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Abbas, ou l’échec annoncé d’une stratégie de survie politique

Par Lina Kennouche, pour L’Orient le Jour (4/10/2016)

Des Etats arabes cherchent à tout prix une normalisation avec l’Etat israélien. Mahmoud Abbas, qui leur tourne le dos parce qu’il mise sur une collaboration directe avec les dirigeants israéliens, est contesté chez les palestiniens et ne présente pas les garanties qu’un corrompu comme Mohamed Dahlan pourrait leur donner. Ils pensent l’avenir de la Palestine à l’aune de leur propre système politique : le peuple ne compte pas, seule compte la préservation de leur pouvoir et leurs intérêts à court terme. C’est pour cette raison qu’un Mohamed Dahlan, dont la légitimité est encore moindre que celle de M. Abbas, a l’avantage d’avoir une poigne de fer pour servir leur stratégie de normalisation ouverte avec les sionistes.

Comité Action Palestine


La Cour suprême palestinienne a rendu hier une décision lourde de conséquences politiques. Excluant Gaza, gouvernée par le mouvement islamique Hamas, cette décision fixe des élections municipales (dont la date reste indéterminée) dans la seule Cisjordanie. Elle revêt une importance cruciale pour le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. En proie à une impopularité grandissante, il est contraint de se rabattre sur une stratégie électorale de survie politique dans un contexte où sa légitimité est doublement contestée, en interne et sur le plan régional. Les tensions internes au sein du Fateh sont apparues au grand jour après le tollé général provoqué par la présence de Mahmoud Abbas aux obsèques de Shimon Perès.

Cette visite a été interprétée comme un acte de trahison par de nombreuses organisations palestiniennes, notamment le comité dirigeant des étudiants de l’Université de Bizerte, exclu du Fateh pour avoir réclamé le départ du chef de l’exécutif. Les dissensions au sein du parti et les divisions interpalestiniennes tendent à s’accentuer à mesure que la légitimité de Mahmoud Abbas s’érode.

Incarnant aux yeux de nombre de Palestiniens les compromissions du camp de la modération, il pourrait également se voir privé du soutien historique de pays arabes alliés. Alors qu’historiquement, le contrôle de la carte palestinienne via celui des dirigeants palestiniens a constitué un enjeu politique majeur pour les États régionaux, dans l’appréciation de Abbas le facteur régional arabe est minoré. Si, dans les années 70, Yasser Arafat, alors à la tête de l’Organisation de libération de la Palestine, a consacré le rôle régional de certains États, notamment l’Égypte qui lui a parfois valu les hostilités de la Syrie et l’Irak, Mahmoud Abbas a fait le pari des puissances occidentales. Pour M. Abbas, seul un accord avec les Israéliens et leur parrain américain mettrait fin au blocage politique. Cette volonté de miser exclusivement sur l’État occupant, Washington et les puissances internationales a renforcé sa posture de collaboration avec les dirigeants israéliens. Ses velléités émancipatrices auraient fini par le faire tomber en disgrâce. Certains pays arabes lui préféreraient un successeur, certes tout aussi contesté à l’intérieur, mais qui a l’avantage d’être totalement inféodé à leurs intérêts : coopérer avec Israël sous leur supervision.

M. Dahlan, réputé pour ses liens historiques avec les services de renseignements égyptiens, apparaît comme la pièce maîtresse de la stratégie de renouvellement et de contrôle de l’Autorité palestinienne. Si M. Abbas fait de ses élections sa planche de salut, il n’en reste pas moins qu’elles pourraient renforcer son isolement sur la scène politique locale. Il prend le risque de faire l’unanimité des organisations politiques palestiniennes contre la tenue de ces élections. L’Autorité palestinienne pourrait se retrouver ainsi en prise à une opposition politique plus importante.

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