Al Baqa’a, deux fois réfugiés

Calendrier Palestine Libre 2018 « Dans le camp des réfugiés »

En 1963, Israël procède au détournement des eaux du Jourdain pour irriguer le désert du Naqab sans consultation des pays riverains. L’opération est perçue comme une nouvelle provocation par les pays arabes dont l’Egypte, la Syrie et la Jordanie qui signent des accords de défense.  Sous prétexte de ces accords, Israël obtient soutien et armement de la part des Etats Unis. Le 5 juin 1967, deux cent avions de guerre israéliens attaquent par surprise l’aviation égyptienne, mise en déroute en quelques heures. De nombreux villages sont rasés et les camps de réfugiés d’Aqabat Jabr et Ein Sultan sont vidés. Le 7 juin 1967, les sionistes occupent al-Quds, la Cisjordanie, la bande de Gaza, le Sinaï et des Hauteurs du Golan syrien. La Palestine historique tombe entièrement sous occupation israélienne. C’est la Naksa, la rechute en arabe. Environ 450 000 Palestiniens et 120 000 Syriens sont expulsés vers la Jordanie ou doivent se réfugier dans d’autres régions syriennes. Près de la moitié des réfugiés palestiniens de 1967 sont déjà des réfugiés de 1948, obligés de fuir une seconde fois la barbarie sioniste.

Lieu d’un regroupement informel de réfugiés depuis 1948, al-Baqa’a est le sixième camp « de secours » officiellement créé, après la Naksa, au nord de la capitale jordanienne, Amman, pour accueillir la nouvelle vague de réfugiés. Dès 1968, 26 000 personnes y survivent sous 5000 tentes. Beaucoup s’étaient initialement réfugiés près de la ville de Karameh au bord du Jourdain, alors quartier général de la résistance palestinienne. Mais Karameh fut détruite lors d’une attaque de l’armée sioniste en 1968. Les fedayins réussirent à repousser les forces israéliennes pourtant très supérieures en nombre et en armement. C’est la première grande victoire militaire de la résistance palestinienne et un tournant majeur pour le mouvement de libération nationale. Al-Baqa’a est aujourd’hui le plus grand des dix camps existants en Jordanie. Il abrite plus de 100 000 réfugiés palestiniens enregistrés auprès de l’UNRWA, mais leur nombre réel serait d’environ 180 000.

Les Palestiniens résidant en Jordanie sont près de 2 millions et représentent environ 60% de la population totale. En 1948, alors que l’Est de la Palestine non occupée par les sionistes était sous administration jordanienne, les Palestiniens de Cisjordanie ou réfugiés en Jordanie ont reçu la citoyenneté jordanienne. En 1967 après l’occupation par Israël de toute la Palestine historique, les Palestiniens qui fuyaient Gaza ont été uniquement considérés comme des résidents temporaires en Jordanie. Ceux expulsés de Cisjordanie vers la Jordanie se sont vus, en 1988, retirer leur citoyenneté jordanienne et sont devenus apatrides à leur tour.

Mais qu’ils aient été expulsés de Palestine en 1948 ou en 1967, dans les rues de Baqa’a comme dans tous les camps palestiniens dans le monde, les réfugiés n’ont qu’une seule nation et se battent pour rentrer chez eux, en Palestine.

 




Jabalya , de la Nakba à la victoire finale

Calendrier Palestine Libre 2018 « Dans le camp des réfugiés »

Chassés, au moment de la Nakba, des villes et villages situés au sud de la Palestine, tels que Majdal (14 000 habitants en 1948), Bureir, Hirbiya ou Sumsum, 200 000 Palestiniens se réfugièrent dans  la Bande de Gaza, un minuscule territoire à la frontière égyptienne. Au Nord de la ville plurimillénaire de Gaza, le camp de Jabalya est l’un des huit camps de réfugiés établis dès 1948 dans la Bande de Gaza. Il est aujourd’hui le plus peuplé de tous les camps de réfugiés palestiniens, abritant plus de 100 000 personnes avec une densité de population la plus élevée au monde.

       Dispersés et ayant tout perdu, les réfugiés, concentrés dans un espace restreint destinés à mieux les contrôler, sont soumis dès 1948, à l’arbitraire de la violence qu’elle émane de la puissance coloniale ou du pouvoir égyptien. Le blocus imposé aux deux millions de Gazaouis depuis 2004 n’en est que l’une des illustrations récentes. Après l’occupation de la Bande de Gaza en 1967, Ariel Sharon rase une partie du camp de Jabalya et de ses alentours pour le rendre plus facilement accessibles aux blindés sionistes. Lors de la seconde Intifada et des dernières guerres de Gaza, le camp est la cible de toutes les attaques sionistes. Bombardements, massacres et destructions répétés révèlent que la Nakba est un processus qui se poursuit depuis 70 ans.

Mais les réfugiés organisent très vite la résistance. Les premières actions des fedayns sont menées à partir de Gaza dès le milieu des années 50. Les camps de Gaza, dont Jabalya, sont le berceau des plus importantes organisations du mouvement national palestinien. En décembre 1987, c’est dans le camp de Jabalya qu’éclate la première Intifada, qui s’étend très vite à toute la Bande de Gaza et en Cisjordanie. Jabalya, plus que tout autre camp, est le lieu de l’affrontement direct entre l’armée d’occupation et les résistants. Et c’est depuis Jabalya, et les autres camps de la Bande de Gaza, que se développe depuis une dizaine d’année une résistance de plus en plus sophistiquée capable de menacer l’entité sioniste en son sein. Chaque victoire sur l’ennemi contribue ainsi à la victoire finale.

Ainsi pour les réfugiés du camp de Jabalya, comme pour tout réfugié palestinien, rien n’est en mesure de mettre un terme à la détermination de rester en Palestine et à la prodigieuse capacité de résister. Ils n’ont pas oublié, leurs enfants et petits- enfants ont repris le flambeau de la lutte. Ils savent, que dans un avenir proche, les barrières et les quelques kilomètres qui les séparent de leur village seront anéantis et qu’ils pourront rentrer chez eux en Palestine libérée.




Rashidieh, dans l’enfer libanais

Calendrier Palestine Libre 2018 : « Dans le camp des réfugiés »

Le Liban est un Etat créé de toute pièce suite au démantèlement de la Grande Syrie et de l’empire ottoman par les puissances impérialistes à la fin de la première guerre mondiale. Sous mandat français, il est dès le départ doté d’un système politique de type confessionnel fondé sur l’appartenance à différentes communautés religieuses. Croyant ainsi pallier sa faiblesse structurelle et sous prétexte de ne pas attenter à leur droit au retour, l’Etat libanais prive, dès leur arrivée en 1948, les 100 000 réfugiés palestiniens et leurs descendants de tous les droits fondamentaux. Dans ce contexte le Liban se transforme très vite en une poudrière. Sur son territoire, deux combats sont intimement menés: celui qui oppose les différentes communautés libanaises et celui des organisations et Etats de la région contre l’ennemi sioniste. La résistance armée palestinienne présente sur le sol libanais depuis le début des années 70 est au centre de ces conflits. L’enjeu est d’abord de lutter contre Israël, mais aussi d’asseoir sa souveraineté et son pouvoir.

Les réfugiés palestiniens payent le prix fort et de très nombreux camps sont détruits pendant la guerre civile libanaise et les vingt années d’occupation du Liban par Israël. Entre 1985 et 1987, la guerre des camps conduite par le parti libanais Amal, avec le soutien de la Syrie, finit de détruire les infrastructures palestiniennes mises en place par l’OLP, de réduire à néant la résistance palestinienne et de marginaliser les réfugiés sur la scène socio-politique libanaise.

Rashidieh est l’un des douze camps de réfugiés palestiniens au Liban. Il a été établi dès 1948 au sud de la ville de Tyr, à l’emplacement d’un ancien camp de réfugiés arméniens et à quelques kilomètres seulement de la frontière avec la Palestine occupée. C’est un camp au milieu des champs et des vergers que les Palestiniens contribuent à faire fructifier. Dans les années 70, avec l’implantation de l’OLP au Liban, il devient une base importante de la résistance en raison de sa proximité avec la frontière, et ses infrastructures aussi bien civiles que militaires se développent. Déjà en partie détruit lors de l’invasion israélienne de 1982, le camp de Rashidieh, comme ceux de Shatila et de Borj Barajneh près de Beyrouth, est alors la cible de la guerre des camps. Le camp est pilonné par la milice Amal et les réfugiés prennent les armes pour se défendre. Un blocus total de plusieurs mois est imposé. Malgré la famine, les réfugiés refusent de quitter le camp, contrairement à ce que souhaitent les milices libanaises et l’entité sioniste. Depuis cette période, l’entrée du camp reste sous le contrôle strict de l’armée libanaise, comme c’est le cas pour plusieurs autres camps de réfugiés au Liban.

Ainsi 70 ans après la Nakba, les réfugiés palestiniens au Liban restent prisonniers de l’exil. Le chemin de leur libération est celui du retour en Palestine.

Photo Wikipedia




Rafah, le voile de l’humanitaire recouvre l’échec politique

Calendrier Palestine Libre 2018 « Dans le camp des réfugiés »

Le camp de Rafah a été mis en place en 1949 pour y accueillir 41 000 Palestiniens fuyant l’avancée des troupes sionistes au moment de la Nakba. Leurs villages d’origine, comme al-Safiriyya, situés dans le district de Yaffa furent entièrement détruits sur ordre de Ben Gourion. L’afflux de réfugiés multiplia par 20 , la population du bourg de Rafah qui devint le plus grand camp de réfugiés de la Bande de Gaza. Etabli à la limite entre la Palestine historique et l’Egypte, le camp paya toujours le prix fort des tensions entre le pouvoir égyptien et l’entité sioniste. En 1956, lors de la guerre de Suez, il est pilonné par l’armée française, puis les sionistes y massacrent 200 personnes. Après l’occupation de 1967, le camp est en partie détruit laissant 4000 réfugiés sans abri. Les destructions continuent en 1982 pour créer une large zone-tampon lorsqu’Israël se retire du Sinaï et que la frontière avec l’Egypte est fermée et placée sous haute surveillance. Le camp est alors coupé en deux, avec une partie égyptienne et une partie palestinienne, divisant ainsi des familles entières. Les destructions de masse se poursuivent pendant la seconde Intifada, puis lors des guerres de Gaza avec l’objectif de d’anéantir les multiples tunnels construits sous la frontière par la résistance palestinienne pour desserrer le blocus qui étouffe Gaza.

Géré à sa création par une organisation caritative britannique, Rafah fut placé comme tous les autres camps de réfugiés palestiniens sous la responsabilité de l’UNRWA dès 1950. Créée en 1949 par les Nations Unies, alors qu’il apparait qu’aucun règlement politique n’est envisagé à court terme, l’UNRWA reçoit pour mission de répondre aux besoins humanitaires des réfugiés palestiniens sur le long terme. Il s’agit d’abord de répertorier les réfugiés, de les fixer dans un pays d’accueil selon une répartition négociée, de leur assurer une assistance provisoire pour qu’ils puissent rapidement subvenir à leurs besoins tout en ménageant les perspectives politiques d’une installation définitive à l’étranger ou d’un retour en Palestine, selon les termes de la résolution 194, votée à l’ONU le 11 décembre 1948. La construction des camps relève de cette logique du provisoire fait pour durer et de cette équation sans solution.

Aujourd’hui près de cinq millions de réfugiés palestiniens sont enregistrés auprès de l’UNWRA, mais seulement 30% vivent encore dans les 58 camps gérés par l’agence à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, en Syrie et au Liban. L’UNRWA accueille près d’un demi-million d’enfants dans 685 écoles et gère 137 centres de santé.

Depuis près de 70 ans, l’UNRWA œuvre selon cet agenda humanitaire et politique. Elle est à la fois le voile humanitaire recouvrant l’échec du règlement politique, et pour les réfugiés palestiniens, le symbole de la seule reconnaissance internationale du droit au retour dans leurs foyers. C’est pourquoi déjà affaiblie par les Accords d’Oslo, son existence est constamment menacée par les sionistes qui interviennent pour diminuer ses moyens et la discréditer auprès des instances internationales.

Attachés à la permanence de l’UNRWA et aux camps qui garantissent leur droit au retour en Palestine, les réfugiés de Rafah reconstruisent inlassablement les maisons détruites par les sionistes.




Yarmouk, quand la tragédie se répète….

Calendrier Palestine Libre 2018 « Dans le camp des réfugiés »

Sur 12 millions de Palestiniens, près de 8 millions sont réfugiés. Ils représentent ainsi la plus grande population en exil dans le monde. Ils sont les descendants des Palestiniens chassés de leurs foyers en 1948. Après plusieurs d’années d’errance à proximité de leurs villages détruits en espérant un retour rapide chez eux, un grand nombre d’entre eux fut contraint de chercher refuge dans un pays limitrophe. Ils furent 82 000 à se diriger vers la Syrie qui compte actuellement 14 camps de réfugiés palestiniens établis entre 1949 et 1967.

Le camp de Yarmouk fût installé en 1957 par les autorités syriennes, tout près du centre de Damas. Il devint très vite le plus grand camp de réfugiés palestiniens au Moyen Orient et fut considéré pendant longtemps comme la capitale de la diaspora palestinienne. Bénéficiant des mêmes droits que les Syriens sans détenir la nationalité, les réfugiés palestiniens en Syrie, et notamment à Yarmouk, se sont toujours consacrés très activement à la résistance contre l’occupant sioniste. Beaucoup d’entre eux tombèrent en martyrs pendant la guerre du Liban entre 1982 et 2000. Depuis les années 80, certaines factions palestiniennes installées dans le camp, bien que tolérées, ont été considérées comme une menace par le pouvoir syrien qui voyait alors Yarmouk comme un bastion de l’opposition. Plus récemment, le camp était devenu une zone commerciale prospère de Damas.

Mais Yarmouk est aujourd’hui un champ de ruines. De par sa position stratégique, il est depuis 2011, l’épicentre de la bataille entre les forces gouvernementales syriennes et les groupes rebelles dans la région de Damas. Et une nouvelle fois, les réfugiés palestiniens, otages de ce conflit, ont été forcés à l’exil. Sur les 200 000 habitants du camp avant la guerre, ils ne seraient plus que 3000 à Yarmouk. Ainsi, comme beaucoup d’autres réfugiés palestiniens avant eux, contraints de fuir leur premier lieu d’exil face à l’expansion coloniale sioniste ou aux guerres régionales, les Palestiniens en Syrie ont dû subir une seconde « Nakba ».

Soixante-dix ans après la première Nakba, cet exil perpétuellement renouvelé signifie d’abord que seul le retour en Palestine est l’avenir du peuple palestinien.

Photo 12 avril, 2015. REUTERS/Moayad Zaghmout




Balata et Jénine, une résistance héroïque

Calendrier Palestine Libre 2018 « Dans le camp des réfugiés »

« Etre des camps, c’est lutter armes en mains »

       Depuis leur création, les camps palestiniens sont des hauts lieux de la résistance. En Cisjordanie, deux d’entre eux se sont particulièrement illustrés : en prise directe avec l’occupant sioniste, les camps de Jénine et de Balata symbolisent la résistance héroïque des Palestiniens et la répression sioniste.

       Avec ses 27 000 habitants, le camp de Balata est le plus grand camp de Cisjordanie. Etabli en 1950 à proximité de la ville de Naplouse, il est surnommé le « camp de Jaffa » car la majorité des réfugiés proviennent de cette ville et des villages alentours. Le tissu social et communautaire y est dense et le pouvoir d’organisation très fort : leaders locaux dans le camps, cadres des factions politiques, membres des groupes armés, sans oublier les anciens combattants, tous, hommes, femmes et enfants s’unissent pour combattre l’oppresseur sioniste. . Au cours de la deuxième Intifada, ce camp a été frappé très durement par la répression sioniste qui en a fait un véritable laboratoire de ses techniques contre-insurrectionnelles : incursions de l’armée, assassinats ciblés, arrestations massives, etc.

Le camp de Jénine, porte le nom de la ville où il est implanté dans le Nord de la Cisjordanie. Créé en 1950, il regroupe 16 000 réfugiés. La résistance et la détermination populaire au cours de la « bataille de Jénine » en avril 2002 ont fait de ce camp le symbole de la résistance durant la deuxième Intifada. Pendant plus de 10 jours, l’armée sioniste attaque le camp, le bombarde par les airs depuis des hélicoptères de combat et  par des tanks depuis les collines alentours Les bull-dozers rasent les maisons, ratissent les ruelles, enterrent les corps des combattants dans des tranchées… Douze jours de combat au terme duquel les forces sionistes renoncent à contrôler le camp.

Aujourd’hui, les habitants des camps doivent faire face à une double répression. S’ils sont particulièrement ciblés par les sionistes en raison de leur rôle actif dans la résistance armée, ils le sont aussi par l’Autorité palestinienne et ses forces de sécurité qui cherchent à museler l’opposition à la domination coloniale. Incursions, harcèlement, mise à l’écart, arrestations, détention, torture…les forces sionistes et l’Autorité palestinienne se sont désormais réparti les opérations dans un but commun, désarmer la résistance.

Les réfugiés ont été et restent à l’avant-garde du combat pour libérer la Palestine et revenir dans leurs maisons.  Ils continuent à faire vivre la résistance.

Photo: Funérailles du martyr Ibrahim Smeri à Balata (2005). The Electronic Intifada.




« Jordanie : le maillon faible ? »

Comité Action Palestine

Début juin, la Jordanie a connu une vague de protestation populaire massive qui a inquiété non seulement les dirigeants du Royaume Hachémite, mais aussi ses alliés régionaux et internationaux. En moins d’une semaine, on assiste au remplacement du premier ministre et à l’octroi par les pétromonarchies d’une aide de 2.5 milliards. La volonté de secourir économiquement cet Etat pour le bien-être de la population jordanienne apparait cependant comme une justification peu crédible.

Comme de nombreux Etats arabes, l’économie jordanienne est marquée par une crise structurelle, avec un chômage proche de 20%. Très dépendant économiquement de Damas avant 2011, ce pays, sans ressources propres, voit sa situation aggravée par la guerre en Syrie. En raison d’une dette très importante auprès de la Banque mondiale, des réformes budgétaires exigées par le FMI ont conduit à une forte hausse des prix, notamment des carburants et de l’électricité, et à un projet de loi visant à augmenter les impôts. C’est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Dans ce pays où la liberté de manifester est plutôt restreinte, ces mesures extrêmement impopulaires ont pourtant conduit à une mobilisation de masse, les classes populaires rejoignant l’appel initié par les associations professionnelles représentatives principalement des classes moyennes. Ces classes ont des intérêts divergents à défendre, mais elles signifient collectivement le ras-le-bol des jordaniens vis-à-vis de leurs gouvernants.

Mais ces causes internes ne sauraient expliquer à elles seules la rapidité avec laquelle les pétromonarchies ont volé au secours de l’Etat jordanien. Créé au moment de la chute de l’empire ottoman, la Jordanie a toujours été considérée comme un pion majeur de la stratégie impérialiste au Moyen Orient. Doté, comme la plupart de ses voisins, d’un pouvoir faible vis-à-vis de l’extérieur et extrêmement répressif vis-à-vis de sa population, c’est avant tout un Etat rempart entre l’entité sioniste et les pays hostiles à cette dernière. Du pacte de non-agression signé avec les sionistes en 1947, à l’accord de paix avec Israël en 1994, la Jordanie a joué un rôle particulièrement actif, en tant qu’allié d’Israël, en éradiquant la résistance palestinienne, notamment au moment de septembre noir. A la solde des USA, sa politique d’alliances a toujours répondu clairement aux intérêts des impérialistes et de l’entité sioniste. Récemment, le Royaume hachémite a joué un rôle majeur bien que discret dans la guerre en Syrie, puisqu’il a servi de base arrière pour la formation et l’acheminement d’armes aux rebelles syriens par la coalition alliée (Etats-Unis, Europe, Etats du Golfe). La défaite de cette coalition en Syrie pourrait conduire à un changement global d’alliances dans la région. Pourtant, les derniers développements en Palestine font craindre aux Etats-Unis et aux pétromonarchies du golfe un affaiblissement du pouvoir jordanien qui peut conduire au mieux à un renversement d’alliances, au pire à un renversement du pouvoir. En tant que protecteur officiel des lieux saints d’al-Quds, la Jordanie ne peut officiellement pas cautionner le transfert de l’Ambassade des USA dans la ville sainte. Par ailleurs, le plan du siècle concocté par Trump pour « régler définitivement la cause palestinienne » est insoutenable pour le Royaume hachémite, les Palestiniens formant près de 60% de la population jordanienne.

Loin de se soucier du peuple jordanien, l’aide financière des pétromonarchies est d’abord un calcul politique qui consiste à maintenir la Jordanie dans le bloc d’alliances. A ce stade il y a très peu de chance que ces 2,5 milliards soient suffisants pour que les Palestiniens, réfugiés en Jordanie, abandonnent leur patrie et leurs droits. Dans tous les cas, le Royaume hachémite est une pièce maitresse sur l’échiquier régional et sa fragilisation pourrait bien tout faire basculer.

(Photo: AFP/Khalil MAZRAAWI)




« L’école à Gaza : éducation et résistance » – Conférence-débat avec Bassem ABOUDRAZ

Le 22 juin à 20h00,

Athénée municipal, à Bordeaux (place St Christoly, arrêt de tram Hotel de Ville, trams A et B)

 

Le Comité Action Palestine

vous convie à

une Conférence-débat

« L’école à Gaza : éducation et résistance »

avec Bassem ABOUDRAZ,

conseiller d’éducation pour l’enseignement du français à Gaza

 

En Palestine, la population est jeune, très jeune et la société palestinienne considère l’éducation de ses enfants, garçons ou filles, comme un pilier de leur avenir. Le taux d’alphabétisation est proche de 100% et le système éducatif palestinien est considéré comme excellent.

Mais les enfants et les jeunes sont aussi particulièrement exposés à la violence coloniale sous toutes ces formes. Témoins de la répression et des assassinats subis par les membres de leur famille ou leur entourage, les enfants sont aussi les victimes

 

directes de l’occupation. Depuis 2000, 2000 enfants ont été tués par les forces armées israéliennes, et 12 000 jetés dans les prisons de l’occupant où ils subissent des tortures au même titre que les adultes. Les écoles ne sont même pas un refuge pour eux. A Gaza, soumis à un blocus depuis 11 ans, un tiers des écoles a été détruit en 2014 pendant l’attaque israélienne qui a duré plus de 50 jours et, depuis, les conditions d’apprentissage sont encore plus difficiles.

Mais les élèves et les enseignants ont toujours des projets, car poursuivre coûte que coûte l’éducation des jeunes générations est un acte de résistance.

Quelle est la situation au quotidien à Gaza ? Quelles en sont les répercussions sur les enfants ? Quelles sont les difficultés des enseignants et comment arrivent-ils à les résoudre ? Bassem Aboudraz nous apportera son témoignage et nous livrera son analyse de la situation.

 

En collaboration avec ISM-France, Voix décoloniales, Espace Culturel des 2 rives, Les alliés de la Paix

Photo:  Bassem Aboudraz lors d’une conférence en 2013

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La marche du retour à Gaza : le génie populaire palestinien fausse les calculs des Israéliens

« La vérité est la première victime de la guerre » selon Eschyle. L’assertion est vraie dans une guerre classique, mais en situation de résistance populaire à l’oppression coloniale, le mensonge est la première victime. A l’occasion de la grande marche du retour, la propagande mensongère israélienne a volé en éclats. Les médias occidentaux, pourtant sionistes, ont fait le constat unanime qu’Israël a au moins perdu une bataille en réprimant brutalement les Palestiniens : celle de l’image et de la communication. Le droit du retour n’est plus une simple phrase d’une résolution du droit international et connue du seul cercle restreint des militants. Le peuple palestinien a su gagner les cœurs et les esprits, à défaut pour l’instant d’enterrer définitivement le colonialisme israélien. Sa cause a fait son retour sur le devant de la scène alors que presque tous ses soutiens, y compris les plus éclairés et les plus déterminés, étaient gagnés par le désespoir tant la question syrienne a été prégnante et a mis au second plan le devenir du peuple palestinien. Mais c’était sans compter sur le génie populaire palestinien.

Le dépérissement colonial israélien

Toutes les tentatives pour liquider la cause du peuple palestinien ont échoué. La répression coloniale israélienne est une constante depuis 1948, mais elle n’a pas pu briser le processus de décolonisation inscrit structurellement et dès le premier jour de la fondation de l’Etat israélien. Les moyens gigantesques en termes militaire et politique mis en œuvre n’ont pas ébranlé la foi des Palestiniens. Tel le roseau, le peuple palestinien peut plier mais ne rompt jamais. Pour cette raison, les sionistes ont utilisé une stratégie, pratiquée largement dans la colonisation occidentale de l’Afrique et de l’Asie, qui consiste à opposer les colonisés aux colonisés. Les accords d’Oslo n’avaient pas d’autres vertus que de faire émerger une couche sociale bourgeoise palestinienne prompte à jouer le jeu du contrôle de son propre peuple au profit du colonisateur et à son propre profit, en s’emparant comme un chien affamé des miettes jetées sous la table par le maître israélien. Ce chien affamé a pris le nom d’Autorité palestinienne et n’a d’autre autorité que celle de réprimer les Palestiniens dans le cadre de la coordination sécuritaire avec les israéliens.

Combinant la stratégie du « diviser pour mieux régner » à celle de la guerre classique contre la résistance au Liban et à Gaza, l’occupant semble, pourtant, incapable d’endiguer son propre dépérissement. Les israéliens ont perdu la bataille sur tous les fronts. Car contrairement aux apparences, Israël est plus faible que jamais. La particularité des mécanismes propres à la société coloniale juive, divisions ethniques et instabilité politique chronique, est une faiblesse que les leaders sionistes tentent de conjurer, notamment par une mobilisation guerrière permanente contre les Palestiniens, en particulier, et le monde arabo-musulman, en général. Mobiliser pour mieux ressouder les rangs d’une société en décomposition. Mais chaque guerre ou répression à grande échelle se solde par un échec politique au regard des ressources immenses engagées dans la bataille. Il ne suffit pas de frapper fort, il faut frapper juste et au bon moment. Les multiples initiatives de Trump en faveur d’Israël (déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem, retrait de l’accord nucléaire signé avec l’Iran) témoignent de la crise de légitimité de la politique israélo-américaine dans le monde. Israël est en grande difficulté comme le sont les Etats-Unis au Moyen-Orient et dans le monde. La guerre perdue en Syrie est une fragilisation supplémentaire de ces deux Etats.

Israël joue sa survie et résiste à son dépérissement inéluctable. Pour cette raison, chaque initiative est soigneusement pesée et doit avoir des retombées politiques positives. Or, systématiquement le génie populaire palestinien fausse les calculs du colonisateur. L’intifada des couteaux lancée en 2015 a créé un désarroi profond chez les dirigeants sionistes. Alors que l’Etat israélien ne parvient pas à éradiquer la résistance à ses portes, les Palestiniens frappent au sein des territoires conquis en 1948, défiant ainsi la machine sécuritaire israélienne et installant la peur et le doute au cœur de la colonisation. Ayant horreur du vide politique, la résistance populaire palestinienne a ainsi relancé le processus de dépérissement de l’Etat israélien dans un contexte où la situation semblait figée et que les organisations palestiniennes donnaient l’impression d’avoir épuisé toutes leurs ressources politiques face à l’ennemi. Ce coup de génie populaire n’allait pas rester le seul.

Les déshérités à l’avant-garde

La marche du retour à Gaza est pacifique sur la forme, mais radicale sur le fond. Elle a réussi à populariser la question centrale du droit au retour des Palestiniens. Les mots « droit du retour » provoquent une crise d’hystérie chez l’ennemi israélien. Et pour cause : ce droit, reconnu par les instances internationales, est synonyme de l’abolition du colonialisme en Palestine.  La panique s’est emparée des représentants sionistes qui ont perdu leur sang-froid, à l’image de l’ambassadrice israélienne en Belgique qui a déclaré : « Je regrette beaucoup, pour chaque humain décédé, même si ce sont des terroristes. Cinquante-cinq terroristes qui viennent près de la barrière pour essayer de passer sur le territoire israélien. » Ces propos pourtant ne reflètent rien d’autre que la mentalité coloniale israélienne. Le peuple palestinien en soi terrorise les sionistes parce qu’après 70 ans il ne s’est toujours pas avoué vaincu. Son seul fait d’exister est une menace existentielle perpétuelle pour le sionisme. Une manifestation populaire et le sacrifice de 110 Palestiniens ont fait perdre à Israël la guerre de la propagande et a mis le monde entier face à ses contradictions et à son hypocrisie.

Elle a fait prendre conscience que les déshérités sont l’avant-garde du combat et que, dans leur dos, la bourgeoisie palestinienne œuvre à les trahir. Celle-ci, lorsqu’elle ne collabore pas, reste frileuse et s’agrippe à l’illusion d’Oslo. Bien pire, cette bourgeoisie fait de « l’extrémisme religieux » en Palestine un sujet d’obsession qui traduit en réalité sa frayeur devant la radicalité populaire. Elle préférerait le statut quo de l’occupant israélien à la révolution populaire palestinienne. Ses coups de colère médiatiques pour dénoncer le bain de sang à Gaza ne peuvent dissimuler sa capitulation. De fait, la résistance à l’Etat colonial israélien est doublée d’une lutte des classes silencieuse.

La marche du retour a aussi son effet décapant dans les rangs des pro-palestiniens en Europe : le combat se mène sur les fondamentaux du mouvement national palestinien. Le droit au retour ne laisse pas de place au bavardage sur la paix et à la chimère des deux Etats. Il est l’abolition pratique du colonialisme en Palestine. En ce sens, les pro-palestiniens doivent s’aligner sur les revendications de la résistance populaire synthétisées dans le slogan de la libération de toute la Palestine.

De manière récurrente, les déshérités palestiniens se font un devoir de se rappeler aux puissants et à leur mépris car l’histoire ne s’écrira pas sans eux. Déjouer la trahison, résister à la cruauté de l’ennemi soutenu par les grandes puissances, faire face à l’infamie et au mensonge, le combat des classes opprimées palestiniennes est titanesque. L’enjeu pour elles est de trouver le mode d’organisation le plus efficace, fortifier l’unité nationale et profiter de l’approfondissement des contradictions du camp ennemi pour porter le coup fatal. Elles n’ont rien à perdre sinon les chaînes coloniales.

Les classes dirigeantes arabes sans dignité ni honneur et l’Occident cupide devraient se « prosterner dans la poussière », selon l’expression du philosophe Nietzsche, par devant ceux qui sont porteurs d’une civilisation débarrassée de la tyrannie coloniale. Et par devant donc le génie populaire palestinien.

Comité Action Palestine

26 mai 2018

Publié également dans le Grand Soir

https://www.legrandsoir.info/la-marche-du-retour-a-gaza-le-genie-populaire-palestinien-fausse-les-calculs-des-israeliens.html




« Tareq Oubrou, l’imam de la République ou la théologie de la soumission » par Tayeb El Mestari

Méprisant à l’égard de la masse ignorante, l’imam T. Oubrou remplit la fonction de ventriloque du pouvoir, notamment à l’occasion des agressions israéliennes contre les Palestiniens. Pendant la guerre de Gaza en 2014, il déclare dans les Cahiers de l’islam : « Le droit de manifester ou de déclarer ses opinions en public est garanti par les valeurs de la République. Cependant rien ne doit justifier les appels directs ou indirects à la haine et à l’importation de ce conflit sur le territoire. Cela remettrait en cause le pacte républicain qui unit tous les français quelle que soit leur religion ou leur opinion politique ».

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« Libéral », « modéré », « progressiste », « l’imam préféré de la république », les médias et le pouvoir politique ne tarissent pas d’éloges envers Tareq Oubrou le recteur de la mosquée de Bordeaux. Fait chevalier de la Légion d’Honneur en 2013, sur proposition du ministre de l’intérieur Manuel Valls, il a, peu à peu, incarné la figure de l’imam éclairé de la République. Pourquoi tant de démonstration d’affection à l’égard de cet imam dans une société qui transpire, pourtant, par tous ses pores l’islamophobie et le racisme ?

Militant dans la mouvance islamique radicale dans sa jeunesse, T. Oubrou prône aujourd’hui l’adaptation d’un islam « « décongelé » à « la couleur de notre époque ». Par un travail d’interprétation, l’imam modéré met toute son énergie au service d’une entreprise théologique d’« intégration de l’islam, comme religion, dans le paysage de la République». La théorisation de l’adaptabilité de l’islam en terre française est formulée de manière aboutie dans un texte intitulé « Sharia de minorité : réflexion canonique pour une intégration de l’islam en terre laïque ». Malgré quelques concepts barbares (amphibologie, orthopraxie, géothéologie, principologie, etc.), car il faut donner une forme savante au propos, la démonstration est d’une simplicité biblique. L’enjeu est de mettre de l’ordre dans un contexte de « désordre religieux », où règne la confusion quant aux pratiques et aux représentations des croyants. Mais cette mise en ordre, « faire le ménage » selon lui, doit passer par une théologie éclairée fondée sur le principe de la raison et de la « dialectique critique ».

Ordre et religion

 Comme Janus qui veille aux portes du ciel, Tareq Oubrou a une tête à deux faces : le théologien et le politique. L’un sert l’autre mais dans un rapport de subordination. La théologie est chez T. Oubrou la bonne à tout faire du politique. Le sacré s’aplatit devant le profane. En dehors de la croyance en un Dieu unique et son Prophète Mohamed, tout peut être objet d’interprétation spéculative. Seule la raison du « théologien réaliste », qui prend en compte le contexte, est à même de guider la minorité musulmane en terre laïque. Si le texte sacré est objet d’interprétation, en revanche la République est indiscutable, chose politique non contextualisée, comme si elle était hors du temps et indépendante de toute détermination sociale. Elle est donnée comme un invariant, non soumise à la critique « dialectique » et historique. Le sacré s’adapte à l’immuable République. Selon T. Oubrou, « l’Europe, et notamment la France, est d’abord une terre de prospérité économique, d’égalité, de démocratie, de liberté, de sciences, de savoir…Le communautarisme étant banni par le modèle politique français. Au sein de cette communauté, les individus sont liés à la République dans son unité et indivisibilité-aujourd’hui on insiste plutôt sur la diversité dans l’unité de la République-par le contrat de la citoyenneté, lequel aux yeux de la sharia est un contrat moral à honorer. Adhésion à une communauté religieuse et à une citoyenneté française, telle est la double appartenance que doit assurer notre conceptualisation de la sharia en France ».

Derrière le théologien, il y a le politique, derrière le savoir religieux, il y à la norme idéologique et politique. Au nom de l’expertise qu’il se prête et que le pouvoir lui prête, le projet du théologien consiste à enchâsser la république de la minorité musulmane, la sharia, dans la République française. Il souhaite mettre la religion « à l’abri de toute instrumentalisation », mais toute sa construction théologique inféode l’islam à la République qui prend les apparats du sacré. La loi des hommes est placée au-dessus de la loi de Dieu. A aucun moment, ne sont mis en question le capitalisme, les rapports de domination de classes et de races au sein de la société et à l’échelle des nations. C’est à cette condition de subordination du sacré et de légitimation de l’ordre, et à elle seule que l’imam est sorti de l’anonymat pour devenir l’intellectuel musulman médiatique et chéri de la République.  S’il invite les musulmans à sortir de leur « prison mentale », c’est pour mieux les enfermer dans une autre prison mentale, celle de l’adoration de l’ordre politique actuel. A ce titre, faire commerce de la religion est nécessairement faire commerce d’opium.

 

 Mépris de classe

Cette conception du monde est propre à la classe moyenne dont fait partie Tareq Oubrou et à laquelle il s’identifie. Cette classe moyenne intellectuellement bornée et politiquement normative en appelle au respect de « l’ordre naturel », l’ordre politique contre le « désordre religieux », reflet mental de la masse musulmane ignorante. En effet, son édifice théologique réaliste « concerne les musulmans qui veulent vivre dans la légalité par rapport à leur religion, autrement dit ceux qui ont fait le choix de se conformer à la sharia. Rappelons que cette catégorie de musulmans est une minorité dans la minorité. La majorité des musulmans négligent beaucoup d’enseignements cultuels et moraux essentiels de l’islam- à cause de leur relâchement ou de leur ignorance tout simplement ».

 Cette approche morale et légaliste repose sur une sociologie vague et abstraite de la « communauté musulmane », qui telle que la République, est une et indivisible. Il ne voit pas les différences de classes qui travaillent cette catégorie « communauté musulmane ». Sous sa plume, la seule distinction opérante est celle qui trace une frontière entre les éduqués des ignorants. L’idée que la majorité des musulmans serait marquée par l’ignorance trahit un mépris de classe qui a refait surface récemment dans une tribune dont il est l’un des signataires parmi une trentaine d’imams, « indignés » par l’antisémitisme. Dans cette tribune, qui fait suite au manifeste contre l’antisémitisme signé par 300 personnalités, il est écrit : « Notre indignation est aussi religieuse en tant qu’imam et théologiens qui voyons l’islam tomber dans les mains d’une jeunesse ignorante, perturbée et désœuvrée. » Indignés par le racisme antijuif, ces imams sont aveugles à leur propre racisme contre la jeunesse discriminée des quartiers populaires et des banlieues déshéritées.

Méprisant à l’égard de la masse ignorante, l’imam T. Oubrou remplit la fonction de ventriloque du pouvoir, notamment à l’occasion des agressions israéliennes contre les Palestiniens. Pendant la guerre de Gaza en 2014, il déclare dans les Cahiers de l’islam : « Le droit de manifester ou de déclarer ses opinions en public est garanti par les valeurs de la République. Cependant rien ne doit justifier les appels directs ou indirects à la haine et à l’importation de ce conflit sur le territoire. Cela remettrait en cause le pacte républicain qui unit tous les français quelle que soit leur religion ou leur opinion politique ».

Adepte de la « théologie de l’équilibre » pour préserver la « paix civile », T. Oubrou privilégie une fausse posture de neutralité dans une confrontation qui oppose des colonisés et des colonisateurs. Mais cette théologie de la soumission est-elle tenable à long terme ? De nombreux fidèles prennent peu à peu conscience que le théologien est d’abord un politique.

Tayeb El Mestari (13/05/2018)

https://www.legrandsoir.info/tareq-oubrou-l-imam-de-la-republique-ou-la-theologie-de-la-soumission.html

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