Marchandisation de la violence, stade ultime du capitalisme

La violence est-elle organiquement liée au capitalisme au point de devenir un enjeu économique ? A travers l’analyse du terrorisme et sa généalogie au Moyen Orient, Richard Labévière considère que ce type de violence n’est pas seulement politique. Elle est aussi économique dans la mesure où elle crée un marché de la « sécurité ». Le capitalisme exploite également, en terme de marché, les effets de sa domination destructrice sur les sociétés.

A l’invitation du Comité Action Palestine, Richard Labévière fera une conférence le 2 décembre 2016 à Bordeaux sur le thème de la nouvelle géopolitique de la question palestinienne. Il abordera aussi les éléments importants de son dernier livre « Terrorisme : remonter aux causes ».

Comité Action Palestine

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Interview de Richard Labévière, propos recueilli par Lina Kennouche pour l’Orient le Jour (16 septembre 2016)

Dans son livre Terrorisme : remonter aux causes à paraître début novembre aux éditions Pierre-Guillaume De Roux, Richard Labévière, expert des questions internationales et stratégiques, écrivain et rédacteur en chef de prochetmoyen-orient.ch, analyse la logique même du terrorisme transnational comme dernier avatar du capitalisme néolibéral. Dans cet entretien, l’auteur revient sur la thèse centrale de son ouvrage : le système capitaliste a fini par produire une marchandisation de la violence extrême, devenue secteur à part entière de l’économie.

Dans ce livre, vous tentez de tirer les leçons des attentats et de remonter aux causes premières du terrorisme. Une histoire du terrorisme est-elle possible ?
Non. L’histoire est complexe et la définition impossible parce que l’étude du terrorisme suppose toujours la nécessité d’une anthropologie politique. La qualification de « terroriste » est souvent produite par ceux qui ont le pouvoir et défendent des intérêts particuliers. Un exemple emblématique qui parle aux Français est celui de Jean Moulin. Patron du Conseil national de la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, il était considéré comme terroriste par les Allemands et héros de la Résistance par les Français. Il faut donc éviter systématiquement de réduire les questions de terrorisme à une histoire linéaire et chronologique, et plutôt les penser dans leur anthropologie politique ; sinon, conceptuellement, une définition claire sur les plans juridique et morale restera impossible.

Vous distinguez plusieurs grandes phases dans l’évolution du terrorisme et sa mobilisation comme mode opératoire. Quelles sont-elles ?
L’usage du terrorisme a d’abord été le fait, au Proche-Orient, des groupes israéliens : la Haganah et l’Irgoun avec, notamment, l’attentat de l’hôtel King David (22 juillet 1946), l’assassinat du comte Folke Bernadotte et le massacre de Deir Yassine. Après la Nakba (1948), la réaction de défense de la résistance palestinienne va, elle, mobiliser l’action terroriste selon différentes modalités. Il y a d’abord la première phase avec des mouvements de libération nationale et des sous-produits de services plus ou moins manipulés comme Carlos et Abou Nidal.
La deuxième période, qui va du début des années 1990 à 2001, est caractérisée par la nébuleuse el-Qaëda et son développement « rhizomatique » après les attentats de septembre 2001, c’est-à-dire un développement non centralisé et inorganisé.
La troisième phase débute à partir de la chute de Mossoul et la proclamation du califat, celle de Daech et ses sous-produits. Cette dernière est la conséquence directe de la guerre anglo-américaine en Irak avec la montée en puissance d’Abou Moussab el-Zarqaoui (responsable d’el-Qaëda en Irak) et la question qui reste en suspens : comment un petit délinquant comme Zarqaoui va-t-il rapidement avoir du pouvoir et parvenir à s’imposer comme le représentant d’el-Qaëda en Mésopotamie ? On le retrouvera au Kurdistan après la chute de Bagdad, alors que ce sont des zones contrôlées par les Américains et les services israéliens. La manière dont on l’a laissé prendre du pouvoir et opérer reste très curieuse.

Vous soulignez que la violence extrême est devenue un secteur de l’économie, créateur d’emplois, alors que dans le même temps l’agriculture industrialisée tue l’emploi. Pouvez-vous parler de cette évolution ?

Avec la révolution numérique et la robotisation, les filières industrielles des pays européens sont en déclin. Dans le secteur des services, la révolution informatique a créé un phénomène nouveau : ce sont les usagers qui font le tertiaire. Au moment où les secteurs traditionnels fonctionnent à la destruction de l’emploi, la riposte à la violence extrême, c’est-à-dire un terrorisme banalisé, est devenue un secteur à part entière, créateur d’emplois et de richesse. Ce nouveau secteur économique s’installe au cœur même du processus de la mondialisation et fonctionne sur la « casse » des États-nations, des armées nationales et des services publics. Ce processus s’incarne à la fois dans une privatisation de la violence et une privatisation de la sécurité. J’ai défini ce terrorisme comme le stade suprême de la mondialisation, mais je le qualifierais plutôt aujourd’hui de face cachée de la mondialisation, qui est un processus sans sujet, selon les termes du philosophe Louis Althusser. Tout cela ne relève pas d’une conspiration mais d’un développement consubstantiel à la mondialisation. Ce n’est pas un Conseil de sécurité du mal qui va décider que le terrorisme va s’installer au cœur de la mondialisation. Dès lors où il n’y a plus d’État ni de services publics, tout le monde est l’ennemi de tout le monde. La course à l’argent devient la seule règle, elle a nourri et justifié ce que Jean Ziegler appelle la disruption, c’est-à-dire un monde où on impose l’informatique dans tous les aspects de la vie professionnelle, sociale, amoureuse, etc. Cette disruption a permis aux idéologies jihadistes, notamment, de se diffuser sans aucun contrôle.

Dans la conclusion de votre ouvrage, vous expliquez que la grande erreur serait de se représenter le terrorisme comme un accident ou une crise, alors qu’il est un processus installé au cœur même des mécanismes de la mondialisation…
Après avoir déposé des brevets sur la biodiversité par exemple, le capitalisme est en train de produire des brevets sur nos affects et sur la violence, qui est l’énergie vitale du capitalisme. Le stade ultime du capitalisme se manifeste justement par la marchandisation de la violence. Celle-ci, que ce soit dans ses expressions terroristes ou dans ses ripostes de contre-terrorisme, devient une marchandise comme une autre.

Vous avancez dans ce livre des propositions pour tenter de sortir du terrorisme radical, qui est le produit du capitalisme radical…
Comme dirait le philosophe Alain Badiou, il n’y a pas de réponses programmatiques. On peut simplement indiquer des perspectives et des pistes. Dans ce livre, je consacre un chapitre au financement de l’islam radical depuis 30 ans, ce qui nous ramène toujours à l’Arabie saoudite. Ma première proposition est de commencer par s’attaquer au nerf de la guerre qu’est l’argent, aux dollars de la terreur, de plusieurs façons. On sait que l’argent du crime transite par les paradis fiscaux. Il faudrait, sans doute, commencer par fermer les places offshore et mettre sous contrôle les mouvements d’argent des grandes sociétés, opérateurs, ONG, etc., qui transitent par les banques nationales ou des banques d’échange internationales.
Dans un autre domaine, celui des services de sécurité, je fais une proposition qui concerne plus spécifiquement la France. Rien ne sert de refondre les services, et toujours recréer de nouvelles usines à gaz, car ils ne font, au final, que ce que leur demande le pouvoir politique. Les outils et les lois sont là, il est donc inutile d’en adopter de nouvelles. Depuis 2012, il y a eu 10 lois antiterroristes supplémentaires alors qu’il aurait fallu simplement appliquer les lois existantes et donner les moyens aux services de travailler efficacement. Mais encore faudrait-il que le pouvoir politique donne des ordres clairs et assume ses responsabilités. La seule chose efficace que la France aurait pu faire est de créer un parquet antiterroriste national avec des correspondants régionaux, et non pas faire remonter tous les dossiers au procureur de la République à Paris. Ensuite, d’autres propositions auraient pu faire l’objet d’un débat : un état des lieux de la diplomatie française, dont l’évolution est devenue incompréhensible, ou des opérations militaires qui ne doivent être que ponctuelles avec des objectifs précis, car le traitement du terrorisme n’est pas militaire mais politique.

http://www.lorientlejour.com/article/1007405/marchandisation-de-la-violence-stade-ultime-du-capitalisme.html

 




À mon peuple héroïque palestinien…lettre du gréviste de la faim Bilal Kayed

Lettre du gréviste de la faim Bilal Kayed

Bilal Kayed, est un résistant palestinien, incarcéré dans les geôles sionistes pendant 14 ans, et qui mène une grève de la faim depuis plus de 50 jours. L’entité coloniale refuse de le libérer et l’a condamné à six mois de mise en détention administrative, renouvelables indéfiniment sans inculpation ni jugement, alors qu’il a purgé sa peine depuis le 13 juin. Plus de 100 prisonniers palestiniens se sont joints la grève de la faim collective pour la liberté de Kayed, dont le Secrétaire Général du FPLP Ahmad Sa’adat. En France, Georges Ibrahim Adallah le plus ancien prisonnier politique s’est également associé à cette grève de la faim. Un immense mouvement de protestation a lieu actuellement en Palestine en solidarité avec Bilal Kayed et tous les prisonniers palestiniens.

À mon peuple héroïque palestinien…
Gens libres du monde…

Dans cette étape difficile que je subis sur un plan personnel, dans la lutte contre la tentative de forcer ma soumission à l’occupation brutale qui a pris la décision de me liquider, pour rien d’autre que le fait que j’ai été aux côtés des prisonniers de mon peuple, défendant mes droits et leurs droits et les droits de leurs familles pour parvenir à accéder même aux conditions minimales de la dignité humaine. Il n’est pas étrange que je me trouve moi-même soutenu par l’ensemble de mon peuple, de ceux qui m’entourent avec leurs cris et leurs pleurs et leur soutien et font des efforts inlassables pour annihiler l’injustice qui a été infligée, à moi et aux prisonniers. Ce qui arrive est tout à fait en accord avec l’esprit d’entente nationale dans lequel j’ai été élevé, par vous, mon peuple et par les peuples libres du monde, où qu’ils soient. En Cisjordanie , se dressant contre l’oppression ; dans les terres occupées [de 1948], fiers et enracinés dans la terre et le respect de leur identité ; mon peuple héroïque dans Gaza victorieuse et tous les hommes libres du monde, de toutes les nationalités et de toutes les origines.

Je suis ici, aujourd’hui, terminant ma première étape dans ma bataille avec cet occupant brutal et j’ai annoncé ma deuxième étape, qui est celle de l’unité avec tous les prisonniers de tous horizons et partis politiques pour que nous puissions tous, collectivement, nous tenir à l’avant-garde de la lutte nationale, à l’intérieur et à l’extérieur des prisons.

Après avoir reçu cette décision des tribunaux de l’occupation militaire (comme je l’attendais) [de rejet de son appel contre la détention administrative] ignorant ma liberté, la vie et la dignité, il est nécessaire que je répondre afin de faire face à cette décision brutale. Ainsi à partir d’aujourd’hui, 1er août 2016, je refuse tous les examens médicaux proposés par les médecins de l’hôpital. J’exige mon retour immédiat en prison malgré la détérioration de mes conditions de santé, pour me tenir debout sur un seul front et sur une seule ligne dans les cellules de l’occupation, aux côtés de tous les prisonniers en révolte, élevant la voix avec force : Votre décision ne passera pas facilement ! Surtout après que l’occupation ait franchi une autre ligne rouge, encore plus dangereuse, en m’envoyant en détention administrative, ce qui vise à liquider tous les dirigeants du mouvement de prisonniers et ses cadres et ceux qui lèvent haut sa bannière en défense du droit des prisonniers à la liberté et à la dignité.

Mon peuple héroïque, l’heure du combat est arrivée. Je suis plein d’espoir. Car j’ai toujours su que vous, vous êtes le mur protecteur, défendant notre lutte. Ce que j’ai reçu de vous par vos luttes, vos sit-in, vos manifestations, me donne plus de détermination pour continuer vers l’avant jusqu’à la victoire. La liberté ou le martyre.

La victoire est inévitable.

Bilal Kayed
Hôpital Barzilai
1er août 2016

source samidoun.ca




Le terrorisme international, une opportunité politique et économique pour Israël

Comité Action Palestine (juillet 2016)

Suite aux attentats qui se multiplient sur le sol européen, notamment en France depuis le début de l’année 2015, l’entité sioniste est montrée par les médias et certains hommes politiques comme le modèle à suivre en matière de sécurité des personnes et des Etats. « Il faut israéliser notre sécurité » déclare ouvertement l’ancien Ministre de la Défense Hervé Morin. Israël aurait une longue expérience du terrorisme et serait expert en matériels et procédures pour protéger ses « citoyens ».

Déjà très présente par le biais de ses entreprises qui assurent la sécurité de certains grands événements comme l’Euro 2016, l’entité sioniste se saisit de l’opportunité « terroriste » en Europe pour développer la coopération sécuritaire avec les pays occidentaux. Sa stratégie n’est pas nouvelle, elle la met en œuvre depuis les années 80 sur le continent africain. L’objectif est double : il s’agit d’une part de normaliser une image d’Etat comme les autres et confrontés aux mêmes problèmes sécuritaires, et, in fine, de multiplier les soutiens diplomatiques afin de légitimer sa politique coloniale et répressive. Le second objectif, mais non le moindre, est économique et financier. Israël est l’un des plus grands fabricants mondiaux d’armes et de matériels de surveillance qui doivent trouver de nouveaux débouchés. Les attaques perpétrées dans les pays occidentaux, des marchés bien plus importants que ceux des  Etats africains, sont une aubaine. Par ailleurs pour les sionistes européens, le parallèle permet de stigmatiser spécifiquement la population d’origine arabo-musulmane et d’en faire un bouc-émissaire commode, en l’absence d’une alternative crédible à proposer à la société.

Si Israël est bien expert en terrorisme et en « gestion sécuritaire », c’est avant tout au titre d’entité coloniale. Le terrorisme est d’abord celui qui a donné naissance à cet Etat et dont il a fait son arme la plus redoutable contre la résistance du peuple palestinien. Il faut rappeler qu’avant 1948, l’organisation armée sioniste Irgoun, dont l’un des responsables a été Menahem Begin, a commis de très nombreux massacres et attentats, dont le plus connu est celui de l’Hôtel King David en 1946 à Jérusalem, qui a causé la mort à plus d’une centaine de personnes. Le terrorisme d’Israël, c’est aussi l’expulsion forcée de 800 0000 Palestiniens et la destruction de plus de 500 villages au moment de la création de l’Etat sioniste. C’est encore et toujours l’ensemble des opérations, des attentats et des assassinats de leaders politiques commis par le Mossad dans le Monde entier. Sa politique en matière de « sécurité » consiste avant tout en une répression féroce des Palestiniens par tous les moyens disponibles. On compte plus de 700 000 Palestiniens emprisonnés depuis 1967, une généralisation de la torture et des procédés violents pour contraindre la population palestinienne à la soumission.

Au-delà du discours qui vise à normaliser cet Etat terroriste et criminel, c’est ce modèle synonyme d’arbitraire répressif et colonial que les sionistes européens voudraient imposer à nos sociétés. Face à cela, les populations, notamment celles d’origine arabo-musulmane, n’ont qu’un seul choix, celui de s’organiser et résister en suivant, quant à elles, le modèle des peuples en lutte.




Humeurs – L’Affaire Amin Maalouf-Israël-24 enflamme le Liban par : Richard Labévière

Récemment l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, auteur de très nombreux romans dont « Les croisades vues par les Arabes », « Samarcande », « le périple de Baldassare », et membre de l’Académie française, était interviewé par la chaine de propagande sioniste i24. Cette interview a fait l’objet de très nombreuses réactions au Liban et dans le monde arabe. Dans ce texte, Richard Labévière revient sur ce qui justifie ces réactions et « salue la vigilance mémorielle et politique des Libanais ».

 

Le quotidien libanais Al-Akhbar du 7 juin publie en dernière page un éditorial au canon : Amin Maalouf, Léon l’Israélien ? D’autres médias, plusieurs revues littéraires et associations d’écrivains libanais sont également montés au créneau accusant à mots plus ou moins couverts l’écrivain libanais (membre de l’Académie française) de… trahison !

Humeurs

En effet, le 2 juin dernier Amin Maalouf était l’invité – en direct – de la chaîne de télévision israélienne I-24, répondant pendant 34 minutes aux questions d’ « une speakerine hystérique », selon les mots du grand quotidien. En effet, la présentatrice du magazine culturelle de la chaine communautaire semblait ne pas en revenir de ceinturer ainsi une telle prise de guerre : le seul écrivain arabe parmi les Immortels qui surveillent la langue française depuis que Richelieu leur en a confié la mission. C’est dire !

Pauvre Richelieu ! Aurait-il pu imaginer que son Académie soit à ce point submergée par le déshonneur, l’orwellisation de la pensée et de la morale. Alors que l’Académie française lui ouvrait ses portes, Georges Bernanos – le défenseur des Républicains espagnols qui s’opposera à Vichy et au fascisme – répondait : « quand je n’aurai plus qu’une paire de fesses pour penser, j’irai l’asseoir à l’Académie… » N’est pas Bernanos qui veut ! Mais pourquoi cette prestation lamentable de l’auteur des Croisades vues par les Arabes est-elle grave à ce point de déclencher une telle réaction ? Trois séries de raisons doivent être – ici – rappelées pour saluer la vigilance mémorielle et politique des Libanais qui ont été scandalisés par l’interview d’Amin Maalouf.

La première relève de la loi. Deux lois libanaises majeures cadrent les relations spécifiques avec Israël, à côté du code pénal qui, lui s’intéresse à l’ennemi en général. Il faut d’abord rappeler que la convention d’armistice du 23 mars 1949 n’avait ni force, ni valeur d’une reconnaissance de l’Etat d’Israël par le Liban. Ensuite, l’accord de paix du 17 mai 1983 (auquel Amin Maalouf a collaboré directement) a été annulé par la loi numéro 25/1987 du 15 juin 1987. Enfin, un deuxième texte législatif, baptisé « loi du boycott d’Israël », datant du 23 juin 1955, porte sur les matières civiles et commerciales. Les articles du code pénal DL-340 (1 mars 1943) – inscrits sous chapitre des « crimes commis contre la sécurité extérieure de l’Etat » -, traitent de la trahison, de l’espionnage et des liens illicites avec l’ennemi. Enfin, le droit qui émane de la convention de la Ligue arabe interdit les rencontre avec des Israéliens.

Deuxièmement : que l’auteur des Identités meurtrières prenne ainsi la liberté de passer outre les lois de son pays natal relève d’une responsabilité dont il aurait certainement à répondre un jour ou l’autre. Mais en parlant tous sourires (tellement mièvres) aux caméras d’une chaine proto-israélienne, il passe du plan juridique de l’indignité nationale à celui de l’anéantissement moral. En effet, comment accepter de parler à des gens qui font quotidiennement l’apologie d’une armée israélienne qui, en juillet 2006 encore, détruisait la quasi-totalité des infrastructures du Liban en tuant plus d’un millier de civils ?

Le troisième égarement de l’auteur de Léon l’Africain est, sans doute le plus consternant encore parce qu’il cède autant aux facilités de l’arrivisme le plus caricatural qu’à celles d’une trahison politique affichée. Al-Akhbar encore : « Amin Maalouf sacrifie ainsi son image d’écrivain aimé des Arabes qui étaient fiers de lui, le lisant avec plaisir et passion. Certains rêvent que les créateurs soient ainsi obligés de passer par la case Israël et recevoir l’onction de Bernard-Henri Lévy pour exister… Mais, c’est Amin Maalouf ! Que fait-il là devant cette caméra-là, comme un élève poli et docile subissant l’interrogatoire d’une speakerine israélienne ? Dans quel but ? » Boudiné dans son costume d’académicien trop serré, Maalouf n’a certainement plus de soucis de fin de mois, mais il doit faire acte d’une allégeance – immortelle elle-aussi – à ses pairs tels Jean d’Ormesson ou Marc Lambron, ainsi qu’à ceux des éditions Grasset, très pro-israéliennes, elles-aussi.

I-24 ou la voix de l’occupation israélienne et de la colonisation

S’est-il seulement demandé de quoi Israël-24 est le nom ? Lancée par un ancien rond de cuir de cabinet ministériel – Frank Melloul – parti de France-24 (avec les recettes de cuisine de ce média de l’audiovisuel public extérieur), Israël-24est une chaine de télévision spécialisée dans la communication complaisante de l’Etat d’Israël, du Likoud, de la colonisation, de l’occupation et de la répression quotidienne des territoires palestiniens occupés. Financée par le milliardaire franco-israélien Patrick Drahi (14 milliards selon Forbes) – qui a racheté SFR,L’Express et L’Expansion, entre autres -, Israël-24 s’est dernièrement illustrée par une série de licenciements abusifs pas très glorieux… Amin, vraiment renseigne-toi un peu pour savoir à qui tu parles ? Et concentre-toi sur ton travail d’écrivain trop négligé ces derniers temps. La littérature, parlons-en tout de même…

Le Rocher de Tanios lui est-il tombé sur la tête ? Amin Maalouf, qui se demande toujours s’il ne rêve pas, si c’est bien lui qui est assis dans le fauteuil 29, sous la coupole parmi les Immortels, vient de leur consacrer… un livre. Fallait-il vraiment être en panne d’inspiration et n’avoir jamais lu une ligne de Georges Bernanos ? Il paraît qu’à force de publicité grasset-touillette, le livre fait un tabac ! A voir… Le précédent – Les Désorientés – racontait les amours lycéennes un peu bébêtes d’adolescents beyrouthins pris au piège de la guerre civilo-régionale de 1975. On n’apprenait pas grand chose sur les adolescents, encore moins sur le Liban et la guerre civile, parce que le propos se voulait déjà consensuel : ni bons, ni méchants, mais que la guerre est vilaine et que la paix c’est bien mieux… Franchement, on est loin des Croisades vues par les Arabeset des Identités meurtrières. La reconnaissance sociale mérite certainement quelques concessions majeures, mais comme le laisse entendre Pierre Abi-Saab – le chef des pages culture d’AlAkhbar -, celles-ci ne font pas forcément de la bonne littérature !

Alors, un prochain livre peut-être sur le monde merveilleux des télévisions communautaires ? Celles qui veulent aussi la paix en glorifiant les faits d’armes des « armées de défense » contre des populations civiles… Adieu Amin ! On préfère t’abandonner à ton refuge de l’île de Ré, te laisser brasser de l’air avec ton épée d’Immortel en carton. Quand on songe que tu participes aussi à la révision du dictionnaire de la langue française, on est un peu mélancolique…

Richard Labévière    




Valls en pélerinage sioniste

« Par ma femme je suis éternellement lié à Israël » disait le premier ministre Manuel Valls. Aux relations historiques fortes entre les socialistes français et l’Etat sioniste, s’ajoute aujourd’hui une dimension affective, voire passionnelle lorsque le Président F. Hollande déclare son amour pour l’Etat Israélien. La visite de Manuel Valls en «Israël » s’inscrit ainsi dans un cadre politique où la France a affiché son soutien inconditionnel et multidimensionnel à l’Etat colonie israélien. Comment alors comprendre les propos de M. Valls sur l’arrêt de la colonisation et l’initiative française pour la paix ?

Il y a d’abord la logique opportuniste qui pousse M. Valls à s’assurer du soutien du lobby sioniste en France dans la perspective des élections présidentielles de 2017. Ensuite, et plus fondamentalement, le discours sur l’arrêt de la colonisation et l’initiative française pour la paix s’intègrent parfaitement dans une stratégie sioniste dont personne n’est dupe, et encore moins le peuple palestinien. Cette stratégie consiste à inviter les palestiniens dans des conférences sur la paix pour faire traîner leurs revendications. L’objectif est clair : il s’agit de gagner du temps pour que la colonisation s’intensifie, et mettre ainsi les Palestiniens devant le fait accompli.

Des accords d’Oslo en 1993 à l’initiative française pour la paix en 2016, les gains politiques ont toujours été faibles pour les Palestiniens. La paix tant recherchée est en réalité la paix sioniste qui signifie tout simplement la disparition de la Palestine. Mais face à cette stratégie, il ne reste pour les Palestiniens que la résistance. Une stratégie gagnante puisque le projet sioniste d’éradication du peuple palestinien a échoué.

A cette occasion, le Comité Action Palestine dénonce cette hypocrisie et rappelle son soutien inconditionnel à la résistance palestinienne qui est la seule voie possible pour la libération de la terre arabe de Palestine et le retour des réfugiés dans leurs foyers.

Comité Action Palestine (24 mai 2016)




Cause palestinienne en France : une nouvelle voie extrapartisane possible ?

Cause palestinienne en France : une nouvelle voie extrapartisane possible ?

La conception de la solidarité est aujourd’hui largement déterminée par une posture morale qui réduit la cause d’un peuple à une simple question humanitaire.

11/04/2016

L’élimination froide du Palestinien Abed al-Fattah Yusri al-Sharif, blessé et gisant au sol, par un soldat franco-israélien, a récemment soulevé une vague de condamnations par les associations de défense des droits du peuple palestinien, qui ont qualifié cet acte de « terroriste » et réclamé la déchéance de la nationalité française de son auteur. Comme à chaque nouvel événement tragique, les mouvances propalestiniennes sont promptes à condamner les atrocités commises et rappeler leur ferme attachement aux droits historiques, légitimes et internationalement reconnus du peuple palestinien.

Mais au-delà d’une posture morale unanimiste, et bien que ce soutien reste largement rhétorique chez certains, le problème de fond réside essentiellement dans le cadre idéologique et politique qui éclaire la démarche de ces acteurs non étatiques. Hormis le fait que la cause palestinienne est souvent l’objet d’une utilisation partisane, lorsque l’on interroge la traditionnelle position des associations françaises de soutien à la Palestine, il ressort souvent une conception qui épouse, dans un réflexe inconscient sous-jacent, le discours politique élaboré par certains partis de l’extrême gauche française. Un discours qui reste enfermé dans une posture de type néocolonial malgré les apparences. Si ces forces de gauche les plus prégnantes exercent une véritable mise sous tutelle idéologique de la forme que doit prendre la lutte pour la concrétisation du projet national palestinien, toute la perversité du raisonnement découle de la conditionnalité du soutien de ceux qui manifestent avec force leur attachement au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Ce discours n’a en effet vocation à soutenir les revendications des Palestiniens que dans une conception étriquée des intérêts de cette nation, et tant qu’ils ne se dissocient pas de la question sociale et de la lutte contre l’autoritarisme dans le monde arabe, placée au même plan que celle contre l’occupation. C’est donc en réaction à cette conception idéologique et politique des ardents promoteurs de la cause qui tend à déformer les véritables enjeux et la finalité de la lutte que pour la première fois en France est née une nouvelle initiative qui a pris la forme de l’association Comité Action Palestine remettant en cause les fondements idéologiques et politiques du mouvement de solidarité, et esquissant une nouvelle voie : celle d’un soutien inconditionnel, indépendamment du projet politique et social porté par les acteurs de la société palestinienne.

Entreprise de délégitimation

Pour Tayeb Ben Badis, militant associatif et cofondateur du Comité Action Palestine, « la question de la nature du pouvoir est une question secondaire, ou une question qui se posera après la libération de la terre. La souveraineté d’un peuple est entière ou ne l’est pas. Aussi, poser un préalable au soutien à un peuple colonisé, à savoir poser la question de la nature du pouvoir et celle de la question sociale, c’est-à-dire demander des comptes sur le projet de société que les Palestiniens entendent mettre en œuvre, voilà une position clairement colonialiste qui sert l’occupant. C’est une stratégie de délégitimation de la lutte du peuple palestinien menée partout dans le monde et qui peut entrer en résonance avec l’ethnocentrisme des militants de gauche et d’extrême gauche, de culture islamophobe pour leur très grande majorité », juge-t-il. Selon lui, l’islamophobie reste, en règle générale, un élément idéologique structurant de cette vision du monde. L’autre problème de cette mouvance est qu’elle assume finalement un rôle non avoué de police de la pensée à travers le chantage à l’antisémitisme à l’encontre de ceux qui contestent sa position dominante. « Le rôle assigné historiquement à ces militants est le contrôle du mouvement propalestinien en France, en empêchant l’émergence d’un mouvement autonome porté par les descendants d’immigrés. Lors de la dernière guerre de Gaza, on a pu observer cette fracture entre ces militants de gauche et la jeunesse des quartiers populaires, bien évidemment plus radicale quant à son soutien à la résistance du peuple palestinien », explique Tayeb Ben Badis.

À contre-courant, le Comité Action Palestine pose donc clairement les principes du soutien à la résistance du peuple palestinien : condamnation du sionisme comme un mouvement colonial et raciste; soutien à la résistance et à toutes les formes de résistance que se donne le peuple palestinien ; libération de toute la Palestine arabe. Des lignes politiques claires et des principes non négociables qui devraient constituer le préalable à tout discours et action de solidarité envers le peuple palestinien. Tayeb Ben Badis estime donc que ceux qui ont rejoint aujourd’hui les rangs de l’association Comité Action Palestine ont pris conscience d’une réalité historique : en France, un soutien inconditionnel et sans concession ne pourra émerger qu’en dehors des forces politiques classiques, porté par un mouvement autonome et structuré sur des principes antisionistes clairs et une base sociologique composée des couches populaires.

« Les débats sur la déchéance de la nationalité ou sur le voile islamique, par exemple, témoignent de ce rapport néocolonial qui fait des immigrés et des descendants d’immigrés un corps étranger, voire un ennemi de l’intérieur, que seule la force peut raisonner. Si comparaison ne vaut pas raison et si la France n’est pas la Palestine, il n’en demeure pas moins que les masses issues des anciennes colonies françaises (maghrébines pour l’essentiel) s’identifient spontanément au sort et au devenir du peuple palestinien. Pour les militants sincèrement propalestiniens, il ne s’agit rien de moins que de renverser les rapports qui prévalaient jusque-là : faire en sorte que ces masses deviennent l’avant-garde du soutien au peuple palestinien en se débarrassant de ces vieux militants de gauche et d’extrême gauche, et occidentalo-centrés », explique-t-il.

Pour ce militant associatif, l’urgence est aujourd’hui de sortir d’une perception de solidarité dont le fondement reste l’engament moral et humanitaire, posture renforcée depuis les accords d’Oslo.

http://www.lorientlejour.com/article/980222/cause-palestinienne-en-france-une-nouvelle-voie-extrapartisane-possible-.html 




L’effondrement de l’Arabie saoudite est inéluctable

Dans cet article, Nafeez Ahmad, analyse avec clarté et précision les mécanismes économiques qui vont conduire de manière inéluctable à l’effondrement du régime saoudien. Il distingue en particulier deux tendances économiques profondes qui minent la légitimité de la famille régnante. D’un côté, avec la baisse prolongée du prix du pétrole, les recettes de l’Etat baissent et il devient impossible de poursuivre la politique de redistribution. D’autre part, l’augmentation de la consommation énergétique locale réduit de manière conséquente les capacités à exporter du royaume et donc ses recettes. La crise financière de l’Etat a dans ce contexte toutes les chances de se transformer en crise politique. Et au final, ce régime archaïque reposant sur une économie rentière, n’a-t-il pas été pris à son propre piège, celui de faire baisser les cours du baril pour affaiblir ses concurrents ?


ob_6d3015_arabie-saoudite-petrole[1]Le mardi 22 septembre, Middle East Eye a révélé dans un article qu’un éminent membre de la famille royale saoudienne appelait à un changement à sa tête afin d’éviter la chute du royaume.

Dans une lettre diffusée auprès des princes saoudiens, son auteur, petit fils du défunt roi Abdelaziz Ibn Saoud, a reproché à l’actuel roi Salmane d’être à l’origine de problèmes sans précédent qui ont mis en danger la survie de la monarchie.

« Nous ne pourrons pas endiguer les pertes financières ni mettre un terme aux comportements politiques adolescents et aux risques militaires à moins de changer les processus de prise de décisions, même s’il faut pour cela aller jusqu’à changer de roi », a averti la missive.

Qu’un coup d’État royal soit en préparation ou non — et les observateurs avertis considèrent une telle éventualité « fantaisiste » — l’analyse que cette lettre fait de la situation critique et pressante de l’Arabie saoudite est d’une précision saisissante.

Comme de nombreux pays de la région avant elle, l’Arabie saoudite s’apprête à faire face à un tourbillon d’épreuves corrélées qui, si l’on se fie à l’histoire, mèneront la monarchie à sa perte au cours de la prochaine décennie.

L’hémorragie de l’or noir

La question la plus épineuse est celle du pétrole. La principale source de recettes de l’Arabie saoudite est bien sûr l’exportation de pétrole. Au cours des dernières années, le royaume a procédé à des extractions en quantité record afin de maintenir sa production à flot, conservant des prix bas, ce qui a permis de freiner la concurrence des autres producteurs de pétrole dans le monde qui ne peuvent pas se permettre de rester dans la course en réalisant si peu de marges ; ceci a ainsi ouvert la voie vers la dominance pétrolière saoudienne.

Mais les réserves ont une durée de vie limitée pour une Arabie saoudite qui pompe à un rythme dément. Une nouvelle étude spécialisée parue dans le Journal of Petroleum Science and Engineering projette que l’Arabie saoudite va constater un pic dans sa production pétrolière, qui sera suivi par un déclin inexorable en 2028 — dans seulement treize ans.

Mais ce serait probablement sous-estimer l’étendue du problème. Selon le Modèle des pays exportateurs (MPE) inventé par le géologue pétrolier texan Jeffrey J. Brown et par le Dr Sam Foucher, la question principale ne concerne pas seulement la production de pétrole, mais la capacité à exporter la production face à la croissance des taux de consommation à l’intérieur du pays.

Jeffrey J. Brown et Sam Foucher ont démontré que le point d’inflexion à surveiller était celui où un producteur de pétrole ne parvient plus à augmenter la quantité de pétrole vendu à l’étranger en raison de la nécessité de répondre à la demande croissante en énergie sur son propre territoire.

En 2008, ils découvraient que les exportations pétrolières nettes de l’Arabie saoudite avaient déjà entamé leur déclin depuis 2006. Selon leurs prévisions, cette tendance allait se poursuivre.

Et ils avaient raison. De 2005 à 2015, les exportations nettes saoudiennes ont connu un taux de déclin annuel d’1,4 %, en accord avec les estimations prévisionnelles de Jeffrey J. Brown et Sam Foucher. Un rapport publié récemment par Citigroup a prévu que les exportations nettes plongeraient jusqu’à zéro dans les quinze prochaines années.

De la fortune à la misère

Cela signifie que les recettes enregistrées par l’État saoudien, dont 80 % proviennent des ventes de pétrole, sont condamnées à la chute perpétuelle.

L’Arabie saoudite est le plus gros consommateur d’énergie de la région, la demande des ménages ayant grimpé de 7,5 % au cours des cinq dernières années — principalement en raison de la croissance démographique.

On estime que la population saoudienne totale va croître des 29 millions actuels à 37 millions aux alentours de 2030. Comme l’essor démographique absorbe la production énergétique saoudienne, la prochaine décennie verra probablement la capacité d’exportation pétrolière du pays se restreindre de plus en plus.

L’Arabie saoudite tente d’explorer la piste des énergies renouvelables afin de réduire la dépendance des ménages au pétrole, espérant ainsi libérer une partie de sa production pour la vendre à l’étranger et maintenir ses recettes.

Cependant, plus tôt cette année, la pression exercée sur les finances du royaume a commencé à se faire sentir lorsqu’a été annoncé un retard de huit ans sur le programme d’énergie solaire ayant coûté 109 milliards de dollars et qui était supposé produire un tiers de l’électricité du pays aux environs de 2032.

Les recettes de l’État ont donc subi les effets collatéraux de la stratégie royale inconsidérée qui visait à ralentir ses concurrents en matière de production pétrolière. Comme je l’ai rapporté dans un précédent article, c’est justement pour maintenir au plus bas les cours mondiaux du pétrole que l’Arabie saoudite a conservé une production élevée, torpillant la rentabilité de la prise de risques sur de nouveaux marchés pour ses concurrents, les autres pays de l’OPEP ou les industriels du gaz de schiste aux États-Unis.

Les finances saoudiennes n’ont pas échappé aux répercussions des diminutions drastiques des profits qui ont suivi — mais l’idée de départ était que les importantes réserves financières du royaume lui permettraient d’affronter la tempête jusqu’à ce que ses concurrents soient contraints de sortir du marché, tout incapables qu’ils seraient de compenser le manque de rentabilité.

Mais cela n’a pas encore eu lieu. Pendant ce temps, les considérables réserves de l’Arabie saoudite tombent à des niveaux sans précédent, chutant de leur pic de 737 milliards de dollars atteint en août 2014 à une valeur de 672 milliards de dollars en mai, soit une chute d’environ 12 milliards de dollars par mois.

À ce rythme, à la fin 2018, les réserves du royaume pourraient atteindre la très basse valeur de 200 milliards de dollars, une éventualité que les marchés pourraient bien anticiper beaucoup plus tôt, ce qui déclencherait une fuite de capitaux.

Pour compenser cette prévision, l’approche du roi Salmane a été d’accélérer ses emprunts. Que se passera-t-il quand, au cours des prochaines années, les réserves s’épuiseront et la dette augmentera, tandis que les revenus générés par le pétrole resteront très limités ?

Comme dans le cas des régimes autocratiques tels que l’Égypte, la Syrie et le Yémen — qui doivent tous faire face à des degrés variables d’instabilité locale — quand les temps seront durs, les fastueuses subventions intérieures feront partie des premières dépenses dans lesquelles il faudra tailler. Dans les pays énoncés, les réductions successives des subventions en réponse à l’impact de la flambée des prix de la nourriture et du pétrole ont directement nourri le mécontentement, qui fut ensuite à l’origine des soulèvements du « Printemps arabe ».

La fortune pétrolière de l’Arabie saoudite, et sa capacité hors du commun à maintenir de généreuses subventions pour le pétrole, le logement, la nourriture et d’autres biens de consommation, jouent un rôle majeur dans la prévention des risques d’instabilité civile. Les subventions énergétiques couvrent à elles seules un cinquième du produit intérieur brut saoudien.

Points de pression

À mesure que les recettes subiront une contrainte grandissante, la capacité du royaume à maîtriser les dissidences à l’intérieur du pays faiblira, comme cela a déjà été le cas dans d’autres pays de la région.

Environ un quart de la population saoudienne est frappé par la pauvreté. Le chômage s’élève à environ 12 %, et il touche principalement les jeunes — 30 % d’entre eux sont sans emploi.

On projette que les changements climatiques vont accroître les problèmes économiques du pays, notamment en ce qui concerne l’eau et la nourriture.

Comme beaucoup de pays de la région, l’Arabie saoudite constate déjà les effets des changements climatiques, sous la forme d’une augmentation des températures à l’intérieur du pays, et de sécheresses touchant de larges portions de sa partie nord en raison de pluies insuffisantes. Vers 2040, on prévoit que les températures moyennes y seront plus élevées que la moyenne mondiale, et qu’elles pourraient augmenter de pas moins de 4° Celsius, tandis que la diminution des pluies pourrait encore s’aggraver.

Ces phénomènes pourront s’accompagner d’événements météorologiques extrêmes, comme les inondations de 2010 à Jeddah l’ont montré : l’équivalent d’un an de pluie est tombé en l’espace de quelques heures seulement. L’accumulation de ces changements pourrait avoir un impact dramatique sur la production agricole, qui doit déjà faire face aux défis soulevés par le surpâturage et les pratiques agricoles industrielles intenables à long terme, qui tendent à accélérer la désertification.

De toute façon, 80 % des besoins saoudiens en nourriture sont achetés via une importation largement subventionnée, ce qui signifie que, sans la protection représentée par ces subventions, le pays serait lourdement impacté par la fluctuation des prix de la nourriture au niveau mondial.

« L’Arabie saoudite est particulièrement vulnérable face aux changements climatiques en raison de la fragilité de la plupart de ses écosystèmes, de ses ressources limitées en eau renouvelable, et de son économie qui reste particulièrement dépendante des exportations d’énergies fossiles, alors qu’une importante pression démographique continue d’affecter la capacité du gouvernement à subvenir aux besoins de sa population », concluait en 2010 un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Le royaume est l’un des pays du monde où l’eau est la plus rare, avec 98 mètres cubes par an et par habitant. La plupart de l’eau est extraite des nappes phréatiques, dont 57 % ne sont pas renouvelables, et dont 88 % sont utilisés pour l’agriculture. Les usines de désalinisation fournissent environ 70 % des réserves en eau du royaume.

Mais la désalinisation consomme beaucoup d’énergie, plus de la moitié de la consommation pétrolière du pays. À mesure que les exportations pétrolières diminuent, accompagnées des recettes de l’État, et que la consommation du pays augmente, la capacité du pays à recourir à la désalinisation pour subvenir à ses besoins en eau va diminuer.

Au bout du chemin

En Irak, en Syrie, au Yémen et en Égypte, on peut remonter la piste de l’instabilité civile et de la guerre totale à l’impact dévastateur du déclin du pouvoir étatique dans le contexte des sécheresses liées aux changements climatiques, du déclin agricole et du rapide épuisement des réserves pétrolières.

Malgré cela, le gouvernement saoudien a décidé que, plutôt que de tirer un enseignement de l’arrogance démesurée de ses voisins, il n’attendrait pas l’arrivée de la guerre mais commettrait l’acte insensé d’exporter directement la guerre dans la région pour étendre son hégémonie géopolitique et prolonger sa dominance pétrolière.

Malheureusement, ces actions sont symptomatiques de ces régimes qui se sont bercés d’illusions, s’empêchant de fournir une réponse rationnelle à la Crise de la civilisation qui fait s’effondrer le sol sous leurs pieds. Cette illusion collective consiste en une inébranlable conviction fondamentaliste, selon laquelle intensifier les échanges commerciaux résoudra les problèmes générés par ces mêmes échanges lorsqu’ils étaient menés à un rythme normal.

Comme pour nombre de ses voisins, de telles réalités structurelles profondément enracinées sont le signe que l’Arabie saoudite est effectivement au bord de la déliquescence à long terme, processus qui pourrait débuter dans les années à venir et devenir parfaitement visible d’ici dix ans.

Hélas, ces quelques membres de la famille royale qui pensent pouvoir sauver leur royaume de son inévitable chute à l’aide d’un remaniement hasardeux à la tête du régime sont tout aussi aveuglés que ceux qu’ils cherchent à remplacer.

Nafeez Ahmad

Source : Oumma.com 12-12-2015




Pourquoi le Hamas et le Hezbollah restent quand même alliés ?

 

Hezb_hamas[1]Cet article de Nicolas Dot-Pouillard et Wissam Alhaj, auteurs du livre en collaboration avec Eugénie Rébillard De la théologie à la libération ? Une histoire du Jihad islamique palestinien, analyse les relations politiques et stratégiques des deux grandes organisations de la résistance que sont le Hezbollah et le Hamas. Il montre en particulier que leurs relations ont été tumultueuses depuis l’apparition du conflit en Syrie, les deux organisations développant des lectures diamétralement opposées des enjeux de la guerre en Syrie. Si le Hamas a soutenu l’opposition syrienne, c’est qu’il l’associait aux différentes forces révolutionnaires qui agitaient le monde arabe depuis 2011, à l’instar des mouvements qui se sont produits en Tunisie ou en Egypte. D’autre part, son appartenance au courant des Frères musulmans le poussait à apporter son soutien aux groupes rebelles qui combattaient le régime d’Assad. En revanche, pour le Hezbollah, l’opposition syrienne n’avait rien de révolutionnaire mais réalisait l’agenda occidental d’affaiblissement ou de destruction de l’axe de résistance à l’impérialisme au Moyen-Orient. Malgré ces divergences de vue, les facteurs d’unité et de collaboration entre les Hamas et le Hezbollah semblent avoir été plus forts. Nicolas Dot-Pouillard et Wissam Alhaj proposent dans cet article d’une grande clarté les explications du maintien d’un lien fort entre le parti palestinien et le parti libanais en analysant les dimensions historique, politique et stratégique. Ils font ressortir en particulier la fracture qui existe au sein du Hamas entre une ligne partisane de l’alliance avec les pétromonarchies du Golfe et la Turquie et une autre ligne restant fidèle à l’alliance avec le Hezbollah et l’Iran.


Le 18 janvier 2015, non loin de la ville de Quneitra, sur le plateau du Golan syrien, des hélicoptères israéliens tirent sur des véhicules transportant des membres du Hezbollah libanais et des Gardiens de la révolution iraniens. Douze d’entre eux sont tués dans l’opération. Quatre jours plus tard, le site internet de la télévision du Hezbollah, Al-Manar, publie deux lettres de condoléances adressées à Hassan Nasrallah, le secrétaire général du parti. La première est signée par Mohammed Al-Ddu Hamas affirment leur convergence stratégique avec le Hezbollah dans sa confrontation avec Israël.

Les condoléances adressées par le Hamas au Hezbollah apparaissent d’autant plus surprenantes que les activistes de la formation chiite libanaise ont été tués en Syrie, où ils sont, depuis 2012, déployés militairement auprès de l’armée gouvernementale. Le Hamas s’est, depuis la même époque, illustré par un soutien presque inconditionnel au soulèvement syrien et à l’opposition, dénonçant la présence militaire du Hezbollah en Syrie.

Dès février 2012, Haniyeh prononce un discours à la mosquée Al-Azhar au Caire, rompant avec la logique de conciliation entre le régime et l’opposition initialement adoptée par le mouvement palestinien. Surfant à l’époque sur la dynamique des processus révolutionnaires arabes, de la Tunisie à l’Égypte, s’appuyant sur la montée des Frères musulmans dans la région, le Hamas renforce alors ses liens avec le Qatar et la Turquie, s’éloignant un peu plus de Téhéran et du Hezbollah. En juin 2013, Khaled Mechaal, principal dirigeant du Hamas en dehors des territoires occupés, participe à une conférence de soutien à la révolution syrienne à Doha : le prédicateur égyptien Youssef Al-Qaradawi, principal théoricien contemporain de la mouvance des Frères musulmans, y prononce alors un discours assassin à l’encontre du Hezbollah, qu’il nomme « Hizb al-shaitan » le parti du diable »), lui reprochant sa proximité avec les autorités syriennes.

Deux lectures de la crise syrienne

Le Hamas a toujours nié tout investissement militaire en Syrie, notamment dans les combats déchirant le camp de réfugiés de Yarmouk, dans la banlieue de Damas, mais certaines sources font état d’une participation de combattants du Hamas aux côtés des forces armées de l’opposition syrienne. En juin 2013, c’est un jeune membre du Hamas, Muhammad Quneita, venu de la bande de Gaza et originaire du camp de Chati, qui décède lors de combats près de l’aéroport d’Idlib. L’été 2013, le quotidien libanais Al-Akhbar proche du Hezbollah et de la coalition libanaise du 8-Mars accuse le Hamas d’avoir participé à la bataille de Qoussair en Syrie, non loin des frontières libanaises, contre les troupes du Hezbollah et de l’armée gouvernementale syrienne : le Hamas aurait fait bénéficier les groupes armés de l’opposition syrienne de son expertise militaire en matière de construction de tunnels. Une information immédiatement démentie par le représentant du Hamas au Liban, Ali Barakat.

En 2012 et en 2013, Hamas et Hezbollah semblent se situer aux antipodes : leurs lectures de la conjoncture régionale diffèrent du tout au tout. Le Hamas parie sur un cercle vertueux : celui de révolutions arabes qui, tout en faisant tomber des régimes autoritaires, porteraient au pouvoir des forces politiques issues des Frères musulmans — desquels ils sont issus —, à l’image de l’Égypte ou de la Tunisie, renforçant sa position régionale dans le cadre de son opposition à Israël, mais aussi au Fatah. L’analyse du Hezbollah est parfaitement inverse : si le mouvement de Hassan Nasrallah applaudit en 2011 les révolutions tunisienne et égyptienne — certains de ses activistes étaient emprisonnés en Égypte jusqu’à la chute du président Hosni Mubarak pour leur coopération militaire avec le Hamas dans la bande de Gaza —, il est plus que circonspect sur les dynamiques à l’œuvre en Syrie depuis le printemps 2011. Il accuse alors une partie de l’opposition syrienne, notamment le Conseil national syrien (CNS), d’être bien trop proche des chancelleries occidentales. De manière plus pragmatique, il s’agit pour le Hezbollah de préserver un hinterland syrien faisant office de base arrière militaire et de principale source d’approvisionnement logistique depuis le début des années 1990.

La rupture n’aura pas lieu

Le divorce annoncé entre le Hamas et le Hezbollah n’a pourtant pas eu lieu. Les deux organisations sont demeurées pragmatiques, s’accordant peut-être sur leurs désaccords, notamment syriens. En dépit de certaines rumeurs courant lors de l’année 2013, les dirigeants du Hamas résidant dans la banlieue sud de Beyrouth, à majorité chiite et sous contrôle sécuritaire du Hezbollah, n’ont jamais quitté le Liban ; ainsi de Ali Barakat, représentant du mouvement, et de Oussama Hamdan, responsable des relations extérieures du Hamas. Téhéran s’est faite également la plus pragmatique possible : les contacts avec le Hamas n’ont jamais cessé, même si le soutien financier s’est à un moment raréfié, profitant à des formations palestiniennes comme le Mouvement du djihad islamique en Palestine où, à la gauche du spectre politique, au Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP).

Cette rupture avortée entre le Hamas et le Hezbollah s’explique aisément. Elle a d’abord ses raisons historiques : les deux mouvements collaborent de manière très officielle depuis le début des années 1990, en amont même de la relation que le Hamas a pu établir avec le régime syrien par le passé. En décembre 1992, 415 militants du Mouvement du djihad islamique en Palestine et du Hamas sont expulsés par Israël à Marj az-Zouhour au sud-Liban : le Hezbollah développe à l’époque des liens prégnants avec les cadres dirigeants du Hamas exilés au Liban.

La relation est aussi politique. Certes, le Hamas est issu des Frères musulmans palestiniens, sunnites, et des mouvements de prédication islamique développés dès le début des années 1970 par le cheikh Yacine dans la bande de Gaza. Le Hezbollah, chiite, reconnaît quant à lui la guidance des ayatollahs iraniens Rouhollah Khomeyni, puis Ali Khamenei. Cependant, un fonds commun islamo-nationaliste, forgé dans l’opposition à Israël, les unit.

La relation est enfin matérielle et stratégique : elles s’inscrit surtout dans un temps long, que même les désaccords sur la Syrie n’ont pas suffi à abolir. La guerre israélienne contre Gaza de l’été 2014 est révélatrice. Lorsque les armes se taisent, des dirigeants du Hamas comme Mahmoud Zahar remercient explicitement l’Iran et le Hezbollah pour leur soutien logistique, financier et matériel au Hamas et aux brigades Ezzedine al-Qassam. Haniyeh qui a pu, en février 2012, dénoncer la politique de Bachar Al-Assad, salue à Gaza en décembre 2014, lors des cérémonies célébrant le 27e anniversaire du Hamas à Gaza, un Hezbollah pourtant allié du régime syrien. Depuis l’hiver 2014, plusieurs dirigeants du Hamas (Ali Barakat, Ousamma Hamdan, Muhammad Nasr) ont multiplié les réunions avec les directions du Hezbollah et l’Iran, en vue d’une visite attendue — mais toujours reportée — de Mechaal à Téhéran.

La permanence des relations entre le Hezbollah et le Hamas est enfin conjoncturelle — ce qui peut amener à en relativiser la portée. Pour le Hamas, la conjoncture politique a changé en deux ans dans l’ensemble du monde arabe. Le soulèvement syrien s’échoue sur des lignes de fractures miliciennes et confessionnelles sur lesquelles il peut désormais difficilement parier. Le soutien des Frères musulmans égyptiens au Hamas et la présidence de Mohamed Morsi ne sont, depuis l’été 2013, qu’un lointain souvenir : ils sont sous le coup de la répression du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi. Le Hamas compte aujourd’hui sur une médiation saoudienne pour se réconcilier avec des autorités égyptiennes qui l’ont placé sur la liste des organisations terroristes. En Tunisie, le mouvement islamiste Ennahda s’est fait pragmatique, participant d’un gouvernement d’union nationale avec Nidaa Tounès — qui ne cache pas ses velléités de rétablir des relations diplomatiques avec Damas. Le Qatar, subissant les pressions du Conseil de coopération du Golfe (CCG), prend ses distances avec les Frères musulmans égyptiens.

Le Hamas est également dépendant des négociations qu’il doit mener avec les organisations politiques palestiniennes qui, sur le dossier syrien, sont profondément divisées. Il ne peut cliver avec l’ensemble d’entre elles sur la seule question des relations avec la Syrie, le Hezbollah ou Téhéran, situation interne oblige : le Hamas participe ainsi, depuis juin 2014, à un gouvernement d’union nationale avec le Fatah. Il s’associe, depuis 2011, à un « cadre de direction transitoire » (Itar al-qiyadi al-mu’aqat) de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dans lequel il côtoie des organisations palestiniennes ne se reconnaissant pas dans le positionnement du Hamas sur la question syrienne. Pour le Hezbollah, le maintien d’un soutien politique et matériel à l’ensemble des mouvements palestiniens (dont le Hamas) est vital, en dépit des divisions sur la question syrienne. C’est une affaire de légitimité politique : il lui permet de prouver qu’il ne s’aligne pas uniquement sur un axe chiite courant de Beyrouth à Téhéran, mais qu’au contraire sa politique régionale transcende les appartenances communautaires entre sunnites et chiites. Et surtout, que son opposition à Israël n’est pas amoindrie par son investissement militaire en Syrie.

L’option turque, le rapprochement avec la présidence de Recep Tayyip Erdogan, soutien de l’opposition syrienne, reste encore séduisante pour le Hamas ; elle demeure cependant problématique. Khaled Mechaal passe pour un partisan d’une alliance renforcée avec Ankara ; Mahmoud Zahar y est plus opposé. Il se fait le plus fervent défenseur d’un retour aux « maisons-mères » : le Hezbollah et l’Iran. Une partie de la direction du Hamas voit difficilement comment conjuguer logiquement rhétorique anti-impérialiste et rapprochement avec une Turquie membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Paradoxalement, l’option chiite reste pour le moment plus attractive. Une autre partie du Hamas compte sur la Turquie, le Qatar et, depuis quelques semaines, sur une Arabie saoudite qui renoue le dialogue avec les Frères musulmans dans la région, pour faire office de médiateur avec les principales puissances occidentales.

Une alliance incertaine

L’opposition syrienne doute désormais de l’orientation pro-révolutionnaire du Hamas, lui reprochant de plus en plus ses liens avec Téhéran et le Hezbollah. Dans un entretien pour le site internet de la chaîne Orient-News, l’un des principaux canaux télévisés de l’opposition syrienne, Melhem Daroubi, membre des Frères musulmans syriens pourtant idéologiquement proches du Hamas, dit du mouvement de Mechaal qu’il demeure pris « entre le marteau du soutien iranien et l’enclume de l’oppression d’Al-Assad ». Le Hamas n’a pas retiré tout soutien à l’opposition syrienne, mais ses médias tentent, avec difficulté, de conjuguer rhétorique révolutionnaire dénonçant le régime syrien et justification pragmatique d’un rapprochement avec Téhéran et le Hezbollah. En Syrie même, certains militants du Hamas critiquent, depuis quelques mois, le rapprochement de leur direction avec le Hezbollah et Téhéran.

Ni rupture, ni retrouvailles tout à fait fraternelles : la relation entre le Hezbollah et le Hamas est d’abord soumise aux aléas d’une conjoncture politique régionale particulièrement volatile. Le Hamas est pris entre deux feux. Par affinité idéologique, voire même confessionnelle, il se retrouve proche de Frères musulmans égyptiens, tunisiens, syriens, ayant pris fait et cause pour le soulèvement syrien de 2011 et désirant couper les ponts avec le Hezbollah et Téhéran. Par souci pragmatique, il voit mal comment rompre avec un Hezbollah qui le soutient encore. La direction du parti chiite a défini une fine ligne tactique en ce qui concerne la question palestinienne : le Hezbollah dissocie visiblement le dossier syrien de ses relations avec le Hamas, fait fi des désaccords, en maintenant ses liens avec lui, y compris logistiques et militaires. Cette relation évite d’enfermer la situation régionale dans le seul cadre d’un conflit communautaire chiites-sunnites, sans pour autant l’invalider. La permanence d’un conflit israélo-arabe — et pas seulement israélo-palestinien — permet encore des rapprochements et des lignes d’alliances difficilement explicables par le seul paradigme communautaire. Dans leurs relations très contrariées, le Hamas et le Hezbollah montrent qu’au-delà de Damas et des polarisations confessionnelles entre sunnites et chiites que la crise syrienne suscite, le politique prime encore.

Nicolas Dot-Pouillard, Wissam Alhaj
09/03/2015
Source :http://orientxxi.info/magazine/pourquoi-le-hamas-et-le-hezbollah,0831



Les crimes de l’entité sioniste

Il y a 10 ans, le 22 mars 2004, le Cheikh Yassine, fondateur du Mouvement de la Résistance islamique Hamas, était assassiné par les forces d’occupation sioniste.
A l’occasion de cet anniversaire, le Comité Action Palestine souhaite rendre hommage à tous les leaders de la résistance palestinienne, assassinés par les forces coloniales juives en Palestine.

Le 20 janvier dernier à Dubaï Mahmoud al-Mabhouh, cadre du mouvement palestinien Hamas, est retrouvé mort assassiné dans sa chambre d’hôtel à Dubai. L’enquête conduira sur la piste du Mossad, les services secrets israéliens.
Sous les ordres du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, un commando de 26 agents portant tous des passeports occidentaux usurpés vont traquer, torturer et tuer le dirigeant palestinien.
A travers cette vidéo, nous voulons nous saisir de cet événement pour dénoncer et condamner les crimes perpétrés par l’entité sioniste, en mettant l’accent sur les assassinats des leaders de la résistance.
La violence extrême employée pour briser la résistance du peuple palestinien est un indicateur de la faiblesse de cette entité qui finira par disparaître sous les coups répétés de la résistance.




Communiqué du Comité Action Palestine suite aux attentats de Paris (novembre 2015)

logo750-300x200Le terrorisme aveugle vient de frapper en France, et frappe quotidiennement des personnes innocentes partout dans le monde et en particulier en Palestine où le terrorisme d’Etat israélien sévit depuis près de 70 ans. Le Comité Action Palestine témoigne sa solidarité aux victimes et aux familles des victimes. Cependant, il nous incombe de comprendre pourquoi le terrorisme frappe aujourd’hui en France de manière impitoyable, et en envisager les conséquences.
La société française paie les erreurs politiques du gouvernement qui a soutenu l’opposition syrienne, aveuglé par son objectif d’élimination du régime de Bachar Al Assad, son soutien inconditionnel à l’entité sioniste, et son alliance de fait avec les Etats de la région qui financent et arment les terroristes en Syrie et en Irak. Dans une logique « l’ennemi de mon ennemi est mon ami», le Ministre des Affaires étrangères avait déclaré en 2012 à propos d’une organisation syrienne issue d’Al Qaeda : « Al Nosra fait du bon boulot ». Le gouvernement français n’a pas anticipé les conséquences d’une telle stratégie. Celles où un jour « l’ennemi de mon ennemi devient mon ennemi », et frappe sans prévenir.
Le crime commis à Paris ne sera pas sans effet sur la minorité musulmane, qui souffre depuis bien longtemps de l’islamophobie alimentée par les politiques et les médias. On demandera encore une fois à la communauté musulmane de se justifier, de montrer patte blanche alors qu’elle est la victime de la politique à courte vue du gouvernement français au Moyen orient.
Il est aujourd’hui urgent d’exiger une politique qui condamne sans discrimination la violence impérialiste qui s’abat sur les peuples du Moyen orient, mais aussi ailleurs dans le monde, et qui, mécaniquement, finit par se retourner contre ses promoteurs. Le Comité Action Palestine a toujours dénoncé le terrorisme, qu’il soit l’œuvre d’une organisation ou d’un Etat. Il dénonce le terrorisme qui a frappé à Paris et aussi à Beyrouth, en Syrie, en Palestine où chaque guerre lancée par les sionistes fait des milliers de victimes palestiniennes. La violence aveugle qui frappe les peuples doit être partout condamnée.

Comité Action Palestine

16 novembre 2015