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« Accord de normalisation turco-israélien : les ambiguïtés du Hamas » Interview de Mohammad Noureddine

« Le Hamas palestinien a publié dans la nuit de lundi à mardi un communiqué exprimant « sa reconnaissance et sa gratitude » à l’égard des Turcs après l’annonce lundi de l’accord de normalisation entre Ankara et Tel Aviv qui devait comprendre la levée du siège de Gaza. Or, dès lundi, Israël a fait savoir qu’il n’était « pas prêt à renégocier » cette question. En dépit du fait qu’Ankara annonce depuis plusieurs années que le blocus de Gaza constitue un obstacle majeur à la reprise totale des relations avec Israël, la partie turque franchit le pas de la normalisation requise par les nouvelles priorités du président turc Recep Tayyib Erdogan en Syrie, sans qu’un changement substantiel intervienne dans l’approche israélienne. Si cette évolution était prévisible du côté de la Turquie qui offre une démonstration éclairante de ses priorités stratégiques régionales, la posture ambiguë du Hamas suscite des interrogations. Si selon le site d’information libanais al-Manar (du Hezbollah), « deux hauts cadres du Hamas (Oussama Hamdan et Khaled el-Ghoddoumi) ont rejeté tout lien entre leur mouvement et l’accord de normalisation israélo-turc », les propos tenus par son leader en exil Khaled Mechaal sont de nature à nourrir la confusion quant aux priorités politiques de l’organisation dans le contexte actuel. Mohammad Noureddine, professeur à l’Université libanaise et spécialiste de la Turquie, revient pour L’Orient-Le Jour sur la nature des relations entre la Turquie et le Hamas. » Lina Kennouche pour l’Orient le Jour


Propos recueillis par Lina Kennouche pour l’Orient le Jour (29/06/2016)

Comment analysez-vous cette nouvelle illustration du soutien d’une partie des dirigeants du Hamas aux orientations politiques d’Erdogan, au risque de mettre en danger la cohésion interne de l’organisation ?

Il faut comprendre que la relation entre la Turquie d’Erdogan et le Hamas est marquée par une convergence idéologique extrême, et il semble, comme tendent à le démontrer les orientations prises par l’organisation de résistance palestinienne depuis 2011, que la centralité islamique et la solidarité entre Frères musulmans prime sur la résistance immédiate à Israël. En 2011, l’évolution du rapport de force régional en faveur des partis politiques issus des Frères musulmans a laissé croire aux dirigeants du Hamas qu’une victoire de ces derniers aux scrutins électoraux se traduirait automatiquement par un soutien indéfectible à l’organisation politique. Ces projections ont encouragé l’organisation à rompre brutalement ses relations avec le régime de Bachar el-Assad et à fermer ses bureaux à Damas. Les choix du Hamas l’ont privé d’une grande partie de ses soutiens. Mais dans un contexte régional trouble et volatil, le seul allié stable sur lequel l’organisation s’est toujours appuyée, c’est la Turquie d’Erdogan, allié historique d’Israël qui, y compris durant la période de refroidissement, a conservé des relations commerciales très étroites avec cet État. Aujourd’hui, en dehors des bailleurs de fonds qataris qui n’ont pas la stature d’une puissance régionale, la Turquie est le seul allié sur lequel peut compter le Hamas. Même si cet accord devait le mettre en grande difficulté, la priorité reste la relation avec Ankara. Le Hamas devra donc s’accommoder de cet accord de normalisation.

La position d’une partie de l’organisation risque-t-elle d’exacerber les contradictions internes au risque de mettre en péril les intérêts stratégiques de la résistance ?
S’il est vrai qu’il y a des contradictions entre la tendance incarnée par Mechaal et d’autres voix au sein du Hamas, je ne pense pas que ce nouveau contexte puisse mener à une confrontation ouverte qui menacerait la cohésion de l’organisation. Certains responsable politiques sont partisans d’une ligne dure contre l’accord de normalisation, et sont même favorables à un nouveau rapprochement avec l’Iran. Cependant, le conflit reste larvé, et je ne crois pas qu’elles s’opposeront radicalement à l’approche de Mechaal. Il y a une conscience des risques qui pourraient peser sur l’organisation : dans le contexte objectif aussi défavorable au mouvement national palestinien et la répression de l’intifada, l’organisation ne survivrait pas à une fracture.

Que risquent d’être les retombées de cette attitude sur le rapport entre le Hamas et les autres composantes de la résistance ?
La résistance palestinienne est traversée par de nombreuses lignes de fracture, mais le rapport de force, du moins à Gaza, est aujourd’hui largement en faveur du Hamas. Il n’est pas dans l’intérêt des autres organisations politiques de résistance palestinienne de se laisser emporter par des querelles sur la position tactique à adopter vis-à-vis de la puissance occupante, alors que, depuis plusieurs mois, l’intifada est en cours et que les Palestiniens ont une attitude de défiance vis-à-vis des partis. À moins que le Hamas ne renonce à l’objectif stratégique de la lutte armée contre l’occupation israélienne, il est peu probable que les autres organisations lui manifestent leur opposition au risque de fragiliser davantage la résistance palestinienne. Mais la perspective s’assombrit si l’on tient compte de la nouvelle donne introduite par la normalisation : les nouveaux calculs d’intérêts de la Turquie pourraient l’amener à peser de tout son poids pour inciter le Hamas à faire des concessions importantes.

http://www.lorientlejour.com/article/993862/accord-de-normalisation-turco-israelien-les-ambiguites-du-hamas.html




L’ONU : un leurre au service des puissances impérialistes !

Comité Action Palestine

Depuis le 13 juin dernier, la 6ème commission de l’Assemblée générale de l’ONU est présidée par Israël. Cette commission gère l’ensemble des opérations de l’organisation de l’ONU du droit international que ce soit l’application des conventions de Genève ou la coordination de la lutte mondiale contre le terrorisme. Après son élection à la vice-présidence de la 4ème commission chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation en juin 2014, l’entité sioniste colonise peu à peu les arcanes de l’Organisation.

 L’Etat colonial israélien s’est bâti  sur le terrorisme, l’épuration ethnique et la violation des droits des Palestiniens. Mais que peut-on attendre de l’ONU ? C’est une organisation conçue par les Etats-Unis sur les cendres de la Société des Nations, fondée par le club des vainqueurs de la seconde guerre mondiale, et selon des règles qui leur assurent la suprématie dans n’importe quelles circonstances. Le vote de résolutions par l’Assemblée générale est un leurre puisqu’elles ne sont jamais contraignantes vis-à-vis des Etats dominants. De plus le droit de veto au Conseil de Sécurité garantit les intérêts des grandes puissances.

Ces nominations montrent une fois de plus que les Palestiniens n’ont rien à attendre de cette organisation et de la dite « communauté internationale ». Le mouvement de solidarité internationale doit cesser d’y faire référence comme seul cadre du droit des Palestiniens à l’autodétermination et des conditions de leur lutte nationale. Il est urgent de revenir aux fondamentaux de la lutte anti-coloniale. Le sionisme est un colonialisme, seuls les Palestiniens sont à même de définir les moyens de lutte pour libérer la terre arabe de Palestine car il s’agit de leur survie et de leur devenir. Le mouvement de solidarité doit avoir un seul mot d’ordre : la libération de toute la Palestine.




Les nouveaux oligarques : géants économiques et nains politiques – L’Orient Le Jour – L. Kennouche et T. El Mestari

Dans les anciens pays colonisés, les conséquences de la colonisation sur le développement économique, la structuration sociale et la nature du pouvoir perdurent longtemps après les indépendances. L’établissement post-colonial d’une économie rentière, fondée sur les ressources pétrolières notamment, aggrave ces effets à long terme. La prise en compte de ces éléments d’analyse est déterminante si l’on veut mieux comprendre la situation économique et politique actuelle des anciens pays colonisés, ainsi que leurs difficultés à développer une économie nationale. Cet article paru dans l’Orient Le Jour nous éclaire sur la nature des relations entre l’oligarchie algérienne et le pouvoir.
Etatisation de l’économie ou libéralisation contrôlée, dans les deux cas le développement économique en Algérie semble bloqué par la compétition pour les centres de décisions politiques et, in fine, pour l’accaparement des richesses produites par la rente pétrolière…Les clans et réseaux sont des groupes politiques informels mus par l’appât du gain. Ces nouveaux oligarques en sont l’incarnation.
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Lina Kennouche et Tayeb El Mestari,  pour l’Orient le Jour (14/06/2016)

S’il y a bien une tentation parmi les grands patrons d’investir le champ politique ou de l’influencer durablement, il revient au système politique algérien de les assimiler ou de les écarter.

Le nouveau bras de fer engagé entre l’industriel Issad Rebrab, patron de CEVITAL (une multinationale aux activités industrielles diversifiées), et le clan du président Abdel Aziz Bouteflika, après le rachat du quotidien el-Khabar, a relancé la polémique sur la nature des relations entre les élites politiques algériennes et la puissance du capital. Le grief de la transaction illégale proféré par le ministère de la Communication à l’encontre du géant économique qui contrôle aussi la chaîne de télé KBC, une société de diffusion, des imprimeries et des actifs, met à nouveau au jour les rapports de force entre le pouvoir et les hommes d’affaires farouchement opposés au réseau de la présidence. Au-delà des révélations fracassantes de certains médias algériens qui privilégient une approche psychologisante ou moralisatrice de ces pratiques collusives, cette affaire illustre une nouvelle fois la relation complexe entre les grands entrepreneurs et le pouvoir politique. Désignés comme les nouveaux oligarques, ces hommes d’affaires ont mis à profit la dynamique de transformation économique (depuis 20 ans avec le plan d’ajustement structurel), pour tisser d’étroites relations avec certains dirigeants politiques. Dans le passage d’une économie étatisée à une libéralisation contrôlée, le pouvoir a progressivement conduit une stratégie de développement qui s’appuie sur ces nouveaux acteurs économiques. Pour autant, l’affaire Rebrab interroge les limites de leur rôle : la nécessité de s’inscrire dans le sillage du clan dominant reste-t-elle la condition indispensable à la maximisation des perspectives de profit sans faire ombrage au pouvoir politique ? S’il est vrai qu’en Algérie, la nature même du pouvoir entrave le processus d’autonomisation de la sphère économique, et a fortiori l’émergence de nouveaux décideurs, pour autant la représentation stéréotypée de l’homme d’affaires s’inscrivant dans un rapport de servilité à l’égard du pouvoir ne correspond pas vraiment à la réalité.

Historiquement, le rôle de l’État algérien a toujours été fondamental dans la régulation des activités économiques. Les limites de la stratégie de développement et la transition accélérée vers une libéralisation, notamment à travers la privatisation partielle des secteurs publics, a offert des opportunités de profits rapides et entraîné l’émergence d’un nouvelle classe d’entrepreneurs. En dépit d’un allègement délibéré de la législation, les entraves juridiques et administratives persistent et l’influence de l’État reste prépondérante, particulièrement perceptible dans le domaine de l’accès au crédit et au foncier. En 2009, l’adoption d’une réglementation sévère à travers la loi de finances complémentaire (LFC) illustre le poids écrasant des pouvoirs publics dans la gestion du secteur économique, et la relation de dépendance de la classe entrepreneuriale. Cette loi a consacré l’interdiction des crédits à la consommation à l’exception du crédit immobilier, l’instauration du Crédit documentaire (Crédoc) comme seul mode de paiement des importations, une politique de restriction des importations ainsi que l’obligation de recourir à un partenaire algérien majoritaire pour lancer tout nouveau projet d’investissement. Un contexte déroutant pour les entrepreneurs qui sont enclins à rechercher la proximité avec le pouvoir dans le but d’obtenir des avantages spécifiques comme l’octroi de généreux crédits bancaires et l’accaparement d’actifs publics. Cette configuration laisse libre cours à la lutte concurrentielle pour la constitution de monopoles dans des secteurs-clés de l’économie comme le commerce et le transport. Les entrepreneurs, qui ont tiré profit de la politique distributive, renforcée depuis l’accession au pouvoir de Bouteflika, et bénéficié de soutiens politiques significatifs, se sont retrouvés en situation de monopole. Le contentieux entre le puissant industriel Ali Haddad (enraciné dans le réseau Bouteflika), accusé de parasiter les initiatives de Issad Rabrab en intervenant auprès de personnages-clefs au sein de l’establishment politique, et ce dernier accusant M. Haddad d’être la figure oligarchique du système présidentiel, illustre éloquemment la dynamique conflictuelle à l’œuvre entre hommes d’affaires. Issad Rebrab ayant lui-même constitué sa fortune à la faveur de ses liens de proximité avec le clans des généraux.

Une oligarchie divisée traduit en réalité l’absence de conscience de classe et de défense d’un projet commun. Ces acteurs économiques, qui ont consolidé des liens d’affaires avec certains réseaux du pouvoir, ne sont pas uniquement dans une logique de subordination, les réduisant au rôle d’une simple marionnette à la solde d’un clan. Les groupes au sein du pouvoir ont recours à ces businessmen pour conforter leur position. Ali Haddad, qui a fait fortune dans les travaux publics, est apparu comme le principal financeur de la campagne Bouteflika et son représentant au sein du patronat. Ces personnalités sont courtisées dans le cadre du financement des campagnes électorales ou pour remplir une fonction d’intermédiaire dans les relations avec les élites politiques et économiques à l’étranger. Les relations reposent donc sur une convergence mutuelle d’intérêts. Cercles de pouvoir et d’affaires demeurent très imbriqués dès lors que la relation ne fait pas peser d’incertitude sur les intérêts du pouvoir (logique concurrentielle entre clans). Le jeu d’influence des hommes d’affaires, à distance des décisions politiques stratégiques, n’entrave pas la toute-puissance économique de l’État. L’ascension fulgurante et la déchéance du milliardaire Rafik Kahlifa, condamné à la prison à perpétuité, éclairent la nécessité pour ces oligarques de rester dans les bonnes grâces du pouvoir. S’il y a bien une tentation de la caste des grands patrons d’investir le champ politique ou de l’influencer durablement, il revient au système politique algérien de les assimiler ou de les écarter. Une évolution structurelle, dans laquelle l’État resterait confiné dans un rôle régulateur, laissant le champ économique à l’initiative des investisseurs privés, semble encore bloquée.

http://www.lorientlejour.com/article/991006/les-nouveaux-oligarques-geants-economiques-et-nains-politiques.html




Humeurs – L’Affaire Amin Maalouf-Israël-24 enflamme le Liban par : Richard Labévière

Récemment l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, auteur de très nombreux romans dont « Les croisades vues par les Arabes », « Samarcande », « le périple de Baldassare », et membre de l’Académie française, était interviewé par la chaine de propagande sioniste i24. Cette interview a fait l’objet de très nombreuses réactions au Liban et dans le monde arabe. Dans ce texte, Richard Labévière revient sur ce qui justifie ces réactions et « salue la vigilance mémorielle et politique des Libanais ».

 

Le quotidien libanais Al-Akhbar du 7 juin publie en dernière page un éditorial au canon : Amin Maalouf, Léon l’Israélien ? D’autres médias, plusieurs revues littéraires et associations d’écrivains libanais sont également montés au créneau accusant à mots plus ou moins couverts l’écrivain libanais (membre de l’Académie française) de… trahison !

Humeurs

En effet, le 2 juin dernier Amin Maalouf était l’invité – en direct – de la chaîne de télévision israélienne I-24, répondant pendant 34 minutes aux questions d’ « une speakerine hystérique », selon les mots du grand quotidien. En effet, la présentatrice du magazine culturelle de la chaine communautaire semblait ne pas en revenir de ceinturer ainsi une telle prise de guerre : le seul écrivain arabe parmi les Immortels qui surveillent la langue française depuis que Richelieu leur en a confié la mission. C’est dire !

Pauvre Richelieu ! Aurait-il pu imaginer que son Académie soit à ce point submergée par le déshonneur, l’orwellisation de la pensée et de la morale. Alors que l’Académie française lui ouvrait ses portes, Georges Bernanos – le défenseur des Républicains espagnols qui s’opposera à Vichy et au fascisme – répondait : « quand je n’aurai plus qu’une paire de fesses pour penser, j’irai l’asseoir à l’Académie… » N’est pas Bernanos qui veut ! Mais pourquoi cette prestation lamentable de l’auteur des Croisades vues par les Arabes est-elle grave à ce point de déclencher une telle réaction ? Trois séries de raisons doivent être – ici – rappelées pour saluer la vigilance mémorielle et politique des Libanais qui ont été scandalisés par l’interview d’Amin Maalouf.

La première relève de la loi. Deux lois libanaises majeures cadrent les relations spécifiques avec Israël, à côté du code pénal qui, lui s’intéresse à l’ennemi en général. Il faut d’abord rappeler que la convention d’armistice du 23 mars 1949 n’avait ni force, ni valeur d’une reconnaissance de l’Etat d’Israël par le Liban. Ensuite, l’accord de paix du 17 mai 1983 (auquel Amin Maalouf a collaboré directement) a été annulé par la loi numéro 25/1987 du 15 juin 1987. Enfin, un deuxième texte législatif, baptisé « loi du boycott d’Israël », datant du 23 juin 1955, porte sur les matières civiles et commerciales. Les articles du code pénal DL-340 (1 mars 1943) – inscrits sous chapitre des « crimes commis contre la sécurité extérieure de l’Etat » -, traitent de la trahison, de l’espionnage et des liens illicites avec l’ennemi. Enfin, le droit qui émane de la convention de la Ligue arabe interdit les rencontre avec des Israéliens.

Deuxièmement : que l’auteur des Identités meurtrières prenne ainsi la liberté de passer outre les lois de son pays natal relève d’une responsabilité dont il aurait certainement à répondre un jour ou l’autre. Mais en parlant tous sourires (tellement mièvres) aux caméras d’une chaine proto-israélienne, il passe du plan juridique de l’indignité nationale à celui de l’anéantissement moral. En effet, comment accepter de parler à des gens qui font quotidiennement l’apologie d’une armée israélienne qui, en juillet 2006 encore, détruisait la quasi-totalité des infrastructures du Liban en tuant plus d’un millier de civils ?

Le troisième égarement de l’auteur de Léon l’Africain est, sans doute le plus consternant encore parce qu’il cède autant aux facilités de l’arrivisme le plus caricatural qu’à celles d’une trahison politique affichée. Al-Akhbar encore : « Amin Maalouf sacrifie ainsi son image d’écrivain aimé des Arabes qui étaient fiers de lui, le lisant avec plaisir et passion. Certains rêvent que les créateurs soient ainsi obligés de passer par la case Israël et recevoir l’onction de Bernard-Henri Lévy pour exister… Mais, c’est Amin Maalouf ! Que fait-il là devant cette caméra-là, comme un élève poli et docile subissant l’interrogatoire d’une speakerine israélienne ? Dans quel but ? » Boudiné dans son costume d’académicien trop serré, Maalouf n’a certainement plus de soucis de fin de mois, mais il doit faire acte d’une allégeance – immortelle elle-aussi – à ses pairs tels Jean d’Ormesson ou Marc Lambron, ainsi qu’à ceux des éditions Grasset, très pro-israéliennes, elles-aussi.

I-24 ou la voix de l’occupation israélienne et de la colonisation

S’est-il seulement demandé de quoi Israël-24 est le nom ? Lancée par un ancien rond de cuir de cabinet ministériel – Frank Melloul – parti de France-24 (avec les recettes de cuisine de ce média de l’audiovisuel public extérieur), Israël-24est une chaine de télévision spécialisée dans la communication complaisante de l’Etat d’Israël, du Likoud, de la colonisation, de l’occupation et de la répression quotidienne des territoires palestiniens occupés. Financée par le milliardaire franco-israélien Patrick Drahi (14 milliards selon Forbes) – qui a racheté SFR,L’Express et L’Expansion, entre autres -, Israël-24 s’est dernièrement illustrée par une série de licenciements abusifs pas très glorieux… Amin, vraiment renseigne-toi un peu pour savoir à qui tu parles ? Et concentre-toi sur ton travail d’écrivain trop négligé ces derniers temps. La littérature, parlons-en tout de même…

Le Rocher de Tanios lui est-il tombé sur la tête ? Amin Maalouf, qui se demande toujours s’il ne rêve pas, si c’est bien lui qui est assis dans le fauteuil 29, sous la coupole parmi les Immortels, vient de leur consacrer… un livre. Fallait-il vraiment être en panne d’inspiration et n’avoir jamais lu une ligne de Georges Bernanos ? Il paraît qu’à force de publicité grasset-touillette, le livre fait un tabac ! A voir… Le précédent – Les Désorientés – racontait les amours lycéennes un peu bébêtes d’adolescents beyrouthins pris au piège de la guerre civilo-régionale de 1975. On n’apprenait pas grand chose sur les adolescents, encore moins sur le Liban et la guerre civile, parce que le propos se voulait déjà consensuel : ni bons, ni méchants, mais que la guerre est vilaine et que la paix c’est bien mieux… Franchement, on est loin des Croisades vues par les Arabeset des Identités meurtrières. La reconnaissance sociale mérite certainement quelques concessions majeures, mais comme le laisse entendre Pierre Abi-Saab – le chef des pages culture d’AlAkhbar -, celles-ci ne font pas forcément de la bonne littérature !

Alors, un prochain livre peut-être sur le monde merveilleux des télévisions communautaires ? Celles qui veulent aussi la paix en glorifiant les faits d’armes des « armées de défense » contre des populations civiles… Adieu Amin ! On préfère t’abandonner à ton refuge de l’île de Ré, te laisser brasser de l’air avec ton épée d’Immortel en carton. Quand on songe que tu participes aussi à la révision du dictionnaire de la langue française, on est un peu mélancolique…

Richard Labévière