaliser le soutien à la résistance et la dénonciation du sionisme [12]

La référence tronquée et hypocrite à l’Afrique du Sud dans le cadre de la campagne BDS par des associations françaises ne trompe personne. Pour ces dernières, l’enjeu est de ne pas apporter de soutien à la résistance menée sous l’égide des organisations islamiques, et notamment le HAMAS. L’islamophobie de ces associations est à peine voilée… Certes la campagne BDS fut initiée par des organisations palestiniennes se réclamant de la société civile palestinienne. Il n’est nullement question de contester la légitimité de leur action face à l’occupant israélien. Mais, en prétendant répondre à l’appel de la société civile palestinienne tout en ignorant la réalité de la résistance palestinienne, ces organisations françaises révèlent leur vision colonialiste. L’usage qu’elles font de la notion de « société civile palestinienne» est une manière d’imposer un classement politique qui disqualifie le rôle prépondérant des mobilisations politiques dites islamistes en Palestine.

Mais la lutte contre le colonialisme et l’apartheid est l’œuvre des colonisés eux-mêmes. Elle n’a jamais été le produit d’une quelconque mobilisation civile et pacifique des opinions publiques des Etats impérialistes ou de supposées composantes progressistes des sociétés coloniales. L’appel au boycott prend une dimension antisioniste si, et seulement si, il reconnaît le rôle premier de la volonté des colonisés, à savoir : détruire par tous les moyens le rapport colonial !

COMITE ACTION PALESTINE


[1]
[2]
Ibidem.

[3]
Ibidem.

[4]
Europalestine, Ligue des droits de l’homme, CCIPPP, Génération Palestine, Union des Juifs Français pour la Paix (UJFP), PCF, NPA, AFPS…

[5]
Michel Warschawski, israélien, fondateur du Centre d’Information Alternative (AIC).

[6]
Benny Ziffer, israélien, écrivain, journaliste, rédacteur en chef du supplément littéraire d’Haaretz.

[7]
Uri Davis, universitaire israélien et cofondateur du mouvement contre l’apartheid en Palestine (MAIAP).

[8]
Haim Breshteeth, universitaire israélien.

[9]
www.ism-france.org , décembre 2004.

[10]
Nelson Mandela, “I am prepared to die-Nelson Mandela’s statement from the dock at the opening of the defence case in the Rivona trial” , Africa National Congress, 20/04/1964, www.anc.org ,

[11]
Le 21 mars 1960 a lieu le massacre de Sharpeville, un township de Vereeniging dans le sud du Transvaal. Lors d’une manifestation du Congrès panafricain contre l’extension aux femmes du passeport (Pass book ), que les noirs sont obligés de porter constamment sous peine d’être arrêté ou déporté. La police tire sans sommation sur la foule. On comptera 69 tués dont 10 enfants et 180 blessés.

[12]

L’Etat criminel israélien a encore frappé

Déclaration du Comité Action Palestine du 31 Mai 2010

 La machine de guerre israélienne a commis un nouveau crime le 31 mai 2010 en s’attaquant à des humanitaires internationaux. Au moins 9 martyrs et des dizaines de blessés. Le CAP tient à saluer leur mémoire. Ils resteront dans l’histoire comme les combattants de la liberté, les résistants à l’ordre colonial qui chaque jour asservit et massacre un peuple entier. Ces militants de la cause du peuple palestinien voulaient dénoncer le blocus imposé à Gaza par Israël et toutes les puissances occidentales avec l’aide des régimes arabes corrompus, un blocus colonial qui voudrait réduire les Palestiniens à la famine et à la mort. Ces militants ont pour seul tort de vouloir alerter le monde entier sur cette extermination silencieuse de la population de Gaza. Mais l’attaque contre les bateaux de la part des terroristes israéliens n’est pas surprenante. La liste des massacres commis par cet Etat est déjà longue. Le massacre en décembre et janvier 2009 est encore dans toutes les mémoires avec 1400 morts et des milliers de blessés. Ces criminels n’avaient pas hésité à tirer sur les hommes, les femmes et les enfants ; sur les écoles et les hôpitaux. Le crime contre l’humanité est inscrit au cœur même du système colonial juif en Palestine.

Mais, comme on s’y attendait, Israël présente ce massacre comme un acte de légitime défense, les internationaux auraient brandi des haches et des couteaux, la flottille aurait acheminé des armes. Comme on s’y attendait également, les médias français répètent servilement les déclarations de la soldatesque israélienne en faisant porter la responsabilité sur ces internationaux. La manipulation médiatique est à la hauteur du crime. Comme on s’y attendait aussi, la réaction de l’Etat français ne dépasse pas le stade de la condamnation molle et verbale, en parlant d’un « usage disproportionné de la force ».

Soutenu par sa population juive et pris dans un engrenage infernal, l’Etat israélien poursuit la colonisation, notamment à Al-Quds, et continue à réprimer ou à assassiner tous ceux qui lui résistent. Mais cette violence coloniale exprime au fond le dépérissement et la fin certaine du projet sioniste. Après avoir été battu par la résistance libanaise en 2000 et 2006, puis mis en échec en 2009 par la glorieuse résistance palestinienne à Gaza, ce dernier massacre est un nouveau signe de faiblesse de l’Etat israélien qui, chaque jour, perd le peu de crédibilité qui lui restait auprès de l’opinion internationale.

Aujourd’hui la résistance est plus forte que jamais. A Gaza, le blocus n’a entamé en rien la détermination populaire contre l’occupant. En Cisjordanie, malgré la répression féroce de l’armée israélienne et de l’Autorité palestinienne, la colère gronde. En Palestine de 48 enfin, l’ensemble des partis politiques et des organisations palestiniennes défient ouvertement l’ordre colonial imposé depuis 60 ans. Ni les arrestations pour espionnage au compte de l’ennemi, ni les menaces de déportation ou de mort ne les font taire.

La résistance s’amplifie également avec la Syrie, le Liban, l’Iran et aujourd’hui la Turquie. Les peuples arabes et musulmans de la région rejettent massivement cet Etat criminel fondé sur l’épuration ethnique. Tôt ou tard ce système colonial disparaîtra sous les coups de la résistance.

Pour le Comité Action Palestine, croire que les Etats occidentaux (en particulier la France) peuvent infliger des sanctions à Israël pour le ramener à la raison est pure illusion ou tromperie. Produit de l’impérialisme, cet Etat colonial bénéficie depuis sa création du soutien inconditionnel de l’Europe et des Etats-Unis. C’est pourquoi il ne respecte aucune règle et continue à agir en toute impunité. Depuis sa création en 1948, il est fondé sur la violence dont le but ultime est d’anéantir le peuple palestinien et lui voler sa terre. Mais la résistance des peuples, et en premier celle du peuple palestinien, l’empêche de réaliser ce projet criminel.

A Bordeaux, résistons aussi en refusant la collaboration avec l’ordre colonial et exigeons l’arrêt immédiat du jumelage avec Ashdod. En effet Bordeaux est jumelé depuis plus de 20 ans avec la ville israélienne portuaire d’Ashdod, vers laquelle l’armée israélienne a détourné les bateaux humanitaires kidnappés en toute illégalité dans les eaux internationales. C’est aussi dans ce port que pourrit de longue date l’aide humanitaire destinée aux Palestiniens de Gaza parce que l’Etat sioniste empêche son acheminement. Ce jumelage est une honte pour la ville de Bordeaux car il est le symbole d’une collaboration avec la politique criminelle sioniste.

Vive la résistance du peuple palestinien et de tous les peuples du Moyen-Orient pour que se réalisent le droit au retour des 6 millions de réfugiés palestiniens et le droit à l’autodétermination pour une Palestine libre et arabe sur toute la Palestine.

COMITE ACTION PALESTINE