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Les Palestiniens : toujours debout sur le chemin du retour.

Journée de la terre en Palestine (mars 2019)

Comité Action Palestine

Le 30 mars
1976, six Palestiniens de l’intérieur (c’est-à-dire ceux qui ont pu rester en
1948 après la création par la force de l’Etat d’Israël) étaient abattus par
l’armée d’occupation d’Israël, 96 blessés et 300 autres étaient arrêtés. Leur
crime ? Avoir manifesté contre l’État sioniste qui avait confisqué et déclaré “
zone militaire ” 1700 hectares appartenant à des villages palestiniens.

Depuis,
tous les 30 mars, la “ Journée de la Terre ” commémore cet assassinat, partout
dans le monde où se trouvent les défenseurs des droits du peuple palestinien.

Cette journée est avant tout symbolique. Rappelons qu’en 1948, l’Etat juif avait expulsé près d’un million de Palestiniens et détruit plus de 400 villages. La majeure partie des terres palestiniennes avait été confisquée dans la perspective de fonder le “ Grand Israël ”. Dès lors, cette politique de confiscation des terres en vue de judaïser la Palestine (c’est-à-dire voler des terres aux Palestiniens pour les donner aux juifs), s’est poursuivie sans relâche et s’intensifie, accumulant crimes de masses, assassinats de leaders politiques et emprisonnements de résistants : la colonisation de toute la Palestine est inscrite au cœur du projet sioniste. Avec l’expansion coloniale qui vole chaque jour plus de terre aux Palestiniens et la judaïsation actuelle de la vallée du Jourdain, du Naqab, d’al-Quds et des lieux saints, rien ne semble arrêter cette machine à tuer et à coloniser.

Pourtant, depuis la création de l’Etat d’Israël, le peuple palestinien a toujours résisté à cette terrible entreprise de destruction de sa société soutenue par les pays occidentaux et en particulier les Etats-Unis et la France. La résistance est aujourd’hui multiple et menace de toutes parts l’entité coloniale. La Marche pour le Retour, initiée depuis mars 2018 à l’occasion de la 70ème année de dépossession, témoigne de la vitalité actuelle de cette résistance et du génie populaire palestinien. N’ayant plus rien à perdre, les habitants de Gaza se mobilisent en masse chaque vendredi pour marcher vers la barrière qui la sépare de la Palestine occupée. Malgré la répression qui s’abat sur les manifestants (plus de 250 morts, dont 60 en un seul jour pour la commémoration de la Nakba, et près de 26000 blessés), la pression populaire sur l’entité sioniste est maintenue. De plus, la résistance armée est toujours active et efficace. En Cisjordanie les attaques contre les colons se multiplient et à Gaza, les faits d’arme de la résistance tels que la mise en déroute d’un commando terrestre ennemi en novembre 2018 et des tirs de roquettes de longue portée illustrent sa puissance grandissante.  La rapidité avec laquelle l’entité sioniste a conclu un cessez le feu alors qu’une roquette avait atteint le Nord de Tel-Aviv ces derniers jours, témoigne que la peur a vraiment changé de camp. La force symbolique de cette résistance, et celui de la Marche du retour en particulier, est majeure. Le message palestinien est clair. «Le peuple palestinien n’a plus rien à perdre, il ne capitulera pas et rentrera chez lui, le Droit au retour est son droit ». De fait, la politique sioniste pour faire disparaitre le peuple palestinien depuis 70 ans a échoué.

Aux prises avec la résistance
palestinienne sous toutes ces formes, l’entité sioniste doit faire face en
interne à une grande instabilité politique et en externe aux menaces de l’axe
Hezbollah-Syrie-Iran renforcé par la victoire en Syrie. En dépit de toutes les
décisions américaines en sa faveur et son intense activité de normalisation
avec les Etats arabes et africains, elle semble bien incapable de renverser le
nouvel équilibre des forces dans la région. La montée en puissance de la Russie
d’une part et les contradictions au sein du camp occidental- alliés arabes compris-
d’autre part affaiblissent d’autant plus sa position. L’échec de la dernière
visite de l’émissaire américain Pompeo pour rechercher des soutiens arabes au
« Deal du siècle » que les USA souhaitent imposer aux Palestiniens,
illustre bien que les Etats arabes ne sont plus aussi enclins à se plier aux
ordres américains en faveur d’Israël. Les réactions inquiètes ou franchement
négatives, même de l’Arabie saoudite, suite à la décision de Trump de
reconnaitre la souveraineté israélienne sur le Golan occupé montrent également
que la donne a bien changé. Ce contexte pourrait s’avérer favorable aux
Palestiniens. L’espoir est donc permis.

Le 30 mars est une journée qui rappelle au monde que les
Palestiniens sont toujours debout pour libérer leur terre. En cette période où
les classes populaires françaises se dressent face à un système capitaliste à
bout de souffle et subissent l’arbitraire de la répression, les Palestiniens
nous montrent le chemin de la résistance et de la détermination. Soyons sans
répit à leurs côtés
pour réaffirmer
que la Palestine est arabe, et soutenir leur lutte jusqu’à la victoire de la
résistance et la satisfaction de ses revendications légitimes
:

  • La condamnation du sionisme comme mouvement politique colonialiste
    et raciste.
  • Le soutien inconditionnel à la résistance du peuple palestinien et
    à son combat pour son autodétermination et son indépendance nationale.
  • La reconnaissance du droit inaliénable au retour de tous les
    réfugiés chez eux.
  • La libération de tous les résistants emprisonnés, y compris
    Georges Ibrahim Abdallah, emprisonné dans les geôles françaises depuis 1984

Photo: Gaza mars 2018
http://casbah-tribune.com




Gilets jaunes : Pacifisme ou violence ?

Toute société impose des normes, des règles et des institutions pour les faire respecter. En ce sens toute société est violente. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est la violence politique. Sous ses formes principales (guerre, terrorisme, révolution), la violence politique est un fait permanent, c’est-à-dire structurel à la société capitaliste. L’intérêt et la violence sont intimement liés. La violence est le moyen de soumettre un individu, un groupe d’individus ou des sociétés entières à la logique des intérêts et, plus concrètement, les soumettre à la logique implacable du profit, de la conquête des territoires et des marchés économiques.

Si la violence est l’instrument de la domination, elle peut être, dans d’autres cas, celui de l’émancipation quand les opprimés s’en emparent. A la violence de l’asservissement et de l’extermination s’oppose la contre-violence libératrice. Les révolutions et les décolonisations sont les exemples de cette violence libératrice.

Le peuple palestinien nous montre le chemin pour faire face à la violence sociale et au mépris des classes dominantes. Il est le symbole de toutes les luttes émancipatrices.

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Tayeb El Mestari (Le Grand Soir, 23 mars 2019)

« Factieux », « séditieux », « casseurs », « antirépublicains », « antisémites », les mots pleuvent comme des balles de LBD dans la grande bataille sémantique pour qualifier et tenter de disqualifier les gilets jaunes. A l’unisson, les médias inféodés aux puissants, les experts propagandistes “ larbinisés ” et une très large partie de la classe politique dépassée et désorientée dénoncent chaque jour la violence des gilets jaunes. Mais tous les samedis avec un sens de l’effort incomparable, les gilets jaunes manifestent. Et tous les samedis les scènes de violence se répètent inlassablement.

Le caractère inédit de ce mouvement a été largement souligné, mais sa force réside à la fois dans sa durée et sa violence intrinsèque, l’une alimentant l’autre. Les cris d’orfraie d’un Macron ou d’un Castaner n’y peuvent rien. Leurs incantations et leurs menaces, parfois la larme à l’œil, face à la violence populaire, sont désormais sans effet. Le glaive du ministère de l’intérieur censé faire peur est systématiquement un coup d’épée dans l’eau. La raison en est simple : la violence est enracinée dans ce mouvement. Elle en est le principe de vie qui refuse l’assignation à des conditions sociales d’indignité et de pauvreté dans lesquelles cette société capitaliste a plongé des millions de personnes.

La violence, un mal nécessaire

Cette violence répond à une violence première : la violence économique capitaliste. A partir de la fin des années 1970, le capitalisme est entré dans une phase où le capital devait croitre au détriment du travail salarié, en sécrétant un chômage massif et une baisse des salaires. Mais ce processus ne concerne pas seulement les travailleurs et les classes moyennes paupérisés. Toutes les catégories populaires, qui doivent leur survie quotidienne aux prestations sociales, n’arrivent pas, elles aussi, à « remplir leur frigo », selon la fameuse expression des gilets jaunes.

D’un côté cette détresse sociale des classes populaires, de l’autre des richesses insolentes et ostentatoires. Lorsque le vote est dévoyé et qu’il n’a d’utilité qu’à promouvoir, à chaque élection, un nouveau personnel politique dans sa grande partie corrompu ; lorsque les manifestations ressemblent souvent à des promenades organisées par les syndicats ; lorsque le Sénat et l’Assemblée nationale donnent à voir le spectacle piteux d’une classe politique impuissante qui se dispute les places et les prébendes ; lorsque la politique telle qu’elle s’exerce ne peut provoquer que le rejet, la violence s’invite pour la grande explication.

Les gilets jaunes n’avaient plus le choix. Face à cette violence sociale à laquelle s’ajoute la violence du mépris des classes dominantes, la bataille dans la rue reste la seule issue possible pour instaurer l’égalité. Cette lutte idéologique sur la légitimité de la violence est menée sans concession de part et d’autre pour gagner l’« opinion publique ». Elle se mène aussi dans les rangs des gilets jaunes. Pour convaincre les plus réticents d’entre eux, les gilets jaunes disent, et à juste titre, que la violence est un mal nécessaire. Il va de soi que la violence pour la violence n’existe pas, sinon dans l’esprit étroit des idéologues du pouvoir pour discréditer la lutte des classes. Les gilets jaunes ne sont pas violents par nature.

L’invention des « casseurs » et l’usage de la force

La violence économique et la violence policière sont intimement liées. Lorsque la première jette les mécontents dans la rue, la deuxième est censée les faire rentrer chez eux. Les moments de rude confrontation sont des moments de vérité pour le système tout entier et de l’institution policière en particulier. L’usage de la force contre les masses populaires agit comme un révélateur sur le système dont le réflexe premier est de préserver les intérêts de la grande bourgeoisie qui contrôle, à travers le Président Macron, tous les leviers de la domination politique. Il a suffi de quelques semaines de lutte dans la rue pour que la police soit dépouillée de son caractère républicain et apparaisse sous les traits d’une milice aux ordres de la minorité des puissants. La lutte populaire a déchiré le voile démocratique pour laisser voir au grand jour le visage froid de la dictature de la matraque et du LBD 40. La France patrie des droits de l’homme se voit sermonnée par l’ONU pour un usage disproportionné de la violence contre les plus faibles de la société ! Cette démocratie de facture bourgeoise a montré dans quelle considération elle tient les représentants du peuple en matraquant un député girondin. Ou en donnant une quasi immunité à un Benalla, qui du haut de ses 26 ans, se joue des vieux sénateurs, interloqués par autant d’audace républicaine chez un voyou protégé en haut lieu. Tout un symbole qui donne raison aux gilets jaunes lorsqu’ils affirment que les parlementaires n’ont aucun poids politique, leur seule utilité étant de donner un vernis démocratique à un système fondé sur la spoliation des travailleurs et l’oppression de « ceux qui ne sont rien ».

Ces « Gaulois réfractaires », ces « illettrés » ont fait preuve d’une conscience politique aiguë en montrant que le système tient, en dernière instance, par le seul usage de la force. Cette démonstration est d’une limpidité cristalline. Mais un système qui ne tient que par la force est, paradoxalement, un système fragile. D’où le recours à des ruses et à des subterfuges pour discréditer les gilets jaunes et semer la division en leur sein. La distinction que tente d’opérer le pouvoir entre casseurs et gilets jaunes pacifiques ne trompent personne, sinon les experts autoproclamés et la bourgeoisie apeurée des beaux quartiers de Paris, de Bordeaux ou de Toulouse. Ce tour de passe-passe permet de justifier l’adoption de la loi anticasseurs qui sape concrètement le droit constitutionnel de manifester. Le coup de force économique permanent contre les classes populaires prend, peu à peu et au fur à mesure de l’approfondissement des contradictions de classes entre les dominants et les dominés, la forme d’un coup de force politique.

La violence populaire, une légitime défense ?

Face à la réaction populaire légitime, le pouvoir suit une logique qui lui est propre. Il déploie davantage de violence parce qu’il est pour l’instant incapable de donner une réponse politique. Incapable de satisfaire les revendications des gilets jaunes et de transformer la donne institutionnelle par une réelle représentativité populaire. Il est coincé dans une dérive purement autoritaire que d’aucuns qualifient de dictature des riches contre les déshérités. Lorsqu’on s’approprie le bien d’autrui, il faut être prêt, si la persuasion ne fonctionne plus, à lui faire violence pour qu’il courbe l’échine.

Loin de se réduire à une minorité de « casseurs », la violence nourrit la dynamique collective des gilets jaunes. Dans les manifestations ou sur les réseaux sociaux les gilets jaunes disent pour la plupart : « Nous déplorons les violences, mais comment se faire entendre autrement ? ». Depuis les actes III et IV, les gilets jaunes ont compris que la violence paie. L’Acte XVIII du samedi 16 mars 2019 a déboussolé le pouvoir dont les représentants, Macron en tête, inspirent l’apitoiement dans leur recherche désespérée à vouloir dissuader et impressionner les gilets jaunes. Parce que l’histoire est une grande pédagogue, la pensée politique des gilets jaunes se réfère à la Révolution française pour signifier au monde que la marche vers une société meilleure est conditionnée par l’usage politique de la violence. Rien de grand n’a été réalisé sans la violence, nécessairement un passage obligatoire pour renverser le rapport de force. La symbolique de la guillotine très présente dans le mouvement ne signifie pas que les gilets jaunes sont assoiffés de sang. Elle rappelle seulement l’idée incontestable que la non-violence est une illusion et qu’elle n’a pas fait ses preuves historiquement. La défaite de la Commune en 1871 et le massacre de 30 000 communards par Adolphe Thiers, soutenu par une bourgeoisie revancharde et cruelle, enseigne que les ouvriers en armes ont commis le péché de faiblesse face à la violence sans borne des Versaillais. Plus récemment dans l’histoire des luttes, les manifestations enfermées dans le cadre étroit des revendications syndicales et du pacifisme d’obédience bourgeoise a conduit à l’impasse. Un système politiquement verrouillé et une situation économique d’une injustice criante et insupportable ouvre indubitablement une nouvelle ère de violence. Chaque épisode de la lutte des classes dans l’histoire de la France capitaliste le prouve.

lien: https://www.legrandsoir.info/gilets-jaunes-pacifisme-ou-violence.html

Photo: Comité Action Palestine




Vers une nouvelle donne au Proche Orient

Comité Action Palestine (mars 2019)

Après 7 ans, le conflit syrien a connu en 2018 une issue qui traduit l’établissement d’un nouveau rapport de force au Proche et Moyen Orient. Face à la montée en puissance de la Russie, les Occidentaux, en raison de leurs propres contradictions, ne paraissent plus capables d’imposer leur diktat sur la région. Malgré le soutien redoublé des Américains, l’entité sioniste se retrouve alors prise en étau entre les forces armées du Hezbollah et de l’Iran et la résistance palestinienne. Cette nouvelle donne pourrait être favorable à la lutte nationale palestinienne.

Un nouveau
rapport de force établi au Proche et Moyen Orient

Alors que le conflit qui oppose au Yémen les forces
houtis à l’Arabie saoudite à la tête d’une coalition internationale se
poursuit, la Russie intervient également sur ce terrain pour proposer, via
l’ONU, un règlement entre les belligérants, ce qui équivaudrait finalement à
une défaite de l’Arabie saoudite. En 2018, le camp saoudien a continué à perdre
de l’influence et le soutien américain s’est fait plus critique suite au
meurtre du journaliste Jamal Kashogii en Turquie en octobre 2018 et à certaines
révélations concernant des armes américaines vendues à l’Arabie saoudite,
retrouvées aux mains des forces houtis. L’influence majeure de la Russie se
traduit également par une volonté de contrecarrer la stratégie américaine
vis-à-vis des Palestiniens. Un récent sommet organisé à Moscou a en effet rassemblé
toutes les factions palestiniennes, qui, sans arriver à un accord complet, ont
exprimé une position commune rejetant le « Deal du siècle ». Ce projet, proposé
par les Américains pour « régler le conflit en Palestine », semble aujourd’hui
au point mort.

La victoire qu’on peut considérer comme définitive de
l’axe Syrie-Russie-Iran-Hezbollah en Syrie, marque durablement un nouveau
rapport de force dans la région. Début 2019, la quasi-totalité du territoire
syrien est repassé sous contrôle des forces gouvernementales syriennes. Outre
le renforcement du rôle déterminant du Hezbollah comme force de dissuasion face
à l’entité sioniste, et de l’Iran comme puissance régionale, cette victoire
impose la Russie comme un intervenant incontournable dans la géopolitique de
cette région.

Prenant en compte ce nouveau rapport de force, la Turquie
essaie de profiter de la situation et de renforcer ses alliances avec la Russie.
Elle instrumentalise la politique internationale pour détourner l’attention des
Turcs des problèmes économiques auxquels ils doivent faire face, et affiche un
positionnement plus anti-occidental qu’auparavant, illustré, notamment, par sa
prise de position vis-à-vis des ingérences impérialistes au Venezuela.

L’influence
occidentale affaiblie par des contradictions
 :

Le retrait des forces américaines de Syrie initié début
2019 laissent les forces kurdes seules face à la Turquie farouchement opposée à
leur projet d’indépendance. Très actives pour combattre Daesh et l’Etat
islamique, les Kurdes avaient parié sur le soutien occidental. Ils n’ont alors
pas d’autre choix qu’un rapprochement avec les forces syriennes
gouvernementales, ce qui éloigne la perspective d’un éclatement territorial de
la Syrie, souhaité par les Occidentaux.

Alors que la victoire en Syrie et la défaite de l’Arabie
saoudite au Yémen renforce le leadership régional de l’Iran, les USA redirigent
leur pression vers la République islamique avec leur retrait de l’accord sur le
nucléaire et la réactivation du blocus économique au cours de 2018. Un conflit
ouvert avec l’Iran paraissant peu probable, l’objectif principal est
d’affaiblir économiquement le pays en espérant une déstabilisation politique et
des mouvements de révolte en interne pouvant conduire à un renversement du
régime. Pour l’instant, l’Iran n’a pas répondu aux attaques militaires
israéliennes contre ses forces positionnées en Syrie et elle met en place des
dispositifs monétaires pour contourner l’embargo en nouant des alliances
commerciales avec la Russie et la Chine. Par ailleurs les contradictions entre
pays capitalistes depuis l’élection de Trump sont un élément supplémentaire à
prendre en compte. En effet lors d’un récent sommet à Varsovie, les USA ont
tenté de constituer un front anti-iranien uni rassemblant plus de 60 pays. Or
les Européens, qui veulent défendre leurs propres intérêts économiques, en recherchant
des moyens pour contourner l’embargo et échapper aux sanctions, n’ont pas
participé à ce sommet, affaiblissant de fait la stratégie américaine contre
l’Iran.

Enfin, même si la Jordanie n’est pas une puissance
régionale, les contradictions qui la traversent sont à prendre en compte. Elle
doit composer entre, d’une part, une alliance historique avec Israël et les
Américains et, d’autre part, une population composée à 60% de Palestiniens et
son rôle de garant des lieux saints musulmans d’al-Quds. Pendant la guerre en
Syrie, son territoire a servi de base occidentale, ce qui l’a conduit à
interrompre ses échanges avec ce pays alors que c’était son principal
partenaire économique. Depuis, elle subit une grave crise économique et a connu
en juin 2018 une mobilisation sociale inédite. Afin d’éviter toute
déstabilisation défavorable aux pays du Golfe et à Israël, les Pétromonarchies
sont venues à sa rescousse financière. Les Américains voulaient lui faire jouer
un rôle majeur dans le « Deal du siècle », en lui rattachant une grande partie
de la Cisjordanie et annulant le droit au retour des réfugiés palestiniens et
la souveraineté arabe sur al-Quds. Mais la Jordanie s’y est jusqu’alors clairement
opposée.

L’entité sioniste
fragilisée malgré le soutien américain renforcé

En dépit des décisions américaines en sa faveur, l’entité
sioniste se trouve fragilisée par ce nouveau rapport de force. En 2018, les
Américains ont transféré le 14 mai leur ambassade à al-Quds, reconnaissant de
facto la ville comme capitale d’Israël. Poursuivant les négociations pour
conclure le « Deal du siècle », ils ont aussi cessé de financer
l’UNRWA (l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens), mettant en péril
l’aide internationale aux réfugiés et de ce fait la matérialisation de la
reconnaissance internationale du Droit au Retour. L’entité a, quant à elle, poursuivi
son activité de normalisation avec les Etats arabes (sous la houlette de
l’Arabie saoudite) et avec les Etats africains auprès desquels elle cherche un
soutien à l’ONU. Mais la victoire en Syrie de l’axe Syrie-Iran-Russie-Hezbollah
a renforcé la résistance armée à ses frontières et le retrait des américains de
Syrie a laissé l’entité sioniste seule face à ses ennemis. Les attaques répétées
qu’elle mène contre les forces syriennes et iraniennes basées au sud de la
Syrie ont pour l’instant uniquement conduit à un renforcement des moyens
militaires de défense syrienne par les Russes. Cette activité belligérante de
faible intensité apparait d’ailleurs plus à destination de son opinion interne
car l’entité n’apparait pas de taille, sur le plan militaire, à affronter
l’Iran. En interne, la persistance et l’efficacité de la résistance
palestinienne a conduit à une crise politique majeure suite à la démission de
Lieberman en décembre 2018, et la nécessité de convoquer des élections
législatives anticipées en avril 2019. La démission récente du commandant des
commandos de l’armée israélienne confirme cette instabilité politique au sein
de l’entité sioniste. Illustrant bien cette situation, Benny Gantz, ex chef
d’Etat-major de l’armée israélienne, a récemment déclaré qu’ « Israël
devrait se retirer à moyen terme de la Cisjordanie car il n’arriverait pas à
gérer la prochaine guerre ».

La Marche
pour le retour : un degré supérieur pour la résistance populaire

Alors que les forces politiques palestiniennes peinent
toujours à exprimer de manière unifiée leur rejet du deal du siècle, que
l’Autorité palestinienne maintient sa collaboration sécuritaire avec l’entité
sioniste, et que Abbas tente toujours de prendre le pouvoir à Gaza en coupant
les vivres au Hamas, la résistance populaire palestinienne se renforce. En
Cisjordanie elle ne faiblit pas et a pris, en 2018, une nouvelle forme à Gaza.
La Marche pour le retour est une nouvelle expression du génie populaire
palestinien. Complètement asphyxiée par un blocus depuis plus de 10 ans, la
population de Gaza n’a rien à perdre. Ainsi depuis fin mars, elle se mobilise
chaque vendredi pour marcher vers la barrière qui la sépare de la Palestine
occupée. Malgré la répression qui s’abat sur les manifestants (plus de 250
morts, dont 60 en un seul jour pour la commémoration de la Nakba, et près de
26000 blessés), la pression populaire sur l’entité sioniste est maintenue. De
plus, et même si elle se fait discrète, la résistance armée est toujours active
et efficace (en témoigne l’opération de novembre où elle a réussi à repousser
par surprise un commando terrestre ennemi), et le mouvement populaire est
soutenue par les principales factions palestiniennes. Bien que le rapport de
force puisse paraitre particulièrement disproportionné, la force symbolique de
cette résistance, et celui de la Marche du retour en particulier, est majeure. Le
message palestinien est clair. «Le peuple palestinien n’a plus rien à perdre,
il ne capitulera pas et rentrera chez lui, le Droit au retour est son droit ».
De fait, la politique sioniste pour faire disparaitre le peuple palestinien
depuis 70 ans a échoué. La résistance est aujourd’hui multiple et menace de
toutes parts l’entité coloniale.

Ainsi si la Palestine n’apparait pas actuellement comme
la pièce majeure des équilibres régionaux, le contexte pourrait lui être très
favorable. Sous la menace des forces de l’axe de résistance (Hezbollah, Iran et
Syrie) au Nord et de la résistance populaire palestinienne en interne, l’entité
sioniste apparait dans une situation plus fragile qu’elle ne l’a jamais été
depuis sa création. De plus, les contradictions au sein de l’axe occidental
affaiblissent sa position hégémonique et les intérêts russes dans la région bénéficient
pour l’instant aux forces anti-impérialistes et anti-sionistes. L’espoir est donc
permis pour les Palestiniens.