La résistance est la seule voie pour la libération de la Palestine

img5288b657382d6Dans des sociétés occidentales relativement pacifiées, un stéréotype est fortement prégnant : la résistance est synonyme de violence. Or l’histoire de toutes les sociétés montre que la résistance est surtout un acte de libération, un acte qui permet de vaincre l’oppression quelle qu’elle soit.

En Palestine, les colonisés n’ont pas le choix. Plus précisément les colons ne leur laissent pas le choix. A la violence coloniale sous toutes ses formes, le peuple palestinien répond par une résistance sous toutes ses formes : l’action individuelle comme l’action collective, pacifique comme armée, le peuple palestinien utilise tous les moyens qui lui permettent de desserrer l’étau colonial et faire reculer l’oppression sioniste. Il est bien connu que les formes de la résistance s’adaptent à la nature de la violence coloniale. A la violence militaire impitoyable de la colonisation juive, le peuple palestinien répond par la résistance armée. La volonté de survie prend le pas sur toute autre considération ; et seul le peuple palestinien est à même de définir les objectifs et les moyens de combattre la machine de guerre appelée Israël.

Dans des sociétés occidentales relativement pacifiées, un stéréotype est fortement prégnant : la résistance est synonyme de violence. Or l’histoire de toutes les sociétés montre que la résistance est surtout un acte de libération, un acte qui permet de vaincre l’oppression quelle qu’elle soit.

En Palestine, les colonisés n’ont pas le choix. Plus précisément les colons ne leur laissent pas le choix. A la violence coloniale sous toutes ses formes, le peuple palestinien répond par une résistance sous toutes ses formes : l’action individuelle comme l’action collective, pacifique comme armée, le peuple palestinien utilise tous les moyens qui lui permettent de desserrer l’étau colonial et faire reculer l’oppression sioniste. Il est bien connu que les formes de la résistance s’adaptent à la nature de la violence coloniale. A la violence militaire impitoyable de la colonisation juive, le peuple palestinien répond par la résistance armée. La volonté de survie prend le pas sur toute autre considération ; et seul le peuple palestinien est à même de définir les objectifs et les moyens de combattre la machine de guerre appelée Israël.

Des premières actions héroïques des paysans palestiniens dépossédés de leurs terres par les colons juifs au début du XXe siècle, à la résistance victorieuse à Gaza en novembre 2012, en passant par tous les actes quotidiens pour faire face à l’arbitraire colonial, des milliers de Palestiniens ont fait le sacrifice de leur vie pour la justice : libérer la terre qui parle arabe, libérer toute la Palestine.

La résistance palestinienne est celle de tout un peuple. C’est celle des fellahins, les paysans palestiniens, qui dès les années 1880, tentent de résister à leur dépossession en attaquant les colonies installées sur les terres qu’ils travaillent depuis des générations ; c’est celle des premiers réfugiés et du prolétariat des faubourgs de Haifa, qui rassemblés autour du Sheikh Zinedine al-Qassam, sont à l’origine de la grande révolte de 36-39 ; c’est celle de tous les réfugiés qui, à partir des camps de Gaza, Jordanie, Syrie, Liban ont lancé les premières attaques armées contre l’entité sioniste, et ont ainsi rappelé au monde que le peuple palestinien est bien vivant et que ses droits sont imprescriptibles. La résistance palestinienne, c’est la résistance des Palestiniens de 48 (ceux qui vivent en Palestine occupée en 1948) qui déclarent une grève générale le 30 mars 1976. Par cet acte symbolique ils signifient leur appartenance pleine et entière à la nation palestinienne. C’est aussi celle des Bédouins du Naqab qui résistent depuis 70 ans à la dépossession. La résistance palestinienne, c’est celle des habitants de Gaza et de Cisjordanie qui lancent la première, puis la seconde Intifada, et continuent chaque jour à sacrifier leur vie pour s’opposer à la colonisation galopante de leurs terres. La résistance palestinienne, c’est enfin celle de tous les prisonniers palestiniens dans les geôles sionistes qui montrent par leur courage et leur détermination contre l’arbitraire et la violence coloniale que le peuple se battra jusqu’à la victoire et l’accomplissement de ses droits nationaux.

Face à cette résistance la répression est sans pitié. Depuis 100 ans, elle s’abat sur le peuple et ses dirigeants. Consciente que rien n’arrêtera la dynamique populaire, l’occupant s’acharne à cibler les responsables de la résistance et à décapiter le mouvement national dès que ce dernier montre sa force. De Sheikh Izzedine al-Qassam à Yassar Arafat, en passant par Fathi Shiqaqi, Abu Ali Mustafa, Abdelaziz Rantissi et Sheikh Ahmed Yacine, la liste est longue des leaders palestiniens assassinés. Pendant la Grande Révolte de 36-39, cette politique associée à la bassesse des Etats arabes voisins, laisse le peuple totalement désarmé face au colonialisme juif. L’anéantissement de la résistance laisse alors la voie libre à l’accomplissement du projet sioniste en Palestine, c’est-à-dire l’occupation militaire des ¾ du pays en mai 1948 et à l’épuration ethnique de 800 000 Palestiniens. En 1982, au Liban, les sionistes et leurs alliés impérialistes mettent en œuvre la même stratégie. Le commandement armé de la résistance palestinienne est entièrement démantelé et une nouvelle fois le peuple se retrouve sans défense. Les 3000 réfugiés palestiniens massacrés à Sabra et Chatila en sont le macabre témoignage.

Pour affaiblir la résistance, le pouvoir colonial se complet également dans des négociations sans fin pour gagner du temps et diviser les organisations palestiniennes. Alors que la stratégie de lutte armée développée dans les années 70 avait établi un rapport de force favorable au peuple palestinien, la signature des accords d’Oslo par l’OLP a ouvert la porte à une intensification de la colonisation en Palestine. Sans aucune contre-partie de la part de l’occupant, ces accords ont conduit le leadership palestinien à renoncer à 78% de la Palestine historique et à mettre en place une Autorité Palestinienne, supplétive du pouvoir colonial dans l’objectif de mieux réprimer la résistance.

Pourtant le peuple sait que seule la stratégie de la confrontation est capable de modifier le rapport de forces avec l’entité sioniste et de conduire à la victoire. Les opérations de guérilla armée menées en Palestine occupée dans les années 60-70, ainsi que les détournements d’avions et prises d’otages spectaculaires de la résistance, ont fortement détruit le mythe de l’invincibilité de l’entité sioniste. Malgré toutes les tentatives sionistes de rayer la Palestine de la carte, la lutte a conduit à la reconnaissance internationale des droits nationaux et des revendications de son peuple. C’est encore cette stratégie de la résistance armée qui a permis de libérer Gaza en 2005, puis de remporter les victoires militaires en 2009 et en 2012.

Dans un contexte où les rapports de force dans la région sont en train de changer, le mouvement de résistance palestinienne souffre aujourd’hui d’une absence de leadership unifié et d’alliance claire avec l’axe de résistance face au sionisme que constituent le Hezbollah, la Syrie et l’Iran. Depuis le début des mouvements populaires dans le monde arabe, la direction du mouvement Hamas, principale organisation de la résistance palestinienne, a multiplié les erreurs stratégiques en matière d’alliance en voulant se vendre au plus offrant. Son soutien aux forces sous contrôle impérialiste et sioniste, c’est à dire aux opposants à Bachar el Assad en Syrie, ainsi que son allégeance à l’émir du Qatar, ont fortement réduit sa capacité d’action en matière de résistance. Les divergences au sein du Hamas sont fortes. Certains, comme Mahmoud Zahar, privilégient toujours la voie de la lutte et maintiennent les contacts avec le Hezbollah et l’Iran. Il est indéniable que la résistance palestinienne est à la croisée des chemins. Au moment où la région est sous le feu d’une guerre sans pitié qui scellera le sort de la Palestine, le Hamas a la responsabilité de faire clairement le choix de la résistance en s’alliant aux organisations et aux Etats qui conduisent le combat contre le sionisme. S’il ne le fait pas, d’autres le feront sans doute. Le peuple palestinien qui, quotidiennement à al-Quds, Gaza, Naplouse, Jénine, al-Khalil etc…continue à résister, ne renoncera jamais à la victoire et la libération de la terre arabe de Palestine.

Nous, Comité Action Palestine, serons jusqu’au bout à ses côtés sur ce chemin. Avec lui, nous condamnons le sionisme comme mouvement politique colonialiste et raciste. Nous apportons notre soutien inconditionnel à toute forme de résistance, nous exigeons la reconnaissance du droit inaliénable au retour de tous les réfugiés chez eux, ainsi que la libération de tous les résistants emprisonnés.

Ce calendrier Palestine Libre 2014 « des mots pour résister » dit la résistance du peuple palestinien. Il dit la résistance avec les mots des poètes. Face au silence coupable et aux paroles mensongères, les poètes nous disent que les mots sont des armes et rappellent au monde entier qu’un peuple qui résiste ne meurt pas.




« 17 octobre 1961, ici on noie les Algériens »

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« Même si il est rarement reconnu comme tel, il s’agit dans toute l’histoire contemporaine de l’Europe occidentale, de la répression d’Etat la plus violente et la plus meurtrière qu’ait jamais subie une manifestation de rue désarmée. Le nombre de victimes serait supérieur à celui de la place Tiananmen à Pékin en 1989 »1

Alors que les négociations pour l’indépendance de l’Algérie sont ouvertes à Evian depuis mai 1961, la répression de l’Etat français contre les militants du FLN en France s’intensifie et atteint son paroxysme en septembre-octobre 1961. Le 17 octobre 1961, la Fédération de France du FLN invite la communauté algérienne de Paris à une manifestation pacifique pour protester contre les mesures de couvre-feu instaurées depuis le 5 octobre par le préfet de police Maurice Papon. Malgré l’interdiction de la manifestation, ce sont 30000 à 40000 Algériens – hommes, femmes, enfants – qui se mobilisent et se retrouvent sans défense face à des milliers de policiers. C’est alors le carnage, la répression est sanglante et sans limites. Plus de 12000 manifestants sont sauvagement arrêtés, torturés, certains sont jetés à la Seine. Les jours suivants, les rafles se multiplient. Des centaines d’Algériens sont expulsés. Alors que les officiels font état de 3 décès, le nombre des morts et des disparus s’élève selon de nombreuses sources à plusieurs centaines. Et pourtant ce massacre odieux sera occulté pendant plus de 50 ans, aucune enquête ne sera diligentée et ce crime reste jusqu’à ce jour impuni. En novembre 2012, François Hollande déclare reconnaitre les faits, mais ne se prononce pas sur la responsabilité de l’Etat français.

La France de 1961, c’est la France de l’oppression coloniale, celle de la guerre d’Algérie, celle qui met en œuvre les mêmes méthodes racistes et criminelles contre la Résistance en Algérie et la population immigrée en métropole, les considérant toutes deux comme des menaces pour l’intégrité de la République française. Pourtant 50 ans plus tard, rien n’a changé dans le rapport que la République française entretient vis-à-vis de ceux qui sont originaires de son ancien empire colonial. Rien ne peut changer en effet, puisque la politique impérialiste française et sa mission dite « civilisatrice » – basée sur des conceptions racistes – sont des éléments constitutifs de la Nation française.

En témoigne la « Marche pour l’Egalité et contre le Racisme » dont nous célébrons cette année le 30ème anniversaire. Vingt ans après octobre 1961, les fils et les filles de ceux que la République française avait massacrés, se levèrent à leur tour pour dire « stop aux crimes racistes et réclamer l’égalité et la justice ». La République traita alors leurs revendications avec le même mépris que le colon vis-à-vis du colonisé. Adoptant la stratégie de “diviser pour mieux régner”, elle s’appliqua, par des manœuvres politiciennes, à phagocyter le mouvement- notamment via la création de SOS-Racisme- à le discréditer et à l’entraîner vers l’oubli. En témoigne aussi les mesures répressives de type colonial, mises en place lors du soulèvement des jeunes des quartiers populaires en 2005. L’état d’urgence, procédure rarissime, fut décrété pour 12 jours. Le couvre-feu, pratique phare de la « guerre contre-insurrectionnelle » contre les résistants algériens pendant la bataille d’Alger, puis en France en octobre 1961, fut imposé dans plusieurs villes.

Non rien n’a changé. Depuis 50 ans la France conserve cette approche coloniale et raciste, élément structurel de la République française, permettant de tirer économiquement profit des classes sociales les plus défavorisées – indigènes dans les colonies ou classes populaires issues de l’immigration – tout en réprimant sévèrement toute revendication d’égalité, d’indépendance, voire de soutien à l’indépendance des peuples. Au-delà de nos frontières, la politique interventionniste de la France en Irak (1991), Afghanistan (2003), Lybie (2011), Mali (2012) et sa volonté farouche d’intervenir en Syrie relève des mêmes mécanismes. L’impérialisme, « stade suprême du capitalisme », est un système barbare d’asservissement des peuples pour contrôler les ressources.

Nous, Comité Action Palestine, qui soutenons la résistance palestinienne contre le colonialisme juif en Palestine, réaffirmons que les liens inconditionnels entre l’Etat français et l’entité sioniste s’expliquent par des intérêts communs pour mener à bien cette politique coloniale et raciste. Nous tenons à rendre un profond hommage à toutes les victimes de cette politique et à tous ceux qui se sont levés, comme en Octobre 1961, et continuent à le faire pour lutter contre l’oppression.

1 : le 17 octobre des Algériens, Marcel et Paulette Péju, 2011, Ed° la Découverte.

Comité Action Palestine




Diviser la nation arabe pour mieux la coloniser

img52415c5f10639[1]Pendant la première guerre mondiale et dans la perspective de la chute de l’empire ottoman, les puissances impérialistes que sont la France et la Grande Bretagne organisent le dépeçage du Moyen Orient en fonction de leurs propres intérêts. Les promesses de dupes faites aux Arabes en 1915, les accords ultra-secrets de Sykes-Picot en 1916, la déclaration de Balfour en 1917, puis l’attribution des mandats par la Sociétés des Nations en 1922 organisent la balkanisation de la région, traçant les frontières des futurs Etats et semant partout les germes de l’instabilité et des relations conflictuelles entre ces nouvelles entités. Même les indépendances, souvent factices, n’y changeront rien. Aujourd’hui encore, la Palestine reste prisonnière de ce piège impérialiste.

Avec une certaine naïveté, mais surtout animés par l’ambition d’assurer leur souveraineté sur le royaume arabe promis par les Anglais, les chefs de la révolte arabe de 1918 négocient plusieurs accords secrets avec les sionistes. Dès son installation sur le trône de Syrie en 1918, l’émir Fayçal signe sous l’influence des Britanniques une reconnaissance de la déclaration de Balfour, et accepte la mise en place du programme sioniste en Palestine en échange d’une promesse d’aide économique pour le futur Etat arabe. Au-delà des intérêts économiques, l’émir Abdallah de Jordanie manifeste le plus ouvertement ses ambitions sur la Palestine en rêvant d’unir sous son pouvoir les deux rives du Jourdain. Ce projet animera toujours la position de la Jordanie, qui en 1937 accepte sans vraiment protester le plan de partition de la Palestine proposé par la Commission Peel. C’est finalement cette ambition qui conduira l’émir Abdallah à négocier secrètement avec Golda Meir le contrôle jordanien sur la Cisjordanie en échange de la garantie que les armées arabes n’envahiraient pas les régions allouées aux juifs.

Mais en Irak où les mouvements nationalistes sont plus puissants ou en Arabie Saoudite sous influence américaine plus que britannique, l’hostilité à la colonisation juive de Palestine est, à cette époque, plus marquée. L’Irak, qui a acquis l’indépendance en 1930, soutient dès lors fortement le mouvement national palestinien. Pendant la Grande Révolte de 36-39, le Comité irakien de défense de la Palestine organise l’envoi de combattants irakiens, syriens ou jordaniens dans un esprit de solidarité panarabe. En réponse à la demande des notables palestiniens du Haut Comité d’intervention auprès de l’occupant britannique pour stopper la répression contre les résistants, l’Irak et l’Arabie Saoudite lancent un appel à la fin de la révolte contre la promesse de négocier auprès de l’autorité mandataire, la fin de l’immigration juive. En 1937, ces deux Etats rejettent avec virulence le plan Peel. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, l’Irak financera massivement la résistance palestinienne et l’Arabie Saoudite multipliera les pressions sur la Grande Bretagne qui, pour ne pas perdre ses alliés arabes (et leur pétrole…), choisira finalement d’infléchir trop tardivement sa politique palestinienne.

Cette ligne de clivage se retrouve au sein de la Ligue arabe créée en 1945, et les conséquences en sont dramatiques pour la Palestine. Le mouvement national ayant été laminé lors de la Grande Révolte de 36-39, la Ligue arabe tente de prendre en charge les intérêts palestiniens. Mais en 1948, les divisions qui existent en son sein conduiront à la défaite arabe contre les sionistes. Le 15 mai, les armées arabes franchissent finalement les frontières de la Palestine. Mais le nombre des combattants restera toujours inférieur à celui des sionistes. Les troupes arabes ne cesseront de combattre en ordre dispersé et ne pénètreront à aucun moment dans les zones passées sous contrôle sioniste. Selon les termes des négociations secrètes avec les sionistes, la Jordanie prend, à l’issue de la guerre, le contrôle de la Cisjordanie et Jérusalem-Est. La défaite est sévère pour tous les Etats arabes qui doivent maintenant gérer le problème des réfugiés palestiniens.

Bien avant 48, la libération de la Palestine était une cause arabe. La fragilité des Etats issus de la politique des puissances impérialistes au début du XXème siècle constitue une cause de l’échec de l’accomplissement de ce projet national. Les transformations à l’œuvre actuellement dans cette région conduiront sans nul doute à libérer la Palestine de ce piège.

Comité Action Palestine




L’Unité arabe par et pour la Palestine

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En 1948, Le vol de la terre de Palestine par les sionistes, a été vécu dans le monde arabe tout entier comme une atteinte à l’intégrité de la terre arabe et de la nation arabe. L’injustice subie par les Palestiniens est ressentie comme une injustice par tous les peuples arabes. Par son existence même, Israël porte atteinte à la personnalité arabe, dans toutes ses composantes historiques, culturelles et religieuses. Aussi, la cause palestinienne se retrouve au cœur du nationalisme arabe et devient la cause nationale arabe.

Depuis leur émergence, les nationalismes arabe et palestinien sont intimement liés, devenant, tour à tour, le moteur de la lutte au gré de l’histoire, douloureuse, mais mobilisatrice.

L’évolution des nationalismes arabe et palestinien a connu trois étapes.

La revendication d’une nation arabe émerge sous l’empire ottoman mais s’impose durant la période des mandats. Il s’agit de lutter contre l’emprise coloniale impérialiste. Dès la fin du XIX ème siècle,la Palestine est l’enjeu à partir duquel se développe le sentiment national arabe. Il apparait dès cette époque que l’ennemi commun à combattre est le sionisme. Avant 1948, plusieurs vagues de mobilisations et de révoltes revendiquent la Palestine arabe et combattent autant les sionistes que les occidentaux.

En 1948, Le vol de la terre de Palestine par les sionistes, a été vécu dans le monde arabe tout entier comme une atteinte à l’intégrité de la terre arabe et de la nation arabe. L’injustice subie par les Palestiniens est ressentie comme une injustice par tous les peuples arabes. Par son existence même, Israël porte atteinte à la personnalité arabe, dans toutes ses composantes historiques, culturelles et religieuses. Aussi, la cause palestinienne se retrouve au cœur du nationalisme arabe et devient la cause nationale arabe.

La défaite de 1967 est un échec historique du nationalisme arabe. En effet, la perte d’al-Quds, de la Cisjordanie, de Gaza, du Golan et du Sinaï ébranle la légitimité des régimes vaincus. Si la cause palestinienne devient un enjeu de reconquête du leadership pour les Etats, les organisations de la résistance palestinienne en profitent de leur côté pour se renforcer et s’autonomiser… Devant l’impuissance des Etats arabes, ces organisations reprennent le flambeau de la libération de leur terre et de leur peuple. Elles mettent l’accent sur le patriotisme national palestinien qui est renforcé par la spoliation de la totalité de la terre de Palestine. A cette période le nationalisme palestinien et ses organisations représentatives sont les moteurs de la lutte…

La différence d’approche des organisations palestiniennes montre combien les interactions entre nationalisme palestinien et nationalisme arabe sont complexes et intrinsèquement liées. En effet si le FPLP et le FDLP prônent l’unité de la nation arabe comme clé de voûte et préalable à la libération de la Palestine, le Fatah, quant à lui, considère que la libération de la Palestine est première et que la lutte armée, nécessaire, créera une dynamique pour accéder à l’unité de la nation arabe.

La résistance palestinienne proclame unanimement son appartenance à la nation arabe. En 1968, l’Organisation de Libération de la Palestine inscrit dans l’article premier de sa charte : « La Palestine est le foyer du peuple arabe palestinien : c’est une partie indivisible du foyer arabe et le peuple palestinien est une part intégrale de la nation arabe ».

Aujourd’hui, dans le contexte des révolutions arabes et de la déstabilisation inéluctable de l’état d’Israël, les rapports de forces se modifient, mais le nationalisme palestinien s’inscrit toujours et résolument dans le nationalisme arabe porté par l’ensemble des peuples arabes.

Les palestiniens doivent rester la conscience du monde arabe. La Palestine est arabe et le restera pour que l’ensemble de la nation arabe retrouve son intégrité et sa dignité.

 




Syrie : la contre-révolution et ses enjeux politico-économiques

img52416643ef01d[1]« Il y a deux Histoires : l’Histoire officielle, menteuse qu’on enseigne, l’Histoire  » ad usum delphini  » ; puis l’Histoire secrète, où sont les véritables causes des événements, une histoire honteuse. » Honoré de Balzac

Lorsqu’il y a deux ans environ, le monde arabe est entré en phase d’ébullition, de soulèvements à répétition, de turbulences socio-politiques, l’enthousiasme on ne peut plus légitime était général. Il s’agissait d’abattre des régimes dictatoriaux, historiquement dépassés et d’avancer dans le processus, entamé avec les guerres d’indépendance des années 50-60, d’émancipation vis-à-vis de la domination impérialiste de l’Occident. Avec le recul, il apparait désormais avec assez de netteté que les puissances occidentales ont profité de l’instabilité des pays arabes pour mettre en place le projet fomenté il y a une dizaine d’années de remodelage du grand Moyen-Orient. Comme l’Irak ou la Libye, la Syrie faisait partie de ce plan machiavélique qui consiste à détruire les infrastructures du pays, à générer le chaos social et la guerre civile, à installer au pouvoir des groupes de brigands totalement inféodés à l’Occident, voire à partitionner le pays.

Récemment, la France et les Etats-Unis ont voulu franchir un nouveau cap dans la guerre impérialiste contre la Syrie en essayant de mobiliser et de structurer une coalition internationale pour une intervention militaire directe. Au cours des deux années écoulées, les puissances occidentales se sont adonnées à la manigance la plus infâme en soutenant et en portant à bout de bras quelques représentants assez peu révolutionnaires de la diaspora syrienne pour instiller la division dans le pays et générer le chaos. A l’inverse de la Libye où l’intervention militaire directe fut presque immédiate en raison de la faiblesse du régime Kadhafi, la déstabilisation de la Syrie, Etat beaucoup plus stable, mieux armé et bénéficiant d’alliances internationales, fut mise en œuvre grâce à une collaboration étroite avec les pétromonarchies de la région et l’entité sioniste, l’Arabie Saoudite et le Qatar ayant financé les armes israéliennes et occidentales utilisés par les groupes de mercenaires-djihadistes étrangers. Les pires horreurs ont été commises par les groupes armés « rebelles », qui, non contents de semer la terreur parmi la population, ont réduit l’économie nationale à néant et déchiré le tissu social et confessionnel syrien multiséculaire.

Jusqu’à présent, la stratégie du bloc impérialiste, dans sa volonté de mettre à bas le régime syrien, s’est heurté à deux grands obstacles. D’une part, si au commencement le mouvement politique de contestation du régime Assad était puissant et très populaire, la guerre d’agression menée par l’Occident, Israël et les pétromonarchies via des groupes de djihadistes importés clé en main a redonné une certaine légitimité à un régime alors en perte de vitesse dans le cadre d’une dynamique nationaliste. Sans le soutien d’une partie de la société syrienne, il est presque certain que le régime n’aurait pas pu résister longtemps aux multiples tentatives de déstabilisation, aux coups répétés du des groupes wahhabo-salafistes. D’autre part, l’inscription dans un solide réseau d’alliances régional (Axe de résistance à Israël constitué de la Syrie, du Hezbollah et de l’Iran) et international (alliance avec la Russie et plus généralement avec le groupe des pays émergents) a permis de contrecarrer toutes les tentatives d’intervention directes des Occidentaux sur la base de procédés de désinformation et de propagande fallacieux et identiques à ceux utilisés en Irak et en Libye. Ces différents atouts ont permis au contraire au régime syrien de remporter des victoires importantes sur le terrain au point que la rébellion était en voie d’éradication et le territoire presque entièrement contrôlé. C’est cette victoire militaire du régime syrien qui a décidé la France et les Etats-Unis de recourir au prétexte de l’utilisation des armes chimiques pour justifier une intervention qui permettrait de rétablir l’équilibre des forces et de remettre en selle une rébellion qui commençait sérieusement à se déliter.

Un acharnement sans précédent est démontré par les puissances belligérantes dans le conflit syrien qui ne peut s’expliquer que par l’importance stratégique des enjeux et le caractère vital d’une victoire militaire sur le terrain. En effet, l’issue du conflit déterminera à bien des égards la poursuite de la domination économique et politique de la région moyen-orientale du bloc occidental ou à l’inverse un basculement des rapports de force en faveur des nations émergentes.

Sur le plan économique, comme ce fut le cas pour l’Irak dès la première guerre du Golfe, iI s’agit en premier lieu pour l’Occident d’abattre tout régime qui montrerait des velléités d’indépendance économique, et de détruire toute structure économique qui limiterait ou concurrencerait les débouchés des produits occidentaux. Et en second lieu, du point de vue économique sans doute le facteur le plus important, ce qui se joue en Syrie, c’est le contrôle de l’accès aux ressources en hydrocarbures. La concurrence pour l’approvisionnement en gaz de l’Europe de l’Ouest représente un enjeu majeur du conflit. Les USA et ses alliés dans la région, notamment le Qatar, l’Arabie saoudite et l’entité sioniste, ne veulent en aucun cas laisser la Russie et l’Iran être les principaux fournisseurs. Or, l’acheminement du gaz en provenance soit de l’Iran, soit du Qatar passe obligatoirement par la Syrie. Seule la mise en place d’un régime à la solde des puissances impérialistes sécuriserait l’origine qatarie aux dépens de l’origine iranienne. En effet dès 2011 Bachar al-Assad avait clairement choisi l’option iranienne en signant un accord avec l’Iran et l’Irak pour construire un gazoduc. Cet affrontement pour l’approvisionnement en hydrocarbures reflète finalement l’opposition à mort entre deux blocs économiques dont le champ de bataille serait actuellement le Moyen Orient : d’un côté les puissances occidentales ruinées et leurs Etats vassaux et de l’autre les puissances dites « émergentes » du groupe BRICS associées à l’Iran et la plupart des pays d’Amérique latine et d’Afrique. Déjà l’abandon du dollar dans de nombreuses transactions entre les partenaires de second bloc sont révélatrices de la perte d’influence économique de l’Empire. Les guerres d’agression lancées par le bloc des nations occidentales apparaissent comme le moyen le plus sûr de contrecarrer ce processus de déclin économique. Mais en réalité, l’effet de ces guerres, dans le cas d’une victoire à court terme, sera de retarder ce déclin, et en cas de défaite de le précipiter.

Sur le plan politique, l’enjeu de ce conflit est aussi et surtout de détruire l’axe de résistance Iran-Syrie-Hezbollah qui s’avère être une menace sérieuse pour l’existence de l’entité sioniste et la poursuite du colonialisme juif en Palestine et dans la région. Démontrant une solidarité exemplaire, l’Iran, le Hezbollah et la Syrie représentent une force de dissuasion indéniable face à la stratégie guerrière sioniste. Les intérêts d’Israël étant en jeu, les puissances occidentales se voient dans l’obligation d’intervenir pour protéger leur poste avancé dans la région, leur Etat-gendarme. En s’attaquant à la Syrie, le bloc impérialiste a pensé pouvoir briser l’axe anti-israélien en s’en prenant à son maillon faible et surtout préparer les conditions les plus favorables à de futures interventions armées contre le parti de résistance libanais et l’Iran. La libération de la Palestine et la lutte contre l’entité sioniste sont inscrits dans le projet révolutionnaire iranien et l’Iran s’est engagé à apporter son soutien à tous les résistantes populaires qui combattent le sionisme sur leur sol comme le Liban et la Syrie. Le Hezbollah a combattu victorieusement l’entité sioniste à plusieurs reprises et constitue aujourd’hui la force de résistance populaire la mieux équipée et organisée pour faire face à l’ennemi. Les attaques médiatiques ainsi que les attentats au Liban démontrent bien qu’il est aussi directement visé par cette guerre. L’axe de résistance et l’entité sioniste se livrent une guerre sans merci, une lutte à mort qui, si elle se soldait par la disparition d’Israël, aurait des conséquences des plus catastrophiques pour l’Occident à l’échelle régionale et mondiale. La guerre menée en Syrie par les Etats-Unis et l’Europe depuis deux ans l’a été pour les intérêts d’Israël, dans le but d’assurer sa survie et de renforcer cet Etat-cancer dans la région. De son côté, l’entité sioniste s’est impliquée directement en bombardant à plusieurs reprises des sites militaires et en apportant son soutien logistique aux mercenaires takfiristes venus combattre sur le sol syrien. Mais ce sont les régimes alliés du sionisme dans la région tels que le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et la Turquie qui ont été jusqu’à présent les principaux acteurs de ce conflit. Ces régimes redoutent plus que tout l’influence de l’Iran dans la région, que ce soit en matière économique ou en tant que modèle d’une révolution victorieuse pour leurs peuples respectifs.

C’est donc la stratégie du chaos et de la division que l’Occident a choisie pour affaiblir le monde arabe et musulman et ôter toute possibilité de développement d’un centre de contre-pouvoir dans cette région du Monde.

En Syrie, la France, ancienne puissance coloniale, fut dès le départ le fer de lance de la politique interventionniste occidentale. Qu’attendre d’autre d’un Etat et d’un gouvernement qui est à la solde du CRIF et dont les ministres affichent ouvertement leur indéfectible attachement à l’entité sioniste ? Lorsqu’une solution politique et diplomatique est proposée par la Russie, à savoir la mise sous contrôle international de l’arsenal chimique syrien, c’est encore la France, par la voix de son zélé ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, qui s’oppose le plus fermement à ce type d’initiative. Et c’est aussi en France que l’élite pseudo-intellectuelle- apporte un soutien sans faille à la pseudo-rébellion syrienne et à la politique interventionniste des Etats occidentaux. Tout le travail de ces idéologues du système consiste à produire la confusion intellectuelle la plus grande pour justifier in fine l’agression occidentale contre la Syrie. Ainsi, dans leur discours, la contre-révolution menée par l’alliance des groupes wahhabites-salafistes rebelles, des pétromonarchies et de l’Occident est présentée en révolution contre un régime dictatorial. Mais nous pouvons légitimement demander à ces spécialistes auto-proclamés du monde arabe : quel est le projet de société de cette soi-disant révolution ? Le califat ? Un régime de type saoudien ? Ou le chaos tribal qui règne en Lybie, chaos que ces mêmes idéologues avaient contribué à légitimer ? De même, contre les tueries du régime Assad, pour protéger les populations civiles, ces chantres de la démocratie n’ont de cesse d’appeler aux bombardements des avions de l’OTAN, c’est-à-dire à un massacre beaucoup plus grand encore. Pourraient-ils nous rappeler combien de morts a compté l’Irak suite aux interventions de la démocratie occidentale ? La crise syrienne a en tout cas montré de quel bois pourri était formée cette clique intellectuelle : paternalisme néocolonial, orientalisme réadapté au goût du jour, justification kouchnérienne du droit d’ingérence, appel aux massacres contre un pays indépendant. Les discours lénifiants de ces pseudo-intellectuels cachent de plus en plus mal leur rôle réel d’agents de l’Etat français spécialisés dans les questions moyen-orientales.

La souveraineté des peuples constitue le principe intangible de l’anticolonialisme. A ce titre, le Comité Action Palestine est au côté du peuple syrien et des membres de l’axe de résistance qui défendent l’indépendance nationale de la Syrie. Il dénonce les positions néo-coloniales des intellectuels médiatiques français et condamne fermement toute intervention occidentale en Syrie, qu’elle soit directe ou déguisée.

Comité Action Palestine




Les réfugiés, force révolutionnaire de la Nation arabe

img524161783e4dbEn 1948, à la création de l’État d’Israël, les sionistes mettent en œuvre un grand plan d’épuration ethnique et expulsent 800 000 Palestiniens, suite à des massacres et la spoliation des terres. C’est la Nakba, la Grande Catastrophe pour les Palestiniens. La Nation Arabe est meurtrie de la perte d’une partie de son territoire. La majorité des Palestiniens chassés se réfugient dans les pays arabes voisins dont les frontières ont été tracées par l’impérialisme occidental. Exilés au cœur de la nation arabe dont ils partagent la langue et la culture, les réfugiés palestiniens, attendant de rentrer chez eux, représenteront pendant longtemps un moteur économique et politique pour leurs pays d’accueil, mais aussi un danger de déstabilisation pour les régimes.

En 1948, à la création de l’État d’Israël, les sionistes mettent en œuvre un grand plan d’épuration ethnique et expulsent 800 000 Palestiniens, suite à des massacres et la spoliation des terres. C’est la Nakba, la Grande Catastrophe pour les Palestiniens. La Nation Arabe est meurtrie de la perte d’une partie de son territoire. La majorité des Palestiniens chassés se réfugient dans les pays arabes voisins dont les frontières ont été tracées par l’impérialisme occidental. Exilés au cœur de la nation arabe dont ils partagent la langue et la culture, les réfugiés palestiniens, attendant de rentrer chez eux, représenteront pendant longtemps un moteur économique et politique pour leurs pays d’accueil, mais aussi un danger de déstabilisation pour les régimes.

En Jordanie, où le nombre de réfugiés palestiniens est le plus élevé, ils bénéficient dès 1954 de la nationalité jordanienne. L’afflux important de réfugiés permet de pallier le déficit démographique de ce pays. Mais le royaume jordanien et la société traditionnelle sont méfiants à l’égard de ces nouveaux citoyens qui permettent certes un développement économique appréciable, mais qui constituent des élites et des masses populaires nationalistes et contestataires. En Syrie, les droits des réfugiés palestiniens sont assez semblables à ceux qu’ils ont en Jordanie, sans être cependant citoyens à part entière. Au Liban au contraire, les réfugiés palestiniens ne bénéficient que des droits très limités octroyés aux résidents temporaires. Un grand nombre de professions leur ait interdit, ils n’ont pas accès à l’enseignement, un accès limité à la propriété et sont exclus des institutions politiques libanaises.

Même si certains Etats arabes proposent des plans de réinstallation définitifs des réfugiés, tous soutiennent officiellement l’application de la résolution 194 de l’ONU, instituant le droit au retour des réfugiés palestiniens sur leurs terres et dans leurs foyers, comme préalable à tout accord de paix avec Israël. Mais au-delà du soutien politique que réclament les peuples arabes contre l’occupation sioniste de la Palestine, il s’agit de préserver les intérêts des Etats qui considèrent les réfugiés palestiniens comme un problème économique et politique car ces derniers représentent une force révolutionnaire organisée qui échappe à leur contrôle.

C’est en effet d’abord en exil dans les pays arabes et au cœur des camps de réfugiés en Jordanie, en Syrie et au Liban que s’organise la résistance palestinienne après la Nakba. Le Mouvement National Arabe est créé en 1956 au Liban par Georges Habache, et le Fatah en 1959 au Koweit par Yasser Arafat. La Palestine est la Cause arabe, l’objectif est de libérer le monde arabe de l’impérialisme et du colonialisme sioniste, ce qui conduira obligatoirement au retour des réfugiés palestiniens chez eux. La résistance affronte l’armée sioniste, mais également les gouvernements arabes des pays d’accueil qui voit dans le nationalisme arabe un facteur de déstabilisation politique et de remise en cause des pouvoirs établis. La répression contre les fedayin palestiniens est féroce, notamment en Jordanie et au Liban qui les expulsent manu-militari en 1971 et en 1982 respectivement. Le rôle des réfugiés palestiniens dans les pays arabes demeurera central pour la Résistance jusqu’à la première Intifada à partir de laquelle les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza prennent la direction de la lutte. Depuis, les négociations sans fin de l’OLP avec l’entité sioniste ont conduit à réduire le rôle politique des réfugiés palestiniens dans les pays arabes et à menacer toujours un peu plus leur Droit au Retour.

Néanmoins, ce Droit reste inaliénable. La victoire de la Résistance et la libération de la Palestine dépendent du retour des réfugiés palestiniens dans leurs foyers. Plus que toutes les autres revendications palestiniennes, la défense de ce Droit incarne la dimension arabe de la lutte nationale.




Soutenir la lutte des prisonniers détenus dans les geôles sionistes (Septembre 2013 : N°19)

« Rien ne symbolise mieux que la prison coloniale la lutte à mort qui se joue entre colon et colonisé. Si la prison est l’éventualité certaine du résistant, la résistance est aussi l’horizon du prisonnier. C’est ce qu’attestent les luttes menées au sein même des geôles sionistes. Les prisonniers sont les martyrs, mais non les victimes de la résistance. Ils en sont les acteurs. Lutter contre la détention administrative et les conditions carcérales, c’est aussi lutter pour que la résistance continue, c’est lutter pour que la société continue d’exister. Parce que le combat des prisonniers est toujours un combat politique, le statut de prisonnier constitue, par conséquent, un repère fondamental de l’identité nationale palestinienne. C’est pourquoi la libération inconditionnelle de tous les prisonniers, palestiniens et arabes, est une revendication centrale de la cause palestinienne.Cette chronique, produite par Rim al-Khatib, se veut être l’écho de cette lutte. Depuis début 2012, les prisonniers en détention administrative ont lancé un mouvement ininterrompu de grève de la faim. Actuellement Samer ‘Issawi est en grève de la faim depuis plus de 5 mois (150 jours) »

1390521_673811505969974_833392398_nLe ministre chargé des prisonniers et libérés dans l’Autorité Palestinienne de Ramallah, Issa Qaraqe’, a indiqué que la deuxième étape de la libération des prisonniers détenus avant les accords d’Oslo, sera réalisée à la fin du mois d’octobre prochain. Elle sera suivie par une troisième étape, puis quatrième, au mois de mars 2014, selon l’accord conclu entre le président de l’AP, Mahmoud Abbas et les sionistes. Selon Qaraqe’, la libération des prisonniers n’est pas liée au développement des négociations et qu’aucun prisonnier libéré ne serait expulsé, mais la liste des 26 prisonniers sera établie lors des négociations ( ???) Il a également affirmé que le déroulement des négociations entre l’AP et les sionistes pourrait être conclu par la libération de Marwan Barghouty et de Ahmad Saadat. Son optimisme reste un vœu pieux, puisque tous les responsables politiques de l’AP ne cessent de dire que les négociations sont vaines et qu’elles n’aboutiront à rien. Les déclarations contradictoires des responsables même au sein de l’AP ne laissent présager rien de bon, pour les prisonniers. Et comme l’affirment les organisations de la résistance, seule la résistance est capable de les libérer.

« Nés libres, nous le resterons »

Soutenir la lutte des prisonniers détenus dans les geôles sionistes

Septembre 2013 : N°19

1 – Prisonniers grévistes de la faim dans les prisons de l’occupation

– Le prisonnier Abdel Majid Khdayrat de Toubas

– Hussam Matar

– Awad Saîdi

– Yassin Abu Lafah,

– Issa Abu Arqub

– Le prisonnier Hisham Sha’er a entamé une grève illimitée de la faim, à partir du 27 août, pour protester contre le refus de l’administration pénitentiaire de le faire soigner ; il est menacé par la perte de la vue. Hisham Sha’er a été arrêté en 2007, alors qu’il revenait d’Egypte où il se faisait soigner. Il fut accusé d’appartenir à la résistance et au mouvement du Jihad islamique.

Le résistant prisonnier Darrar Abu Sissi, a arrêté la grève, suite à la promesse de la fin de son isolement. Plusieurs prisonniers avaient décidé de mener la grève de la faim et de l’étendre jusqu’à la fin de son isolement.

3 prisonniers en lutte parviennent à arracher leur liberté prochaine. Ayman Hamdane, Adel Harbiyyat et Ayman Itbeich ont suspendu la grève de la faim après avoir reçu l’assurance que leur détention « administrative » ne sera pas renouvelée.

– Ayman Hamdan a reçu la promesse d’être libéré au mois de décembre prochain. En grève de la faim depuis le 28 avril dernier, l’état de santé du résistant s’est gravement détériorée au cours des dernières semaines. Il se trouve à l’hôpital.

– Ayman Itbeich, a arrêté la grève le 4 septembre, ainsi que son frère, Ahmad en grève de la faim depuis juin 2013, détenu dans l’hôpital de Afoula. Leur frère arrêté récemment est placé en isolement.

– Adel Huraybat a arrêté la grève le 4 sept. Il devrait être libéré fin septembre.

Itbeich est étudiant, prisonnier libéré, cadre dirigeant du mouvement du Jihad islamique, arrêté et détenu par les sionistes. Les services sécuritaires de l’AP l’avaient arrêté quelques jours avant que les sionistes ne l’arrêtent au mois de mai dernier.

2 – Abolir la détention « administrative »

L’occupation a renouvelé de 4 mois la détention « administrative » le 28 août 2013 du prisonnier Ayman Itbeich, en grève de la faim depuis le 23 mai dernier, juste avant la promesse de sa libération.

34 détenus « administratifs » ont subi le renouvellement de leur détention pendant le mois d’août.

L’occupation refuse de mettre fin à la détention « administrative » du prisonnier Sharif Tahayna, de Sileh al-Harthiyé, province de Jénine. Il est arrêté depuis le 22 octobre 2012, et subit le renouvellement de sa détention tous les six mois.

3 – Libérer les prisonniers malades

Les familles des prisonniers malades, de la région de Jénine, lancent un appel pour une campagne internationale pour faire libérer leurs enfants prisonniers, et dénoncer les crimes sionistes à l’encontre des prisonniers. La mère du prisonnier Mohammad Ghawardeh, qui a perdu un œil à cause d’une « erreur médicale » causée par les médecins de l’occupation, et le père du prisonnier Mohammad Adnane Mardawi, atteint d’une grave infection pulmonaire, et l’épouse du prisonnier Sami Issa Aridi, et celle du prisonnier Uthman Abu Kharaj, le frère du prisonnier Khalil Musbah et plusieurs autres membres des familles des prisonniers ont exprimé leur inquiétude quant à la négligence médicale intentionnelle de l’administration pénitentiaire de l’occupation, qui a entraîné le martyre de plusieurs prisonniers palestiniens et arabes.

Le résistant Mu’tassam Raddad, atteint de cancer, continue sa marche vers la mort certaine. Des appels sont lancés quotidiennement par les associations de la solidarité avec les prisonniers et la famille de Mu’tassam Raddad pour le libérer avant qu’il ne soit trop tard. Sa mère réclame qu’il soit soigné par une équipe médicale indépendante dans un hôpital spécialisé. De son côté sheikh Khodr Adnane, en visite à sa famille, a lancé un appel réclamant aux associations humanitaires dans le monde d’exiger la libération de ce combattant du mouvement du Jihad islamique. Il a déclaré que le résistant Mu’tassam Raddad pourrait être le prochain prisonnier martyr, après Mayssara Abu Hamdiyé.

Le résistant Nabil Moughir, de Jénine, détenu depuis 2001, est gravement malade. Depuis plusieurs années, il souffre de maux à l’estomac. Depuis 2008, il souffre d’une infection pulminaire non soignée, qui l’empêche de bien respirer. Il est condamné à 24 ans de prison.

La famille du résistant prisonnier Mahmoud Salman, arrêté depuis 1994 et détenu dans la chambre des soins intensifs à l’hôpital-prison de Ramleh, a lancé un cri d’alarme pour sauver son fils qui souffre depuis des années de maladies cardiaques et pulmonaires. Le prisonnier Mahmoud Salman est interdit de visite familiale depuis 8 ans. Son nom est inclus dans la liste des anciens prisonniers devant être libérés. Condamné à 17 perpétuités, il est originaire de la bande de Gaza.

Nadi al-Assir lance un appel pour faire libérer le prisonnier résistant Naïm Younes Shawamra, condamné à la perpétuité, et détenu depuis 1995, à cause de la détérioration de sa santé.

4 – Répression

Les forces spéciales chargées de la répression des prisonniers ont investi la prison de Eshel la nuit du 9 septembre, visant la cellule 10 où se trouvent les prisonniers résistants Mahmoud Issa et Salim Jubaa et d’autres. Elles ont brutalement agressé les prisonniers et les ont sortis de la cellule avant de commencer une fouille minutieuse de la cellule, jusqu’à 4 heures du matin. Les résistants prisonniers ont été particulièrement visés à cause de la grève de la faim qu’ils avaient menée en solidarité avec le résistant Darrar Abou Sissi.

Le résistant prisonnier Nahar Saadi, condamné à 4 perpétuités, est en cellule isolée depuis 4 mois. Il est du camp de Jénine et appartient au mouvement du Jihad islamique.

Les forces de l’occupation ont investi la section 6 de la prison de Meggido et entrepris une vaste opération de fouilles dans la prison. Pendant des heures, les prisonniers palestiniens ont été enfermés dans une pièce minuscule afin de subir une fouille minutieuse. Les prisonniers qui ont résisté à ces fouilles ont été privés de visites, isolés et interdits de sortir en « promenade ».

L’occupation a refusé la libération anticipée de la résistante Lina Jarbouni, la plus ancienne des prisonnières palestiniennes. Selon la loi de l’occupant, il est possible de réclamer la libération anticipée, après avoir été incarcéré les deux tiers de la période de condamnation. Lina Jarbouni, condamnée à 17 ans de prison, est toujours détenue depuis 11 ans. Origine de la ville de Arraba, en Galilée, elle fut accusée de participation à une opération militaire du mouvement du Jihad islamique.

5– Libération

Le prisonnier Waddah Alayan du camp Askar près de Nablus a été libéré après avoir pasé 10 ans dans les prisons de l’occupation sioniste.

Le résistant Assaad Marahil, cadre du mouvement du Jihad islamique dans le camp de Balata, a été libéré après trois ans de détention.

Le résistant Mohammad Joudeh du camp Ayda, près de Bethlehem, a été libéré après 9 ans de détention. Il fut arrêté et accusé d’être membre du mouvement Hamas.

6 – Arrestation et condamnation

Le tribunal sioniste a reporté la séance de jugement de la prisonnière Mona Qaadan, de Jénine. Mona Qaadan a été libérée après 3 ans et demi de détention, en détenue « administrative », puis arrêtée lors de la grève de la faim de son frère, Tareq Qaadan, qui est à présent libéré. La plupart des prisonnières palestiniennes sont arrêtées, sans jugement. La direction carcérale reporte sans cesse les séances de jugement. Pendant cette période, les prisonnières arrêtées ne peuvent recevoir de visite.

Le tribunal de l’occupation dans la ville occupée d’al-Quds a condamné le jeune Tareq Khaled Awda, 17 ans, à 38 mois de prison. Il a été arrêté au mois de janvier 2013 et accusé d’avoir résisté en lançant des cocktails molotov sur la colonie implantée à Selwan. Sa famille a déclaré qu’il a déjà été arrêté 4 fois, malgré son jeune âge.

Les services sécuritaires de l’AP ont arrêté 6 membres du mouvement Hamas en Cisjordanie, au début du mois de septembre. D’autre part, ils ont mis fin à l’incarcération de Samer al-Masri, qui a dû mener une grève de la faim de 12 jours pour retrouver sa liberté.

Les services sécuritaires du mouvement Fateh ont enlevé le dirigeant précédent du bloc islamique à l’université Bir-Zeit, Moussa Shou’ani, ancien prisonnier libéré et militant de la cause des prisonniers.

7 – Statistiques

Le centre Ahrar a déclaré qu’au mois d’août, 6 martyrs palestiniens sont tombés, tués par l’occupant sioniste, et 250 Palestiniens ont été arrêtés. 5 d’entre eux sont de la bande de Gaza, 55 de la région d’al-Khalil, 40 de la ville d’al-Quds, 45 de Nablus, 25 de Bethlehem, 10 de Qalqylia, 35 de Ramallah, 20 de Jénine, 5 de Toubas et 10 de Tulkarm. 10 Palestiniens ont été arrêtés aux barrages de l’occupant. Deux journalistes, Mohammad Chukri (26 ans) de Mohammad Mona (31 ans) de Nablus font partie des Palestiniens arrêtés.

8 – Enlèvement

Les forces de l’occupation ont arrêté le 2 septembre le directeur du suivi dans Nadi al-Assir, à Ramallah, Le prisonnier libéré Sami Hussayn, 43 ans. Il avait été libéré après un an de détention « administrative » et fait prisonnier, au total, 20 ans.

9– Solidarité

A Gaza, la branche féminine du mouvement du Jihad islamique a organisé début septembre un sit-in de solidarité avec les prisonniers palestiniens, devant les locaux du CICR.

En solidarité avec le prisonnier Yassin Abu Lafah, en grève de la faim pour protester contre sa détention « administrative », un rassemblement a eu lieu le samedi 7 septembre, devant son domicile au camp Askar, près de Nablus.

Un rassemblement de soutien au prisonnier malade Mu’tassam Raddad et tous les prisonniers malades a été organisé dans la ville Saïda, province de Tulkarm.

L’association internationale « Friends of human » réclame la libération du journaliste Mohammad Anwar Mona, 31, de Nablus. Le journaliste a été arrêté par les forces de l’occupation lors d’un raid sur la ville de Nablus, pendant le mois de Ramadan. Arrêté, il a été condamné à la détention « administrative » pour 6 mois, après avoir été torturé lors des interrogatoires.




Quatre heures à Chatila par Jean GENET

img4f82ed70e7386« L’affirmation d’une beauté propre aux révolutionnaires pose pas mal de difficultés.  On sait – on suppose – que les enfants jeunes ou des adolescents vivant dans des milieux anciens et sévères, ont une beauté de visage, de corps, de mouvement, de regards, assez proche de la beauté des feddayin. L’explication est peut être celle-ci : en brisant les ordres archaïques, une liberté neuve se fraye à travers les peaux mortes, et les pères et les grand-pères auront du mal à éteindre l’éclat des yeux, le voltage des tempes, l’allégresse du sang dans les veines…/…Avant la guerre d’Algérie, en France, les Arabes n’étaient pas beaux, leur dégaine était lourde, traînassante, leur gueule de travers, et presque soudainement la victoire les embellit, mais déjà , un peu avant qu’elle soit aveuglante, quand plus d’un demi-million de soldats français s’éreintaient et crevaient dans les Aurès et dans toute l’Algérie un curieux phénomène était perceptible, à l’oeuvre sur le visage et dans le corps des ouvriers arabes : quelque chose comme l’approche, le pressentiment d’une beauté encore fragile mais qui allait nous éblouir quand leurs écailles seraient enfin tombées de leur peau et de nos yeux. Il fallait accepter l’évidence qu’ils s’étaient libérés politiquement pour apparaître tels qu’il fallait les voir, très beaux. De la même façon, échappés des camps de réfugiés, échappés à la morale et à l’ordre des camps, à une morale imposée par la nécessité de survivre, échappés du même coup à la honte, les feddayin étaient très beaux ; ci comme celte beauté était nouvelle, c’est-à -dire neuve, c’est-à -dire naïve, elle était fraîche, si vive qu’elle découvrait immédiatement ce qui la mettait en accord avec toutes les beautés du monde s’arrachant à la honte. »

« A Chatila, à Sabra, des non-juifs ont massacré des non-juifs, en quoi cela nous concerne-t-il ? » – Menahem Begin (à la Knesset)

Personne, ni rien, aucune technique du récit, ne dira ce que furent les six mois passés par les feddayin dans les montagnes de Jerash et d’Ajloun en Jordanie, ni surtout leurs premières semaines. Donner un compte rendu des évènements, établir la chronologie, les réussites et les erreurs de l’OLP, d’autres l’ont fait. L’air du temps, la couleur du ciel, de la terre et des arbres, on pourra les dire, mais jamais faire sentir la légère ébriété, la démarche au dessus de la poussière, l’éclat des yeux, la transparence des rapports non seulement entre feddayin, mais entre eux et les chefs. Tous, tous, sous les arbres étaient frémissants, rieurs, émerveillés par une vie si nouvelle pour tous, et dans ces frémissements quelque chose d’étrangement fixe, aux aguets, protégé, réservé comme quelqu’un qui prie sans rien dire. Tout était à tous. Chacun en lui-même était seul. Et peut-être non. En somme souriants et hagards. La région jordanienne où ils s’étaient repliés, selon un choix politique, était un périmètre allant de la frontière syrienne à Salt, pour la longueur, délimitée par le Jourdain et par la route de Jerash à Irbid. Cette grande longueur était d’environ soixante kilomètres, sa profondeur vingt d’une région très montagneuse couverte de chênes verts, de petits villages jordaniens et d’une culture assez maigre. Sous les bois et sous les tentes camouflées les feddayin avaient disposé des unités des unités de combattants et des armes légères et semi-lourdes. Une fois sur place, l’artillerie, dirigée surtout contre d’éventuelles opérations jordaniennes, les jeunes soldats entretenaient les armes, les démontaient pour les nettoyer, les graisser, et les remontaient à toute vitesse. Quelques-uns réussissaient l’exploit de démonter et de remonter les armes les yeux bandés afin de pouvoir le réussir la nuit. Entre chaque soldat et son arme s’était établi un rapport amoureux et magique. Comme les feddayin avaient quitté depuis peu l’adolescence, le fusil en tant qu’arme était le signe de la virilité triomphante, et apportait la certitude d’être. L’agressivité disparaissait : le sourire montrait les dents.

Pour le reste du temps, les feddayin buvaient du thé, critiquaient leurs chefs et les gens riches, palestiniens et autres, insultaient Israël, mais parlaient surtout de la révolution, de celle qu’ils menaient et de celle qu’ils allaient entreprendre.

Pour moi, qu’il soit placé dans le titre, dans le corps d’un article, sur un tract, le mot « Palestiniens » évoque immédiatement des feddayin dans un lieu précis – la Jordanie – et à une époque que l’on peut dater facilement : octobre, novembre, décembre 70, janvier, février, mars, avril 1971. C’est à ce moment-là et c’est là que je connus la Révolution palestinienne. L’extraordinaire évidence de ce qui avait lieu, la force de ce bonheur d’être se nomme aussi la beauté.

Il se passa dix ans et je ne sus rien d’eux, sauf que les feddayin étaient au Liban. La presse européenne parlait du peuple palestinien avec désinvolture, dédain même. Et soudain, Beyrouth-Ouest.

* * *

Une photographie a deux dimensions, l’écran du téléviseur aussi, ni l’un ni l’autre ne peuvent être parcourus. D’un mur à l’autre d’une rue, arqués ou arc-boutés, les pieds poussant un mur et la tête s’appuyant à l’autre, les cadavres, noirs et gonflés, que je devais enjamber étaient tous palestiniens et libanais. Pour moi comme pour ce qui restait de la population, la circulation à Chatila et à Sabra ressembla à un jeu de saute-mouton. Un enfant mort peut quelquefois bloquer les rues, elles sont si étroites, presque minces et les morts si nombreux. Leur odeur est sans doute familière aux vieillards : elle ne m’incommodait pas. Mais que de mouches. Si je soulevais le mouchoir ou le journal arabe posé sur une tête, je les dérangeais. Rendues furieuses par mon geste, elles venaient en essaim sur le dos de ma main et essayaient de s’y nourrir. Le premier cadavre que je vis était celui d’un homme de cinquante ou soixante ans. Il aurait eu une couronne de cheveux blancs si une blessure (un coup de hache, il m’a semblé) n’avait ouvert le crâne. Une partie de la cervelle noircie était à terre, à côté de la tête. Tout le corps était couché sur une mare de sang, noir et coagulé. La ceinture n’était pas bouclée, le pantalon tenait par un seul bouton. Les pieds et les jambes du mort étaient nus, noirs, violets et mauves : peut-être avait-il été surpris la nuit ou à l’aurore ? Il se sauvait ? Il était couché dans une petite ruelle à droite immédiatement de cette entrée du camp de Chatila qui est en face de l’Ambassade du Koweït. Le massacre de Chatila se fit-il dans les murmures ou dans un silence total, si les Israéliens, soldats et officiers, prétendent n’avoir rien entendu, ne s’être doutés de rien alors qu’ils occupaient ce bâtiment, depuis le mercredi après-midi ?

La photographie ne saisit pas les mouches ni l’odeur blanche et épaisse de la mort. Elle ne dit pas non plus les sauts qu’il faut faire quand on va d’un cadavre à l’autre.

Si l’on regarde attentivement un mort, il se passe un phénomène curieux : l’absence de vie dans ce corps équivaut à une absence totale du corps ou plutôt à son recul ininterrompu. Même si on s’en approche, croit-on, on ne le touchera jamais. Cela si on le contemple. Mais un geste fait en sa direction, qu’on se baisse près de lui, qu’on déplace un bras, un doigt, il est soudain très présent et presque amical.

L’amour et la mort. Ces deux termes s’associent très vite quand l’un est écrit. Il m’a fallu aller à Chatila pour percevoir l’obscénité de l’amour et l’obscénité de la mort. Les corps, dans les deux cas, n’ont plus rien à cacher : postures, contorsions, gestes, signes, silences mêmes appartiennent à un monde et à l’autre. Le corps d’un homme de trente à trente-cinq ans était couché sur le ventre. Comme si tout le corps n’était qu’une vessie en forme d’homme, il avait gonflé sous le soleil et par la chimie de décomposition jusqu’à tendre le pantalon qui risquait d’éclater aux fesses et aux cuisses. La seule partie du visage que je pus voir était violette et noire. Un peu plus haut que le genou, la cuisse repliée montrait une plaie, sous l’étoffe déchirée. Origine de la plaie : une baïonnette, un couteau, un poignard ? Des mouches sur la plaie et autour d’elle. La tête plus grosse qu’une pastèque – une pastèque noire. Je demandai son nom, il était musulman.

– Qui est-ce ?

– Palestinien, me répondit en français un homme d’une quarantaine d’années. Voyez ce qu’ils ont fait.

téléchargement (4)Il tira sur la couverture qui couvrait les pieds et une partie des jambes. Les mollets étaient nus, noirs et gonflés. Les pieds, chaussés de brodequins noirs, non lacés, et les chevilles des deux pieds étaient serrées, et très fortement, par le noeud d’une corde solide – sa solidité était visible – d’environ trois mètres de long, que je disposai afin que madame S. (américaine) puisse photographier avec précision. Je demandai à l’homme de quarante ans si je pouvais voir le visage.

– Si vous voulez, mais voyez-le vous-même. Vous voulez m’aider à tourner sa tête ?

– Non.

– L’a-t-on tiré à travers les rues avec cette corde ?

– Je ne sais pas, monsieur.

– Qui l’a lié ?

– Je ne sais pas, monsieur.

– Les gens du commandant Haddad ?

– Je ne sais pas.

– Les Israéliens ?

– Je ne sais pas.

– Vous le connaissiez ?

– Oui.

– Vous l’avez vu mourir ?

– Oui.

– Qui l’a tué ?

– Je ne sais pas.

Il s’éloigna du mort et de moi assez vite. De loin il me regarda et il disparut dans une ruelle de traverse.

Quelle ruelle prendre maintenant ? J’étais tiraillé par des hommes de cinquante ans, par des jeunes gens de vingt, par deux vieilles femmes arabes, et j’avais l’impression d’être au centre d’une rose des vents, dont les rayons contiendraient des centaines de morts.

Je note ceci maintenant, sans bien savoir pourquoi en ce point de mon récit : « Les Français ont l’habitude d’employer cette expression fade « le sale boulot », eh bien, comme l’armée israélienne a commandé le « sale boulot » aux Kataëb, ou aux Haddadistes, les travaillistes ont fait accomplir le « sale boulot » par le Likoud, Begin, Sharon, Shamir. » Je viens de citer R., journaliste palestinien, encore à Beyrouth, le dimanche 19 septembre.

Au milieu, auprès d’elles, de toutes les victimes torturées, mon esprit ne peut se défaire de cette « vision invisible » : le tortionnaire comment était-il ? Qui était- il ? Je le vois et je ne le vois pas. Il me crève les yeux et il n’aura jamais d’autre forme que celle que dessinent les poses, postures, gestes grotesques des morts travaillés au soleil par des nuées de mouches.

S’ils sont partis si vite (les Italiens, arrivés en bateau avec deux jours de retard, s’enfuirent avec des avions Herculès !), les marines américains, les paras français, les bersaglieri italiens qui formaient une force de séparation au Liban, un jour ou trente-six heures avant leur départ officiel, comme s’ils se sauvaient, et la veille de l’assassinat de Béchir Gemayel, les Palestiniens ont-ils vraiment tort de se demander si Américains, Français, Italiens n’avaient pas été prévenus qu’il faille déguerpir à toutes pompes pour ne pas paraître mêlés à l’explosion de la maison des Kataëb ?

C’est qu’ils sont partis bien vite et bien tôt. Israël se vante et vante son efficacité au combat, la préparation de ses engagements, son habileté à mettre à profit les circonstances, à faire naître ces circonstances. Voyons : l’OLP quitte Beyrouth en gloire, sur un navire grec, avec une escorte navale. Béchir, en se cachant comme il peut, rend visite à Begin en Israël. L’intervention des trois armes (américaine, française, italienne) cesse le lundi. Mardi Béchir est assassiné. Tsahal entre à Beyrouth-Ouest le mercredi matin. Comme s’ils venaient du port, les soldats israéliens montaient vers Beyrouth le matin de l’enterrement de Béchir. Du huitième étage de ma maison, avec une jumelle, je les vis arriver en file indienne : une seule file. Je m’étonnais que rien d’autre ne se passe car un bon fusil à lunette aurait dû les descendre tous. Leur férocité les précédait.

Et les chars derrière eux. Puis les jeeps.

Fatigués par une si longue et matinale marche, ils s’arrêtèrent près de l’ambassade de France. Laissant les tanks avancer devant eux, entrant carrément dans le Hamra. Les soldats, de dix mètres en dix mètres, s’assirent sur le trottoir, le fusil pointé devant eux, le dos appuyé au mur de l’ambassade. Le torse assez, grand, ils me semblaient des boas qui auraient eu deux jambes allongées devant eux.

« Israël s’était engagé devant le représentant américain, Habib, à ne pas mettre les pieds à Beyrouth-Ouest et surtout à respecter les populations civiles des camps palestiniens. Arafat a encore la lettre par laquelle Reagan lui fait la même promesse. Habib aurait promis à Arafat la libération de neuf mille prisonniers. « Israël. Jeudi les massacres de Chatila et Sabra commencent. Le « bain sang » qu’Israël prétendait éviter en apportant l’ordre dans les camps !… » me dit un écrivain libanais.

« Il sera très facile à Israël de se dégager de toutes les accusations. Des journalistes dans tous les journaux européens s’emploient déjà à les innocenter : aucun ne dira que pendant les nuits de jeudi à vendredi et vendredi à samedi on parla hébreu à Chatila. » C’est ce que me dit un autre Libanais.

La femme palestinienne – car je ne pouvais pas sortir de Chatila sans aller d’un cadavre à l’autre et ce jeu de l’oie aboutirait fatalement à ce prodige : Chatila et Sabra rasés avec batailles de l’Immobilier afin de reconstruire sur ce cimetière très plat – la femme palestinienne était probablement âgée car elle avait des cheveux gris. Elle était étendue sur le dos, déposée ou laissée là sur des moellons, des briques, des barres de fer tordues, sans confort. D’abord j’ai été étonné par une étrange torsade de corde et d’étoffe qui allait d’un poignet à l’autre, tenant ainsi les deux bras écartés horizontaux, comme crucifiés. Le visage noir et gonflé tourné vers le ciel, montrait une bouche ouverte, noire de mouches, avec des dents qui me semblèrent très blanches, visage qui paraissait, sans qu’un muscle ne bougeât, soit grimacer soit sourire ou hurler d’un hurlement silencieux et ininterrompu. Ses bas étaient en laine noire, la robe à fleurs roses et grises, légèrement retroussée ou trop courte, je ne sais pas, laissait voir le haut des mollets noirs et gonflés, toujours avec de délicates teintes mauves auxquelles répondaient un mauve et un violet semblable aux joues. Etaient-ce des ecchymoses ou le naturel effet du pourrissement au soleil ?

– Est-ce qu’on l’a frappée à coups de crosse ?

– Regardez, monsieur, regardez ses mains.

Je n’avais pas remarqué. Les doigts des deux mains étaient en éventail et les dix doigts étaient coupés comme avec une cisaille de jardinier. Des soldats, en riant comme des gosses et en chantant joyeusement, s’étaient probablement amusés en découvrant cette cisaille et en l’utilisant.

– Regardez, monsieur.

Les bouts des doigts, les phalangettes, avec l’ongle, étaient dans la poussière. Le jeune homme qui me montrait, avec naturel, sans aucune emphase, le supplice des morts, remit tranquillement une étole sui le visage et sur les mains de la femme palestinienne, et un carton rugueux sur ses jambes. Je ne distinguai plus qu’un amas d’étoffe rose et gris, survolé de mouches.

Trois jeunes gens m’entraînent dans une ruelle.

– Entrez, monsieur, nous on vous attend dehors.

La première pièce était ce qui restait d’une maison de deux étages. Pièce assez calme, accueillante même, un essai de bonheur, peut-être un bonheur réussi avait été fait avec des restes, avec ce qui survit d’une mousse dans un pan de mur détruit, avec ce que je crus d’abord être trois fauteuils, en fait trois sièges d’une voiture (peut-être d’une mercédès au rebut), un canapé avec des coussins taillés dans une étoffe à fleurs de couleurs criardes et de dessins stylisés, un petit poste de radio silencieux, deux candélabres éteints. Pièce assez calme, même avec le tapis de douilles… Une porte battit comme s’il y avait un courant d’air. J’avançais sur les douilles et je poussai la porte qui s’ouvrait dans le sens de l’autre pièce, mais il me fallut forcer : le talon d’un soulier à tige l’empêchait de me laisser le passage, talon d’un cadavre couché sur le dos, près de deux autres cadavres d’hommes couchés sur le ventre, et reposant tous sur un autre tapis de douilles de cuivre. Je faillis plusieurs fois tomber à cause d’elles.

Au fond de cette pièce, une autre porte était ouverte, sans serrure, sans loquet. J’enjambai les morts comme on franchit des gouffres. La pièce contenait, entassés sur un seul lit, quatre cadavres d’hommes, l’un sur l’autre, comme si chacun d’eux avait eu la précaution de protéger celui qui était sous lui ou qu’ils aient été saisis par un rut érotique en décomposition. Cet amas de boucliers sentait fort, il ne sentait pas mauvais. L’odeur et les mouches avaient, me semblait-il, l’habitude de moi. Je ne dérangeais plus rien de ces ruines et de ce calme.

– Dans la nuit de jeudi à vendredi, durant celles de vendredi à samedi et samedi à dimanche, personne ne les a veillés, pensai-je.

Et pourtant il me semblait que quelqu’un était passé avant moi près de ces morts et après leur mort. Les trois jeunes gens m’attendaient assez loin de la maison, un mouchoir sur les narines.

C’est alors, en sortant de la maison, que j’eus comme un accès de soudaine et légère folie qui me fit presque sourire. Je me dis qu’on n’aurait jamais assez de planches ni de menuisiers pour faire des cercueils. Et puis, pourquoi des cercueils ? Les morts et les mortes étaient tous musulmans qu’on coud dans des linceuls. Quels métrages il faudrait pour ensevelir tant de morts ? Et combien de prières. Ce qui manquait en ce lieu, je m’en rendis compte, c’était la scansion des prières.

– Venez, monsieur, venez vite.

Il est temps d’écrire que cette soudaine et très momentanée folie qui me fit compter des mètres de tissu blanc donna à ma démarche une vivacité presque allègre, et qu’elle fut peut-être causée par la réflexion, entendue la veille, d’une amie palestinienne.

– J’attendais qu’on m’apporte mes clés (quelles clés : de sa voiture, de sa maison, je ne sais plus que le mot clés), un vieil homme est passé en courant.

– Où vas-tu ?

– Chercher de l’aide. Je suis le fossoyeur. Ils ont bombardé le cimetière. Tous les os des morts sont à l’air. Il faut m’aider à ramasser les os.

Cette amie est, je crois, chrétienne. Elle me dit encore : « Quand la bombe à vide – dite à implosion – a tué deux cent cinquante personnes, nous n’avions qu’une seule caisse. Les hommes ont creusé une fosse commune dans le cimetière de l’église orthodoxe. On remplissait la caisse et on allait la vider. On a fait le va-et-vient sous les bombes, en dégageant les corps et les membres comme on pouvait. »

Depuis trois mois les mains avaient une double fonction : le jour, saisir et toucher, la nuit, voir. Les coupures d’électricité obligeaient à cette éducation d’aveugles, comme à l’escalade, bi ou triquotidienne de la falaise de marbre blanc, les huit étages de l’escalier. On avait dû remplir d’eau tous les récipients de la maison Le téléphone fut coupé quand entrèrent à Beyrouth-Ouest, les soldats israéliens et avec eux les inscriptions hébraïques. Les routes le furent aussi autour de Beyrouth. Les chars Merkeba toujours en mouvement indiquaient qu’ils surveillaient toute la ville et en même temps on devinait leurs occupants effrayés que les chais ne deviennent une cible fixe. Certainement ils redoutaient l’activité de morabitounes et celle des feddayin qui avaient pu rester dans les secteurs de Beyrouth Ouest.

Le lendemain de l’entrée de l’armée israélienne nous étions prisonniers, or il m’a semblé que les envahisseurs étaient moins craints que méprisés ils causaient moins, d’effroi que de dégoût. Aucun soldat ne riait ni ne souriait. Le temps ici n’était certainement pas aux jets de riz ni de fleurs.

Depuis que les routes étaient coupées, le téléphone silencieux, privé de communication avec le reste du monde, pour la première fois de ma vie je me sentis devenir palestinien et haïr Israël.

A la Cité sportive, près de la route Beyrouth-Damas, stade déjà presque détruit par les pilonnages des avions, les Libanais livrent aux officiers israéliens des amas d’armes, paraît-il, toutes détériorées volontairement.

Dans l’appartement que j’occupe, chacun a son poste de radio. On écoute Radio-Kataëb, Radio-Morabitounes, Radio-Amman, Radio-Jérusalem (en français), Radio-Liban. On fait sans doute la même chose dans chaque appartement.

« Nous sommes reliés à Israël par de nombreux courants qui nous apportent des bombes, des chars, des soldats, des fruits, des légumes ; ils emportent en Palestine nos soldats, nos enfants… en un va-et-vient continu qui ne cesse plus, comme, disent-ils, nous sommes reliés à eux depuis Abraham, dans sa descendance, dans sa langue, dans la même origine… » (un feddaï palestinien). « Bref, ajoute-t-il, ils nous envahissent, ils nous gavent, ils nous étouffent et voudraient nous embrasser. Ils disent qu’ils sont nos cousins. Ils sont très attristés de voir qu’on se détourne d’eux. Ils doivent être furieux contre nous et contre eux-mêmes. »

* * *

L’affirmation d’une beauté propre aux révolutionnaires pose pas mal de difficultés. On sait – on suppose – que les enfants jeunes ou des adolescents vivant dans des milieux anciens et sévères, ont une beauté de visage, de corps, de mouvement, de regards, assez proche de la beauté des feddayin. L’explication est peut être celle-ci : en brisant les ordres archaïques, une liberté neuve se fraye à travers les peaux mortes, et les pères et les grand-pères auront du mal à éteindre l’éclat des yeux, le voltage des tempes, l’allégresse du sang dans les veines.

Sur les bases palestiniennes, au printemps de 1971, la beauté était subtilement diffuse dans une forêt animée par la liberté des feddayin. Dans les camps c’était une beauté encore différente, un peu plus étouffée, qui s’établissait par le règne des femmes et des enfants. Les camps recevaient une sorte de lumière venue des bases de combat et quant aux femmes, l’explication de leur éclat nécessiterait un long et complexe débat. Plus encore que les hommes, plus que les feddayin au combat, les femmes palestiniennes paraissaient assez fortes pour soutenir la résistance et accepter les nouveautés d’une révolution. Elles avaient déjà désobéi aux coutumes : regard direct soutenant le regard des hommes, refus du voile, cheveux visibles quelquefois complètement nus, voix sans fêlure. La plus courte et la plus prosaïque de leurs démarches était le fragment d’une avancée très sûre vers un ordre nouveau, donc inconnu d’elles, mais où elles pressentaient pour elles-mêmes la libération comme un bain et pour les hommes une fierté lumineuse. Elles étaient prêtes à devenir à la fois l’épouse et la mère des héros comme elles l’étaient déjà de leurs hommes.

Dans les bois d’Ajloun, les feddayin rêvaient peut-être à des filles, il semble plutôt que chacun dessinât sur lui-même – ou modelât par ses gestes – une fille collée contre lui, d’où cette grâce et cette force – avec leurs rires amusés – des feddayin en armes. Nous n’étions pas seulement dans l’orée d’une pré-révolution mais dans une indistincte sensualité. Un givre raidissant chaque geste lui donnait sa douceur.

Toujours, et tous les jours pendant un mois, à Ajloun toujours, j’ai vu une femme maigre mais forte, accroupie dans le froid, mais accroupie comme les Indiens des Andes, certains Africains noirs, les Intouchables de Tokyo, les Tziganes sur un marché, en position de départ soudain, s’il y a danger, sous les arbres, devant le poste de garde – une petite maison en dur, maçonnée très vite. Elle attendait, pieds nus, dans sa robe noire, galonnée à son rebord et au rebord des manches. Son visage était sévère mais non hargneux, fatigué mais non lassé. Le responsable du commando préparait une pièce à peu près nue, puis il lui faisait signe. Elle entrait dans la pièce. Refermait la porte, mais non à clé. Puis elle sortait, sans dire un mot, sans sourire, sur ses deux pieds nus elle retournait, très droite, jusqu’à Jerash, et au camp de Baq’a. Dans la chambre, réservée pour elle dans le poste de garde, j’ai su qu’elle enlevait ses deux jupes noires, détachait toutes les enveloppes et les lettres qui y étaient cousues, en faisait un paquet, cognait un petit coup à la porte. Remettait les lettres au responsable, sortait, partait sans avoir dit un mot. Elle revenait le lendemain.

D’autres femmes, plus âgées que celle-là , riaient de n’avoir pour foyer que trois pierres noircies qu’elles nommaient en riant, à Djebel Hussein (Amman) : « notre maison ». Avec quelle voix enfantine elles me montraient les trois pierres, et quelquefois la braise allumée en disant, rieuses : « Dârna. » Ces vieilles femmes ne faisaient partie ni de la révolution, ni de la résistance palestinienne : elles étaient la gaieté qui n’espère plus. Le soleil sur elles, continuait sa courbe. Un bras ou un doigt tendu proposait une ombre toujours plus maigre. Mais quel sol ? Jordanien par l’effet d’une fiction administrative et politique décidée par la France, l’Angleterre, la Turquie, l’Amérique… « La gaieté qui n’espère plus », la plus joyeuse car la plus désespérée. Elles voyaient encore une Palestine qui n’existait plus quand elles avaient seize ans, mais enfin elles avaient un sol. Elles n’étaient ni dessous ni dessus, dans un espace inquiétant où le moindre mouvement serait un faux mouvement. Sous les pieds nus de ces tragédiennes octogénaires et suprêmement élégantes, la terre était ferme ?

C’était de moins en moins vrai. Quand elles avaient fui Hébron sous les menaces israéliennes, la terre ici paraissait solide, chacun s’y faisait léger et s’y mouvait sensuellement dans la langue arabe. Les temps passant, il semblait que cette terre éprouvât ceci : les Palestiniens étaient de moins en moins supportables en même temps que ces Palestiniens, ces paysans, découvraient la mobilité, la marche, la course, le jeu des idées redistribuées presque chaque jour comme des cartes à jouer, les armes, montées, démontées, utilisées. Chacune des femmes, à tour de rôle, prend la parole. Elles rient. On rapporte de l’une d’elles une phrase :

– Des héros ! Quelle blague. J’en ai fait et fessé cinq ou six qui sont au djebel. Je les ai torchés. Je sais ce qu’ils valent, et je peux en faire d’autres.

Dans le ciel toujours bleu le soleil a poursuivi sa courbe, mais il est encore chaud. Ces tragédiennes à la fois se souviennent et imaginent. Afin d’être plus expressives, elles pointent l’index à la fin d’une période et elles accentuent les consonnes emphatiques. Si un soldat jordanien venait à passer, il serait ravi : dans le rythme des phrases il retrouverait le rythme des danses bédouines. Sans phrases, un soldat israélien, s’il voyait ces déesses, leur lâcherait dans le crâne une rafale de mitraillette.

* * *

Ici, dans ces ruines de Chatila, il n’y a plus rien. Quelques vieilles femmes, muettes, vite refermées sur une porte où un chiffon blanc est cloué. Des feddayin, très jeunes, j’en rencontrerai quelques-uns à Damas.

Le choix que l’on fait d’une communauté privilégiée, en dehors de la naissance alors que l’appartenance à ce peuple est native, ce choix s’opère par la grâce d’une adhésion non raisonnée, non que la justice n’y ait sa part, mais cette justice et toute la défense de cette communauté se font en vertu d’un attrait sentimental, peut-être même sensible, sensuel ; je suis français, mais entièrement, sans jugement, je défends les Palestiniens. Ils ont le droit pour eux puisque je les aime. Mais les aimerais-je si l’injustice n’en faisait pas un peuple vagabond ?

Les immeubles de Beyrouth sont à peu près tous touchés, dans ce qu’on appelle encore Beyrouth Ouest. Ils s’affaissent de différentes façons : comme un mille-feuilles serré par les doigts d’un King-Kong géant, indifférent et vorace, d’autres fois les trois ou quatre derniers étages s’inclinent délicieusement selon un plissé très élégant, une sorte de drapé libanais de l’immeuble. Si une façade est intacte, faites le tour de la maison, les autres façades sont canardées. Si les quatre façades restent sans fissures, la bombe lâchée de l’avion est tombée au centre et a fait un puits de ce qui était la cage d’escalier et de l’ascenseur.

A Beyrouth-Ouest, après l’arrivée des Israéliens, S. me dit : « La nuit était tombée, il devait être dix-neuf heures. Tout à coup un grand bruit de ferrailles, de ferrailles, de ferrailles. Tout le monde, ma soeur, mon beau-frère et moi, nous courons au balcon. Nuit très noire. Et de temps en temps, comme des éclairs à moins de cent mètres. Tu sais que presque en face de chez nous il y a une sorte de P.C. israélien : quatre chars, une maison occupée par des soldats et des officiers, et des sentinelles. La nuit. Et le bruit de ferrailles qui se rapproche. Les éclairs : quelques torches lumineuses. Et quarante ou cinquante gamins d’environ douze à treize ans qui frappaient en cadence des petits jerricans de fer, soit avec des pierres, soit avec des marteaux ou autre chose. Ils criaient, en le rythmant très fort : Là ilâh illâ Allah, Lâ Kataëb wa lâ yahoud. (11 n’est point de Dieu que Dieu, Non aux Kataëb, non aux juifs.) »

H. me dit : « Quand tu es venu à Beyrouth et à Damas en 1928, Damas était détruit. Le général Gouraud et ses troupes, tirailleurs marocains et tunisiens, avaient tiré et nettoyé Damas. Qui la population syrienne accusait-elle ?

Moi. – Les Syriens accusaient la France des massacres et des ruines de Damas.

Lui. – Nous accusons Israël des massacres de Chatila et de Sabra. Qu’on ne mette pas ces crimes sur le seul dos de leurs supplétifs Kataëb. Israël est coupable d’avoir fait entrer dans les camps deux compagnies de Kataëb, de leur avoir donné des ordres, de les avoir encouragé durant trois jours et trois nuits, de leur avoir apporté à boire et à manger, d’avoir éclairé les camps de la nuit. »

Encore H., professeur d’histoire. Il me dit : « En 1917 le coup d’Abraham est réédité, ou, si tu veux, Dieu était déjà la préfiguration de lord Balfour. Dieu, disaient et disent encore les juifs, avait promis une terre de miel et de lait à Abraham et à sa descendance, or cette contrée, qui n’appartenait pas au dieu des juifs (ces terres étaient pleines de dieux), cette contrée était peuplée des Cananéens, qui avaient aussi leurs dieux, et qui se battirent contre les troupes de Josué jusqu’à leur voler cette fameuse arche d’alliance sans laquelle les juifs n’auraient pas eu de victoire. L’Angleterre qui, en 1917, ne possédait pas encore la Palestine (cette terre de miel et de lait) puisque le traité qui lui en accorde le mandat n’avait pas encore été signé.

– Begin prétend qu’il est venu dans le pays.

– C’est le titre d’un film : « Une si longue absence ». Ce Polonais, vous le voyez en héritier du roi Salomon ? »

Dans les camps, après vingt ans d’exil, les réfugiés rêvaient de leur Palestine, personne n’osait savoir ni n’osait dire qu’Israël l’avait de fond en comble ravagée, qu’à la place du champ d’orge il y avait la banque, la centrale électrique au lieu d’une vigne rampante.

– On changera la barrière du champ ?

– Il faudra refaire une partie du mur près du figuier.

– Toutes les casseroles doivent être rouillées : toile émeri à acheter.

– Pourquoi ne pas faire mettre aussi l’électricité dans l’écurie ?

– Ah non, les robes brodées à la main c’est fini : tu me donneras une machine à coudre et une à broder.

La population âgée des camps était misérable, elle le fut peut-être aussi en Palestine mais la nostalgie y fonctionnait d’une façon magique. Elle risque de rester prisonnière des charmes malheureux des camps. II n’est pas sûr que cette fraction palestinienne les quitte avec regret. C’est en ce sens qu’un extrême dénuement est passéiste. L’homme qui l’aura connu, en même temps que l’amertume aura connu une joie extrême, solitaire, non communicable. Les camps de Jordanie, accrochés à des pentes pierreuses sont nus, mais à leur périphérie il y a des nudités plus désolées : baraquements, tentes trouées, habitées de familles dont l’orgueil est lumineux. C’est ne rien comprendre au coeur humain que nier que des hommes peuvent s’attacher et s’enorgueillir de misères visibles et cet orgueil est possible car la misère visible a pour contrepoids une gloire cachée.

La solitude des morts, dans le camp de Chatila, était encore plus sensible parce qu’ils avaient des gestes et des poses dont ils ne s’étaient pas occupés. Morts n’importe comment. Morts laissés à l’abandon. Cependant, dans le camp, autour de nous, toutes les affections, les tendresses, les amours flottaient, à la recherche des Palestiniens qui n’y répondraient plus.

– Comment dire à leurs parents, qui sont partis avec Arafat, confiants dans les promesses de Reagan, de Mitterrand, de Pertini, qui les avaient assurés qu’on ne toucherait pas à la population civile des camps ? Comment dire qu’on a laissé massacrer les enfants, les vieillards, les femmes, et qu’on abandonne leurs cadavres sans prières ? Comment leur apprendre qu’on ignore où ils sont enterrés ?

Les massacres n’eurent pas lieu en silence et dans l’obscurité. Eclairées par les fusées lumineuses israéliennes, les oreilles israéliennes étaient, dès le jeudi soir, à l’écoute de Chatila. Quelles fêtes, quelles bombances se sont déroulées là où la mort semblait participer aux joyeusetés des soldats ivres de vin, ivres de haine, et sans doute ivres de la joie de plaire à l’armée israélienne qui écoutait, regardait, encourageait, tançait. Je n’ai pas vu cette armée israélienne à l’écoute et à l’oeil. J’ai vu ce qu’elle a fait.

A l’argument : « Que gagnait Israël à assassiner Béchir : à entrer à Beyrouth, rétablir l’ordre et éviter le bain de sang. »

– Que gagnait Israël à massacrer Chatila ? Réponse : « Que gagnait-il à entrer au Liban ? Que gagnait-il à bombarder pendant deux mois la population civile : à chasser et détruire les Palestiniens. Que voulait-il gagner à Chatila : détruire les Palestiniens. »

Il tue des hommes, il tue des morts. Il rase Chatila. Il n’est pas absent de la spéculation immobilière sur le terrain aménagé : c’est cinq millions anciens le mètre carré encore ravagé. Mais « propre » ce sera ?…

Je l’écris à Beyrouth où, peut-être à cause du voisinage de la mort, encore à fleur de terre, tout est plus vrai qu’en France : tout semble se passer comme si, lassé, accablé d’être un exemple, d’être intouchable, d’exploiter ce qu’il croit être devenu : la sainte inquisitoriale et vengeresse, Israël avait décidé de se laisser juger froidement.

Grâce à une métamorphose savante mais prévisible, le voici tel qu’il se préparait depuis si longtemps : un pouvoir temporel exécrable, colonisateur comme on ne l’ose guère, devenu l’Instance Définitive qu’il doit à sa longue malédiction autant qu’à son élection.

De nombreuses questions restent posées :

Si les Israéliens n’ont fait qu’éclairer le camp, l’écouter, entendre les coups de feu tirés par tant de munitions dont j’ai foulé les douilles (des dizaines de milliers), i tirait réellement ? Qui, en tuant, risquait sa peau ? Phalangistes ? Haddadistes ? Qui ? Et combien ?

Où sont passées les armes qui ont fait toutes ces morts ? Et où les armes de ceux i se sont défendus ? Dans la partie du camp que j’ai visitée, je n’ai vu que deux armes anti-char non employées.

Comment sont entrés les assassins dans les camps ? Les Israéliens étaient-ils à toutes les issues commandant Chatila ? En tout cas, le jeudi ils étaient déjà à l’hôpital de Acca, face à une ouverture du camp.

On a écrit, dans les journaux, que les Israéliens sont entrés dans le camp de Chatila dès qu’ils ont connu les massacres, et qu’ils les ont fait cesser aussitôt, donc le samedi. Mais qu’ont-ils fait des massacreurs, qui sont partis où ?

Après l’assassinat de Béchir Gemayel et de vingt de ses camarades, après les massacres, quand elle sut que je revenais de Chatila, madame B., de la haute bourgeoisie de Beyrouth, vint me voir. Elle monta – pas d’électricité – les huit étages l’immeuble – je la suppose âgée, élégante mais âgée.

– Avant la mort de Béchir, avant les massacres, vous aviez raison de me dire que le pire était en marche. Je l’ai vu.

– Ne me dites surtout pas ce que vous avez vu à Chatila, je vous en prie. Mes nerfs sont trop fragiles, je dois les ménager afin de supporter le pire qui n’est pas encore arrivé.

Elle vit, seule avec son mari (soixante-dix ans) et sa bonne dans un grand appartement à Ras Beyrouth. Elle est très élégante. Très soignée. Ses meubles sont de /le, je crois Louis XVI.

– Nous savions que Béchir était allé en Israël. Il a eu tort. Quand on est chef d’état élu, on ne fréquente pas ces gens-là . J’étais sûre qu’il lui arriverait malheur. Mais je ne veux rien savoir. Je dois ménager mes nerfs pour supporter les coups terribles qui ne sont pas encore venus. Béchir devait retourner cette lettre où monsieur Begin l’appelait son cher ami.

La haute bourgeoisie, avec ses serviteurs muets, a sa façon de résister. Madame B. et son mari ne « croient pas tout à fait à la métempsychose ». Que se passera-t-il s’ils renaissent en forme d’Israéliens ?

Le jour de l’enterrement de Béchir est aussi le jour de l’entrée à Beyrouth-Ouest de l’armée israélienne. Les explosions se rapprochent de l’immeuble où nous sommes ; finalement, tout le monde descend à l’abri, dans une cave. Des ambassadeurs, des médecins, leurs femmes, les filles, un représentant de l’ONU au Liban, leurs domestiques.

– Carlos, apportez-moi un coussin.

– Carlos, mes lunettes.

– Carlos, un peu d’eau.

Les domestiques, car eux aussi parlent français, sont acceptés dans l’abri. Il faut peut-être aussi les sauvegarder, leurs blessures, leur transport à l’hôpital ou au cimetière, quelle affaire !

Il faut bien savoir que les camps palestiniens de Chatila et de Sabra, c’est des kilomètres et des kilomètres de ruelles très étroites – car, ici, même les ruelles soin si maigres, si squelettiques parfois que deux personnes ne peuvent avancer que si l’une marche de profil – encombrées de gravats, de parpaings, de briques, de guenilles multicolores et sales, et la nuit, sous la lumière des fusées israéliennes qui éclairaient les camps, quinze ou vingt tireurs, même bien armés, n’auraient pas réussi à faire cette boucherie. Les tueurs ont opéré, mais nombreux, et probablement des escouades de tortionnaires qui ouvraient des crânes, tailladaient des cuisses, coupaient des bras, des mains et des doigts, traînaient au bout d’une corde des agonisants entravés, des hommes et des femmes vivant encore puisque le sang a longtemps coulé des corps, à tel point que je ne pus savoir qui, dans le couloir d’une maison, avait laissé ce ruisseau de sang séché, du fond du couloir où était la mare jusqu’au seuil où il se perdait dans la poussière. Etait-ce un Palestinien ? Une femme ? Un phalangiste dont on avait évacué le corps ?

De Paris, surtout si l’on ignore la topographie des camps, on peut en effet douter de tout. On peut laisser Israël affirmer que les journalistes de Jérusalem furent les premiers à annoncer le massacre. En direction des pays arabes et en langue arabe comment le dirent-ils ? En langue anglaise et en français, comment ? Et précisément quand ? Quand on songe aux précautions dont on s’entoure en Occident dès qu’on constate un décès suspect, les empreintes, l’impact des balles, les autopsies et contre-expertises ! A Beyrouth, à peine connu le massacre, l’armée libanaise officiellement prenait en charge les camps et les effaçait aussitôt, les ruines des maisons comme celles des corps. Qui ordonna cette précipitation ? Après pourtant celle affirmation qui courut le monde : chrétiens et musulmans se sont entretués, et après que les caméras eurent enregistré la férocité de la tuerie.

L’hôpital de Acca occupé par les Israéliens, en face d’une entrée de Chatila, n’est pas à deux cents mètres du camp, mais à quarante mètres. Rien vu, rien entendu, rien compris ?

sharonchatillaCar c’est bien ce que déclare Begin à la Knesset : « Des non-juifs ont massacré des non-juifs, en quoi cela nous concerne-t-il ? »

Interrompue un moment ma description de Chatila doit se terminer. Voici les morts que je vis en dernier, le dimanche, vers deux heures de l’après-midi, quand la Croix-Rouge internationale entrait avec ses bulldozers. L’odeur cadavérique ne sortait ni d’une maison ni d’un supplicié : mon corps, mon être semblaient l’émettre. Dans une rue étroite, dans un redan de mur en arête, j’ai cru voir un boxeur noir assis par terre, rieur, étonné d’être K.O. Personne n’avait eu le courage de lui fermer les paupières, ses yeux exorbités, de faïence très blanche, me regardaient. Il paraissait déconfit, le bras levé, adossé à cet angle du mur. C’était un Palestinien, mort depuis deux ou trois jours. Si je l’ai pris d’abord pour un boxeur nègre, c’est que sa tête était énorme, enflée et noire, comme toutes les têtes et tous les corps, qu’ils soient au soleil ou à l’ombre des maisons. Je passai près de ses pieds. Je ramassai dans la poussière un dentier de mâchoire supérieure que je posai sur ce qui restait des montants d’une fenêtre. Le creux de sa main tendue vers le ciel, sa bouche ouverte, l’ouverture de son pantalon où manquait la ceinture : autant de ruches où les mouches se nourrissaient.

Je franchis un autre cadavre, puis un autre. Dans cet espace de poussière, entre les deux morts, il y avait enfin un objet très vivant, intact dans ce carnage, d’un rose translucide, qui pouvait encore servir : la jambe artificielle, apparemment en matière plastique, et chaussée d’un soulier noir et d’une chaussette grise. En regardant mieux, il était clair qu’on l’avait arrachée brutalement à la jambe amputée, car les courroies qui habituellement la maintenaient à la cuisse, toutes étaient rompues.

Cette jambe artificielle appartenait au deuxième mort. Celui de qui je n’avais vu qu’une jambe et un pied chaussé d’un soulier noir et d’une chaussette grise.

Dans la rue perpendiculaire à celle où j’ai laissé les trois morts, il y en avait un autre. Il ne bouchait pas complètement le passage, mais il se trouvait couché au début de la rue, de sorte que je dus le dépasser et me retourner pour voir ce spectacle : assis sur une chaise, entourée de femmes et d’hommes encore jeunes qui se taisaient, sanglotait une femme – vêtements de femme arabe – qui me parut avoir seize ou soixante ans. Elle pleurait son frère dont le corps barrait presque la rue. Je vins près d’elle. Je regardai mieux. Elle avait une écharpe nouée sous le cou. Elle pleurait, elle se lamentait sur la mort de son frère, à côté d’elle. Son visage était rose – un rose d’enfant, à peu près uniforme, très doux, tendre – mais sans cils ni sourcils, et ce que je croyais rose n’était pas l’épiderme mais le derme bordé par un peu de peau grise. Tout le visage était brûlé. Je ne puis savoir par quoi, mais je compris par qui.

Aux premiers morts, je m’étais efforcé de les compter. Arrivé à douze ou quinze, enveloppé par l’odeur, par le soleil, butant dans chaque ruine, je ne pouvais plus, tout s’embrouillait.

Des maisons éventrées et d’où sortent des édredons, des immeubles effondrés, j’en ai vu beaucoup, avec indifférence, en regardant ceux de Beyrouth-Ouest, ceux de Chatila je voyais l’épouvante. Les mots, qui me sont généralement très vite familiers, amicaux même, en voyant ceux des camps je ne distinguais plus que la haine et la joie de ceux qui les ont tués. Une fête barbare s’était déroulée là : rage, ivresse, danses, chants, jurons, plaintes, gémissements, en l’honneur des voyeurs qui riaient au dernier étage de l’hôpital de Acca.

Avant la guerre d’Algérie, en France, les Arabes n’étaient pas beaux, leur dégaine était lourde, traînassante, leur gueule de travers, et presque soudainement la victoire les embellit, mais déjà , un peu avant qu’elle soit aveuglante, quand plus d’un demi-million de soldats français s’éreintaient et crevaient dans les Aurès et dans toute l’Algérie un curieux phénomène était perceptible, à l’oeuvre sur le visage et dans le corps des ouvriers arabes : quelque chose comme l’approche, le pressentiment d’une beauté encore fragile mais qui allait nous éblouir quand leurs écailles seraient enfin tombées de leur peau et de nos yeux. Il fallait accepter l’évidence qu’ils s’étaient libérés politiquement pour apparaître tels qu’il fallait les voir, très beaux. De la même façon, échappés des camps de réfugiés, échappés à la morale et à l’ordre des camps, à une morale imposée par la nécessité de survivre, échappés du même coup à la honte, les feddayin étaient très beaux ; ci comme celte beauté était nouvelle, c’est-à -dire neuve, c’est-à -dire naïve, elle était fraîche, si vive qu’elle découvrait immédiatement ce qui la mettait en accord avec toutes les beautés du monde s’arrachant à la honte.

Beaucoup de macs algériens, qui traversaient la nuit de Pigalle, utilisaient leurs atouts au profil de la révolution algérienne. La vertu était là aussi. C’est, je crois, Hannah Arendt qui distingue les révolutions selon qu’elles envisagent la liberté ou la vertu – donc le travail. Il faudrait peut-être reconnaître que les révolutions ou les libérations se donnent – obscurément – pour fin de trouver ou retrouver la beauté, c’est à dire l’impalpable, innommable autrement que par ce vocable. Ou plutôt non par la beauté entendons une insolence rieuse que narguent la misère passée, les systèmes et les hommes responsables de la misère et de la honte, mais insolence rieuse qui s’aperçoit que l’éclatement, hors de la honte, était facile.

Mais, dans cette page, il devait être question surtout de ceci : une révolution en est-elle une quand elle n’a pas fait tomber des visages et des corps la peau morte qui les avachissait. Je ne parle pas d’une beauté académique, mais de l’impalpable – innommable – joie des corps, des visages, des cris, des paroles qui cessent d’elle mornes, je veux dire une joie sensuelle et si forte qu’elle veut chasser tout érotisme.

* * *

Me revoici à Ajloun, en Jordanie, puis à Irbid. Je retire ce que je crois être un de mes cheveux blancs tombé sur mon chandail et je le pose sur un genou de Hamza,, assis près de moi. Il le prend entre le pouce, le majeur, le regarde sourit, le met dans la poche de son blouson noir, y appuie sa main en disant ;

– Un poil de la barbe du Prophète vaut moins que ça.

Il respire un peu plus large et reprend :

– Un poil de la barbe du prophète ne vaut pas plus que ça.

Il n’avait que vingt-deux ans, sa pensée bondissait à l’aise très au-dessus des Palestiniens de quarante ans, mais il avait déjà sur lui les signes – sur lui : sur son corps, dans ses gestes – qui le rattachaient aux anciens.

Autrefois les laboureurs se mouchaient dans leurs doigts. Un claquement envoyait la morve dans les ronces. Ils se passaient sous le nez leurs manches de velours côtelé qui, au bout d’un mois, était recouverte d’une légère nacre. Ainsi les feddayin. Ils se mouchaient comme les marquis, les prélats prisaient : un peu voûtés. J’ai fait la même chose qu’eux, qu’ils m’ont apprise sans s’en douter.

Et les femmes ? Jour et nuit broder les sept robes (une par jour de la semaine) du trousseau de fiançailles offert par un époux généralement âgé choisi par la famille, éveil affligeant. Les jeunes Palestiniennes devinrent très belles quand elles se révoltèrent contre le père et cassèrent leurs aiguilles et les ciseaux à broder. C’est sur les montagnes d’Ajloun, de Sait et d’Irbid, sur les forêts elles-mêmes que s’était déposée toute la sensualité libérée par la révolte et les fusils, n’oublions pas les fusils : cela suffisait, chacun était comblé. Les feddayin sans s’en rendre compte – est-ce vrai ? – mettaient au point une beauté neuve : la vivacité des gestes et leur lassitude visible, la rapidité de l’oeil et sa brillance, le timbre de la voix plus claire s’alliaient à la promptitude de la réplique et à sa brièveté. A sa précision aussi. Les phrases longues, la rhétorique savante et volubile, ils les avaient tuées.

A Chatila, beaucoup sont morts et mon amitié, mon affection pour leurs cadavres pourrissants était grande aussi parce que je les avais connus. Noircis, gonflés, pourris par le soleil et la mort, ils restaient des feddayin.

Vers les deux heures de l’après-midi, dimanche, trois soldats de l’armée libanaise, fusil pointé, me conduisirent à une jeep où somnolait un officier. Je lui demandai :

– Vous parlez français ?

– English.

La voix était sèche, peut-être parce que je venais de la réveiller en sursaut.

Il regarda mon passeport. Il dit, en français :

– Vous venez de là -bas ? (Son doigt montrait Chatila.)

– Oui.

– Et vous avez vu ?

– Oui.

– Vous allez l’écrire ?

– Oui.

Il me rendit le passeport. Il me fit signe de partir. Les trois fusils s’abaissèrent. J’avais passé quatre heures à Chatila. Il restait dans ma mémoire environ quarante cadavres. Tous – je dis bien tous – avaient été torturés, probablement dans l’ivresse, dans les chants, les rires, l’odeur de la poudre et déjà de la charogne.

Sans doute j’étais seul, je veux dire seul Européen (avec quelques vieilles femmes palestiniennes s’accrochant encore à un chiffon blanc déchiré ; avec quelques jeunes feddayin sans armes) mais si ces cinq ou six êtres humains n’avaient pas été là et que j’ai découvert cette ville abattue, les Palestiniens horizontaux, noirs et gonflés, je serais devenu fou. Ou l’ai-je été ? Cette ville en miettes et par terre que j’ai vue ou cru voir, parcourue, soulevée, portée par la puissante odeur de la mort, tout cela avait-il eu lieu ?

Je n’avais exploré, et mal, que le vingtième de Chatila et de Sabra, rien de Bir Hassan, et rien de Bourj et de Barajné.

* * *

Ce n’est pas à mes inclinaisons que je dois d’avoir vécu la période jordanienne comme une féerie. Des Européens et des Arabes d’Afrique du Nord m’ont parlé du sortilège qui les avait tenus là -bas. En vivant cette longue poussée de six mois, à peine teintée de nuit pendant douze ou treize heures, j’ai connu la légèreté de l’événement, l’exceptionnelle qualité des feddayin, mais je pressentais la fragilité de l’édifice. Partout, où l’armée palestinienne en Jordanie s’était regroupée – prés du Jourdain – il y avait des postes de contrôle où les feddayin étaient si sûrs de leurs droits et de leur pouvoir que l’arrivée d’un visiteur, de jour ou de nuit, à l’un des postes de contrôle, était l’occasion de préparer du thé, de parler avec des éclats de rire et de fraternels baisers (celui qu’on embrassait partait cette nuit, traversait le Jourdain pour poser des bombes en Palestine, et souvent ne revenait pas). Les seuls îlots de silence étaient les villages jordaniens : ils la bouclaient. Tous les feddayin paraissaient légèrement soulevés du sol comme par un très subtil verre de vin ou la goulée d’un peu de hachich. C’était quoi ? La jeunesse insouciante de la mort et qui possédait, pour tirer en l’air, des armes tchèques et chinoises. Protégés par des armes qui pétaient si haut, les feddayin ne craignaient rien.

Si quelque lecteur a vu une carte géographique de la Palestine et de la Jordanie, il sait que le terrain n’est pas une feuille de papier. Le terrain, au bord du Jourdain, est très en relief. Toute cette équipée aurait dû porter en sous-titre « Songe d’une nuit d’été » malgré les coups de gueule des responsables de quarante ans. Tout cela était possible à cause de la jeunesse, du plaisir d’être sous les arbres, de jouer avec des armes, d’être éloigné des femmes, c’est-à -dire d’escamoter un problème difficile, d’être le point le plus lumineux parce que le plus aigu de la révolution, d’avoir l’accord de la population des camps, d’être photogénique quoi qu’on fasse, peut-être de pressentir que cette féerie à contenu révolutionnaire serait d’ici peu saccagée : les feddayin ne voulaient pas le pouvoir, ils avaient la liberté.

téléchargement (9)Au retour de Beyrouth, à l’aéroport de Damas, j’ai rencontré de jeunes feddayin, échappés de l’enfer israélien. Ils avaient seize ou dix-sept ans : ils riaient, ils étaient semblables à ceux d’Ajloun. Ils mourront comme eux. Le combat pour un pays peut remplir une vie très riche, mais courte. C’est le choix, on s’en souvient, d’Achille dans l’Iliade.

JEAN GENET

http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=11193




Massacres de Sabra et Chatila : bientôt la fin du sionisme ?

L’histoire de l’entité coloniale nommée Israël n’a été qu’une longue et sombre histoire de guerres, de massacres et de spoliation. Du 15 septembre au 18 septembre 1982, les habitants palestiniens et libanais des camps de réfugiés de Sabra et Chatila dans la partie occidentale de Beyrouth sont encerclés et méthodiquement massacrés par l’armée israélienne sous commandement d’Ariel Sharon et les milices chrétiennes libanaises. On parle alors de 3000 victimes mais les chiffres, faute d’enquête indépendante, apparaissent très en deçà de la réalité. Comme à leur habitude, les sionistes couvrent l’histoire de leur voile de mensonges. L’intervention dans les camps de Sabra et Chatila aurait eu pour objectif de démanteler les structures opérationnelles de L’OLP. Mais dès le 1er septembre 1982, les 11 000 combattants de l’OLP avaient quitté Beyrouth. L’objectif inavoué, avéré, du bain de sang prémédité et perpétré par les sionistes et les phalangistes était de terroriser les réfugiés palestiniens pour les éloigner davantage de la terre de Palestine, pour empêcher tout retour réel dans leur patrie et faire du droit au retour un droit totalement illusoire.

Sabra et Chatila n’est malheureusement qu’un épisode dans le plan sioniste d’annexion et de judaïsation de toute la Palestine. L’ère des massacres commence dès la création de l’Etat d’Israël. Pour ne citer que les plus importants, il y eut celui de Deir Yassine (1948), de Qibia (1954), de Jenine (2002) ou de Gaza (2009). L’Etat d’Israël a été édifié sur la Nakba ou « grande catastrophe » pour les Palestiniens : 500 villages furent rasés de la carte, les terres expropriées et 800000 Palestiniens forcés à l’exil. Le massacre de Deir Yassine, au cours duquel périrent 254 personnes, s’inscrit ainsi dans la logique sioniste de purification ethnique : il a précipité le départ des populations palestiniennes vers l’exil. Aujourd’hui, les réfugiés palestiniens, au nombre de 7,3 millions, attendent toujours l’application de la résolution 194 de l’ONU sur le droit au retour voté en 1948 !

Parce que la situation politique a radicalement changé, le transfert massif des Palestiniens n’est plus une option envisageable pour les sionistes. Malgré le déluge de feu qui s’est abattu sur Gaza en décembre 2008 et janvier 2009 faisant plus de 1500 morts et 5000 blessés, Gaza n’est pas tombée. Malgré le blocus sévère imposé au territoire palestinien, la résistance armée s’est même renforcée. L’entité sioniste a pu en faire le constat cuisant lors de l’attaque de novembre de 2012 pendant laquelle la riposte palestinienne a été d’une intensité inconnue jusqu’alors. Avec la défaite au Liban en juillet 2006, cet évènement révèle que l’armée sioniste n’est plus libre de massacrer le peuple palestinien en toute impunité. Elle doit maintenant faire face à des mouvements de résistance parfaitement organisés qui cernent son territoire. Au niveau politique, les attaques de Gaza ont renforcé la mobilisation pro-palestinienne à travers le monde et a remis fortement en question la légitimité de l’Etat sioniste.

Par ailleurs depuis 2011, les révoltes populaires dans l’ensemble du monde arabe et musulman ont ébranlé l’ordre politique régional imposé dans l’intérêt de l’entité sioniste. Partout les peuples sont clairement antisionistes et exigent l’arrêt de toute collaboration avec «Israël».

Face à ces mouvements populaires qui s’inscrivent dans une logique de contestation du néo-colonialisme et du sionisme, les puissances occidentales mettent tout en œuvre pour briser l’élan révolutionnaire. Après avoir instauré le chaos en Libye et imposé un régime aux ordres dans le but de faire main basse sur le pétrole, l’Occident s’acharne désormais sur la Syrie. « Au nom des droits de l’homme et de la démocratie », il s’agit de substituer au régime Baasiste de Bachar al Assad, une coalition politique prête à collaborer sur un plan économique et géostratégique avec le bloc impérialo-sioniste. Il s’agit surtout de briser l’axe de la résistance régionale au sionisme, axe constitué de l’Iran, de la Syrie, du Hezbollah, des factions nationalistes libanaises anti-israéliennes et de la résistance palestinienne.

A présent, les peuples arabes et la résistance palestinienne doivent surmonter une intense offensive contre-révolutionnaire. L’impérialisme et ses alliés historiques locaux, Arabie-Saoudite et Qatar principalement, ont envoyé des mercenaires et instrumentalisé des « djihadistes » pour déstabiliser la Syrie et la menace pèse sur d’autres Etats « non-alignés » de la région comme l’Iran et Algérie en espérant ainsi les faire plier.

Mais l’hégémonie occidentale et sioniste est en déclin. Des puissances émergentes telles que la Chine, lla Russie et des Etats du «Mouvement des Non-Alignés » (Venezuela, Afrique du Sud, Algérie…) s’opposent aux ingérences occidentales et à leur politique du canon au Moyen-Orient. Les enjeux de cette tentative de déstabilisation sont clairs : il s’agit de diviser le pays sur des bases confessionnelles ou ethniques afin d’isoler, d’affaiblir et sans doute attaquer l’Iran, le seul grand ennemi d’”Israël” dans la région. Cet interventionnisme à tout va de l’Occident est bien le signe de l’essoufflement de sa domination dans cette partie du monde, comme semblent le montrer les échecs en Palestine, au Liban, en Irak, en Afghanistan et bientôt en Syrie.

En Palestine, l’ «Autorité palestinienne» poursuit la coopération sécuritaire et économique avec l’occupant. Les négociations conduites actuellement sous l’égide des Etats-Unis ne trompent personne. Comme toutes les précédentes négociations, l’objectif est bien de permettre à ‘Israël” de se donner le temps pour coloniser les terres palestiniennes qui lui échappent. D’ailleurs, de plus en plus de voix s’élèvent contre cette mascarade appelée “négociations”

La « judaïsation » d’Al-Quds s’amplifie et les assassinats racistes de Palestiniens de tous âges continuent. Dans un contexte politique régional pourtant favorable à la cause palestinienne, l’absence de vision stratégique du Hamas, son errance en matière d’alliance géopolitique, et l’allégeance de certains de ses leaders aux pétromonarchies du Golfe, entravent la lutte de libération nationale palestinienne. Mais le peuple reste déterminé et n’accepte ni les compromissions ni les concessions, refusant ainsi l’attentisme et le statu quo des organisations politiques. Dans les prisons, les résistants poursuivent sans relâche leur combat.

En Palestine occupée, le peuple palestinien est toujours debout, résistant depuis plus de soixante ans contre l’infernale machine de guerre coloniale israélienne. Il nous indique la voie à suivre. Nous, membres du CAP, nous sommes à ses côtés sur ce chemin pour réaffirmer que la Palestine est arabe, et soutenir sa lutte jusqu’à la victoire de la résistance et la satisfaction des revendications légitimes :

* La condamnation du sionisme comme mouvement politique colonialiste et raciste.

* Le soutien inconditionnel à la résistance du peuple palestinien et à son combat pour son autodétermination et son indépendance nationale.

* La reconnaissance du droit inaliénable au retour de tous les réfugiés chez eux.

* La libération de tous les résistants emprisonnés.




« Pas de justice, pas de paix » : Jacques Vergès, l’anticolonialiste de la rupture

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L’avocat Jacques Vergès est mort, ce jeudi 16 août 2013. Celui qui se qualifiait lui-même de « salaud lumineux » a rejoint la longue cohorte des laissés-pour-compte qu’il s’était toujours efforcé de défendre.
Les nombreuses attaques dont il a fait l’objet de son vivant témoignent de la volonté qui était la sienne de ne pas se compromettre avec le pouvoir. Résolument anticolonialiste, il a défendu le peuple algérien en lutte pour sa libération, et le peuple palestinien. Initiateur de la stratégie de rupture, qui consiste à ne pas reconnaître la légitimité de ceux qui jugent, il transformait les procès en tribune politique. «  Chaque procès devient pour la défense une dénonciation. On n’est pas sur le terrain de l’accusation. C’est nous qui accusons » déclarait-il. A ce titre, il a toujours été, malgré les critiques, redouté par tous ses adversaires.
Partant du principe que tout homme a le droit à être défendu, il a été l’avocat de ceux que personne ne voulait défendre (Carlos, Georges Ibrahim Abdallah, Barbie, Omar Raddad, Bongo, Milosevic…). Chacun de ses grands procès était alors une occasion de dénoncer le colonialisme et l’impérialisme qui se targue d’être « mandataire de l’humanité sans la majorité des hommes qui la constitue ».
Le Comité Action Palestine tient à saluer le militant anti-impérialiste qu’a été Jacques Vergès, qui a mis son talent et sa notoriété au service des opprimés et qui demeurera vivant dans la mémoire des peuples qui ont eu à souffrir de la colonisation.
COMITE ACTION PALESTINE